L’Essentiel : Le tribunal a examiné la situation de Mme [L] [E] concernant l’allocation de rentrée scolaire (ARS) et les soupçons de fraude. Bien que la CAF ait justifié l’indu de 72 212,84 euros en raison de la résidence à l’étranger, la notification d’indu du 11 mai 2023 a été jugée partiellement irrégulière. Le tribunal a annulé la procédure de recouvrement pour l’ARS de 503,91 euros, confirmant la régularité du contrôle effectué. En fin de compte, l’action en recouvrement n’était pas prescrite, mais la demande de la CAF de condamner Mme [L] [E] a été rejetée, entraînant une condamnation aux dépens pour la CAF.
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Notification de l’allocation de rentrée scolaireLe 13 août 2020, la caisse d’allocations familiales (CAF) du Nord a informé Mme [L] [E] du versement de l’allocation de rentrée scolaire (ARS) d’un montant de 503,91 euros pour son enfant, [H] [E], né le 12 décembre 2002. Contrôle et suspicion de fraudeLe 27 janvier 2023, un contrôle au domicile de Mme [L] [E] a été effectué par un agent assermenté de la CAF, révélant des suspicions de fraude. Un rapport d’enquête a été établi à cette date. Changement de droits et indu de prestationsPar courrier du 11 mai 2023, la CAF a notifié à Mme [L] [E] un changement de ses droits à compter du 1er mai 2020, en raison de sa résidence à l’étranger depuis le 27 août 2010, entraînant un indu de prestations familiales de 72 212,84 euros. Contestations de Mme [L] [E]Mme [L] [E] a contesté la dette par courrier recommandé le 19 mai 2023. Le 19 octobre 2023, la commission de recours amiable a confirmé l’indu de l’ARS de 503,91 euros et a rejeté son recours. Procédure judiciaireLe 19 avril 2024, Mme [L] [E] a saisi le tribunal pour contester la décision de la commission de recours amiable. L’affaire a été plaidée le 24 septembre 2024. Arguments de Mme [L] [E]Mme [L] [E] a soutenu que son domicile en Belgique était connu de la CAF, que les paiements lui étaient adressés à cette adresse, et que le contrôle avait été réalisé de manière irrégulière. Elle a également invoqué la prescription de l’action de recouvrement. Position de la CAF du NordLa CAF a demandé la confirmation de la décision de la commission de recours amiable et a soutenu que Mme [L] [E] avait omis de déclarer sa résidence en Belgique, justifiant ainsi l’indu. Elle a également précisé que la prescription de l’action en recouvrement était de cinq ans en cas de fraude. Régularité du contrôleLe tribunal a examiné la régularité du contrôle effectué par la CAF, concluant que l’avis préalable au contrôle avait été correctement notifié à Mme [L] [E], lui permettant de se préparer à la visite. Notification d’induLa notification d’indu du 11 mai 2023 a été jugée partiellement irrégulière, car elle ne précisait pas le montant d’indu pour chaque prestation, ce qui a conduit à l’annulation de la procédure de recouvrement pour l’ARS de 503,91 euros. Décision du tribunalLe tribunal a déclaré que l’action en recouvrement n’était pas prescrite, a confirmé la régularité du contrôle, a annulé partiellement la notification d’indu, et a rejeté la demande de la CAF de condamner Mme [L] [E] au paiement de l’indu. La CAF a été condamnée aux dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la prescription de l’action en recouvrement de la caisse d’allocations familialesL’article L.553-1 du code de la sécurité sociale stipule que : » L’action de l’allocataire pour le paiement des prestations se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable à l’action intentée par un organisme payeur en recouvrement des prestations indûment payées, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration, l’action de l’organisme se prescrivant alors par cinq ans. La prescription est interrompue tant que l’organisme débiteur des prestations familiales se trouve dans l’impossibilité de recouvrer l’indu concerné en raison de la mise en œuvre d’une procédure de recouvrement d’indus relevant des articles L.553-2, L.821-5-1 ou L.845-3, L.844-3 (1) du code de la sécurité sociale, L.262-46 du code de l’action sociale et des familles ou L.823-9 du code de la construction et de l’habitation « . Il en ressort que la prescription biennale ne s’applique pas en cas de fraude ou de fausse déclaration. Dans le cas présent, la CAF du Nord a établi une suspicion de fraude suite à un contrôle effectué le 11 janvier 2023, ce qui a permis de reporter le point de départ de la prescription à cette date. Ainsi, l’action en recouvrement de la CAF du Nord concernant l’indu d’allocation de rentrée scolaire versée en août 2020 n’est pas prescrite. Sur la régularité du contrôle effectué par la caisse d’allocations familiales du NordL’article L.114-10 du code de la sécurité sociale dispose que : » Les directeurs des organismes chargés de la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale ou du service des allocations et prestations mentionnées au présent code confient à des agents chargés du contrôle, assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale ou par arrêté du ministre chargé de l’agriculture, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l’attribution des prestations, le contrôle du respect des conditions de résidence et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. Les constatations établies à cette occasion par ces agents font foi jusqu’à preuve du contraire. » En l’espèce, l’agent assermenté de la CAF a notifié à Mme [L] [E] un avis préalable au contrôle, respectant ainsi les exigences de l’article L.114-10. Bien que Mme [L] [E] ait contesté le respect du délai de préavis, il a été établi qu’elle a eu connaissance des éléments du contrôle et a pu faire valoir ses observations. Par conséquent, le contrôle effectué par la CAF du Nord est jugé régulier. Sur la régularité de la procédure de notification d’induL’article R.133-9-2 I du code de la sécurité sociale précise que : » L’action en recouvrement de prestations indues prévue à l’article L.133-4-1 s’ouvre par l’envoi à l’assuré par le directeur de l’organisme créancier, par tout moyen donnant date certaine à sa réception, d’une notification constatant, sur la base des informations dont dispose l’organisme, que l’assuré a perçu des prestations indues. Cette notification : 1° Précise la nature et la date du ou des versements en cause, le montant des sommes réclamées et le motif justifiant la récupération de l’indu ; 2° Indique les modalités selon lesquelles l’assuré peut, dans un délai de vingt jours à compter de la réception de cette notification, demander la rectification des informations ayant une incidence sur le montant de l’indu. » Dans le cas présent, la notification d’indu du 11 mai 2023 ne précise pas la nature ni le montant d’indu se rapportant à chaque prestation, ni la date des versements. Cette irrégularité prive Mme [L] [E] de la possibilité de comprendre l’étendue de son obligation, justifiant ainsi l’annulation de la procédure de recouvrement. Sur les demandes accessoiresL’article 696 du code de procédure civile stipule que : » La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par une décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. » Étant donné que la CAF du Nord a été jugée partie succombante, elle est condamnée aux dépens de l’instance. Aucune considération d’équité ne justifie une condamnation de Mme [L] [E] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Ainsi, la demande de la CAF du Nord sera rejetée. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
PÔLE SOCIAL
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JUGEMENT DU 25 NOVEMBRE 2024
N° RG 24/00870 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YI6C
DEMANDERESSE :
Mme [L] [E]
[Adresse 7]
[Localité 2]
BELGIQUE
comparante, assistée de Me Eric DEBEURME, avocat au barreau de LILLE
DEFENDERESSE :
CAF DU NORD – SERVICE JURIDIQUE
[Adresse 4]
BP 645
[Localité 1]
représentée par Madame [B], munie d’un pouvoir,
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président : Benjamin PIERRE, Vice-Président
Assesseur : Michel VAULUISANT, Assesseur du pôle social collège employeur
Assesseur : Anne-Lise LELIEVRE, Assesseur pôle social collège salarié
Greffier
Dorothée CASTELLI, lors des débats
Jessica FRULEUX, lors du délibéré
DÉBATS :
A l’audience publique du 24 septembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 25 novembre 2024.
Par un avis de droit en date du 13 août 2020, la caisse d’allocations familiales (CAF) du Nord a informé Mme [L] [E], en sa qualité d’allocataire, du versement de l’allocation de rentrée scolaire (ARS) d’un montant de 503,91 euros, due au titre de l’année 2020 pour son enfant, [H] [E], né le 12 décembre 2002.
Le 27 janvier 2023, suite à un contrôle réalisé au domicile de Mme [L] [E] par un agent assermenté de la CAF du Nord en date du 11 janvier 2023, un rapport d’enquête faisant état d’une suspicion de fraude de l’allocataire a été établi.
Par courrier du 11 mai 2023, la CAF du Nord a informé Mme [L] [E] du changement de ses droits à compter du 1er mai 2020 en raison de sa résidence hors du territoire français depuis le 27 août 2010, générant un indu de prestations familiales d’un montant de 72 212,84 euros.
Par courrier recommandé en date du 19 mai 2023 réceptionné le 22 mai 2023, Mme [L] [E] a contesté toute dette provenant de la CAF du Nord.
Le 19 octobre 2023, la commission de recours amiable a confirmé l’indu d’allocation de rentrée scolaire perçu en août 2020 d’un montant de 503,91 euros et a rejeté le recours de Mme [L] [E].
Par requête déposée le 19 avril 2024, Mme [L] [E], par l’intermédiaire de son conseil, a saisi la présente juridiction afin de contester la décision de rejet explicite de la commission de recours amiable notifiée par courrier en date du 2 novembre 2023.
L’affaire, enregistrée sous le numéro RG 24/00870, a été appelée le 24 septembre 2024, date à laquelle elle a été plaidée en présence des parties dûment représentées.
* Mme [L] [E], par l’intermédiaire de son conseil, demande au tribunal de :
– annuler la décision de rejet rendue par la commission de recours amiable du 19 octobre 2023 notifiée le 2 novembre 2023 relative à l’allocation de rentrée scolaire pour 503,91 euros ;
– condamner la CAF du Nord en tous les dépens.
Mme [L] [E] fait notamment valoir que son domicile en Belgique est connu de la caisse depuis de nombreuses années ; que les attestations de paiement de la caisse lui sont adressées à son adresse actuelle ; que la CAF de Wallonie reçoit l’attestation E411 de la CAF du Nord ; qu’aucune pension alimentaire ne lui est versée par M. [U] [E], conformément à l’accord de séparation du 1er mars 2017 ; que le rapport de contrôle mené par l’agent agréé et assermenté de la caisse a été réalisé et adressé dans des conditions irrégulières ; que la caisse est prescrite par application de l’article L. 243-6 du code de la sécurité sociale puisque la prestation dont il est demandé le remboursement remonte à août 2020.
* La caisse d’allocations familiales du Nord, dûment représentée, a soutenu oralement ses conclusions écrites auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des moyens.
La caisse demande au tribunal de :
– confirmer la décision de la commission de recours amiable du 19 octobre 2023, notifiée le 2 novembre 2023 et réceptionnée le 16 novembre 2023 confirmant un indu d’allocation de rentrée scolaire d’un montant de 503,91 euros pour le mois d’août 2020 ;
– condamner Mme [L] [E] au paiement de l’indu d’allocation de rentrée scolaire d’un montant de 503,91 euros pour le mois d’août 2020 ;
– condamner Mme [L] [E] au paiement de 100 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rejeter le recours de Mme [L] [E] et de toute autre demande additionnelle.
La caisse expose en substance que l’action en recouvrement se prescrit par 5 ans lorsque les prestations versées relèvent d’une manœuvre frauduleuse ou d’une fausse déclaration ; que Mme [L] [E] a délibérément omis de déclarer sa résidence en Belgique sans interruption entre août 2010 et janvier 2023, date du contrôle mené par un agent assermenté ; que Mme [L] [E] a confirmé le 3 décembre 2022 ne jamais avoir perçu de pensions alimentaires ; que la directrice de la CAF a parfaitement notifié l’indu d’allocation de rentrée scolaire en date du 11 mai 2023 ; que la notification comporte toutes les mentions obligatoires.
Sur le bien-fondé de l’indu d’allocation de rentrée scolaire, la caisse souligne que Mme [L] [E] a déclaré un changement d’adresse pour un local sis à [Localité 6] en juin 2017 et a confirmé résider à cette adresse dans 15 déclarations de situations entre 2017 et 2022 ; que si l’avis de passage du 15 décembre 2022, posté le 4 janvier 2023, indiquant qu’un contrôle sera effectué le 11 janvier 2023, ne respecte pas le délai de 10 jours, cela n’a réellement eu aucune incidence ; que Mme [L] [E] a effectué et réitéré de fausses déclarations entre 2017 et 2022.
L’affaire est mise en délibéré au 25 novembre 2024.
– Sur la prescription de l’action en recouvrement de la caisse d’allocations familiales :
Aux termes de l’article L.553-1 du code de la sécurité sociale, » L’action de l’allocataire pour le paiement des prestations se prescrit par deux ans.
Cette prescription est également applicable à l’action intentée par un organisme payeur en recouvrement des prestations indûment payées, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration, l’action de l’organisme se prescrivant alors par cinq ans.
La prescription est interrompue tant que l’organisme débiteur des prestations familiales se trouve dans l’impossibilité de recouvrer l’indu concerné en raison de la mise en œuvre d’une procédure de recouvrement d’indus relevant des articles L.553-2, L.821-5-1 ou L.845-3, L.844-3 (1) du code de la sécurité sociale, L.262-46 du code de l’action sociale et des familles ou L.823-9 du code de la construction et de l’habitation « .
Il ressort des dispositions susvisées que la prescription biennale concernant l’action en remboursement intentée par un organisme payeur en recouvrement des prestations indûment payées, n’est pas applicable en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration (Cass. soc., 21 oct. 1993). Seule l’existence d’une fraude ou d’une fausse déclaration est de nature à reporter, à la date de la découverte de celle-ci, le point de départ de la prescription de l’action en répétition de l’indu exercée par la caisse (Cass. 2e civ., 18 déc. 2014, n° 13-27.734).
*
En l’espèce, suite au contrôle réalisé au domicile de Mme [L] [E] par un agent assermenté de la CAF du Nord en date du 11 janvier 2023, un rapport d’enquête faisant état d’une suspicion de fraude de l’allocataire a été établi le 27 janvier 2023 (pièce n°2 de la caisse).
Dans son rapport le contrôleur assermenté de la CAF du Nord a notamment relevé dans son argumentaire (page 4/6) de multiples anomalies concernant la résidence de l’allocataire, le conduisant à retenir l’intention frauduleuse de cette dernière :
» -la matérialité des faits :
* elle est avérée par un droit de communication à l’Onem, qui me confirme l’enregistrement sur le registre de la population belge de madame et son fils [H] sans interruption depuis le 27/08/2010, à trois adresses différentes sur Tournai et depuis 2018 à Dottignies (…)
Madame ne pouvait ignorer ses devoirs de déclarations, clairement indiqués autant sur le Caf.fr que sur les supports écrits mis à sa disposition. Au contraire, elle a multiplié les fausses déclarations à travers essentiellement des démarches web. En confirmant par exemple encore récemment ne percevoir aucune pension alimentaire (deminf du 02/12/2022) ou en communiquant systématiquement l’adresse de [Localité 6] pour l’ensemble de ses demandes d’Aah (non exportable) ou Rsa depuis 2018, alors que tel n’était pas le cas.
Ces éléments m’amènent à retenir l’intention frauduleuse « .
Le 11 mai 2023, la CAF du Nord a informé Mme [L] [E] du changement de ses droits à compter du 1er mai 2020 en raison de sa résidence hors du territoire français depuis le 27 août 2010, générant un indu de prestations familiales d’un montant de 72 212,84 euros (pièce n°3 de la caisse).
Compte tenu de ces éléments et du motif invoqué par l’organisme social ayant conduit à la notification d’un indu, pour répétition de fausses déclarations transmises par l’allocataire, la CAF du Nord était en mesure de reporter à la date de la découverte de celles-ci, soit le 11 janvier 2023, le point de départ de la prescription quinquennale de son action en recouvrement.
Dès lors, l’action en recouvrement de la CAF du Nord, relative à un indu d’allocation de rentrée scolaire versée en août 2020 à Mme [L] [E], ne saurait être déclarée prescrite.
Le moyen soutenu par Mme [L] [E] sera donc rejeté.
– Sur la régularité du contrôle effectué par la caisse d’allocations familiales du Nord :
L’article L.114-10 du code de la sécurité sociale dispose que : » Les directeurs des organismes chargés de la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale ou du service des allocations et prestations mentionnées au présent code confient à des agents chargés du contrôle, assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale ou par arrêté du ministre chargé de l’agriculture, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l’attribution des prestations, le contrôle du respect des conditions de résidence et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. Des praticiens-conseils et auditeurs comptables peuvent, à ce titre, être assermentés et agréés dans des conditions définies par le même arrêté. Les constatations établies à cette occasion par ces agents font foi jusqu’à preuve du contraire.
Lorsque cela est nécessaire à l’accomplissement de sa mission, un agent chargé du contrôle peut être habilité par le directeur de son organisme à effectuer, dans des conditions précisées par décret, des enquêtes administratives et des vérifications complémentaires dans le ressort d’un autre organisme. Les constatations établies à cette occasion font foi dans les mêmes conditions que celles mentionnées au premier alinéa et le directeur de ce dernier organisme tire, le cas échéant, les conséquences concernant l’attribution des prestations et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles « .
L’article L.583-3 du même code précise que : » Les informations nécessaires à l’appréciation des conditions d’ouverture, au maintien des droits et au calcul des prestations familiales, notamment les ressources, peuvent être obtenues par les organismes débiteurs de prestations familiales selon les modalités de l’article L.114-14.
Sans préjudice des sanctions pénales encourues, la fraude, la fausse déclaration, l’inexactitude ou le caractère incomplet des informations recueillies en application du premier alinéa du présent article exposent l’allocataire, le demandeur ou le bailleur aux sanctions et pénalités prévues à l’article L.114-17.
Lorsque ces informations ne peuvent pas être obtenues dans les conditions prévues au premier alinéa, les allocataires, les demandeurs ou les bailleurs les communiquent par déclaration aux organismes débiteurs de prestations familiales.
Ces organismes contrôlent les déclarations des allocataires ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne leur situation de famille, les enfants et personnes à charge, leurs ressources, le montant de leur loyer et leurs conditions de logement. Ils peuvent contrôler les déclarations des bailleurs, afin de vérifier notamment l’existence ou l’occupation du logement pour lequel l’allocation mentionnée au a du 2° de l’article L.821-1 du code de la construction et de l’habitation est perçue.
Pour l’exercice de leur contrôle, les organismes débiteurs de prestations familiales peuvent demander toutes les informations nécessaires aux administrations publiques, notamment les administrations financières, et aux organismes de sécurité sociale, de retraite complémentaire et d’indemnisation du chômage, qui sont tenus de les leur communiquer.
Les informations demandées aux allocataires, aux demandeurs, aux bailleurs, aux administrations et aux organismes ci-dessus mentionnés doivent être limitées aux données strictement nécessaires à l’attribution des prestations familiales.
Un décret fixe les modalités d’information des allocataires, des demandeurs et des bailleurs dont les déclarations font l’objet d’un contrôle défini dans le présent article.
Les personnels des organismes débiteurs sont tenus au secret quant aux informations qui leur sont communiquées.
Le versement des prestations peut être suspendu si l’allocataire refuse de se soumettre aux contrôles prévus par le présent article.
Le présent article est applicable aux informations demandées au parent débiteur et au parent créancier nécessaires pour l’application de l’article L.582-2 et du 4° du I de l’article L.523-1 du présent code « .
***
Par courrier du 15 décembre 2022 (pièce n°6 de la requérante), l’agent de contrôle assermenté de la CAF du Nord a notifié à Mme [L] [E] – domiciliée [Adresse 3] à [Localité 6] – un avis préalable au contrôle en l’informant notamment de son passage à son domicile le mercredi 11 janvier 2023 entre 8 heures et 12 heures et en lui précisant la liste des documents à présenter dans le cadre de sa visite.
La requérante oppose à la caisse que l’avis préalable au contrôle n’a été posté que le 4 janvier 2023 en l’absence du respect du délai de dix jours avant ledit contrôle.
En réplique, la CAF du Nord relève que cela n’a réellement eu aucune incidence.
En l’espèce, il y a lieu de mentionner que l’avis portant information du contrôle édité par l’agent assermenté de la CAF du Nord en date du 15 décembre 2022 a été expédié à Mme [L] [E] antérieurement à la date retenue pour son passage à domicile, soit le 4 janvier 2023 pour un rendez-vous fixé au mercredi 11 janvier 2023.
En tout état de cause, le courrier précise la démarche à suivre afin d’obtenir, le cas échéant, le déplacement du rendez-vous : » Dans l’hypothèse où le rendez-vous fixé ne vous conviendrait pas, vous devez m’appeler au 06/25/98/35/45 afin de déterminer une autre date « .
Dès lors, au regard des informations dûment transmises par l’agent assermenté de la caisse à l’allocataire, il est établi que Mme [L] [E] a été en mesure de prendre connaissance des éléments tendant à la mise en œuvre de la procédure de contrôle par l’organisme social afin de reporter, le cas échéant, la date du rendez-vous fixée unilatéralement par le contrôleur ou à tout le moins de contacter directement ce dernier pour prévenir de son éventuelle absence.
*
À l’issue du contrôle effectué au domicile déclaré de l’allocataire situé à [Localité 6], en date du 11 janvier 2023, le contrôleur assermenté de la CAF du Nord a adressé à Mme [L] [E] – à l’adresse identifiée dans le cadre du contrôle à [Localité 5] en Belgique – un courrier daté du 13 janvier 2023 (pièce n°7 de la requérante) portant les indications suivantes :
» Vous trouverez, au verso, une copie des constats effectués, au cours du contrôle, sur votre dossier.
Vous disposez d’un délai de 10 jours, à compter de la date de ce courrier, pour nous faire parvenir ce document complété daté et signé ainsi que vos remarques et justificatifs si vous êtes en désaccord avec ces constats.
A l’issue de ce délai, si ce document ne nous est pas parvenu, nous vous considérerons en accord avec les dits constats « .
La requérante soutient que le courrier daté du 13 janvier 2023, posté le 18 janvier 2023, ne lui a pas permis de bénéficier du délai de dix jours à compter de la date du courrier qu’elle a reçu et que la CAF n’a tenu aucun compte de son courrier du 21 janvier 2023 dans lequel elle fait notamment valoir que son adresse en Belgique est connue de la caisse depuis 2010.
En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme [L] [E] a été en mesure de répondre – dans le délai de dix jours imparti – aux constatations effectuées par l’agent assermenté en complétant la notice de procédure contradictoire, signée en date du 21 janvier 2023, afin de faire valoir ses observations ainsi que son désaccord.
De plus, le rapport d’enquête établi en date du 27 janvier 2023 par le contrôleur assermenté fait état de la procédure contradictoire au titre des documents archivés.
Il est ainsi établi, que Mme [L] [E], antérieurement à toute décision relative au recouvrement de prestations familiales indues, a eu connaissance des éléments du contrôle et de son droit de le contester, ce qu’elle a d’ailleurs fait par courrier du 21 janvier 2023 (pièce n°8 de la requérante) si bien que la requérante a pu faire valoir ses observations et pièces dans le cadre de la procédure contradictoire mise en œuvre par la CAF du Nord.
En conséquence, il convient de constater la régularité du contrôle conduit par la CAF du Nord à l’encontre de Mme [L] [E].
– Sur la régularité de la procédure de notification d’indu :
Aux termes de l’article R.133-9-2 I du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2021-306 du 23 mars 2021 : » L’action en recouvrement de prestations indues prévue à l’article L.133-4-1 s’ouvre par l’envoi à l’assuré par le directeur de l’organisme créancier, par tout moyen donnant date certaine à sa réception, d’une notification constatant, sur la base des informations dont dispose l’organisme, que l’assuré a perçu des prestations indues. Cette notification :
1° Précise la nature et la date du ou des versements en cause, le montant des sommes réclamées et le motif justifiant la récupération de l’indu ;
2° Indique :
a) Les modalités selon lesquelles l’assuré peut, dans un délai de vingt jours à compter de la réception de cette notification et préalablement à l’exercice du recours mentionné à l’article L. 142-4, demander la rectification des informations ayant une incidence sur le montant de l’indu ;
b) La possibilité pour l’organisme, lorsque l’assuré ne fait pas usage du a, de récupérer à compter de l’expiration du même délai de vingt jours les sommes indûment versées par retenues sur les prestations à venir, sauf si l’assuré, dans ce même délai, rembourse ces sommes ou accepte le principe d’un échéancier de paiement, dont la durée peut être fixée ultérieurement sans pouvoir excéder douze mois. A défaut de conclusion d’un échéancier dans un délai d’un mois suivant cette acceptation, les sommes sont mises en recouvrement immédiatement ;
c) La possibilité pour l’organisme, à l’expiration du délai au terme duquel naît une décision implicite de rejet mentionné au 1° du II, de procéder à la récupération des sommes après expiration du délai mentionné au 2° du II sauf si l’assuré, dans ce même délai, rembourse ces sommes ou accepte le principe d’un échéancier de paiement dont la durée peut être fixée ultérieurement sans pouvoir excéder douze mois. A défaut de conclusion d’un échéancier dans un délai d’un mois suivant cette acceptation, les sommes sont mises en recouvrement immédiatement ;
d) Les voies et délais de recours « .
En application de ces dispositions, la notification d’indu doit préciser la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement et mentionne l’existence d’un délai d’un mois à partir de sa réception, imparti au débiteur pour s’acquitter des sommes réclamées ou présenter des observations écrites à l’organisme de sécurité sociale (Cass., 2e Civ., 31 mars 2016, pourvoi n° 15-14.992).
Ce texte n’impose pas à la caisse d’indiquer, dans la notification d’indu, la norme juridique appliquée ou le détail du calcul de l’indu (Cass., 2e Civ., 10 novembre 2022, pourvoi n° 20-19.167).
En revanche, la notification d’indu doit mentionner la nature et le montant d’indu se rapportant à cha-cune des prestations ainsi que la date du ou des versements donnant lieu à répétition, à défaut de quoi, elle ne permet pas à l’allocataire de pouvoir comprendre l’étendue de son obligation, et ce faisant, lui cause un grief. Une telle notification irrégulière ne pouvait servir de base au recouvrement des sommes litigieuses (Cass., 2e Civ., 25 avril 2024, pourvoi n° 22-10.150).
La requérante, à l’appui de son recours, soutient avoir seulement reçu, par deux lettres simples datées du 1er juillet et du 1er août 2023, une demande de remboursement de la CAF du Nord pour la somme de 43 073,35 euros au titre :
– de l’indu de l’aide exceptionnelle de solidarité ;
– de l’indu de l’allocation aux adultes handicapés ;
– de l’indu d’allocation enfant handicapé.
En réplique, la caisse expose que la Directrice, en date du 11 mai 2023, a parfaitement notifié l’indu d’allocation de rentrée scolaire et que la notification comporte toutes les mentions obligatoires telles que le motif, le montant, les voies et délais de recours.
*
En l’espèce, le courrier en date du 11 mai 2023 produit par la CAF du Nord (pièce n°3 de la caisse) précise les informations suivantes :
» Un contrôle mené par un Agent assermenté a permis de déceler que vous résidez hors du territoire français depuis le 27/08/2010.
Nous avons donc étudié vos droits. Ils changent à partir du 01.05.2020.
Il apparaît après calcul que pour vos PRESTATIONS FAMILILALES, VOUS NOUS DEVEZ 72 212,84 €.
Vous pouvez rembourser la totalité de votre dette dans un délai de 20 jours après avoir reçu cette notification.
Vous pouvez également payer selon vos capacités financières :
– par carte bancaire sur Caf.fr
– par prélèvement automatique en nous retournant le mandat au verso complété et signé
– par virement sur notre compte bancaire (…)
– par chèque à l’ordre du directeur comptable et financier
– par espèce auprès de la banque postale sur le compte (…)
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En fonction des éléments connus de votre dossier, vous n’avez droit à aucune prestation mensuelle « .
Il apparaît ainsi que le courrier du 11 mai 2023 ne précise ni la nature ni le montant d’indu se rapportant à chaque prestation, ni la date du ou des versements donnant lieu à répétition.
Quant aux deux courriers édités en date du 1er juillet 2023 et du 1er août 2023 reçus par Mme [L] [E] (pièces n°13 et 14 de la requérante), ces derniers ne visent que le » remboursement mensuel » de l’indu de l’aide exceptionnelle de solidarité, de l’indu d’allocation aux adultes handicapés, de l’indu d’allocation enfant handicapé (majoration PI) pour une somme de 43 073,35 euros, ne permettant pas davantage à l’allocataire de prendre pleinement connaissance des informations relatives au montant total réclamé par la CAF du Nord suite au contrôle effectué en date du 11 janvier 2023.
Ce n’est qu’à l’occasion de la décision de la commission de recours amiable du 19 octobre 2023 notifiée le 2 novembre 2023 (pièce n°1 de la requérante – pièce n°5 de la caisse) qu’ont été précisés le montant de l’indu d’allocation de rentrée scolaire et la période donnant lieu à répétition.
Dans la mesure où la notification d’indu du 11 mai 2023 ne précise pas le montant d’indu se rapportant à chacune des prestations, ni la date du ou des versements donnant lieu à répétition, ce courrier ne satisfait pas aux prescriptions de l’article R.133-9-2 du code de la sécurité sociale et ne permettait pas à l’allocataire de pouvoir comprendre l’étendue de son obligation, privation qui lui faisait nécessairement grief et justifie l’annulation de la procédure de recouvrement.
En tout état de cause, il y a lieu de souligner que la CAF du Nord ne justifie nullement ni de l’envoi ni de la réception de la notification d’indu du 11 mai 2023 par Mme [L] [E].
Par conséquent, il y a lieu d’annuler partiellement la notification d’indu du 11 mai 2023, pour ce qui concerne l’indu d’allocation de rentrée scolaire d’un montant de 503,91 euros, et de rejeter de façon subséquente la demande de condamnation de Mme [L] [E] au paiement de l’indu sollicitée par la CAF du Nord.
– Sur les demandes accessoires :
Il résulte de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par une décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
La caisse d’allocations familiales du Nord, partie succombante, est condamnée aux dépens de l’instance.
Aucune considération tirée de l’équité ou de la situation économique des parties ne vient justifier l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conséquent, la demande de condamnation de la requérante par la CAF du Nord sera rejetée.
Le tribunal, par décision contradictoire rendue en premier ressort et par mise à disposition au greffe :
DIT que l’action en recouvrement de la caisse d’allocations familiales du Nord, relative à un indu d’allocation de rentrée scolaire versée en août 2020 à Mme [L] [E], n’est pas prescrite ;
DIT que la procédure de contrôle conduite par la caisse d’allocations familiales du Nord à l’encontre de Mme [L] [E] est régulière ;
ANNULE partiellement la notification d’indu du 11 mai 2023 de la caisse d’allocations familiales du Nord, pour sa part relative à l’indu d’allocation de rentrée scolaire d’un montant de 503,91 euros ;
REJETTE la demande de la caisse d’allocations familiales du Nord tendant à la condamnation de Mme [L] [E] au paiement de l’indu d’allocation de rentrée scolaire d’un montant de 503,91 euros pour le mois d’août 2020 ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
CONDAMNE la caisse d’allocations familiales du Nord aux dépens de l’instance ;
REJETTE la demande de la caisse d’allocations familiales du Nord tendant à la condamnation de Mme [L] [E] sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
DIT que le présent jugement sera notifié à chacune des parties conformément à l’article R.142-10-7 du code de la sécurité sociale par le greffe du tribunal.
Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 25 novembre 2024 et signé par le président et la greffière.
La GREFFIÈRE Le PRÉSIDENT
Jessica FRULEUX Benjamin PIERRE
Expédié aux parties le :
– 1 ccc Mme [E]
– 1 ccc Me DEBEURME
– 1 ce CAF du NORD
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