Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Thématique : Maintien de l’hospitalisation complète pour soins psychiatriques nécessaires.
→ RésuméUne personne suivie pour des troubles psychiatriques a été admise dans un établissement de santé spécialisé en raison d’une agitation et de symptômes psychotiques. Après plusieurs réintégrations dues à une recrudescence de ses symptômes, des certificats médicaux ont été établis pour justifier la nécessité d’une hospitalisation complète. Ces certificats, conformes aux exigences légales, ont été fournis dans les délais requis.
Un avis médical a été émis, indiquant que l’état mental de la patiente nécessitait toujours des soins avec surveillance constante, en raison d’un tableau clinique inchangé. L’avis a souligné que toute sortie prématurée pourrait entraîner des risques de rechute rapide. Ainsi, il a été jugé nécessaire de maintenir la patiente dans un cadre hospitalier sécurisé pour garantir l’observance des soins et la réadaptation du traitement. Le tribunal a statué en faveur du maintien de l’hospitalisation complète, considérant que la patiente ne pouvait consentir aux soins de manière pérenne, alors qu’ils étaient indispensables pour stabiliser son état. La décision a été rendue après une audience publique, et l’aide juridictionnelle provisoire a été accordée à la patiente. La décision a été notifiée aux parties concernées, y compris le directeur de l’établissement et le ministère public. Les frais d’expertise ont été pris en charge par le Trésor Public. Il a également été précisé que cette décision pouvait faire l’objet d’un appel dans un délai de dix jours, permettant ainsi aux parties de contester la décision si elles le souhaitaient. |
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
N° RG 25/01101 – N° Portalis DBX6-W-B7J-2I7L
ORDONNANCE DU 08 Avril 2025
A l’audience publique du 08 Avril 2025, devant Nous, Sébastien FILHOUSE, magistrat du siège du Tribunal judiciaire de Bordeaux, assisté de Aurore JEANTET, siégeant au Centre Hospitalier Spécialisé Psychiatrique de CADILLAC, dans une salle spécialement aménagée sur l’emprise de l’établissement et répondant aux exigences de l’article L 3211-12-2 du code de la santé publique,
DANS L’INSTANCE ENTRE :
REQUÉRANT :
M. Le Directeur du CENTRE HOSPITALIER DE CADILLAC
régulièrement avisé, non comparant,
DÉFENDEUR :
Mme [K] [U] [R]
née le 14 Janvier 1994 à BORDEAUX (GIRONDE)
actuellement hospitalisée au Centre Hospitalier Spécialisé de CADILLAC,
régulièrement convoquée,
comparante assistée de Me Dorine DUPOURQUE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat commis d’office,
PARTIE INTERVENANTE :
Mme [N] [X] – Mandataire régulièrement avisée, non comparante
MINISTÈRE PUBLIC :
Madame le Vice-Procureur de la République régulièrement avisée, non comparante,
****
Vu le code de santé publique, et notamment ses articles L.3211-1, L.3211-2-1, L.3211-2-2, L.3211-11, L.3211-12-1, L.3211-12-2, L.3212-1 à L.3212-12, R.3211-7 à R.3211-18, R.3211-24 à R.3211-26, R.3212-1 et R.3212-2,
Vu l’admission de Madame [K] [R] en hospitalisation complète, à la demande d’un tiers, par décision du directeur du centre hospitalier spécialisé de Cadillac prononcée le 21 septembre 2022,
Vu la décision du directeur du centre hospitalier spécialisé de Cadillac du 08 août 2024 décidant de la prise en charge en soins psychiatriques de Madame [K] [R] sous la forme d’un programme de soins en lieu et place d’une hospitalisation complète,
Vu la décision du directeur du centre hospitalier spécialisé de Cadillac du 05 décembre 2024 prononçant la réintégration de l’intéressée en hospitalisation complète,
Vu la dernière décision judiciaire du 12 décembre 2024 autorisant la poursuite de la mesure d’hospitalisation complète,
Vu la décision du directeur du centre hospitalier spécialisé de Cadillac du 08 janvier 2025 décidant de la prise en charge en soins psychiatriques de Madame [K] [R] sous la forme d’un programme de soins en lieu et place d’une hospitalisation complète,
Vu la décision du directeur du centre hospitalier spécialisé de Cadillac du 02 avril 2025 prononçant la réintégration de l’intéressée en hospitalisation complète,
Vu la requête du directeur du centre hospitalier spécialisé de Cadillac reçue au greffe le 04 avril 2025 et les pièces jointes,
Vu l’avis du ministère public du 07 avril 2025 mis à la disposition des parties,
Vu la comparution de l’intéressée et ses explications à l’audience tenue publiquement au terme desquelles elle estime subir un abus de pouvoir «parce que je me fais violer, et tout ce qu’on fait pour ça c’est de m’enfermer, m’inventer une schizophrénie qui n’existe pas» (propos agressifs à l’audience), ceci étant, elle ne s’oppose pas à l’hospitalisation en cours «mais seulement pour me protéger des gens qui m’agressent à l’extérieur»,
Vu les observations de son avocate qui s’en tient à la demande de l’intéressée, même si ce n’est pas pour les mêmes raisons que celles évoquées par les médecins,
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux terme des dispositions de l’article L.3212-1 du code de la santé publique : «Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur décision du directeur d’un établissement […] que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies:
1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement;
2° Son état mental impose des soins immédiats assortis […] d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète […]».
Selon l’article L.3211-12-1 du code de la santé publique «I. L’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le magistrat du siège du tribunal judiciaire, préalablement saisi par le directeur de l’établissement […] ait statué sur cette mesure […] : 2° Avant l’expiration d’un délai de 12 jours à compter de la décision modifiant la forme de prise en charge du patient et procédant à son hospitalisation complète […]. II. La saisine mentionnée au I du présent article est accompagnée de l’avis motivé d’un psychiatre de l’établissement d’accueil se prononçant sur la nécessité de poursuivre l’hospitalisation complète.».
Aux termes de l’article L.3211-11 du même code : «Le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient peut proposer à tout moment de modifier la forme de la prise en charge mentionnée à l’article L.3211-2-1 pour tenir compte de l’évolution de l’état de la personne. Il établit en ce sens un certificat médical circonstancié. / Le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient transmet immédiatement au directeur de l’établissement d’accueil un certificat médical circonstancié proposant une hospitalisation complète lorsqu’il constate que la prise en charge de la personne décidée sous une autre forme ne permet plus, notamment du fait du comportement de la personne, de dispenser les soins nécessaires à son état. Lorsqu’il ne peut être procédé à l’examen du patient, il transmet un avis établi sur la base du dossier médical de la personne.»
Pour mémoire, Madame [R] – suivie depuis de nombreuses années pour un trouble psychiatrique au long cours – a été admise au CHS de Cadillac le 21 septembre 2022 en raison d’une agitation psycho-motrice, des tensions internes, des délires de persécution mal systématisés sous-tendus par des mécanismes interprétatifs et hallucinatoires ainsi qu’une anosognosie. Bénéficiant d’un programme de soins ambulatoires le 08 août 2024, elle était réintégrée le 05 décembre suivant en raison d’une recrudescence de ses symptômes psychotiques (avec envahissement délirant). Bénéficiant d’un nouveau programme de soins le 08 janvier 2025, elle faisait l’objet d’une réintégration le 02 avril suivant en raison la encore de ses idées délirantes habituelles (viol, cannibalisme, persécution, empoisonnement) entraînant une répercussion sur le comportement et sa gestion du quotidien.
Les certificats médicaux exigés par les textes figurent au dossier, ils ont été établis dans les délais requis et contiennent des indications propres à répondre aux prescriptions légales.
L’avis médical motivé prévu par l’article L.3211-12-1 § II du code de la santé publique établi le 07 avril 2025 relève que l’état mental de l’intéressée nécessite toujours des soins assortis d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète en raison d’un tableau clinique inchangé (et perceptible à l’audience de ce jour), l’adhésion aux idées délirantes étant totale avec participation affective importante (pleurs lors de l’audience).
En toute hypothèse, une sortie prématurée serait de nature à présenter des risques de rechute rapide.
Dans ces conditions, la prise en charge dans un cadre contenant et sécurisé s’impose encore, afin de garantir l’observance des soins, et le cas échéant la réadaptation du traitement, ce qui ne peut se faire qu’en milieu hospitalier. Le maintien de l’hospitalisation complète s’avère par conséquent nécessaire à ce jour en raison de l’impossibilité pour l’intéressée de consentir aux soins de façon pérenne alors qu’ils sont indispensables pour stabiliser son état.
Dès lors, le maintien de l’hospitalisation complète de l’intéressée apparaît à ce jour justifié.
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