→ RésuméLe droit à la liberté d’expression d’un éditeur de chaîne YouTube ne prime pas sur le droit de la plateforme à établir des règles pour garantir son image et sa qualité. YouTube, en tant qu’hébergeur et fournisseur de services intermédiaires, a le droit de suspendre des chaînes, y compris celles d’éditeurs de presse, sans que cela constitue une atteinte à la liberté d’expression. Les utilisateurs acceptent les règles de la plateforme lors de leur inscription, s’engageant ainsi à respecter les conditions d’éligibilité définies par YouTube, qui peuvent inclure des sanctions en cas de non-respect. |
Le droit à la liberté d’expression d’un éditeur de chaîne Youtube n’est pas supérieur au droit à la liberté d’une plateforme d’édicter des règles déterminant les conditions d’éligibilité à son service afin d’en garantir l’image, la qualité et la conformité avec son objet, objet qu’elle a toute liberté de définir dans le cadre de sa liberté d’entreprendre. Statut juridique de YoutubeYoutube, plateforme d’hébergement de vidéos a la qualité de « fournisseurs de services de partage de contenus en ligne » au sens de l’article 2(6) de la Directive de 2019 sur les droits voisins. Au sens de la LCEN, elle a la qualité « d’hébergeur » et cette activité est aussi qualifiée de « service intermédiaire» au sens du règlement UE n° 2019/1150 du 20 juin 2019 dit « Platform to Business » Il en résulte que les « services intermédiaires» doivent «indiquer dans leurs conditions générales les renseignements relatifs aux restrictions qu’ils imposent en ce qui concerne leur service aux bénéficiaires du service » d’où il s’infère qu’ils ont la possibilité de refuser l’accès à leur plateforme à des fournisseurs de vidéos. Droit contractuel de suspendre une chaîneDès lors Google, sur le fondement de ses conditions générales, jouit du droit de suspendre l’hébergement d’une chaine (y compris celle d’un éditeur de presse) sans que cette suspension puisse être considérée comme une atteinte à liberté d’expression. Les plateformes peuvent donc dans le cadre de leur liberté contractuelle, exercer une sélection des services proposés ce qui est constitutif d’une liberté des hébergeurs, liberté de nature différente de celle des éditeurs de presse, mais liberté de sélection qui résulte de leur droit d’entreprendre. Si un hébergeur ne doit pas intervenir sur le contenu des vidéos, il lui est par contre loisible de déterminer les conditions d’éligibilité à son service afin d’en garantir la qualité et l’adéquation avec son objet. Les Règles Youtube, énumérées dans« le règlement de la communauté You Tube», et intégrées à ses conditions générales, sont nécessairement acceptées par tout utilisateur au moment de son inscription sur la plateforme puisqu’il doit, pour accéder à la plateforme, cliquer sur la formule en « utilisant ce service, vous en acceptez les Règles». Dès lors, même si le service fourni par Google est gratuit, la relation entre ce dernier en tant qu’ hébergeur, fournisseur de services intermédiaires, et l’éditeur des vidéos est une relation contractuelle classique ; il en découle que ce dernier, en acceptant les conditions générales du service, s’engage à respecter les Règles fixées par Google. Le Règlement Youtube pleinement opposableFigure en tête dudit règlement une page, intitulée « avertissement pour non respect du règlement » contenant les mentions suivantes : « si votre contenu enfreint ce règlement … la première infraction entraine un avertissement ; si vous enfreignez à nouveau le règlement vous recevrez un deuxième avertissement et si vous recevez trois avertissements votre chaine sera définitivement supprimée de Youtube ». Le Règlement concernant les informations médicales sur la Covid stipule : « ne publiez pas de contenu sur Youtube s’il correspond à l’une des descriptions ci-dessous :contenus affirmant qu’il existe un remède à l’efficacité garantie contre la Covid, contenus qui recommandent l’utilisation d’lvermectine ou d’Hydroxychloroquine pour le traitement du Covid, contenus affirmant que les deux précédents traitements sont efficaces , contenus qui contredisent les consensus des experts des autorités sanitaires locales ou de l’OMS au sujet du vaccin, contenus qui affirment que le vaccin approuvé contre la Covid causerait la mort ….modifierait le patrimoine génétique .. … contenus qui affirment que, personne n’a été malade ou n’est décédé du Covid, que la pandémie est terminée, que les symptômes, /es taux de mortalité ou la contagiosité de la Covid sont moins ou aussi sévères que ceux de la grippe … » ; Les Règles ci-dessus, portée à la connaissance des utilisateurs, qu’il s’agisse d’internautes ou de personnes ayant créées « une chaine» (c’est-à-dire une succession de vidéos), définissent avec une très grande clarté et précision l’objet et le contenu de la plateforme, les règles à respecter quant aux contenus des vidéos et les sanctions pouvant aller, au bout de trois avertissements, à la suspension voir à la suppression définitive ; En l’occurrence, France-Soir a gravement violé, de manière flagrante et répétée, la plupart des règles de Youtube dans ses vidéos particulièrement sur la Covid ; France-Soir a reçu plusieurs avertissements avant que sa chaine ne soit suspendue ; il en résulte que le moyen de cette dernière, selon lequel Google aurait violé l’article 10 de la CEDH, en restreignant de façon injustifiée sa liberté d’expression, n’est pas fondé. Régime juridique applicable à AdSenseEn ce qui concerne AdSense, il s’agit d’un service commercial faisant l’objet d’un contrat imposant des droits et obligations aux deux parties afin de monétiser le trafic des internautes sur le site des éditeurs. Google est chargée de vendre des espaces publicitaires pour le site de France-Soir puis de reverser la moitié de la recette à cette dernière ; pour bénéficier de ce service, équivalent à celui rendu par une régie publicitaire, des engagements contractuels réciproques ont été conclus entre les deux parties par le biais d’une inscription en ligne à l’issue de laquelle France-Soir a accepté les termes du contrat, incluant des conditions d’utilisation. A celles-ci est jointe un règlement stipulant les conditions relatives au contenu du site que l’éditeur doit respecter afin de satisfaire aux normes des annonceurs qui ne veulent pas associer leur nom à des messages contraires à leur image. La question de la liberté d’expression est donc dépourvue de sens dans cette relation commerciale tripartite : les annonceurs sont évidemment libres de choisir les médias dans lesquels ils entendent faire paraître leur publicité et ce quel que soit le support des articles, publication sur du papier ou sur un site internet ; le moyen de France-Soir, fondé sur une violation de l’article 10 de la CEDH relatif à la liberté d’expression, est donc non pertinent en ce qui concerne ce service commercial de régie publicitaire. En conséquence le tribunal a jugé que Google Ireland n’a pas, en déréférençant l’intégralité du site et des articles (même sans lien avec la Covid) de France-Soir de son moteur de recherche Actualité, en suspendant l’accès de ses vidéos à sa plateforme You Tube, et en désactivant son compte AdSense (y compris les outils Adexchange et Admanager) , porté atteinte à la liberté d’expression de Shopper Union France, l’éditeur de ces services. |
→ Questions / Réponses juridiques
Quel est le statut juridique de Youtube ?Youtube est classée comme un « fournisseur de services de partage de contenus en ligne » selon l’article 2(6) de la Directive de 2019 sur les droits voisins. Cela signifie qu’elle est reconnue comme une plateforme d’hébergement de vidéos, ce qui lui confère des droits et des obligations spécifiques en tant qu’hébergeur. En vertu de la LCEN, Youtube est également qualifiée d’« hébergeur » et est considérée comme un « service intermédiaire » selon le règlement UE n° 2019/1150. Ce statut lui permet d’imposer des conditions d’éligibilité à son service, garantissant ainsi la qualité et l’image de la plateforme.Quels sont les droits contractuels de Youtube concernant la suspension d’une chaîne ?Google, en tant qu’hébergeur, a le droit de suspendre l’hébergement d’une chaîne, y compris celle d’un éditeur de presse, sans que cela soit considéré comme une atteinte à la liberté d’expression. Cette capacité découle de ses conditions générales, qui lui permettent d’exercer une sélection des services proposés. Les plateformes, comme Youtube, ont la liberté de déterminer les conditions d’éligibilité à leur service, ce qui est une expression de leur droit d’entreprendre. Ainsi, même si un hébergeur ne doit pas intervenir sur le contenu des vidéos, il peut établir des règles pour garantir la qualité de son service.Comment le Règlement Youtube est-il opposable aux utilisateurs ?Le Règlement Youtube, qui inclut des avertissements pour non-respect, est clairement énoncé et doit être accepté par tout utilisateur lors de son inscription. Les utilisateurs doivent cliquer sur une formule d’acceptation pour accéder à la plateforme, ce qui signifie qu’ils s’engagent à respecter les règles établies. Ces règles précisent les types de contenus interdits, notamment ceux liés à la Covid, et les sanctions en cas de non-respect, pouvant aller jusqu’à la suppression définitive de la chaîne après plusieurs avertissements. Dans le cas de France-Soir, la chaîne a été suspendue après avoir violé ces règles à plusieurs reprises.Quel est le régime juridique applicable à AdSense ?AdSense est un service commercial qui repose sur un contrat entre Google et les éditeurs, imposant des droits et obligations réciproques. Google vend des espaces publicitaires pour le site de France-Soir et reverse une partie des recettes à ce dernier. Pour bénéficier de ce service, France-Soir a accepté les termes du contrat, qui incluent des conditions d’utilisation et des normes de contenu à respecter. Dans cette relation commerciale, la question de la liberté d’expression est moins pertinente, car les annonceurs choisissent librement où faire paraître leur publicité, indépendamment du support.Quelles conclusions peut-on tirer des décisions judiciaires concernant la liberté d’expression sur Youtube ?Le tribunal a jugé que Google n’a pas porté atteinte à la liberté d’expression de France-Soir en suspendant l’accès à sa chaîne et en déréférençant son site. Cette décision repose sur le fait que les règles de Youtube et les conditions d’AdSense sont clairement établies et acceptées par les utilisateurs. Ainsi, même si la plateforme est gratuite, la relation entre Google et les éditeurs est contractuelle, et les utilisateurs doivent respecter les règles pour continuer à utiliser le service. Les violations répétées des règles par France-Soir ont justifié la suspension de sa chaîne, ce qui montre que les plateformes ont le droit d’appliquer leurs règlements. |
Laisser un commentaire