Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris
Thématique : Atteinte à la vie privée et au droit à l’image : l’affaire Yannick Noah
→ RésuméContexte de l’affaire[C] [N], docteure en nutrition et compagne de [Z] [D], ancien joueur de tennis et chanteur, a assigné la société PUBLIC PUBLISHING suite à la publication d’un article dans le magazine Public, daté du 31 octobre 2024. Elle estime que cet article porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et à son droit à l’image. Demandes de la demanderesseDans son assignation, [C] [N] demande au juge des référés de condamner PUBLIC PUBLISHING à lui verser 12.000 euros en réparation du préjudice subi, ainsi que 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle souhaite également que la décision soit exécutée provisoirement. Réponse de la société défenderessePUBLIC PUBLISHING a contesté les demandes de [C] [N], arguant que l’article ne portait pas atteinte à sa vie privée, car [Z] [D] avait lui-même annoncé la naissance de leur enfant sur les réseaux sociaux. La société a également demandé à ce que [C] [N] soit déboutée de toutes ses demandes et a proposé un euro symbolique comme évaluation du préjudice. Arguments des partiesLa demanderesse soutient que la publication de sa sortie de maternité et des photographies volées constitue une violation de son intimité, tandis que la défenderesse affirme que l’article se limite à des informations d’intérêt public et que les photos ont été prises dans un espace public. Décision du jugeLe juge a reconnu que la publication de détails sur la sortie de maternité de [C] [N] et les photographies prises à son insu portaient atteinte à son droit à la vie privée et à son droit à l’image. Il a donc décidé d’accorder à [C] [N] une provision de 7.000 euros pour le préjudice moral subi. Autres condamnationsEn plus de la provision, PUBLIC PUBLISHING a été condamnée à verser 1.500 euros à [C] [N] en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de la procédure. L’exécution provisoire de la décision a été ordonnée. |
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
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N° RG 24/57871 – N° Portalis 352J-W-B7I-C6IMM
N° : 1/MM
Assignation du :
15 Novembre 2024
[1]
[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 08 janvier 2025
par Anne-Sophie SIRINELLI, Vice-président au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier.
DEMANDERESSE
Madame [C] [F] [N]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Maître Emilie SUDRE de la SELARL CABINET NOUVELLES, avocats au barreau de PARIS – #P0012
DEFENDERESSE
S.A.S. PUBLIC PUBLISHING
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Patrick SERGEANT, avocat au barreau de PARIS – #B1178
DÉBATS
A l’audience du 27 Novembre 2024, tenue publiquement, présidée par Anne-Sophie SIRINELLI, Vice-président, assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier,
Nous, Président,
Après avoir entendu les conseils des parties,
Vu l’assignation délivrée le 15 novembre 2024 à la société PUBLIC PUBLISHING à la requête de [C] [F] [N] (ci-après, “[C] [N]”) laquelle, estimant qu’il a été porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée et à son droit à l’image dans un article publié dans l’édition n°1112 du 31 octobre 2024 du magazine Public, demande au juge des référés, au visa de l’article 9 du code civil, de l’article 835 du code de procédure civile et de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme :
– de condamner la société PUBLIC PUBLISHING à lui verser la somme de 12.000 euros à titre de provision sur dommages et intérêts du fait de la violation de sa vie privée et de son droit à l’image
– de condamner la société PUBLIC PUBLISHING à lui verser la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens
– de constater l’exécution provisoire de la décision
Vu les conclusions en défense de la société PUBLIC PUBLISHING, communiquées le 25 novembre 2024 par voie électronique et déposées à l’audience du 27 novembre 2024, dans lesquelles celle-ci demande au juge des référés, au visa des articles 9 du code civil et 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme :
– de débouter [C] [N] de toutes ses demandes, fins et conclusions
– subsidiairement, de dire et juger que le préjudice subi par la demanderesse est évalué à la somme d’un euro symbolique
– En tout état de cause, de la condamner à verser à la société PUBLIC PUBLISHING la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’en tous frais et dépens
Vu les conclusions en réponse de la demanderesse, communiquées par voie électronique le 26 novembre 2024 et déposées à l’audience du 27 novembre 2024, répondant à l’argumentation adverse et reprenant ses demandes initiales
A l’audience du 27 novembre 2024, les parties ont oralement soutenu leurs écritures et il leur a été indiqué que la décision, mise en délibéré, serait rendue le 8 janvier 2025.
A cette date, la présente décision a été rendue :
Sur la publication et son contexte
[C] [N], docteure en nutrition, est la compagne de [Z] [D], connu du grand public en qualité d’ancien joueur de tennis professionnel et chanteur.
Le 31 octobre 2024 le magazine Public, édité par la société PUBLIC PUBLISHING, leur a consacré un article.
Ce dernier est annoncé dès la page de couverture du magazine, par le titre « [Z] [D] Un jeune papa aux anges » reproduit en lettres roses et jaune sur un cliché occupant la moitié gauche de la page montrant [Z] [D] portant un cosy dont l’occupant n’est pas visible ainsi que des clés de voiture, [C] [N] se trouvant à ses côtés, porteuse d’un pantalon noir, d’un Tshirt noir et blanc, son ventre encore arrondi. Un sous-titre précise « A 64 ans, il savoure les joies de la paternité pour la sixième fois grâce à [C]… ». Deux encadrés précisent « Photos exclu » et « [Localité 4] Le 26/10/2024 ».
Le corps de l’article, intitulé « [Z] [D] Papa bonheur », est développé dans les pages 8 et 9 du magazine dans la section « La Cover », le sous-titre « à 64 ans, le chanteur, déjà père de cinq enfants, savoure avec sa compagne [C] l’arrivée de leur petite puce. La saga familia continue » étant reproduit sur un cliché qui constitue l’intégralité de la page 8, montrant [Z] [D] seul, portant le cosy, un sac et des clés de voiture.
L’article débute ainsi : « Ce samedi 26 octobre, un couple sort d’une maternité du [Localité 4]. La jeune maman est radieuse, simplement vêtue d’un jogging et d’une petite veste à capuche. Elle couve du regard le siège auto dans lequel se trouve sa nouveau-né. Son compagnon, lui, a les bras chargés, entre bébé d’un côté, un sac sur l’épaule et la clé de la voiture dans la main », précisant que [Z] [D] a l’air « heureux, mais affiche déjà des traits un peu tirés », commentant qu’il n’est pas simple de « replonger dans les couches » à 64 ans. Il est alors rappelé qu’il est déjà père de 5 enfants âgés de 20 à 39 ans : « alors une petite sixième, ça ne peut être que du bonheur pour ce grand amoureux de la famille ».
Sont alors évoqués son annonce de sa paternité future le 27 août 2024 sur RTL ainsi que ses déclarations en mai 2022 dans le magazine Gala où il indiquait en avoir terminé avec la paternité : « il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis et il prouve une nouvelle fois qu’il n’en est pas un, tout ça grâce à [C]. Malgré leurs trente-deux ans d’écart, la jeune femme a chamboulé son quotidien et ses perspectives… pour le meilleur ! L’avenir se trouve donc désormais là, dans ses bras ».
L’article indique ensuite que [Z] [D] a annoncé lui-même la naissance de sa fille dans une story partagée avec ses 168 000 followers sur Instagram le 22 octobre 2024, dans une photographie où il « prenait la pose à côté de sa chérie », allongée sur son lit à la maternité « avec leur petite merveille posée sur elle », le cliché étant accompagné de cœurs rouges avec la chanson « love love love » pour légende : « difficile de faire plus tendre ».
Il communique également au lecteur le prénom et le poids de la petite fille, qui apparaissent à l’arrière-plan du cliché, et ajoute : « selon nos informations, elle serait née le lundi 21 octobre, à 17h50, quelques heures seulement après l’arrivée de [C] à la maternité. La veille encore, celle-ci était aperçue en train de faire des courses dans un grand magasin de décoration. Il n’y a d’ailleurs qu’à voir la ligne et la beauté qu’elle affichait à sa sortie d la maternité ce matin du 26 octobre, soit moins de cinq jours après avoir donné la vie pour la première fois, pour comprendre que c’est son énergie qui a fait fondre [Z]. Et visiblement, cette fille d’un haut diplomate africain, qui travaille dans le domaine médical, n’a pas séduit que le papa dans le clan [D] ! ».
Sont alors évoqués le plus jeune fils de [Z] [D], qui a publié une photographie sur Instagram dans laquelle il tient sa soeur dans les bras, se trois premières filles, qui seront peut-être« les prochaines à venir l’embrasser » et enfin son fils aîné, [U], devra attendre puisqu’il allait lui aussi être père sous peu : « Décidément, en ce moment, y’a d’la joie chez les [D] ! ».
L’article est illustré de trois photographies représentant la demanderesse :
– deux d’entre elles se situent en haut de la page 9, jouxtant une troisième qui représente [Z] [D] seul. Ces trois clichés, pris dans un temps très court, montrent le couple se diriger vers leur voiture, [Z] [D] portant en main le cosy, puis le plaçant à l’arrière de la voiture, [C] [N] regardant son compagnon. Les légendes indiquent : « [C] et [Z] ont trouvé la clé de leur nouvelle vie et elle s’appelle [G] » et « un vrai porte-bonheur ce [Z] ».
– une troisième photographie, publiée dans un encadré en page 8, correspond à la story publiée par [Z] [D] sur Instagram, et représente [C] [N] dans son lit à la maternité, avec sur elle le bébé dont le visage est masqué, et [Z] [D] à ses côtés, des cœurs rouges entourant l’image.
Enfin, un dernier clichés, représentant le fils de [Z] [D] avec le nouveau-né, est reproduit en bas de la page 9, correspondant à sa publication sur Instagram évoquée ci-dessus.
C’est dans ces circonstances qu’est intervenue la présente assignation.
Sur les atteintes alléguées
La demanderesse fait valoir que la publication incriminée porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée en ce quelle a rendu publique sa sortie de la maternité avec son nouveau-né, moment d’intimité qu’elle ne souhaitait pas partager, la publication de photographies volées portant en outre atteinte à son droit à l’image, sans que ces diffusions ne soient justifiées par un débat d’intérêt général ni par un sujet d’actualité. Elle déplore également la diffusion d’information sur son délai d’accouchement et ses activités la veille de celui-ci.
La société défenderesse soutient qu’elle pouvait légitimement rendre compte de cette naissance dès lors que [Z] [D] l’avait lui-même annoncée par la publication d’une photographie représentant le couple et l’enfant à la maternité, et que pour le reste, l’article se borne à faire état de sa sortie de maternité, évènement classique et attendu sans révéler aucun détail intime, les photographie ayant en outre été captées dans l’espace public et [C] [N] ne pouvant, au regard de la très grande notoriété de son compagnon, se prévaloir d’une espérance légitime se croire à l’abri des médias.
Sur ce, il sera rappelé qu’il résulte de l’article 835 du code de procédure civile que le juge des référés peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Conformément à l’article 9 du code civil et à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, toute personne, quelle que soit sa notoriété, a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même ce qui peut être divulgué par voie de presse. De même, elle dispose sur son image, attribut de sa personnalité, et sur l’utilisation qui en est faite d’un droit exclusif, qui lui permet de s’opposer à sa diffusion sans son autorisation.
Ces droits doivent se concilier avec le droit à la liberté d’expression, consacré par l’article 10 de la même convention. Ils peuvent céder devant la liberté d’informer, par le texte et par la représentation iconographique, sur tout ce qui entre dans le champ de l’intérêt légitime du public, certains événements d’actualité ou sujets d’intérêt général pouvant justifier une publication en raison du droit du public à l’information et du principe de la liberté d’expression, ladite publication étant appréciée dans son ensemble et au regard du contexte dans lequel elle s’inscrit.
Le droit à l’information du public s’agissant des personnes publiques, s’étend ainsi d’une part aux éléments relevant de la vie officielle, d’autre part aux informations et images volontairement livrées par les intéressés ou que justifie une actualité ou un débat d’intérêt général. A l’inverse, les personnes peuvent s’opposer à la divulgation d’informations ou d’images ne relevant pas de leur vie professionnelle ou de leurs activités officielles et fixer les limites de ce qui peut être publié ou non sur leur vie privée, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir.
En l’espèce, si la révélation de la naissance de la fille de [C] [N], relevant de l’état civil et rendue publique par [Z] [D], ne porte pas atteinte à son droit au respect de la vie privée, il n’en va pas de même du récit de sa sortie de la maternité, dont sont précisés tant le lieu – le [Localité 4] – que la date – le 26 octobre 2024, l’article glosant sur son état d’esprit et la forme dans laquelle elle se trouve (« la femme est radieuse », « elle couve du regard le siège auto », « il n’y a qu’à voir sa ligne et la beauté qu’elle affichait à la sortie de la maternité (…) pour comprendre que c’est son énergie qui a fait fondre [Z] »).
Ces premiers instants hors de la maternité se situent au coeur de l’intimité de la vie privée de la demanderesse, de la même manière que les informations délivrées sur la durée de son accouchement, celle de son séjour à la maternité ainsi que ses activités de loisir la veille de celui-ci, qui ne ressortent pas de seq activités professionnelles.
La circonstance que son compagnon ait annoncé la naissance de leur fille en publiant une photographie sur laquelle ils apparaissent tous les trois à la maternité, qui ne révèle rien d’autre que sa naissance sans donner de précision sur le déroulement de l’accouchement, n’a pas eu pour effet de rendre notoires les informations listées ci-dessus, dont la diffusion, non justifiée par un débat d’intérêt général ni par un sujet d’actualité, porte atteinte au droit de [C] [N] au respect de sa vie privée.
Cette atteinte est prolongée par la publication de trois clichés de la demanderesse au moment où elle rejoignait sa voiture avec son enfant, manifestement pris à son insu, dont la diffusion qui n’est là encore justifiée ni par un débat d’intérêt général, ni par un sujet d’actualité, porte atteinte à son droit à l’image dès lors qu’elle ne l’a pas autorisée.
Les atteintes sont ainsi constituées avec l’évidence requise en référé, de sorte qu’il convient d’apprécier les mesures sollicitées par [C] [N].
Sur les mesures sollicitées
[C] [N] fait valoir l’importance de son préjudice, lequel découle de l’intrusion de la publication dans un moment d’intimité, sous promesse d’exclusivité, par le truchement de clichés volés, dans un article annoncé dès la page de couverture dans un magazine à forte diffusion. Elle souligne en outre que le préjudice moral découle également de la surveillance dont elle a fait l’objet avant son accouchement, ayant conduit le couple à publier un cliché de leur enfant afin d’éviter que des photographies ne soient volées. Elle souligne sa discrétion dans les médias, y compris au sujet de sa grossesse.
La société défenderesse conteste l’importance du préjudice, relevant que l’article est bienveillant, centré sur [Z] [D] et reprenant l’annonce qu’il avait lui-même faite sur Instagram de la naissance de sa fille quelques jours plus tôt, et qui avait été largement reprise dans la presse, ce qui avait nécessairement suscité la curiosité du public. En outre, elle souligne que la grossesse de la demanderesse était déjà connue, [Z] [D] l’ayant lui-même évoquée en amont,que les clichés ont été réalisés dans un laps de temps court, dans l’espace public, représentant une scène banale et ne faisant pas apparaître [C] [N] sous un jour dévalorisant, et que cette dernière avait pris le risque de s’afficher auprès de son compagnon sur les réseaux sociaux et lors d’évènements publics. Enfin, elle indique qu’aucun élément ne permet une appréciation in concreto du préjudice.
Si la seule constatation de l’atteinte au respect à la vie privée et au droit à l’image par voie de presse ouvre droit à réparation, le préjudice étant inhérent à ces atteintes, il appartient toutefois au demandeur de justifier de l’étendue du dommage allégué l’évaluation du préjudice est appréciée de manière concrète, au jour où le juge statue, compte tenu de la nature des atteintes, ainsi que des éléments invoqués et établis.
L’atteinte au respect dû à la vie privée et l’atteinte au droit à l’image constituent des sources de préjudice distinctes, pouvant ouvrir droit à des réparations différenciées à condition qu’elles soient dissociables.
S’agissant de l’atteinte à la vie privée, l’allocation de dommages et intérêts ne se mesure pas à la gravité de la faute commise, ni au chiffre d’affaires réalisé par l’éditeur de l’organe de presse en cause cependant, la répétition des atteintes, comme l’étendue de la divulgation et l’importance du lectorat de ce magazine à fort tirage, sont de nature à accroître le préjudice.
En outre, l’utilisation de l’image d’une personne sans autorisation est de nature à provoquer chez son titulaire un dommage moral, la seule constatation de l’atteinte à ce droit par voie de presse ouvrant droit à réparation. Le demandeur doit toutefois justifier de l’étendue du dommage allégué, le préjudice étant apprécié concrètement, au jour où le juge statue, compte tenu de la nature des atteintes et des éléments versés aux débats.
Enfin, en application de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés ne peut accorder une provision au créancier que dans les cas où l’obligation n’est pas sérieusement contestable faute de contestation sérieuse des atteintes alléguées, il appartient au juge des référés de fixer à quelle hauteur l’obligation de réparer n’est pas sérieusement contestable.
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En l’espèce, le préjudice déculant des atteintes au droit à l’image et au droit au respect de la vie privée de la demanderesse, qui sont indissociables, sera apprécié de facon commune.
Pour évaluer l’étendue du préjudice moral de [C] [N] consécutif aux publications litigieuses, il convient de prendre en compte le fait que celle-ci subit l’exposition au public d’éléments de sa vie privée dans un article annoncé par un cliché reproduit sur une grande part de la page de couverture d’un magazine à grand tirage sous la promesse de l’exclusivité, circonstances propres à attirer l’attention d’un public plus large que celui des seuls acheteurs du magazine.
En outre, tant les informations que les clichés viennent rendre public un moment se situant au coeur même de l’intimité de la vie privée de la demanderesse, puisque, pour « attendu » qu’il soit pour une femme venant d’accoucher, il constitue ses premiers instants avec son enfant hors de la maternité, pendant lesquels elle pouvait légitimement espérer se trouver, avec sa famille, à l’abri des regards.
En outre il résulte de l’attestation du 23 novembre 2024 établie par sa tante (pièce n°11 en demande) que [C] [N] avait remarqué être suivie par les paparazzi la veille de son accouchement, ce qui est concordant avec l’information, communiquée dans l’article, selon laquelle elle aurait fait ses courses dans un magasin de décoration. Ceci dénote une surveillance de ses activités, également corroborée par les mentions précises relatives à sa date d’accouchement et à la durée de son séjour à la maternité, ainsi que par la captation des clichés litigieux, susceptible d’aggraver son préjudice.
Il convient en outre de relever la grande discrétion de la demanderesse dans les médias, y compris au sujet de sa grossesse (voir pièces n°9 et 10 en demande où elle cache son ventre sur les photographies), cette discrétion étant relevée même dans les articles de presse publiés en défense (pièces n°2 et 4), étant précisé que le fait de se rendre avec son compagnon à des évènements publics comme Roland-Garros ne saurait constituer un comportement complaisant vis-à-vis des médias, aucune information n’étant délivrée à cette occasion sur sa vie privée ou familiale.
De même la communication d’informations au sujet de leur enfant à naître et la publication sur Instagram d’un cliché pris à la maternité (pièces n°7 à 11) sont le fait de [Z] [D] et non de [C] [N], et si cette communication par son compagnon a pu objectivement attirer l’attention du public sur la naissance de leur enfant, elle ne saurait s’assimiler à une complaisance de la demanderesse vis-à-vis des médias.
Il convient néanmoins de retenir, afin de minorer le préjudice, la tonalité bienveillante et positive de l’article, lequel reste centré sur la personne de [Z] [D] et sur les réactions de sa famille.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments la société PUBLIC PUBLISHING sera condamnée à verser à [C] [N] la somme provisionnelle de 7.000 euros à valoir sur les dommages et intérêts dus en réparation du préjudice subi à la suite de l’atteinte ainsi portée à sa vie privée et à son droit à l’image, montants à concurrence desquels l’obligation de la société défenderesse n’apparaît pas sérieusement contestable.
Sur les autres demandes :
La société PUBLIC PUBLISHING sera condamnée à verser à la demanderesse la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La société défenderesse, qui succombe sera également condamnée aux dépens.
Il sera rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
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