Tribunal judiciaire de Bordeaux, 21 novembre 2024, RG n° 22/09737
Tribunal judiciaire de Bordeaux, 21 novembre 2024, RG n° 22/09737

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Bordeaux

Thématique : Formation e-sport trompeuse

Résumé

Contexte de l’affaire

La société Campus Academy, désormais connue sous le nom d’Open Campus, est une institution d’enseignement supérieur immatriculée à Bordeaux, offrant diverses formations, dont un Bachelor en eSport. Des étudiants ont intenté une action en justice contre cette société, alléguant avoir été trompés par des informations erronées concernant la reconnaissance de leur diplôme par l’État.

Procédure judiciaire

Le 19 décembre 2022, un groupe d’étudiants, représenté par M. [C] [GN] et 16 autres, a saisi le tribunal judiciaire de Bordeaux. Ils ont demandé la nullité de leurs contrats d’enseignement, ainsi que des restitutions et des dommages-intérêts pour préjudice moral. La société Campus Academy a constitué avocat le 2 janvier 2023, et l’ordonnance de clôture a été rendue le 3 juillet 2024.

Demandes des étudiants

Les étudiants ont demandé, en premier lieu, l’annulation de leurs contrats d’enseignement et, en conséquence, des remboursements de sommes versées, ainsi que des dommages-intérêts. En cas de rejet de cette demande, ils ont sollicité une réduction du prix de la formation, invoquant des manquements dans la qualité de l’enseignement dispensé.

Arguments des étudiants

Les demandeurs soutiennent que les contrats sont entachés de nullité pour dol, affirmant que la société a induit en erreur en laissant croire que le Bachelor en eSport était reconnu par l’État. Ils ont produit des attestations et des témoignages corroborant leurs allégations, notamment des consignes données aux employés pour maintenir le flou sur la reconnaissance des diplômes.

Réponse de la société Campus Academy

La société a contesté les demandes, arguant que les termes utilisés dans ses communications ne constituaient pas un dol. Elle a également souligné que, à la date de la conclusion des contrats, aucun titre RNCP en eSport n’existait, et que les étudiants avaient été informés des caractéristiques de la formation.

Décision du tribunal

Le tribunal a prononcé la nullité des contrats d’enseignement, considérant que la société avait omis de fournir des informations essentielles sur la reconnaissance de la formation. En conséquence, la société a été condamnée à rembourser les sommes versées par les étudiants et à leur verser des dommages-intérêts pour préjudice moral.

Conséquences financières

Le tribunal a détaillé les montants à rembourser à chaque étudiant, totalisant des sommes significatives. De plus, chaque étudiant a été accordé 1 000 euros pour le préjudice moral subi. La société a également été condamnée aux dépens et à verser une somme globale au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Exécution de la décision

La décision du tribunal a été déclarée exécutoire à titre provisoire, permettant ainsi aux étudiants de récupérer rapidement les sommes dues.

N° RG : N° RG 22/09737 – N° Portalis DBX6-W-B7G-XIQH
5EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

56A

N° RG : N° RG 22/09737 – N° Portalis DBX6-W-B7G-XIQH

Minute n° 2024/00620

AFFAIRE :

[C] [GN], [YK] [Y], [RI] [I], [NY] [NE], [NY] [GK], [D] [YZ], [BO] [MK], [V] [XF], [E] [LN], [FR] [T], [N] [X], [M] [R], [S] [H], [WL] [F], [A] [J], [W] [O], [ZT] [L]

C/

S.A.R.L. CAMPUS ACADEMY [Localité 39]

Grosses délivrées
le

à
Avocats :
la SARL 1927 AVOCATS
la SARL MARIE TASTET

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 21 NOVEMBRE 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré

Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente

Pasacle BUSATO, Greffière lors des débats
Isabelle SANCHEZ, Greffière lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 19 septembre 2024,
Délibéré au 21 novembre 2024
Sur rapport conformément aux dispositions de l’article 785 du code de procédure civile

JUGEMENT:

Contradictoire
Premier ressort
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile

DEMANDEURS :

Monsieur [C] [GN]
né le 11 Juillet 1988 à [Localité 36]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 21]

Monsieur [YK] [Y]
né le 27 Juin 2000 à [Localité 42]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 17]

N° RG : N° RG 22/09737 – N° Portalis DBX6-W-B7G-XIQH

Monsieur [RI] [I]
né le 29 Décembre 1998 à [Localité 39]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 8]

Monsieur [NY] [NE]
né le 22 Août 2001 à [Localité 35]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 14]

Monsieur [NY] [GK]
né le 12 Juin 2001 à [Localité 40]
de nationalité Française
[Adresse 28]
[Localité 15]

Monsieur [D] [YZ]
né le 25 Septembre 1998 à [Localité 39]
de nationalité Française
[Adresse 24]
[Localité 16]

Monsieur [BO] [MK]
né le 06 Juin 2000 à [Localité 41]
de nationalité Française
[Adresse 30]
[Localité 26]

Monsieur [V] [XF]
né le 05 Août 2002 à [Localité 39]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Localité 14]

Monsieur [E] [LN]
né le 18 Novembre 1997 à [Localité 39]
de nationalité Française
[Adresse 23]
[Localité 11]

Madame [FR] [T]
née le 26 Mars 2002 à [Localité 39]
de nationalité Française
[Adresse 22]
[Localité 18]

Monsieur [N] [X]
né le 28 Décembre 2000 à [Localité 39]
de nationalité Française
[Adresse 29]
[Localité 13]

Monsieur [M] [R]
né le 01 Mai 2001 à [Localité 39]
de nationalité Française
[Adresse 27]
[Localité 19]

Monsieur [S] [H]
né le 01 Août 2002 à [Localité 38]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 14]

Monsieur [WL] [F]
né le 13 Juin 2001 au [Localité 37]
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Localité 11]

Monsieur [A] [J]
né le 10 Mai 2002 à [Localité 39]
de nationalité Française
[Adresse 25]
[Localité 12]

Monsieur [W] [O]
né le 06 Août 1999 à [Localité 34]
de nationalité Française
[Adresse 31]
[Localité 32]

Monsieur [ZT] [L]
né le 25 Septembre 1991 à [Localité 39]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 20]

Tous représentés par Maître Marie TASTET de la SARL MARIE TASTET, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant, Maître Clémence BARRIERE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DEFENDERESSE :

La société à responsabilité limitée CAMPUS ACADEMY [Localité 39]
Dont le siège social est :
[Adresse 6]
prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Maître Thomas PORCHET de la SARL 1927 AVOCATS, avocat au barreau de CHARENTE, avocat postulant, Maître Louis Georges BARRE, avocat au barreau de NATES, avocat plaidant

******

FAITS ET PROCEDURE
La société Campus Academy [Localité 39] (devenue Open Campus de [Localité 39]), immatriculée au RCS de Bordeaux, a pour activité de délivrer des formations et enseignements supérieurs dans plusieurs filières. Cette société fait partie du groupe « Campus Academy » qui est propriétaire de plusieurs écoles de formation supérieure en France.

Parmi ces formations, la société propose une formation intitulée « eSport University » permettant l’obtention d’un « Bachelor » en 3 ans.

Reprochant à la société Campus Academy [Localité 39] de les avoir trompés dans l’offre de formation eSport qui s’est révélée ne pas être enregistrée au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et ne pas être sanctionnée par un diplôme reconnu par l’Etat, des étudiants ont assigné la société devant le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Ainsi, par acte extrajudiciaire du 19 décembre 2022, monsieur [C] [GN] et 16 autres demandeurs (M. [V] [XF], M. [D] [YZ], M. [N] [X], M. [A] [J], M. [M] [R], M. [W] [O], M. [E] [LN], M. [S] [H], Mme [FR] [T], M. [ZT] [L], M. [WL] [F], M. [NY] [GK], M. [RI] [I], M. [BO] [MK], M. [NY] [NE] et M. [YK] [Y]) ont saisi le tribunal judiciaire au visa des articles 1130 et 1127 du code civil, aux fins, à titre principal, de voir prononcer la nullité des contrats d’enseignement conclus entre eux et la société CAMPUS ACADEMY [Localité 39], et de la condamner à leurs verser diverses sommes à titre de restitution et de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral ou, subsidiairement, de la condamner à leur verser des sommes à titre de réduction de prix outre des sommes en réparation de leur préjudice moral.

La société Campus Acamedy [Localité 39] a constitué avocat le 2 janvier 2023.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 3 juillet 2024.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 14 novembre 2023, les demandeurs sollicitent du tribunal :

A titre principal, de :

prononcer la nullité des contrats d’enseignement conclus entre la société Campus Acamedy [Localité 39] et M. [V] [XF], M. [D] [YZ], M. [N] [X], M. [A] [J], M. [M] [R], M. [W] [O], M. [E] [LN], M. [S] [H], Mme [FR] [T], M. [ZT] [L], M. [WL] [F], M. [NY] [GK], M. [RI] [I], M. [C] [GN], M. [BO] [MK], M. [NY] [NE] et M. [YK] [Y],

En conséquence,

Condamner la société Campus Academy [Localité 39] à payer :
à M. [XF] la somme de 18085 euros à titre de restitution ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

M. [YZ] la somme de 17 800 euros à titre de restitution ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

M. [X] la somme de 21740 euros à titre de restitution ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [J] la somme de 12 500 euros à titre de restitution ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [R] la somme de 11 785 euros à titre de restitution ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [O] la somme de 10 070 euros à titre de restitution ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [LN] la somme de 13 280 euros à titre de restitution ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [H] la somme de 11 750 euros à titre de restitution ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [T] la somme de 13 100 euros à titre de restitution ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [L] la somme de 13 550 euros à titre de restitution ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [F] la somme de 15 448 euros à titre de restitution ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [GK] la somme de 15 740 euros à titre de restitution ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [I] la somme de 11 190 euros à titre de restitution ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [GN] la somme de 6 950 euros à titre de restitution ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [MK] la somme de 18 250 euros à titre de restitution ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [NE] la somme de 12 750 euros à titre de restitution ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [Y] la somme de 8 535 euros à titre de restitution ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

A titre subsidiaire,

condamner la société Campus Academy [Localité 39] à payer à :
M. [XF] la somme de 14 468 euros à titre de réduction du prix ainsi que la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [YZ] la somme de 14 240 euros à titre de réduction du prix ainsi que la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [X] la somme de 17 392 euros à titre de réduction du prix ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [J] la somme de 10 000 euros à titre de réduction du prix ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [R] la somme de 9 428 euros à titre de réduction du prix ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [O] la somme de 8 056 euros à titre de réduction du prix ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [LN] la somme de 10 624 euros à titre de réduction du prix ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [H] la somme de 9 400 euros à titre de réduction du prix ainsi que la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [T] la somme de 10 560 euros à titre de réduction du prix ainsi que la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [L] la somme de 10 840 euros à titre de réduction du prix ainsi que la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [F] la somme de 12 358 euros à titre de réduction du prix ainsi que la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [GK] la somme de 12 592 euros à titre de réduction du prix ainsi que la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [I] la somme de 8 952 euros à titre de réduction du prix ainsi que la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [GN] la somme de 5 560 euros à titre de réduction du prix ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [MK] la somme de 14 600 euros à titre de réduction du prix ainsi que la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [NE] la somme de 10 200 euros à titre de réduction du prix ainsi que la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
M. [Y] la somme de 6 820 euros à titre de réduction du prix ainsi que la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

M. [V] [XF], M. [D] [YZ], M. [N] [X], M. [A] [J], M. [M] [R], M. [W] [O], M. [E] [LN], M. [S] [H], Mme [FR] [T], M. [ZT] [L], M. [WL] [F], M. [NY] [GK], M. [RI] [I], M. [C] [GN], M. [BO] [MK], M. [NY] [NE] et M. [YK] [Y] la somme de 17 320 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Les demandeurs sollicitent en outre sa condamnation aux dépens.

Au soutien de leurs prétentions, les demandeurs exposent, à titre principal, que les contrats qu’ils ont conclu avec la société Campus Academy [Localité 39] sont entachés de nullité pour dol, sur le fondement de l’article 1130 du code civil. Ils se fondent sur un arrêt de la Cour de cassation (1ère chambre civile) du 8 avril 2021 ayant confirmé l’annulation pour dol d’un contrat d’enseignement pour démontrer que les agissements de la société, dont ils estiment qu’ils sont transposables aux faits ayant donné lieu à l’arrêt de cassation, sont constitutifs d’un dol dès lors que si la société a utilisé le termes « Bachelor » pour désigner la formation eSport, elle a volontairement laissé croire aux étudiants que la formation était reconnue par l’Etat.
Ils lui reprochent ainsi d’avoir fourni des informations ambiguës sur ses documents de communication laissant penser que le Bachelor eSport était un titre certifié par l’Etat. Ils ajoutent qu’au regard du caractère ambigu de l’information délivrée, telle que résultant notamment de la mention sur ses documents de communication : « titres certifiés par l’Etat » sans préciser que tous les titres délivrés n’étaient pas concernés, elle devrait justifier avoir informé les étudiants, avant la conclusion du contrat, que le titre à venir n’était pas certifié par l’Etat. Ils lui reprochent encore d’avoir maintenu le flou même après la signature des contrats.

Les demandeurs font également valoir qu’ils disposent de nombreuses attestations, dont une attestation de Mme [HH], ancienne salariée occupant le poste de chargée d’admissions auprès de la société Campus Academy [Localité 39] entre avril 2019 et juillet 2020 qui indique qu’elle avait pour consigne d’entretenir le doute sur la question des titres RNCP et de la reconnaissance des diplômes par l’Etat et qu’elle aurait subi des pressions de la part de sa hiérarchie pour faire contracter le plus d’étudiants possibles. Ils produisent des attestations de proches indiquant que le directeur les aurait informés qu’à l’issue de la formation, ils auraient un diplôme reconnu par l’Etat. Ils soulignent que cette école était présentée comme délivrant des diplômes reconnus par l’Etat non seulement sur le site de l’école elle-même mais encore sur des sites tiers.
Ils soutiennent que la délivrance d’un titre RNCP était un élément déterminant de leur consentement, en particulier eu égard au coût élevé de la formation.

Les demandeurs invoquent également l’article L. 111-1 du code de la consommation, relatif à l’information du consommateur sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service objet du contrat. Ils soutiennent, en se fondant sur un arrêt de la Cour de cassation du 13 décembre 2012, que la charge de la preuve de cette information repose sur le professionnel, en l’espèce l’établissement d’enseignement. Ils estiment que la société défenderesse ne démontre pas avoir informé chaque étudiant avant la signature du contrat de ce que la formation délivrée n’était pas certifiée par l’Etat.

Dans le cas où le tribunal ferait droit aux demandes de nullité, les demandeurs sollicitent le remboursement du coût de leur formation et des frais accessoires.

Subsidiairement, sur la réduction du prix, les demandeurs soutiennent au visa de l’article 1217 du code civil que la réduction du prix est justifiée au motif que la prestation a été réalisée imparfaitement.
Ils estiment que toutes les promesses d’adaptation individuelle des enseignements, de mises en situation professionnelles, etc faites dans la brochure commerciale n’ont pas été respectées. Que Madame [U] atteste de ce que son fils lui a indiqué qu’il n’y avait quasiment aucun contenu eSport dans ses cours, que monsieur [R] a sollicité une réduction des frais de scolarité compte tenu des nombreux dysfonctionnement constatés : cours annulés ou vides de contenu. Ils soulignent que cette situation a conduit à des états dépressifs pour les étudiants.
Ils demandent la restitution de 80% du prix payé par chacun.

Ils demandent également 5000 euros chacun à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice lié à la piètre qualité de la formation dispensée par la société Campus Académy et aux nombreuses promesses non tenues, qui n’ont pas permis aux étudiants de bénéficier d’une formation de qualité leur permettant de s’insérer efficacement dans le monde du travail. Ils ont perdu une chance, pendant les 3 ans de formation, de suivre un autre enseignement. Ils ont subi un préjudice psycho en raison des représailles de la direction.

En réplique, aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 1er février 2024, la société Campus Academy [Localité 39] demande au tribunal de :
-rejeter purement et simplement l’ensemble des demandes,
– condamner les demandeurs à lui verser 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que l’arrêt de la Cour de cassation cité par les demandeurs est inopérant car dans cette espèce, l’établissement avait utilisé le terme « Master » dans ses outils de communication de sorte que l’étudiant pensait à raison que le diplôme serait reconnu par l’Etat. Or, pour sa part, elle n’a pas utilisé ce terme mais a toujours parlé de « Bachelor » et n’a pas mentionné l’existence de titre RNCP dans ses brochures. Le fait qu’elle ait pu dire qu’elle délivrait des titres certifiés par l’Etat ne démontre pas l’existence d’un dol puisque certaines de ces filières sont bien concernées. Elle ajoute que dans les contrats signés il n’est fait à aucun moment référence au fait que la formation serait enregistrée au RNCP, au contraire, le directeur de l’établissement l’aurait précisé à plusieurs reprises aux étudiants. Elle souligne par ailleurs que les contrats d’enseignement comportent un article portant sur les caractéristiques essentielles de la prestation d’enseignement, qui ne fait jamais mention d’un diplôme certifié par l’Etat mais d’un « Bachelor ».

La société défenderesse pointe les contradictions de l’attestation de Mme [HH], ce qui tend à mettre à mal la crédibilité de son témoignage et souligne qu’il est normal pour un salarié qui occupe un poste de commercial d’avoir des objectifs de performance. Sur les autres attestations produites, outre qu’elles ne respectent pas toutes le formalisme requis par le code de procédure civile, elle les qualifie de partiales pour avoir été établies soit par les demandeurs eux-mêmes soit par des membres de leur famille. Elle en déduit que la preuve du dol n’est pas rapportée.

Elle ajoute qu’à la date de la conclusion des contrats il n’existait aucun titre RNCP en eSport en France ; ce n’est qu’en mars 2023 qu’un titre « animateur eSport » a été enregistré au RNCP de sorte que l’inscription au RNCP de la formation dispensée ne pouvait constituer un élément déterminant de leur consentement.

Sur la demande subsidiaire, la société campus Academy [Localité 39] oppose que les demandeurs échouent dans la démonstration de la preuve, se contentant de rapporter des attestations établies par eux ou leurs proches et souligne la mauvaise foi des étudiants qui affichaient de nombreuses absences injustifiées. Elle réfute les allégations de mesures de rétorsion et intimidation de la part de la direction du fait de la contestation des étudiants relatives à leurs contrats. Les demandeurs rétorquent que le logiciel de gestion des absences était défaillant et qu’en tout état de cause, après avoir eu connaissance de l’absence de reconnaissance de leur diplôme et constaté la mauvaise qualité des enseignements, certains étudiants se sont démobilisés. Ils soulignent que lorsque la direction a eu connaissance d’une union d’étudiants pour demander l’annulation des contrats, il y a eu une vague de convocation en conseils de discipline pour absences injustifiées.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal,

PRONONCE la nullité des contrats d’enseignement conclus au titre des années scolaires 2019-2020, 2020-2021, 2021-2022 entre la SAS CAMPUS ACADEMY [Localité 39] d’une part et monsieur [C] [GN], M. [V] [XF], M. [D] [YZ], M. [N] [X], M. [A] [J], M. [M] [R], M. [W] [O], M. [E] [LN], M. [S] [H], Mme [FR] [T], M. [ZT] [L], M. [WL] [F], M. [NY] [GK], M. [RI] [I], M. [BO] [MK], M. [NY] [NE] et M. [YK] [Y] d’autre part,

En conséquence,

CONDAMNE la SAS CAMPUS ACADEMY [Localité 39] payer, en remboursement des sommes réglées au titre des contrats annulés les sommes suivantes :

18 085 euros à M. [V] [XF],
17 800 euros à M. [D] [YZ],
17 055 euros à M. [N] [X],
12 500 euros à M. [A] [J]
11 335 euros M. [M] [R],
4 970 euros à M. [W] [O],
12 500 euros à M. [E] [LN]
5 750 euros à M. [S] [H],
6 190 euros à Mme [FR] [T],
13 550 euros à M. [ZT] [L],
14 968 euros à M. [WL] [F]
10 865 euros à M. [NY] [GK],
11 190 euros à M. [RI] [I],
6 950 euros à M. [C] [GN],
18 250 euros à M. [BO] [MK],
5 335 euros à M. [YK] [Y],
12 750 euros à M. [NY] [NE],

CONDAMNE la SAS CAMPUS ACADEMY [Localité 39] à verser à monsieur [C] [GN], M. [V] [XF], M. [D] [YZ], M. [N] [X], M. [A] [J], M. [M] [R], M. [W] [O], M. [E] [LN], M. [S] [H], Mme [FR] [T], M. [ZT] [L], M. [WL] [F], M. [NY] [GK], M. [RI] [I], M. [BO] [MK], M. [NY] [NE] et M. [YK] [Y] la somme de 1 000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral,

CONDAMNE la SAS CAMPUS ACADEMY [Localité 39] aux dépens,

CONDAMNE la SAS CAMPUS ACADEMY [Localité 39] à verser aux demandeurs la somme globale de 8160 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de la SAS CAMPUS ACADEMY [Localité 39] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE l’exécution provisoire de la présente décision

Le présent jugement a été signé par Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente et par Madame Isabelle SANCHEZ, Greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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