Responsabilité des conseillers financiers face aux obligations d’information et de conseil envers les investisseurs non avertis

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Responsabilité des conseillers financiers face aux obligations d’information et de conseil envers les investisseurs non avertis

L’Essentiel : Le 18 juillet 2017, Madame [H] [B] investit 40 000 euros dans 2 000 parts de la SAS BIO ASCENSION via la SASU CABINET ALAIN CLERC. En septembre 2020, la société est placée en redressement judiciaire, suivie d’une liquidation. Madame [H] [B] déclare sa créance le 6 novembre 2020 et, en mars 2022, assigne le CABINET ALAIN CLERC et MMA IARD pour obtenir réparation, affirmant avoir été trompée sur les risques des produits. Le tribunal conclut que les manquements reprochés ne sont pas prouvés, déboutant Madame [H] [B] de ses demandes et la condamnant à payer 3 000 euros à chaque défenderesse.

Contexte de l’Affaire

Le 18 juillet 2017, Madame [H] [B] a investi 40 000 euros dans 2 000 parts sociales de la SAS BIO ASCENSION (BIO C’BON SAS) via la SASU CABINET ALAIN CLERC, assurée par MMA IARD. Elle a également signé un pacte d’actionnaires et un avenant à ce pacte. En septembre 2020, la SAS BIO C’BON a été placée en redressement judiciaire, suivi d’une liquidation judiciaire en novembre 2020, avec un plan de cession des actifs au groupe CARREFOUR.

Déclaration de Créance

Le 6 novembre 2020, Madame [H] [B] a déclaré sa créance auprès du mandataire judiciaire. Par la suite, la société MARNE ET FINANCE a également été soumise à une procédure collective de redressement judiciaire en septembre 2022.

Action en Justice

En mars 2022, Madame [H] [B] a assigné la SASU CABINET ALAIN CLERC et la SA MMA IARD pour obtenir réparation des préjudices qu’elle estime avoir subis, affirmant avoir été trompée sur les caractéristiques et les risques des produits BIOC’BON. Une ordonnance du juge a déclaré l’action recevable.

Demandes de la Demanderesse

Dans ses conclusions, Madame [H] [B] demande des dommages et intérêts totalisant 42 095,28 euros, ainsi qu’une indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle se considère comme une investisseuse non professionnelle et non avertie.

Manquements Reprochés au Conseiller

Elle reproche au CABINET ALAIN CLERC d’avoir manqué à ses obligations de conseil, d’information et de mise en garde, en ne vérifiant pas la fiabilité du produit, en minimisant les risques, et en ne fournissant pas de documents nécessaires à une bonne compréhension de l’investissement.

Arguments de la Défense

Les défenderesses contestent les allégations de faute, affirmant que Madame [H] [B] était informée des risques et que le conseiller a agi conformément à ses obligations. Elles soutiennent que la demanderesse avait un profil d’investisseur averti et qu’elle avait signé plusieurs documents attestant de sa compréhension des risques.

Décision du Tribunal

Le tribunal a conclu que les manquements reprochés au CABINET ALAIN CLERC n’étaient pas démontrés et que sa responsabilité professionnelle n’était pas engagée. Madame [H] [B] a été déboutée de toutes ses demandes, y compris celle de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Conséquences Financières

En conséquence, Madame [H] [B] a été condamnée à payer 3 000 euros à chacune des défenderesses au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations du conseiller en investissements financiers (CIF) selon le Code monétaire et financier ?

Le Code monétaire et financier, notamment à travers l’article L541-8-1, impose des obligations strictes aux conseillers en investissements financiers. Cet article stipule que les conseillers doivent :

1° Se comporter avec loyauté et agir en équité au mieux des intérêts de leurs clients ;

2° Exercer leur activité dans les limites autorisées par leur statut, avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent au mieux des intérêts de leurs clients, afin de leur proposer une offre de services adaptée et proportionnée à leurs besoins et à leurs objectifs ;

3° Être dotés des ressources et procédures nécessaires pour mener à bien leurs activités et mettre en œuvre ces ressources et procédures avec un souci d’efficacité ;

4° S’enquérir auprès de leurs clients ou de leurs clients potentiels, avant de formuler un conseil, de leurs connaissances et de leur expérience en matière d’investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d’investissements, de manière à pouvoir leur recommander les opérations, instruments et services adaptés à leur situation.

5° Communiquer aux clients de manière appropriée, la nature juridique et l’étendue des éventuelles relations entretenues avec les établissements promoteurs de produits, ainsi que les informations utiles à la prise de décision par ces clients.

Ces obligations visent à garantir que le conseiller agit dans le meilleur intérêt de son client, en lui fournissant des informations claires et pertinentes sur les produits d’investissement proposés.

Quel est le cadre juridique de la responsabilité du conseiller en cas de manquement à ses obligations ?

La responsabilité du conseiller en investissements financiers est régie par l’article 1231-1 du Code civil, qui stipule que :

« Le débiteur d’une obligation contractuelle qui, du fait de l’inexécution de son engagement, cause un préjudice au créancier s’oblige à le réparer. »

Cela signifie que pour qu’un conseiller soit tenu responsable, il incombe à la partie lésée de prouver le manquement contractuel ainsi que le dommage qui en résulte.

En cas de manquement à l’obligation de conseil, le conseiller doit démontrer qu’il a respecté ses obligations d’information et de mise en garde. Si la preuve de la faute est établie, le conseiller peut être tenu de réparer le préjudice causé à son client.

Comment le tribunal évalue-t-il le préjudice subi par l’investisseur ?

Le tribunal évalue le préjudice en tenant compte de plusieurs éléments, notamment la perte de chance. La perte de chance est définie comme la possibilité non réalisée d’obtenir un bénéfice ou d’éviter un dommage.

Dans le cas présent, la demanderesse a soutenu qu’elle aurait évité d’investir dans le produit si elle avait été correctement informée. Le tribunal doit donc examiner si cette perte de chance est réelle et sérieuse, en se basant sur les éléments de preuve fournis par la demanderesse.

Il est également important de noter que le préjudice doit être certain et actuel. Cela signifie que la demanderesse doit prouver que le dommage est non seulement probable, mais qu’il a effectivement eu lieu et qu’il est quantifiable.

Quelles sont les implications de l’absence de documents justificatifs dans le cadre de la relation entre le conseiller et l’investisseur ?

L’absence de documents justificatifs, tels que les lettres de mission ou les questionnaires de connaissance client, peut affaiblir la position de l’investisseur. En effet, ces documents sont essentiels pour prouver que le conseiller a respecté ses obligations d’information et de conseil.

Cependant, le tribunal a souligné que l’absence de ces documents ne signifie pas nécessairement que l’investissement n’était pas adapté au profil de l’investisseur. Si l’investisseur a été en relation avec le conseiller pendant une période prolongée et a signé plusieurs documents attestant de sa connaissance des risques, cela peut suffire à établir que le conseiller a agi de manière appropriée.

En conséquence, même en l’absence de documents, le tribunal peut conclure que l’investisseur était suffisamment informé des risques associés à l’investissement.

Comment le tribunal interprète-t-il la notion d’investisseur averti par rapport à l’obligation de conseil ?

La notion d’investisseur averti est cruciale dans l’évaluation des obligations du conseiller. Un investisseur averti est généralement considéré comme ayant une meilleure compréhension des risques associés aux investissements.

Le tribunal a noté que la demanderesse, bien qu’elle se considère comme un investisseur non professionnel, avait une expérience antérieure avec des investissements similaires. Elle avait signé des documents reconnaissant les risques associés à ces investissements, ce qui indique qu’elle était consciente des enjeux.

Ainsi, le tribunal a conclu que le conseiller n’était pas tenu de fournir des informations détaillées sur des risques que l’investisseur averti aurait dû connaître. Cela allège la responsabilité du conseiller, car il n’est pas tenu de garantir la rentabilité des investissements ou de prévenir tous les risques.

En résumé, la qualification d’investisseur averti peut réduire les obligations du conseiller en matière de conseil et d’information, ce qui peut avoir un impact significatif sur l’issue d’un litige.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DU MANS

Première Chambre

Jugement du 21 Novembre 2024

N° RG 22/00747 – N° Portalis DB2N-W-B7G-HLML

DEMANDERESSE

Madame [H] [B]
née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 5] (69)
demeurant [Adresse 3]
représentée par Maître Philippe JULIEN, membre de la SELARL PDGB, avocat au Barreau de PARIS, avocat plaidant et par Maître Emmanuel BRUNEAU, avocat au Barreau du MANS, avocat postulant

DEFENDERESSES

S.A.S.U. CABINET ALAIN CLERC, prise en la personne de son représentant légal
immatriculée au RCS de BOURG EN BRESSE sous le n° B 424 955 029
dont le siège social est situé [Adresse 4]
représentée par Maître Philippe JULIEN, membre de la SELARL PDGB, avocat au Barreau de PARIS, avocat plaidant et par Maître Alain DUPUY, membre de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocat au Barreau du MANS, avocat postulant

S.A. MMA IARD, prise en la personne de son représentant légal
immatriculée au RCS du MANS sous le n°440 048 882
dont le siège social est situé [Adresse 1]
représentée par Maître Philippe JULIEN, membre de la SELARL PDGB, avocat au Barreau de PARIS, avocat plaidant et par Maître Alain DUPUY, membre de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocat au Barreau du MANS, avocat postulant

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS

PRÉSIDENT : Marie-Michèle BELLET, Vice-Présidente
ASSESSEURS : Emilie JOUSSELIN, Vice-Présidente
Amélie HERPIN, Juge

Marie-Michèle BELLET, juge rapporteur, a tenu seule l’audience conformément à l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et a rendu compte au Tribunal dans son délibéré

GREFFIER : Patricia BERNICOT

DEBATS

A l’audience publique du : 10 Septembre 2024
A l’issue de celle-ci, le Président a fait savoir aux parties que le jugement serait rendu le 21 Novembre 2024 par sa mise à disposition au greffe de la juridiction.

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DELIBERE

Madame BELLET, Vice-Présidente
Madame JOUSSELIN, Vice-Présidente
Mme HERPIN, Juge

copie exécutoire à Me Emmanuel BRUNEAU – 12, Maître Alain DUPUY de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS – 10 le

N° RG 22/00747 – N° Portalis DB2N-W-B7G-HLML

Jugement du 21 Novembre 2024

– prononcé publiquement par Madame BELLET, par sa mise à disposition au greffe
– en premier ressort
– contradictoire
– signé par le Président et Madame BERNICOT, Greffier greffière, à qui la minute du jugement a été remise.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le 18 juillet 2017, par l’intermédiaire de la SASU CABINET ALAIN CLERC assurée auprès des assurances MMA IARD, Madame [H] [B], souscrit à des produits financiers, soit 2 000 parts sociales au capital de la SAS BIO ASCENSION (BIO C’BON SAS) pour un montant total de 40 000,00 euros. Elle signe également un pacte d’actionnaires avec la SA BIO ASCENSION et un avenant audit pacte d’actionnaires.

Un jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 2 septembre 2020 place en redressement judiciaire la SAS BIO C’BON, holding, ainsi que les principales sociétés d’exploitation du groupe de distribution alimentaire. Puis, par un jugement du Tribunal de commerce de PARIS en date du 2 novembre 2020, la liquidation judiciaire des sociétés est prononcée, après établissement d’un plan de cession des actifs du groupe au profit du groupe CARREFOUR.

Le 6 novembre 2020, Madame [H] [B] déclare sa créance auprès du mandataire judiciaire en charge de la procédure collective.

La société MARNE ET FINANCE fait alors également l’objet d’une procédure collective de redressement judiciaire par jugement du 12 septembre 2022.

Par actes d’huissier en date des 10 et 14 mars 2022, Madame [H] [B] assigne la SASU CABINET ALAIN CLERC et la SA MMA IARD en vue d’obtenir la réparation des préjudices qu’elle estime avoir subis considérant avoir été trompée sur la nature, les caractéristiques et les risques associés aux produits BIOC’BON.

Une ordonnance du Juge de la mise en état en date du 14 septembre 2023 déclare la présente action recevable comme n’étant pas atteinte par le défaut de conciliation préalable.

Par conclusions “en réponse au fond”, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, Madame [H] [B] sollicite, avec un débouté des demandes de ses adversaires, que les défenderesses soient condamnées à lui payer solidairement:
*- à titre principal,
– la somme de 38 000,00 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation, à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice correspondant à la perte de chance de ne pas souscrire au produit financier BIOC’BON,
– la somme de 2 095,82 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice correspondant à la perte de chance de faire fructifier autrement le capital investi dans le produit BIOC’BON ci-dessus,
– la somme de 2 000,00 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation, à titre de de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
* – à titre subsidiaire,
– la somme de 42 095,28 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice correspondant à la perte de chance d’obtenir un remboursement par anticipation de la somme investie et des intérêts contractuels pour les titres BCBB,
* – en tout état de cause,
– la somme de 3 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– les dépens de l’instance.

La demanderesse fait valoir que :
– veuve et assistante de direction de direction, elle se considère comme un investisseur non professionnel et non averti,

N° RG 22/00747 – N° Portalis DB2N-W-B7G-HLML

* – sur les manquements réprochés au conseiller :
– le CABINET ALAIN CLERC qui aurait agi en tant que CIF au sens des articles L541-1 et suivants du code monétaire et financier (CMF) devait respecter les obligations liées à cette activité, et, plus particulièrement, l’article L541-8-1 du code monétaire et financier , dans son 1°, 2° 3° et 4° et 5° dans sa version en vigueur entre le 24 octobre 2010 et le 2 janvier 2018, et, il en serait de même des articles 325-5 et 325-7 du réglement général de l’AMFet, du code de bonne conduite,
– quant bien même l’obligation de conseil est une obligation de moyens, le conseiller aurait manqué à son obligation de conseil qui consisterait en une obligation d’informer le contractant sur l’opportunité de contracter, ainsi qu’à son obligation d’information et de mise en garde, en ce que :
– il n’aurait pas vérifié que le concepteur du produit et fondateur du concept BIOC’BON aurait été condamné pour banqueroute, voire ne se serait pas renseigné sur sa situation, et, donc n’aurait pas vérifié de la fiabilité du produit au regard de l’identité de son auteur, monsieur [N],
– il n’aurait pas vérifié le niveau du risque du produit et son adéquation au profil de l’investisseur, la demanderesse ne se souvenant pas avoir bénéficié de lettre de mission, de rapport de mission, de document d’entrée en relation, ni de questionnaire connaissance client,
– il ne serait pas assuré de l’adéquation du produit financier à la situation de l’investisseur, étant donné qu’il n’aurait procédé à aucune étude relative à sa sensibilité au risque,
– les documents de souscription n’auraient fait l’objet d’aucun commentaire,
– il aurait minimisé sciemment les risques encourus, en n’évoquant que des risques génériques,
– il n’aurait effectué aucune diligence destinée à vérifier la réalité et le niveau de risque des produits proposés et donc il n’aurait pas délivré une information suffisante à son client, et, il n’aurait pas attiré son attention sur les risques spécifiques encourus,
– il se serait contenté de relayer sans explication les documents promotionnels et les contrats de souscription alors que le bulletin de souscription ne ferait qu’évoquer des risques génériques envisageables dans n’importe quel investissement, et, que la plaquette de présentation et les documents contractuels auraient largement minimisé lesdits risques, sachant du reste que ladite plaquette de présentation serait trompeuse en ne retraçant que des éléments positifs,
– il aurait dissimulé le fait que l’investissement n’était intrinséquement pas rentable, notamment au regard de la politique de développement du groupe BCBB, et, il aurait demandé à son client d’investir en fonds propres dans une société sur la base d’une valorisation opaque et non justifiée,
– il n’aurait jamais communiqué d’informations fiables et documentées sur la capacité financière de BCBB, étant précisé que le niveau réel et global des engagements hors bilan n’aurait été rendu public pour la première fois qu’en juillet 2020, et, que les comptes annuels n’étaient pas publiés, étant précisé que les chiffres positifs présentés en défense relèveraient d’une analyse de Société.com qui utiliserait un algorythme avec une valeur très relative dans un contexte où les comptes consolidés ne sont pas pris en compte, et, où l’analyse est intervenue après dépôt de bilan de BCBB,
– il n’aurait jamais procédé à une analyse même sommaire de la trésorerie prévisionnelle de BIOC’BON et sa capacité à dégager du cash flow, et, il n’aurait pas plus procédé à une analyse sérieuse relative au marché sur lequel opérait le groupe BCBB, sachant qu’en 2018 une enquête de l’AMF a mis en garde des conseillers sur les conditions de commercialisation des produits, et, que le conseiller n’a pas alerté ses clients sur cette enquête.

– à titre subsidiaire, le conseiller n’aurait pas assuré le suivi de l’investissement litigieux, et, que malgré sommation de communiquer, il n’aurait pas fourni la convention-type d’apporteur d’affaires BCBB. En outre, il n’aurait pas conseillé la demanderesse de procéder à des remboursements anticipés, alors que dés novembre 2017, la presse se faisait écho d’un doute sur les placements dans le bio, et, que du reste dés août 2018, Marne et Finance suspendait la commercialisation de ses produits durant l’enquête AMF rendue en décembre 2018.

* sur le préjudice
– si elle avait avait été correctement renseignée, la requérante n’aurait pas investi dans le produit qui ne correspondait pas à son profil et qui n’aurait donc pas dû être conseillé,
et, dès lors, sa perte de chance serait réelle et sérieuse de ne pas souscrire aux produits BCBB qu’elle évalue à 95% du montant investi,
– de même, elle estime avoir perdu une chance de faire fructifier son patrimoine, dont le préjudice est calculé sur le rendement moyen dans un placement en assurance-vie dans des fonds en euros sur cinq ans,
– enfin, son préjudice serait certain et actuel dans la mesure où l’actif de la société devait servir prioritairement à régler les créances fiscales et sociales privilégiées, étant d’ailleurs observé que le repreneur Carrefour a indiqué qu’aucune enveloppe ne serait prévue pour les petits porteurs, et, qu’il faut en outre prendre en considération la durée et la complexité de la procédure collective BCBB. Elle indique que tout au plus quant bien même, elle bénéficierait d’un règlement partiel, les défendeurs se devaient alors de réclamer une pondération du montant de la perte de chance.

– le préjudice moral serait établi car la présente situation serait source de désarroi.
N° RG 22/00747 – N° Portalis DB2N-W-B7G-HLML

Par conclusions “en défense n°2″, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, la SASU CABINET ALAIN CLERC et la SA MMA IARD demandent au visa de l’article 1231-1 du code civil:
– à titre principal, qu’il soit jugé que la faute du cabinet ALAIN CLERC n’est pas démontrée, et que le préjudice indemnisable et le lien de causalité entre les fautes et les préjudices ne sont pas établis,
– que la demanderesse soit déboutée de ses demandes, et, soit condamnée à payer une somme de 5 000,00 euros, à chacune des défenderesses, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance.

Les défenderesses qui rappellent l’historique de BCBB de son succè initial de BCBB à la procédure de redressement judiciaire excipent du fait que :
* – sur le profil de l’investisseur, Madame [B] était en relation avec le conseiller qui a établi un dossier patrimonial le 7 juin 2002 dans lequel il était indiqué sa stratégie financière et ses objectifs et son patrimoine se montant à 547 525 euros avec un actif mobilisable de 245 000 euros.
Selon la défenderesse, la demanderesse a d’ailleurs souscrit dès 2002 dans des assurances vies et le 17 septembre 2008, elle signé un document d’entrée en relation, un questionnaire connaissance client, et, le 15 juin 2009, une lettre de mission, conformément à la législation en vigueur, et, enfin un mandat de recherche en juillet 2017. Dès lors, elle ne justifierait pas que son profil n’était pas adapté à sa souscription et qu’il n’a fait l’objet d’aucune étude préalable.

* – sur les fautes reprochées au conseiller, il n’est pas contesté que le conseiller a agi en tant que CIF et sa responsabilité est donc de nature contractuelle fondée sur l’article 1231-1 du code civil et à ce titre, la preuve de la faute contractuelle incomberait à la requérante.
Or, ledit conseiller est soumis à une obligation de moyens, dès lors qu’il existe une part d’aléa dans l’investissement et il n’était donc pas tenu de garantir ni la rentabilité du placement, ni la stratégie patrimoniale adoptée et son obligation est limitée dans le temps,
– ses manquements ne peuvent s’apprécier qu’au regard de l’état de ses connaissances du jour où il intervient, et, il existerait une absence d’obligation de recherche spécifique des fraudes,
– l’obligation de conseil et d’information s’apprécierait de manière distincte selon que l’investisseur est averti ou profane, sachant qu’il n’existerait aucune obligation légale ou contractuelle de suivi de l’investissement dans le temps, et, ladite obligation se limiterait à la souscription de l’investissement, et, enfin que le devoir d’information ne s’applique pas à ce qui est nécessairement connu de tous,
– le devoir de mise en garde dépend des connaissances et de l’expérience du souscripteur et s’efface lorsqu’il est un investisseur averti, étant précisé qu’en l’espèce, la souscription BCBB ne constitue pas une opération spéculative, et, en tout état de cause, la requérante était informée des risques de liquidité de perte en capital du produit (cf son bulletin de souscription et la plaquette de présentation du produit BCBB), et, lors de sa souscription, elle a reconnu avoir reçu toutes informations utiles,
– la demanderesse ne rapporterait pas la preuve des fautes commises, étant donné :
– qu’elle était informée des risques du produit BCBB qui étaient mentionnés dans le bulletin de souscription,
– que le risque du contexte alimentaire était connu de tous,
– que l’AMF n’a pas engagé de procédure de sanction contre Marne et Finance en 2018, sachant qu’en tout état de cause, l’enquête est postérieure à la souscription,

– sur l’information relative au mécanisme de BCBB, le souscripteur aurait disposé de toutes les informations pertinentes, ce qui serait reconnu dans le bulletin de souscription.
En effet, Madame [B] a reconnu avoir reçu toutes informations utiles sur le produit, être informé des risques du produit BCBB, notamment du risque de liquidité et du risque de perte en capital et des particularités du montage des produits BCBB.
De plus, le pacte d’actionnaires qu’elle a signé contenait un descriptif détaillé du fonctionnement du produit, et, elle savait parfaitement que les fonds étaient affectés à une société support. Aussi, il ne saurait être reproché au conseiller une dissimulation sur le fait que l’investissement n’était pas intrinséquement rentable.

– sur le défaut d’information relatif aux difficultés financières du groupe BCBB, le conseiller investi d’une obligation de moyens ne pouvait appréhender les risques exceptionnels, extérieurs totalement imprévisibles. Du reste, à l’époque de la souscription, les produits BIOC’BON jouissaient d’une réputation certaine et connaissaient une croissance exponentielle. Cette situation serait d’ailleurs confirmée par un rapport de janvier 2023 qui préciserait que la situation financière de la société était positive à cette date.
– en outre, sur le prétendu défaut d’information quant aux difficultés financières de BIOC’BON, lors de la souscription, le conseiller ne pouvait pas se douter que l’entreprise, si cela est exact, que le cash flow aurait finalement été utilisé à d’autres fins que le remplacement des actionnaires investisseurs.
– enfin, le CIF ne pouvait pas savoir que le groupe BCBB rencontrerait des difficultés, et, le conseiller n’est ni un expert comptable, ni un commissaire aux comptes et son rôle n’était pas d’établir un business plan,
– en dernier lieu, le conseiller n’est pas un professionnel du chiffre et n’a pas à procéder à des analyses financières, notamment s’enquérir de la disponibilité des comptes, et, il ne pouvait anticiper des difficultés financières qui allaient survenir,

– le conseiller ne saurait se voir reprocher un défaut d’information de la situation pénale du fondateur de BIOC’BON dès lors qu’il n’avait pas d’interdiction de gérer.

– sur le mode de rémunération du CIF, il n’est pas établi que le conseiller était rémunéré par le groupe MARNE ET FINANCE, sachant qu’en tout état de cause, si la convention d’apporteur d’affaires existait, elle ne serait pas applicable à la demanderesse-tiers au contrat. De plus, même un mode de rémunération élevé ne saurait laisser supposer l’existence d’une situation de dépendance du conseiller.

– il ne serait pas plus démontré qu’il avait une obligation de suivi de l’investissement et il ne serait pas justifié d’alléguer que le conseiller aurait dû inciter au rachat anticipé des titres.

* – sur le préjudice matériel, ce dernier ne serait ni actuel, et, ni certain dans la mesure où il ne serait pas défnitivement arrêté en raison d’une procédure collective en cours, et, compte tenu de la reprise des actifs par le groupe CARREFOUR France,
– en tout état de cause, il ne pourrait s’analyser qu’en une perte de chance qui serait nulle et qui ne correspondrait pas une perte de capital, mais dans celle de ne pas avoir réalisé l’investissement ou d’avoir pu le réaliser à des conditions différentes ou encore de mieux investir son capital.
– sur la perte de chance de faire fructifier le capital investi dans un produit d’assurance vie en fonds euros, la demanderesse ne l’a jamais souhaité, et, entre 2012 et 2020, il s’agissait d’un produit à rendement compris entre 1,28% et 2,91%,
*- le préjudice moral ne serait pas caractérisé et ne peut se déduire des seules difficultés financières consécutives aux pertes subies.

* – sur l’absence de lien de causalité entre la faute et le dommage, le conseiller n’est pas garant ni du succès, ni de la rentabilité du produit et ne peut être responsable des évolutions du marché ou des difficultés de gestion de la société BCBB, voire des erreurs de gestion postérieures à la souscription.
Les difficultés de la requérante à obtenir le remboursement de son investissement ne proviennent pas du conseiller, mais de la procédure collective ouverte à l’égard de BCBB liée à des éléments extérieurs à son intervention,

La clôture est prononcée par ordonnance du 11 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il sera fait remarquer aux parties que leurs conclusions reprenant des copies de paragraphes d’une abondante jurisprudence sont sans lien direct avec cette affaire.

Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de conseil, d’information et de mise en garde du conseiller

En l’espéce, il convient de noter que les défenderesses ne contestent pas que le CABINET ALAIN CLERC a agi en tant que conseiller- CIF/CGP. A ce propos, il sera rappelé que le conseiller se définit comme un professionnel dont l’activité consiste à “guider le client dans les choix de placement qui s’offrent à lui ainsi qu’à l’éclairer sur les conséquences juridiques et fiscales de ses choix.”

En cette qualité, le CIF/CGP était donc soumis aux obligations prévues par les articles 325-5 à 325-7 du règlement général de l’Autorité des Marchés Financiers (A.M.F.) ainsi que par l’article L541-8-1 du code monétaire et financier dans sa version applicable au litige lequel dispose que les conseillers en investissements financiers doivent en tant que “règles de bonne conduite”:
“1° Se comporter avec loyauté et agir en équité au mieux des intérêts de leurs clients;
2° Exercer leur activité dans les limites autorisées par leur statut, avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent au mieux des intérêts de leurs clients, afin de leur proposer une offre de services adaptée et proportionnée à leurs besoins et à leurs objectifs ;
3° Etre dotés des ressources et procédures nécessaires pour mener à bien leurs activités et mettre en oeuvre ces resssources et procédures avec un souci d’efficacité ;

4° S’enquérir auprès de leurs clients ou de leurs clients potentiels, avant de formuler un conseils mentionné au I de l’article L541-1, de leurs connaissances et de leur expérience en matiére d’investissement, ainsi que leur situation financière et des leurs objectifs d’investissements, de manière à pouvoir leur recommander les opérations, instruments et services adaptés à leur situation. Lorsque les clients ou les clients potentiels ne communiquent pas les informations requises, les conseillers en investissements financiers s’abstiennent de leur recommander les opérations, instruments et services en question;
5° Communiquer aux clients de manière appropriée, la nature juridique et l’étendue des éventuelles relations entretenues avec les établissements promoteurs de produits mentionnés au 1° de l’article L341-3, les informations utiles à la prise de décision par ces clients ainsi quecelles concernant les modalités de leur rémunération, notamment la tarification de leurs prestations.”

Il s’ensuit donc que le conseiller était tenu lors de la souscription de l’investissement à une obligation d’information, de mise en garde et de conseil envers son client, laquelle s’analyse en une obligation de moyens à son égard.

Or, selon l’article 1231-1 du code civil, le débiteur d’une obligation contractuelle qui du fait de l’inexécution de son engagement, cause un préjudice au créancier s’oblige à le réparer. Il revient au créancier qui réclame réparation de rapporter la preuve du manquement contractuel et du dommage en résultant.

Mais, celui qui est tenu légalement ou contractuellement d’une obligation particulière d’information et de conseil doit apporter la preuve de cette obligation.

Sur l’obligation de conseil et d’information et de mise en garde du conseiller

Au titre de l’obligation de conseil et d’information, le conseiller doit proposer à l’investisseur des produits adaptés à sa situation et en adéquation avec son souhait. Il doit également satisfaire à son obligation de mise en garde selon son profil d’investisseur.

– Sur le profil de la demanderesse, il n’est pas contesté que cette dernière connaissait le conseiller et les documents versés en défense démontrent que cette relation contractuelle existait depuis 2002. Elle a d’ailleurs régulièrement bénéficié d’un dossier patrimonial en juin 2002. Dans ce document, était indiqué la composition de son actif et passif, la répartition de son patrimoine, la synthèse exposant qu’elle disposait de 263 103 euros de liquidités. A cette occasion, elle a investi dans plusieurs assurances-vie.
En 2008, elle a ensuite signé un document d’entrée en relation et un questionnaire connaissance client dans lequel elle exposait avoir réalisé des placements avec les services d’un conseiller financier, avoir subi une perte de placement financier comprise entre 0 et 15% et qu’une perte importante pour elle était de plus de 15% et “que cela serait dommage mais elle savait que cela pouvait arriver” que de se trouver confrontée à une chute importante de valeur de son investissement, et, qu’enfin elle acceptait de prendre un minimum de risques pour améliorer la rentabilité de ses placements. En 2009, le conseiller lui propose alors un suivi patrimonial actualisé et d’évaluation de sa politique de placement annuel ainsi que l’examen de son exposition au risque.

Enfin, dans le cadre de cette relation avec le CIF, le 20 juin 2017, la requérante signe un mandat de recherche dans lequel elle demande de lui trouver une solution n’ayant notamment pas le caractère d’offre au public, ayant comme sous jacent de l’immobilier commercial, ainsi qu’une solution présentant une taux de rendement supérieur à 5%.

De ces documents, il apparaît que le conseiller a pris en compte le profil et les attentes de sa cliente au fil du temps et aucune pièce ne vient démontrer que tel n’était pas le cas. Du reste, la demanderesse a souscrit à l’investissement litigieux sans présenter de remarque particulière, et, il semble peu vraisemblable qu’elle ait signé le contrat litigieux sans s’enquérir de ses caractéristiques.

Il s’ensuit que quant bien même, Madame [B] se considère comme un investisseur profane, elle n’ignorait cependant pas l’existence de ces placements “à risques”, la notion de risque étant évoqué à plusieurs reprises dans les documents qu’elle a signés depuis 2002.

A ce propos, il sera d’ailleurs rappelé que le fait de s’adresser à un CIF/CGP démontre en soi que l’investisseur cherche des investissements “non traditionnels”, et, à tout le moins des solutions de placements inédites.

Aussi, la requérante, même en se considérant comme investisseur non averti, savait donc dès l’origine qu’il allait se trouver face à des propositions moins sécuritaires que les placements habituels.

Il sera donc admis que l’investissement était compatible avec le profil du souscripteur, étant précisé que l’absence de prétendus documents manquants dont Madame [B] indique opportunément ne pas se souvenir en avoir été bénéficiaire ne signifie pas que tel n’était pas le cas.

De plus, il lui sera fait remarquer que les éléments formels annoncés manquants privent le conseiller des écrits sur son travail, mais n’établissent pas que l’investissement conseillé ne se trouvait pas en adéquation avec le profil de l’investisseur, d’autant que ceux-ci ont été développés dès 2002.

Quant au reproche selon lequel le conseiller aurait manqué à ses obligations professionnelles déontologiques, il convient de préciser que ceux-ci relèvent de sanctions éventuelles de l’AMF, mais ne suffisent pas pour présumer sa responsabilité dans le cadre d’une action civile en responsabilité.

Il sera donc retenu que dès son engagement contractuel, l’investisseur averti ou non était informé que son investissement ne consistait pas en un simple contrat de placements, et, qu’il perdait une chance d’investir dans un autre contrat de ce type et que la demanderesse a investi en toute connaissance de cause et avait donc conscience du risque que comportait son engagement.

Il sera d’ailleurs rappelé que lors de la souscription de l’investissement BIOC’BON, l’investisseur a déclaré être informé du risque de liquidité et du risque de perte en capital, sachant qu’une telle information ne nécessite pas une formation financière pour appréhender ces risques.

De plus, sur la plaquette de présentation versée en demande, cette dernière se termine par un encadré sur les risques encourus de liquidité, de perte en capital, de défaillance de BIOC’BON et un § est consacré aux risques inhérents à la vie économique.

Ainsi, il ne pouvait d’ailleurs pas échapper à un non professionnel que son investissement reposait dans la promesse de rachat par une société qui comme toute société pouvait rencontrer des difficultés financières.

Il ne pouvait pas plus échapper à un non professionnel normalement informé, sans qu’il ne soit un investisseur averti, que le présent contrat portait sur un investissement financier dont le degré de risque est susceptible de varier en fonction de la nature des supports et de l’évolution de certains marchés, d’autant qu’il s’agissait d’un investissement réalisé portant sur des opérations qui se caractérisaient par une nouveauté et une originalité tant juridique que matérielle.

Ainsi, il sera retenu que dès son engagement, Madame [B] n’ignorait pas ce à quoi elle s’exposait, et, du reste, elle ne détaille pas en quoi consistait le risque minimisé qu’elle invoque.

– Quant aux caractéristiques du produit BC’BB, au regard de l’obligation d’information et de mise en garde du conseiller, outre l’information sur le risque évoqué plus haut, il sera retenu queMadame [B] a confirmé sur le bulletin de souscription, reconnaître avoir reçu les documents utiles décrivant BCBB rendement 2 pour éclairer sa souscription et avoir pris connaissance des conditions de consultation des actionnaires de la société, des modalités de souscription (développées sur deux paragraphes- évoquant notamment la prime d’émission).

Ce document démontre que toutes informations utiles ont été délivrées au souscripteur qui a donc investi en toute connaissance de cause et qui avait donc conscience que son engagement ne consistait pas en un simple contrat de placement et, qu’il perdait une chance d’investir dans un autre contrat de ce type.

Au surplus, il sera pris en considération le fait que l’investisseur a signé le Pacte d’actionnaires et l’avenant de renonciation au rachat annuel, et, il verse à la procédure les statuts de la société dans laquelle il a souscrit, ce qui confirme qu’il avait connaissance des engagements qu’il prenait.

Enfin, concernant le pacte d’actionnaire, et, les statuts des sociétés, il sera retenu que ces documents qui comportent une terminologie compréhensible et non ambigüe permettaient à la demanderesse, par une simple lecture attentive, de considérer si elle se trouvait suffisamment éclairée pour s’engager et réclamer alors toutes explications utiles, sachant que connaissant son conseiller depuis des années, elle se trouvait en capacité de procéder de la sorte.

S’agissant de la renonciation des actionnaires à percevoir 80% du boni de liquidation, laquelle est également mentionnée dans les documents qui lui ont été remis, le souscripteur n’explique pas l’intérêt qu’il présentait lors de l’investissement, sachant qu’en tout état de cause, il pouvait toujours s’enquérir toute explication utile à ce sujet.

– Sur les mécanismes de l’investissement, la plaquette de présentation du produit versée par la demanderesse, dont il sera noté qu’un des modèles n’a pas fait l’objet d’une sanction de l’AMF en 2018, mais d’un avertissement en direction des conseillers, explique le principe et le mécanisme de l’investissement.

Ladite plaquette précise en outre que la société dans laquelle l’investissement est réalisé dans le cadre où la société mère reste l’actionnaire majoritaire. De même, sur sa dernière page, elle présente un schéma organisationnel et elle fait état de l’existence d’un sous jacent.

Le Pacte d’actionnaires, quant à lui, stipule au § 2 que “les actionnaires investisseurs participent à la détermination des activités de la Société support opérationnelle” et que la véritable plus value se réalisait au terme des cinq ans lors de la sortie de la société. Aussi, la requérante était avisée des caractéristiques de sa souscription dans un contexte où il n’est pas établi qu’elle recherchait à percevoir une distribution des dividendes.

Il sera donc retenu que l’investisseur ne démontre pas quelle information lui a manqué alors qu’elle a reçu toutes informations et mises en garde utiles.

– En outre, il sera rappelé que le conseiller est astreint à une obligation de moyens dès lors qu’il existe une part d’aléa, et, il n’est pas tenu de garantir à long terme la rentabilité du placement, ni de prémunir contre tout aléa financier.

De plus, il n’est pas investi d’une mission d’expert comptable ou de commissaire aux comptes, ou, de préparation d’un business plan, étant précisé que le dommage invoqué ne consiste pas en la perte du capital qui constitue un risque inhérent aux opérations d’investissements financiers, mais dans la perte d’une chance de contracter ou ne pas contracter dans des conditions plus avantageuses.

S’agissant de la non publication des comptes de gestion de MARNE ET FINANCES, il sera relevé que les motifs peuvent en être divers, et, il ne peut donc être présumé qu’il s’agissait du motif indiqué par la requérante des années après la souscription. Au surplus, sur la non publication des comptes de la société dans laquelle le demandeur investissait, cette situation était logique dans la mesure où elle se trouvait en cours de constitution.

– Il sera également retenu que les fautes reprochées ne s’apprécient qu’à la conclusion des contrats et en fonction des éléments connus à l’époque par le conseiller.

A cet égard, le rapport de l’AMF postérieur à la souscription ne pouvait donc être anticipé par le conseiller. Il en est de même des divers articles de journaux dont il n’est pas établi que le CIF/CGP avait connaissance, ainsi que des causes du redressement judiciaire d’une société existant depuis 2008, avec une réputation positive et en pleine expansion internationnale, étant observé que le concept devait vraisemblablement disposer d’une certaine attractivité puisque Carrefour a racheté les actifs.

Enfin, alors que la demanderesse n’établit pas que le conseiller était débiteur d’une obligation de suivi à son bénéfice,et, que cet élément rentrait dans le champ des discussions contractuelles, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir attiré son attention sur l’opportunité de procéder à des remboursements anticipés, d’autant qu’aucun élément du dossier ne vient déterminer qu’il s’agissait de la solution à adopter et à quelle date il fallait procéder de la sorte, et, sachant au surplus que l’investisseur avait renoncé à un rachat annuel.

D’ailleurs, elle se contredit en faisant allusion à une telle proposition. En effet, cela signifie qu’il considérait que la nature de l’investissement présentait de réelles possibilités, et, qu’il avait été conseillé à bon escient par le CIF, contrairement à ce qu’elle allégue plus de cinq ans après la souscription.

– Au surplus, il sera rappelé que les difficultés de l’investisseur à obtenir le remboursement de son investissement ne proviennent pas du conseiller mais de la procédure collective ouverte à l’égard de BCBB, qui constitue des éléments extérieurs à son intervention (erreurs de gestion, accroissement de la concurrence, perturbations sociales ) et qu’il ne pouvait anticiper.

De plus, le fait que le dirigeant Monsieur [N] ait été antérieurement condamné ne peut autoriser à présumer à priori d’un risque de fraude et de non fiabilité du produit BIOC’BON.

– En dernier lieu, il sera fait remarquer à Madame [B] que s’il n’est pas mentionné de rémunération du conseiller-CIF/CGP, elle devait bien se douter que ne travaillant pas gratuitement, ce dernier allait en percevoir une de la part du groupe MARNE ET FINANCE. Elle disposait d’ailleurs tout loisir de lui poser la question, étant précisé qu’au vu de la relation contractuelle existant avec le CIF depuis plus de quinze ans, ce dernier n’avait aucun intérêt à présenter un placement hasardeux, et, ce, à son seul profit.

Dès lors, ce manquement lié à un défaut d’information sur la rémunération du conseiller reproché en demande ne saurait prospérer, sachant qu’en tout état de cause, il est sans influence sur les fautes reprochées au conseiller sur le produit BCBB, et, il n’est pas établi ni que le montant aurait eu une influence sur la décision du souscripteur, ni qu’il crée une situation de dépendance avec le groupe , et, ce, quant bien même il pourrait être considéré comme élevé.

En conséquence, il sera admis que les manquements du CABINET ALAIN CLERC à ses obligations de conseil, d’information et de mise en garde ne sont pas démontrés, et, que sa responsabilité professionnelle n’est pas engagée, et, dès lors, Madame [B] sera déboutée de l’ensemble de ses demandes tant à l’encontre du conseiller que de son assureur.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre d’un préjudice moral

La demanderesse, succombant à l’action, ne démontre pas l’existence d’un préjudice moral qui n’est ni étayé, ni caractérisé.

Elle sera donc déboutée de cette demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Madame [B], succombant à l’action, sera tenue aux dépens de l’instance, et, en équité sera condamnée à payer une indemnité de 3 000,00 euros à chacune des défenderesses au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Madame [B] sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe par jugement contradictoire et en premier ressort,

DEBOUTE Madame [H] [B] de l’ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE Madame [H] [B] à payer à la SA MMA IARD et la société MS CONSEILS une somme de 3 000,00 euros, à chacune des défenderesses, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [H] [B] aux dépens de l’instance ;

La Greffière La Présidente


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