Suspension de l’exécution provisoire en raison de moyens sérieux d’infirmation.

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Suspension de l’exécution provisoire en raison de moyens sérieux d’infirmation.

Règle de droit applicable

L’article R. 661-1 du Code de commerce stipule que seuls des moyens d’appel paraissant sérieux permettent de suspendre l’exécution provisoire attachée au jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire. Cette disposition déroge à l’article 514-3 du Code de procédure civile, qui régit les conditions de suspension de l’exécution provisoire en matière civile.

Absence de cessation des paiements

La notion de cessation des paiements est définie par l’article L. 631-1 du Code de commerce, qui précise qu’une entreprise est en cessation des paiements lorsque son passif exigible est supérieur à son actif disponible. En l’espèce, la société Bodystat n’a pas pu démontrer qu’elle disposait d’actifs suffisants pour faire face à ses dettes, ce qui a conduit le tribunal à considérer que les moyens d’infirmation relatifs à l’absence d’état de cessation des paiements n’étaient pas sérieux.

Possibilité de redressement

L’article L. 631-2 du Code de commerce permet à une entreprise en difficulté de présenter un plan de redressement si elle peut prouver qu’elle est en mesure de redresser sa situation financière. Dans cette affaire, le tribunal a reconnu l’existence d’un moyen sérieux d’infirmation du jugement en raison de la possibilité pour la société Bodystat de présenter un plan de redressement, fondé sur la commercialisation de son application et les revenus potentiels qui en découleraient.

Exécution provisoire et mesures conservatoires

L’exécution provisoire d’un jugement de liquidation judiciaire est régie par l’article L. 622-21 du Code de commerce, qui suspend les mesures d’exécution forcée à l’égard des créanciers. En conséquence, le tribunal a jugé qu’il ne pouvait être ordonné un séquestre des sommes dues à la Compagnie Financière, car cela irait à l’encontre des règles de la procédure collective.

Frais irrépétibles

L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. Dans cette affaire, le tribunal a considéré qu’il était inéquitable de laisser à la charge de la Compagnie Financière les frais engagés pour sa défense, ce qui a conduit à la condamnation de la société Bodystat à verser 1000 euros.

L’Essentiel : L’article R. 661-1 du Code de commerce stipule que seuls des moyens d’appel sérieux permettent de suspendre l’exécution provisoire d’un jugement de liquidation judiciaire. La société Bodystat n’a pas pu démontrer qu’elle disposait d’actifs suffisants pour faire face à ses dettes, ce qui a conduit le tribunal à considérer que les moyens d’infirmation relatifs à l’absence d’état de cessation des paiements n’étaient pas sérieux. Le tribunal a reconnu un moyen sérieux d’infirmation du jugement en raison de la possibilité de présenter un plan de redressement.
Résumé de l’affaire : La société Bodystat, spécialisée dans le développement d’une application liée au sport et à la santé, a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal des affaires économiques de Paris le 7 mars 2025, suite à une assignation de la société Compagnie Fiduciaire, créancier ayant obtenu un jugement condamnant Bodystat à verser 69.187,52 euros. La SELARL Argos a été désignée comme liquidateur judiciaire. La société Bodystat n’était pas présente lors de l’audience ayant conduit à cette décision.

Par la suite, Bodystat a été autorisée à assigner d’heure à heure et a fait appel devant le juge des référés pour suspendre l’exécution provisoire du jugement d’ouverture, arguant de plusieurs motifs. Elle a contesté le jugement pour défaut de motivation, affirmant qu’elle n’était pas en cessation de paiements, car elle disposait d’actifs suffisants pour régler la créance, incluant un crédit de TVA et une réserve de crédit. De plus, elle a soutenu qu’un redressement était possible grâce à la commercialisation de son application.

La Compagnie Fiduciaire a demandé la mise sous séquestre de sa créance jusqu’à l’issue de l’appel, ainsi que des mesures conservatoires pour protéger sa créance. Le tribunal a examiné les arguments de Bodystat et a conclu que, bien que les moyens d’infirmation concernant l’absence de cessation des paiements n’étaient pas sérieux, il existait un moyen sérieux relatif à la possibilité de redressement de la société.

En conséquence, le tribunal a ordonné l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement de liquidation judiciaire, tout en laissant les dépens à la charge de Bodystat et en condamnant cette dernière à verser 1000 euros à la Compagnie Fiduciaire pour couvrir les frais irrépétibles.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique permettant de suspendre l’exécution provisoire d’un jugement d’ouverture de liquidation judiciaire ?

L’article R. 661-1 du Code de commerce stipule que seuls des moyens d’appel paraissant sérieux permettent de suspendre l’exécution provisoire attachée au jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire.

En l’espèce, la société Bodystat n’était pas présente lors de l’audience ayant conduit à l’ouverture de la procédure collective.

Elle n’a pas pu apporter au tribunal des éléments concernant sa situation, ce qui a conduit à une motivation réduite de la décision.

Quel est le critère d’appréciation de l’état de cessation des paiements selon la jurisprudence ?

La jurisprudence indique que l’absence d’état de cessation des paiements n’apparaît pas sérieuse si la société, ayant fait appel d’une décision la condamnant à verser une somme, n’est pas en mesure d’exécuter cette condamnation.

La radiation de la procédure d’appel, prononcée en raison de l’absence d’actif disponible pour faire face à son passif exigible, démontre cette cessation des paiements.

Quel moyen d’infirmation du jugement a été retenu par le tribunal ?

Le tribunal a retenu l’existence d’un moyen sérieux s’agissant de la possibilité pour la société de présenter un plan de redressement.

Après plusieurs années de développement, la commercialisation de l’application de la société Bodystat commence à générer des revenus, ce qui pourrait permettre le règlement du passif exigible.

Quelles sont les conséquences de l’arrêt de l’exécution provisoire sur les mesures de séquestre ?

L’arrêt de l’exécution provisoire ne peut concerner que le jugement prononçant la liquidation judiciaire.

Il ne peut donc être ordonné un séquestre de la somme due à la Compagnie Financière, car cela irait à l’encontre des règles régissant la procédure collective.

Les mesures d’exécution forcée sont suspendues du fait de l’ouverture de la procédure collective.

Quel est le sort des dépens dans la procédure de référé ?

Les dépens de la procédure de référé sont mis à la charge du demandeur, en l’occurrence la société Bodystat.

Il est également jugé inéquitable de laisser à la charge de la société Compagnie Financière les frais irrépétibles engagés pour assurer sa défense, ce qui conduit à lui allouer la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Copies exécutoires République française

délivrées aux parties le : Au nom du peuple français

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ORDONNANCE DU 3 AVRIL 2025

(n° , 3 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 25/00212 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CK7YY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 7 Mars 2025 – Tribunal des activités économiques de PARIS – RG n° 202500818

Nature de la décision : Réputé contradictoire

NOUS, Sophie MOLLAT, Présidente, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Yvonne TRINCA, Greffière.

Vu l’assignation en référé délivrée les 20 et 22 mars 2025 à :

DEMANDEUR

S.A.S. BODYSTAT agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 882 790 785

Représentée par Me BOCCON-GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque :

Assistées de Me Fanny LAUTHIER, avocate au barreau de PARIS, toque : D372

à

DEFENDEURS

S.E.L.A.R.L. ARGOS prise en la personne de Me [B] [X] ès qualités de liquidateur judiciaire de la S.A.S. BODYSTAT

[Adresse 2]

[Localité 5]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 879 323 475

S.A.S. COMPAGNIE FIDUCIAIRE agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le n° 320 153 984

Représentée par Me Sandra AUFFRAY, avocate au barreau de PARIS, toque : E1062

Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 27 mars 2025 :

Exposé des faits et procédure

La société Bodystat a pour activité le développement et la commercialisation d’une application dans le domaine du sport et de la santé.

Par jugement en date du 7.03.2025 le tribunal des affaires économiques de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Bodystat sur assignation de la société Compagnie Fiduciaire créancier aux termes d’un jugement ayant condamné la société Bodystat à lui verser la somme de 69.187,52 euros.

La SELARL Argos a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

La société Bodystat n’était pas présente ni représentée lors de l’audience.

Après avoir été autorisée à assigner d’heure à heure par ordonnance du 20.03.2025, la société Bodystat a fait assigner la société Compagnie Fiduciaire et la SELARL Argos devant le juge des référés à l’audience du 27.03.2025 pour que l’exécution provisoire attachée au jugement d’ouverture soit arrêtée faisant valoir des motifs sérieux d’annulation et d’infirmation du jugement rendu. Elle demande en outre qu’un avis soit immédiatement donné par le greffe de la cour d’appel de Paris à celui du TAE de Paris.

Elle fait valoir:

– un moyen d’annulation du jugement pour défaut de motivation

– un moyen d’infirmation s’agissant de l’absence d’état de cessation des paiements au regard du fait qu’elle dispose de l’actif disponible pour payer la créance de la compagnie financière mais a refusé de payer estimant le montant facturé disproportionné par rapport aux diligences, qu’elle dispose d’une réserve de crédit promise par l’un de ses associés et qu’enfin elle dispose d’un crédit de TVA de 124.900,99 euros

– un moyen d’infirmation s’agissant d’un redressement manifestement possible de la société.

La société Compagnie Financière demande:

d’ordonner la mise sous séquestre du montant de sa créance jusqu’à l’issue de la procédure d’appel pendante devant la cour d’appel pour que les sommes séquestrées lui soient reversées si le jugement d’ouverture est infirmée ou remise au liquidateur judiciaire si le jugement d’ouverture est confirmée

à titre subsidiaire d’ordonner toute mesure conservatoire de nature à préserver sa créance en cas de suspension des effets de l’exécution provisoire

de condamner la société Bodystat à lui verser la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Il résulte de l’article R. 661-1 du Code de commerce, dérogeant aux dispositions de l’article 514-3 du Code de procédure civile, que seuls des moyens d’appel paraissant sérieux permettent de suspendre l’exécution provisoire attachée au jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire.

En l’espèce la société Bodystat n’était pas présente lors de l’audience ayant conduit à l’ouverture de la procédure collective et n’a pas été en mesure d’apporter au tribunal des éléments concernant sa situation. Le tribunal a donc motivé de façon réduite sa décision en faisant principalement valoir l’absence de connaissance de la situation de la société mais également le montant de la créance réclamée.

Les éléments soutenus concernant l’absence d’état de cessation des paiements n’apparaissent pas sérieux puisque la société Bodystat qui a fait appel de la décision la condamnant à verser la somme de 69.187,52 euros à la Compagnie Financière n’a pas été en mesure d’exécuter la condamnation pour que son appel soit examiné, la radiation de la procédure d’appel ayant été prononcée, démontrant son absence d’actif disponible pour faire face à son passif exigible.

Il existe par contre un moyen sérieux s’agissant de la possibilité pour la société de présenter un plan de redressement. En effet après plusieurs années de développement de son application celle-ci commence à être commercialisée ainsi qu’elle en rapporte la preuve. Cette commercialisation amènerait la société à percevoir des revenus permettant le règlement du passif exigible.

En conséquence il y a lieu de retenir l’existence de moyens sérieux d’infirmation du jugement rendu le 7.03.2025 et donc de faire droit à la demande d’arrêt de l’exécution provisoire.

L’exécution provisoire s’applique au jugement ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société. L’arrêt de l’exécution provisoire ne peut concerner que ce jugement qui n’est pas un jugement de condamnation de la société Bodystat à verser la somme de 69.187,52 euros à la Compagnie Financière. Il ne peut donc être ordonné un quelconque séquestre de cette somme. En outre un tel séquestre viendrait en contradiction avec les règles qui régissent la procédure collective et aux termes desquelles les mesures d’exécution forcée sont suspendues du fait de l’ouverture de la procédure collective.

Les dépens de la procédure de référé sont mis à la charge du demandeur.

Il est inéquitable de laisser à la charge de la société Compagnie Financière les frais irrépétibles engagés pour assurer sa défense et il convient de lui allouer la somme de 1000 euros.

PAR CES MOTIFS

ordonnons l’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société BODYSTAT en date du 7.03.2025

laissons les dépens de la procédure de référé à la charge de la société BODYSTAT

condamnons la société BODYSTAT à payer à la société COMPAGNIE FINANCIERE la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

ORDONNANCE rendue par Madame Sophie MOLLAT, Présidente, assistée de Madame Yvonne TRINCA, greffière présente lors de la mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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