Règle de droit applicableL’article R.661-1 du code de commerce stipule que seuls des moyens sérieux d’appel permettent de suspendre l’exécution provisoire attachée au jugement d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire. Cette disposition déroge à l’article 514-3 du code de procédure civile, qui régit les conditions de suspension de l’exécution provisoire en général. Conditions de suspension de l’exécution provisoirePour qu’une demande de suspension de l’exécution provisoire soit recevable, il est nécessaire de démontrer l’existence de moyens sérieux d’appel. Dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire, la cessation des paiements doit être avérée, et l’absence d’actifs disponibles doit être clairement établie. L’article L.631-1 du code de commerce précise que l’actif disponible doit être suffisant pour couvrir le passif exigible. Évaluation de la cessation des paiementsLa cessation des paiements est définie comme l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Dans le cas présent, le passif déclaré s’élève à 118.316,16 euros, dont une créance fiscale de 103.191,66 euros, tandis que la société admet un passif fiscal exigible de 75.000 euros. L’absence d’actif disponible, tel que défini par l’article L.631-1, a été confirmée par l’analyse des éléments fournis par le liquidateur. Possibilité de redressementLa possibilité d’un redressement est également un critère à prendre en compte pour la suspension de l’exécution provisoire. Les bilans des exercices précédents montrent une activité réelle, bien que les résultats soient modestes. La capacité de la société à générer des bénéfices, même limités, et l’engagement de la dirigeante à mobiliser des fonds pour faire face à la période d’observation, renforcent l’argument selon lequel un redressement n’est pas impossible. Conclusion sur la suspension de l’exécution provisoireEn tenant compte de l’ensemble des éléments, la demande de suspension de l’exécution provisoire a été accueillie, car le moyen relatif à la possibilité de redressement a été jugé sérieux, malgré l’absence d’actifs disponibles pour couvrir le passif exigible. |
L’Essentiel : L’article R.661-1 du code de commerce stipule que seuls des moyens sérieux d’appel permettent de suspendre l’exécution provisoire attachée au jugement d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire. Pour qu’une demande de suspension soit recevable, il est nécessaire de démontrer l’existence de moyens sérieux d’appel. La cessation des paiements doit être avérée, et l’absence d’actifs disponibles doit être clairement établie. La cessation des paiements est définie comme l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
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Résumé de l’affaire : La SARL Garage Nicolas, spécialisée dans la réparation et la vente de véhicules, a connu des difficultés financières suite à un incendie survenu en juin 2020, entraînant la fermeture de l’un de ses établissements. Le 11 décembre 2024, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire immédiate à son encontre, fixant la date de cessation des paiements au 13 mai 2024 et désignant un liquidateur judiciaire.
La société a interjeté appel de cette décision le 19 décembre 2024 et a demandé la suspension de l’exécution provisoire du jugement. Le ministère public s’est opposé à cette suspension, arguant que la société ne disposait pas d’actifs suffisants pour régler une créance fiscale de 75.000 euros qu’elle reconnaissait. Le liquidateur a également souligné que l’état de cessation des paiements était avéré et que la société devait renforcer son dossier pour envisager un plan de redressement. La société a soutenu qu’elle n’était pas en cessation de paiements et qu’un redressement était possible. Cependant, le passif déclaré s’élevait à 118.316,16 euros, dont une créance fiscale importante, sans actif disponible pour y faire face. Les bilans des exercices précédents ont montré des résultats modestes, mais la société a tout de même généré des bénéfices limités. La dirigeante a affirmé qu’elle pouvait mobiliser entre 10.000 et 15.000 euros pour faire face à la période d’observation, ce qui a été pris en compte. En raison de la possibilité d’un redressement, malgré l’absence d’actifs disponibles, la demande de suspension de l’exécution provisoire a été acceptée, permettant à la société de poursuivre ses efforts de redressement. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique pour la suspension de l’exécution provisoire dans le cadre d’une liquidation judiciaire ?L’article R.661-1 du code de commerce stipule que seuls des moyens sérieux d’appel permettent de suspendre l’exécution provisoire attachée au jugement d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire. Ainsi, pour qu’une demande de suspension soit recevable, il est impératif que la société justifie de moyens sérieux, ce qui implique une évaluation rigoureuse de la situation financière et des perspectives de redressement. En l’espèce, la société Garage Nicolas a invoqué l’absence de cessation des paiements et la possibilité d’un redressement, mais le tribunal a constaté que le passif déclaré s’élevait à 118.316,16 euros, dont une créance fiscale de 103.191,66 euros, sans actif disponible pour faire face à cette dette. Quel est le critère d’évaluation de l’actif disponible selon le code de commerce ?L’article L.631-1 du code de commerce précise que l’actif disponible doit être constitué de biens ou droits qui peuvent être réalisés rapidement pour faire face aux créances exigibles. Dans le cas présent, le tribunal a noté que ni le droit au bail ni une éventuelle indemnité d’assurance ne constituaient un actif disponible au sens de cet article. Cela signifie que, malgré la reconnaissance d’un passif fiscal exigible de 75.000 euros, la société Garage Nicolas ne pouvait pas prouver qu’elle disposait de ressources suffisantes pour honorer ses dettes à court terme. Quel est l’impact des résultats financiers sur la possibilité de redressement de la société ?Les résultats financiers de la société Garage Nicolas, tels que présentés dans les liasses fiscales, montrent une activité réelle mais des résultats modestes. Pour évaluer la possibilité de redressement, le tribunal a pris en compte les chiffres d’affaires et les résultats d’exploitation des exercices précédents. Bien que la société ait enregistré des pertes dans certains exercices, les résultats positifs de l’exercice 2023 et le projet de bilan pour 2024 laissent entrevoir une capacité de redressement. La dirigeante a également indiqué qu’elle pouvait débloquer une somme de 10 à 15.000 euros, ce qui renforce l’argument en faveur d’un redressement potentiel. Quel rôle joue le ministère public dans la procédure de liquidation judiciaire ?Le ministère public, dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire, a pour mission de veiller à l’application de la loi et à la protection des intérêts des créanciers. Dans cette affaire, il a exprimé un avis défavorable à la suspension de l’exécution provisoire, soulignant que la société ne justifiait pas d’actifs disponibles pour régler sa créance envers le Trésor Public. Cet avis est crucial car il reflète une évaluation indépendante de la situation financière de la société et peut influencer la décision du tribunal concernant la suspension de l’exécution provisoire. Quel est le rôle du liquidateur judiciaire dans cette procédure ?Le liquidateur judiciaire, désigné par le tribunal, a pour mission de gérer la liquidation des actifs de la société et de s’assurer que les créanciers soient payés dans la mesure du possible. Dans cette affaire, la SELARL Asteren, représentée par son conseil, a exprimé une position mitigée sur la suspension de l’exécution provisoire, soulignant que l’état de cessation des paiements était avéré. Le liquidateur a également noté que la société devait étoffer son dossier pour proposer un plan de redressement, ce qui souligne l’importance de sa fonction dans la procédure de liquidation. |
délivrées aux parties le : Au nom du peuple français
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 8
ORDONNANCE DU 1er AVRIL 2025
(n° / 2025 , 2 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 25/04565 – N° Portalis 35L7-V-B7J-CK6VP
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 décembre 2024 – Tribunal de commerce de BOBIGNY – RG n° 2024P02877
Nature de la décision : Contradictoire
NOUS, Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre, agissant par délégation du Premier Président de cette cour, assistée de Liselotte FENOUIL, greffière.
Vu l’assignation en référé délivrée le 24 février 2025 à la requête de :
DEMANDEUR
Madame [L] [H] épouse [W], au nom et pour le compte de la SARL GARAGE NICOLAS, en qualité de gérante, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BOBIGNY sous le numéro 820 611 531, dont le siège social est situé [Adresse 4] – [Localité 8],
Demeurant [Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Grégory LEVY de l’AARPI NGO JUNG & PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, toque : R13,
En la présence de M. [O] [T], expert comptable du garage NICOLAS,
à
DÉFENDEURS
S.E.L.A.R.L. ASTEREN MJ, prise en la personne de Me [I] [X], en qualité de liquidateur de la société GARAGE NICOLAS,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BOBIGNY sous le numéro 981 863 103,
Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Béatrice HIEST NOBLET de la SCP HYEST et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0311,
LE PROCUREUR GÉNÉRAL – SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL
[Adresse 3]
[Localité 5]
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 24 mars 2025 :
ORDONNANCE rendue par Mme Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre, assistée de Mme Liselotte FENOUIL, greffière présente lors de la mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE:
La SARL Garage Nicolas exerce une activité de garage, de réparation et vente de véhicules. Elle disposait de deux établissements l’un à [Localité 7], l’autre à [Localité 8]. L’établissement de [Localité 8] est fermé depuis l’incendie dont il a été victime en juin 2020.
Sur requête du ministère public et par jugement du 11 décembre 2024, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de liquidation judiciaire immédiate à l’égard de la société Garage Nicolas, fixé la date de cessation des paiements au 13 mai 2024 et désigné la SELARL Asteren, en la personne de Maître [X], en qualité de liquidateur judiciaire.
La société Garage Nicolas a relevé appel de cette décision le 19 décembre 2024 et par acte du 24 février 2025 a fait assigner le liquidateur judiciaire devant le délégataire du premier président pour voir suspendre l’exécution provisoire du jugement dont appel.
Dans son avis du 21 mars 2025, le ministère public a indiqué être défavorable à la suspension de l’exécution provisoire, la société ne faisant pas état d’un actif disponible lui permettant de régler la créance du Trésor Public qu’elle reconnait devoir à hauteur de 75.000 euros et ne produisant aucun document chiffré sur sa capacité à présenter un plan de redressement.
La SELARL Asteren, ès qualités, représentée par son conseil, a fait part de sa position mitigée sur la suspension de l’exécution provisoire, dès lors que l’état de cessation des paiements est avéré et que la société doit étoffer son dossier si elle veut proposer un plan de redressement.
Vu l’article R.661-1 du code de commerce.
Il résulte de l’article R.661-1 du code de commerce, dérogeant aux dispositions de l’article 514-3 du code de procédure civile, que seuls des moyens sérieux d’appel permettent de suspendre l’exécution provisoire attachée au jugement d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.
Au soutien de sa demande de suspension de l’exécution provisoire, la société Garage Nicolas invoque l’absence de cessation des paiements et en tout état de cause la possibilité d’un redressement.
Il ressort des pièces du liquidateur que le passif déclaré s’élève à 118.316,16 euros dont une créance fiscale de 103.191,66 euros déclarée à titre échu. La société Garage Nicolas admet pour sa part un passif fiscal exigible de 75.000 euros.
Face à ce passif exigible, qui est au moins de 75.000 euros, il n’est fait état d’aucun actif disponible. En effet, ni le droit au bail dont se prévaut la société, ni une éventuelle indemnité d’assurance, en l’état aléatoire, au titre du sinistre subi par l’établissement de [Localité 8], ne constituent de l’actif disponible au sens de l’article L 631-1 du code de commerce.
Le moyen pris de l’absence de cessation des paiements n’apparait donc pas, à date, sérieux.
S’agissant de la possibilité d’un redressement, la société Garage Nicolas produit les liasses fiscales de ces derniers exercices, dont il ressort les résultats suivants:
– exercice 2021: un chiffre d’affaires de 209.975 euros, un résultat d’exploitation de -32.704 euros, mais un bénéfice de 7.222 euros compte tenu d’un produit exceptionnel (remboursement d’assurance de 63.890 euros),
– exercice 2022: un chiffre d’affaires de 268.934 euros, un résultat d’exploitation de -12.263 euros et une perte de -2.391 euros,
– exercice 2023: un chiffre d’affaires de 327.217 euros, un résultat d’exploitation de 12.689 euros et un bénéfice de 7.278 euros,
– exercice 2024 (projet de bilan) un chiffre d’affaires de 317.464 euros, un résultat d’exploitation de 868 euros et un bénéfice de 877 euros.
Ces bilans témoignent de la réalité de l’activité de la société Garage Nicolas, même si les résultats sont modestes.
La dirigeante de la société Garage Nicolas indique être en capacité de pouvoir débloquer sous 10 jours une somme de 10 à 15.000 euros pour faire face à la période d’observation.La société fonctionne de façon familiale: la dirigeante, son conjoint et son fils, ce qui laisse présumer un effort commun pour redresser la société.
En l’état d’un passif qui demeure modéré, le moyen pris de ce que tout redressement n’est pas impossible, apparait sérieux.
Il sera en conséquence fait droit à la demande de suspension de l’exécution provisoire.
Suspendons l’exécution provisoire du jugement dont appel,
Disons que les dépens du référé suivront le sort de ceux de l’appel.
Liselotte FENOUIL
Greffière
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT
Présidente
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