Tribunal judiciaire de Bordeaux, 19 novembre 2024, RG n° 23/03108
Tribunal judiciaire de Bordeaux, 19 novembre 2024, RG n° 23/03108

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Bordeaux

Thématique : Responsabilité bancaire et protection des consommateurs face à la fraude numérique

Résumé

Contexte de l’affaire

Madame [T] [O], cliente de la SA BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE, a déposé une plainte le 23 février 2022 après avoir reçu des messages de son conseiller bancaire l’invitant à activer le dispositif “sécur’pass”. Suite à cela, elle a constaté un virement de 8.000 euros vers un compte en Lituanie, réalisé sans son autorisation.

Procédure judiciaire

Le 28 mars 2022, Madame [O] a mis en demeure la banque de lui rembourser la somme de 8.000 euros, en vain. Elle a ensuite assigné la SA BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE devant le tribunal judiciaire de Bordeaux le 7 avril 2023, demandant réparation pour ses préjudices. La clôture de l’affaire a eu lieu le 4 septembre 2024.

Demandes de Madame [O]

Dans ses conclusions du 10 juillet 2023, Madame [O] a demandé au tribunal de condamner la banque à lui verser 8.000 euros pour préjudice financier, 2.500 euros pour préjudice moral, ainsi que le remboursement des dépens et 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle a soutenu que la banque était responsable du virement frauduleux en raison d’une défaillance de ses services.

Arguments de la banque

La SA BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE a contesté les demandes de Madame [O] dans ses conclusions du 29 juin 2023, arguant qu’elle n’avait commis aucune faute et que la négligence de Madame [O] était à l’origine de son préjudice. La banque a affirmé que le virement avait été validé par le système d’authentification forte, “secur’pass”, et que Madame [O] avait transmis ses identifiants personnels, permettant ainsi la fraude.

Analyse des preuves

Le tribunal a examiné les obligations de la banque en vertu du code monétaire et financier, notamment la nécessité pour la banque de prouver que le paiement avait été autorisé par Madame [O]. La banque n’a pas réussi à fournir des preuves suffisantes pour démontrer que le virement avait été autorisé ou que Madame [O] avait commis une négligence grave.

Décision du tribunal

Le tribunal a condamné la SA BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE à verser 8.000 euros à Madame [O] pour son préjudice matériel, tout en rejetant sa demande de préjudice moral. La banque a également été condamnée à payer les dépens et 1.800 euros au titre des frais irrépétibles. L’exécution provisoire du jugement a été déclarée de droit.

N° RG 23/03108 – N° Portalis DBX6-W-B7H-XWNJ
CINQUIÈME CHAMBRE
CIVILE

SUR LE FOND

38E

N° RG 23/03108 – N° Portalis DBX6-W-B7H-XWNJ

Minute n° 2024/00615

AFFAIRE :

[T] [O]

C/

S.A. BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE

Grosses délivrées
le

à
Avocats : la SELARL ABR & ASSOCIES
Me Hélène POULOU

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 19 NOVEMBRE 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré

Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente,
Statuant à Juge Unique

Greffier, lors des débats et du prononcé
Isabelle SANCHEZ, Greffier

DÉBATS

A l’audience publique du 24 Septembre 2024

JUGEMENT

Contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile

DEMANDERESSE

Madame [T] [O]
née le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 4]

représentée par Me Hélène POULOU, avocat au barreau de BORDEAUX

DÉFENDERESSE

S.A. BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE, immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le n° 755 501 590
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Laurent BABIN de la SELARL ABR & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX
N° RG 23/03108 – N° Portalis DBX6-W-B7H-XWNJ

EXPOSE DU LITIGE

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Madame [T] [O], titulaire d’un compte bancaire ouvert auprès de la SA BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE a déposé plainte le 23 février 2022. Elle a exposé que le 16 février 2022 à 18h35 elle a reçu du numéro habituel de son conseiller bancaire des SMS lui demandant de connecter son téléphone pour activer le dispositif “sécur’pass”, et qu’elle a ensuite reçu un SMS le 19 février 2022 à 21h06 l’informant de la réalisation d’un virement d’un montant de 8.000 euros à destination d’un compte situé en Lituanie.

Par courrier du 28 mars 2022, madame [O] a vainement mis en demeure la BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE d’avoir à lui rembourser la somme de 8.000 euros sur le fondement des articles L133-18 et L133-24 du code monétaire et financier.

Par acte délivré le 07 avril 2023, madame [T] [O] a fait assigner la SA BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins d’indemnisation de ses préjudices.

La clôture est intervenue le 04 septembre 2024 par ordonnance du juge de la mise en état du même jour.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 juillet 2023, madame [T] [O] demande au tribunal de :

condamner la SA BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE à lui payer la somme de 8.000 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice financier,condamner la SA BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE à lui payer la somme de 2.500 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral,condamner la SA BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE au paiement des dépens et à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Au soutien de ses prétentions, madame [O] fait valoir, sur le fondement des articles L133-18 et L133-24 du code de commerce, que la BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE est tenue de l’indemniser en ce que le virement a été causé par une défaillance de ses services et un manquement à l’exécution de ses obligations contractuelles.

Ainsi, elle prétend que si elle a fourni son code d’accès confidentiel à son application mobile c’est dans le seul but d’activer son « secur’pass » face aux nombreux messages provenant du numéro de téléphone de sa conseillère habituelle lui demander de l’activer, et que c’est par ce biais que la fraude a été réalisable et le virement réalisé. Elle conteste qu’une négligence puisse lui être imputée de ce fait. A ce titre, elle soutient que la BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE ne rapporte pas la preuve qu’elle ait autorisé ce virement de 8.000 euros, cette preuve ne pouvant se déduire du seul fait qu’elle ait saisi les codes confidentiels dans le but de sécuriser son compte via la mise en place du « secur’pass ». Elle conteste avoir autorisé l’opération de virement elle-même par le système d’authentification forte.
Par ailleurs, madame [O] fait valoir qu’elle a reçu un courriel lui confirmant son inscription à « secur’pass » sur son téléphone et lui indiquant qu’elle recevrait un code à 4 chiffres pour valider l’opération, lui permettant de penser qu’elle était protégée en cas de fraude. Elle soutient que le virement réalisé l’a été sans qu’elle ne donne son autorisation ou valide cette opération, ce qui démontre le dysfonctionnement de l’application de sécurité et donc la responsabilité de la banque.
Elle ajoute que la défaillance de la banque est caractérisée par l’usurpation d’identité de la conseillère clientèle habituelle, avec laquelle elle avait une relation de confiance, mais dont elle a appris dans le cadre de la procédure qu’elle avait en réalité quitté l’agence depuis plusieurs mois sans qu’elle n’en soit informée et alors qu’elle a accusé réception d’un message le 20 février 2022.
Elle expose avoir le jour même informé par mail sa conseillère du virement litigieux, et s’être rendue à l’agence dès le lendemain.

Madame [O] prétend subir un préjudice matériel correspondant au montant du virement litigieux ainsi qu’un préjudice moral occasionné par la résistance manifestement abusive de la banque.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 29 juin 2023, la SA BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE sollicite du tribunal de débouter madame [T] [O] de l’intégralité de ses demandes, de la condamner au paiement des dépens et à lui payer la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de sa demande, la BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE fait valoir, au visa des articles L133-16 et L133-19 du code monétaire et financier, l’absence de faute de sa part et l’existence d’une négligence grave de la part de madame [O] directement à l’origine de son préjudice. Ainsi, elle prétend que l’opération de virement de 8.000 euros contestée par madame [O] a été validée par le système d’authentification forte, « secur’pass », lequel nécessite une triple action de la part du client pour chaque opération de paiement, comportant notamment la saisie son mot de passe personnel. Elle ajoute que la négligence est caractérisée par le fait que madame [O] a communiqué ses identifiants personnels et son code d’accès à son espace sécurisé, actions qui ont permis la réalisation de l’opération contestée, et qu’elle a dû valider un écran comportant un message d’alerte.
Pour s’opposer à la demande indemnitaire au titre d’un préjudice moral, la BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE soutient que cette demande n’est ni fondée compte tenu de ce que le préjudice allégué est exclusivement patrimonial, ni justifiée quant à son quantum.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Condamne la SA BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE à payer à madame [T] [O] la somme de 8.000 euros au titre de son préjudice matériel ;

Déboute madame [T] [O] de sa demande au titre de son préjudice moral ;

Condamne la SA BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE au paiement des dépens ;

Condamne la SA BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE à payer à madame [T] [O] la somme de 1.800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SA BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que le présent jugement assorti de l’exécution provisoire de droit ;

La présente décision est signée par Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente, et Isabelle SANCHEZ, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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