La responsabilité décennale des constructeurs est régie par l’article 1792 du Code civil, qui stipule que tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l’acquéreur des dommages compromettant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination. Cette responsabilité s’applique aux désordres affectant la micro-station d’épuration installée par la société TR2A, qui a été réceptionnée tacitement. Les désordres constatés, tels que la déformation du regard et le mauvais écoulement des eaux usées, rendent l’ouvrage partiellement impropre à sa destination, justifiant ainsi la recherche de responsabilité décennale. En cas de contestation, le constructeur peut s’exonérer en prouvant que les dommages proviennent d’une cause étrangère, mais dans ce cas, la société TR2A n’a pas démontré que le basculement de la micro-station était dû à une telle cause. De plus, le devoir de conseil du constructeur impose qu’il informe le maître d’ouvrage des prescriptions techniques à respecter, ce qui n’a pas été fait ici. La jurisprudence et les principes de la responsabilité civile renforcent cette obligation, notamment en matière de conformité aux normes de construction.
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L’Essentiel : La responsabilité décennale des constructeurs est régie par l’article 1792 du Code civil, qui impose une responsabilité de plein droit pour les dommages compromettant la solidité de l’ouvrage. Cette responsabilité s’applique aux désordres affectant la micro-station d’épuration installée par la société TR2A, réceptionnée tacitement. Les désordres constatés, tels que la déformation du regard et le mauvais écoulement des eaux usées, rendent l’ouvrage partiellement impropre à sa destination, justifiant la recherche de responsabilité décennale.
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Résumé de l’affaire :
Exposé du litigeUn acheteur et une vendeuse ont fait installer une micro-station d’épuration sur leur terrain par une entreprise selon un devis pour un montant de 9 574,40 euros TTC. Les travaux ont été achevés en mai 2016, et une société a confirmé la conformité de l’installation. Un contrat d’entretien a été souscrit, mais des problèmes ont été constatés lors des interventions ultérieures. L’assureur des acheteurs a réalisé une expertise qui a confirmé les désordres. L’entreprise a été liquidée, et son assureur a refusé de couvrir les dommages. Procédure judiciaireLes acheteurs ont assigné l’assureur devant le tribunal pour obtenir réparation de leur préjudice matériel et de jouissance. Le tribunal a reconnu la responsabilité décennale de l’entreprise et a condamné l’assureur à indemniser les acheteurs pour une partie de leur préjudice. Les acheteurs ont interjeté appel, demandant une augmentation de l’indemnisation. Responsabilité décennale de l’entrepriseLa cour a confirmé la responsabilité décennale de l’entreprise, notant que les désordres rendaient la micro-station partiellement impropre à sa destination. Bien que l’assureur ait tenté de prouver que les dommages étaient dus à une cause étrangère, la cour a constaté que les acheteurs avaient également commis une faute en stationnant trop près de l’installation. Préjudice matérielLes acheteurs ont contesté le montant de l’indemnisation pour leur préjudice matériel, demandant un montant supérieur pour le remplacement de la micro-station. Cependant, la cour a jugé que les preuves fournies ne justifiaient pas ce remplacement et a réduit l’indemnisation à 437,67 euros. Préjudice de jouissanceLes acheteurs ont demandé des dommages et intérêts pour le préjudice de jouissance, expliquant qu’ils avaient dû évacuer les eaux usées de manière rudimentaire. La cour a estimé ce préjudice à 500 euros, confirmant ainsi la décision du tribunal. Dépens et frais irrépétiblesLes acheteurs, étant principalement perdants, ont été condamnés aux dépens d’appel. La cour a également décidé de débouter les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles, en raison de l’équité et de la disproportion économique entre elles. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement de la responsabilité décennale de la société TR2A ?La responsabilité décennale de la société TR2A est fondée sur l’article 1792 du code civil, qui stipule que tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui le rendent impropre à sa destination. Cet article précise également que cette responsabilité n’a pas lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère. Dans le cas présent, il a été établi que la micro-station d’épuration, qui constitue un ouvrage, a été réceptionnée tacitement le 31 mai 2016. Les désordres affectant la micro-station ont été constatés par un expert judiciaire, qui a noté une déformation du couvercle du regard et un mauvais écoulement des eaux usées. Ces éléments montrent que la société TR2A engage sa responsabilité décennale en raison des désordres survenus. Quel est l’impact de la faute des maîtres d’ouvrage sur la responsabilité de la société TR2A ?La responsabilité de la société TR2A peut être atténuée par la preuve d’une cause étrangère, comme une faute du maître d’ouvrage. Dans ce cas, il a été relevé que les maîtres d’ouvrage, en garant leurs véhicules à proximité de la micro-station, ont commis une faute ayant contribué à la réalisation de leur propre dommage. Le rapport d’expertise a mentionné que les maîtres d’ouvrage étaient conscients que l’aire de stationnement ne devait pas être située à proximité immédiate de la station. Cette prise de conscience implique que leur comportement a joué un rôle causal dans l’apparition des désordres, justifiant ainsi un partage de responsabilité entre la société TR2A et les maîtres d’ouvrage. Quel est le montant de l’indemnisation pour le préjudice matériel ?Les maîtres d’ouvrage ont contesté le montant de l’indemnisation pour leur préjudice matériel, qui a été limité à 875,33 euros. Ils ont demandé une somme de 10 810,60 euros TTC pour le remplacement de la micro-station, mais n’ont pas réussi à prouver la nécessité de ce remplacement. L’expert judiciaire a confirmé que le remplacement de la micro-station n’était pas nécessaire pour remédier aux désordres constatés. Les attestations fournies par les maîtres d’ouvrage n’ont pas été jugées suffisantes pour contredire les conclusions de l’expert, qui a estimé que les travaux nécessaires pour remédier aux désordres étaient couverts par le devis de 875,33 euros. Quel est le montant des dommages et intérêts pour le préjudice de jouissance ?Les maîtres d’ouvrage ont demandé 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice de jouissance, en raison des désagréments causés par l’évacuation des eaux usées de la cuisine avec des seaux pendant plus de deux ans. La société MAAF assurances n’a pas contesté cette demande. Au regard de la durée des désordres subis, le tribunal a estimé que le préjudice de jouissance était bien fondé et a confirmé l’indemnisation de 500 euros accordée par le jugement précédent. Quel est le sort des dépens et des frais irrépétibles ?Concernant les dépens et les frais irrépétibles, les maîtres d’ouvrage, étant principalement succombants, ont été condamnés aux dépens d’appel. De plus, l’équité et la disproportion économique entre les parties ont conduit le tribunal à débouter les parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Cela signifie que chaque partie supporte ses propres frais d’avocat et autres frais liés à la procédure, sans que l’une d’elles ne soit condamnée à indemniser l’autre pour ces frais. |
COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXÉCUTOIRE
à :
– la SCP ROUAUD & ASSOCIES
– la SCP SOREL & ASSOCIES
Expédition TJ
LE : 28 FEVRIER 2025
COUR D’APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 28 FEVRIER 2025
N° RG 24/00096 – N° Portalis DBVD-V-B7I-DTX7
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal judiciaire de BOURGES en date du 21 Décembre 2023
PARTIES EN CAUSE :
I – M. [Y] [X]
né le 22 Février 1959 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Mme [P] [X]
née le 30 Octobre 1959 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentés par la SCP ROUAUD & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
APPELANTS suivant déclaration du 01/02/2024
INCIDEMMENT INTIMÉS
II – S.A. MAAF ASSURANCES agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :
[Adresse 4]
[Localité 3]
N° SIRET : 542 073 580
Représentée et plaidant par SCP SOREL & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
INTIMÉE
INCIDEMMENT APPELANTE
28 FEVRIER 2025
p. 2
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Janvier 2025 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. PERINETTI, Conseiller chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Odile CLEMENT Présidente de Chambre
M. Richard PERINETTI Conseiller
Mme Marie-Madeleine CIABRINI Conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MAGIS
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ARRÊT : CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [Y] [X] et Mme [P] [X] ont fait installer une micro-station d’épuration sur le terrain de leur habitation par la SARL TR2A selon devis du 13 août 2015 pour un montant de 9 574,40 euros TTC.
Les travaux ont pris fin le 24 mai 2016.
Le 1er juin 2016, la société Soliha a établi un rapport précisant que la micro-station présentait une installation conforme.
Le 20 novembre 2016, M. et Mme [X] ont souscrit un contrat d’entretien avec la société Art Eau.
Lors de ses interventions des 5 juillet 2017, 27 juin 2018 et 25 juin 2019, la société Art Eau a constaté une déformation du deuxième regard posant des difficultés puis une impossibilité de remise en place du capot.
La compagnie Matmut, assureur protection juridique de M. et Mme [X], a diligenté une expertise amiable, qui a conclu à la déformation du regard rendant impossible la repose du capot.
La société TR2A a fait l’objet d’une liquidation judiciaire. Son assureur responsabilité décennale, la société MAAF assurances, a refusé de prendre en charge les désordres.
Par ordonnance en date du 1er juillet 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bourges a ordonné une expertise judiciaire à la demande de M. et Mme [X].
Le rapport d’expertise a été déposé le 20 décembre 2021.
Par acte du 11 mai 2022, M. et Mme [X] ont assigné la société MAAF Assurances devant le tribunal judiciaire de Bourges en réparation de leur préjudice matériel correspondant au coût de remplacement de la micro-station et de leur préjudice de jouissance.
Par jugement du 21 décembre 2023, le tribunal judiciaire de Bourges a :
‘ dit que la société TR2A a engagé sa responsabilité décennale sur le fondement de l’article 1792 du code civil dans les désordres survenus au niveau de la micro-station qu’elle a installée chez M. et Mme [X],
‘ condamné la société MAAF assurances à payer à M. et Mme [X] les sommes suivantes pour l’indemnisation de leur entier préjudice :
> 875,33 euros indexée sur l’indice du coût de la construction à compter du 8 novembre
2021 et jusqu’à parfait paiement en réparation du préjudice matériel,
> 500 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice de jouissance,
‘ débouté M. et Mme [X] du surplus de leurs demandes et les parties de toute autre demande,
‘ condamné la société MAAF assurances aux dépens dont les frais d’expertise,
‘ condamné la société MAAF assurances à payer à M. et Mme [X] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 1er février 2024, M. et Mme [X] ont interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a condamné la société MAAF assurances à leur payer la somme de 875,33 euros en réparation de leur préjudice matériel et la somme de 500 euros en réparation de leur préjudice de jouissance et les a déboutés du surplus de leurs demandes et les parties de toute autre demande.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 24 décembre 2024, M. et Mme [X] demandent à la cour de :
‘ réformer le jugement entrepris,
‘ condamner la société MAAF assurances à leur régler la somme de 10 810,60 euros TTC correspondant au coût de remplacement de la micro-station, indexée sur l’indice du coût de la construction à compter du « jugement » à intervenir,
‘ à titre subsidiaire, ordonner un complément d’expertise afin que l’expert judiciaire puisse demander à l’entreprise De [H] un devis conforme à la réglementation en vigueur,
‘ condamner la société MAAF assurances à leur régler la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêt au taux légal à compter de la signification du « jugement » à intervenir,
‘ condamner la société MAAF assurances à leur régler la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise judiciaire.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 22 juillet 2024, la société MAAF assurances demande à la cour de :
‘ la recevoir en son appel incident,
‘ à titre principal, infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu que la responsabilité décennale de la société TR2A était engagée au titre des désordres survenus au niveau de la micro-station installée chez M. et Mme [X],
‘ à titre subsidiaire, si la cour confirmait la responsabilité décennale de la société TR2A, confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. et Mme [X] de leur demande de prise en charge du remplacement de la micro-station et en ce qu’il l’a condamnée à régler les sommes de 875,33 euros, indexée sur l’indice du coût de la construction à compter du 8 novembre 2021, et 500 euros en réparation du préjudice de jouissance,
‘ condamner M. et Mme [X] à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 31 décembre 2024.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
Sur la responsabilité décennale de la société TR2A
Aux termes de l’article 1792 du code civil, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.
En l’espèce, il est constant que la micro-station d’épuration, constitutive d’un ouvrage, a été réceptionnée de manière tacite le 31 mai 2016.
M. et Mme [X] recherchent la responsabilité décennale la société TR2A, invoquant l’existence de désordres affectant la micro-station.
Dans son rapport du 20 décembre 2021, l’expert judiciaire a constaté l’existence d’une « déformation d’un couvercle du regard de la micro-station empêchant sa fermeture » apparue en 2017 et un « mauvais écoulement des eaux usées de la cuisine depuis 2020 », précisant que ces désordres « sont apparus progressivement après la pose de la micro-station », ce qui est corroboré par les constatations effectuées par la société Art Eau lors de ses interventions annuelles entre 2017 et 2019, et que « leur évolution courant 2020 a rendu inutilisable le réseau d’eaux usées provenant de la cuisine », notant néanmoins que les désordres « ne sont plus amenés à évoluer ».
S’agissant de la cause des désordres, l’expert judiciaire a constaté l’existence d’un « léger basculement de la station [qui] a pu avoir pour conséquence la déformation du regard d’accès au bac de décantation ainsi que la modification du profil de la canalisation d’eaux usées en provenance de la cuisine ». Il estime que ce basculement a « pu être provoqué par le passage d’un véhicule ou engin » et précise que « le fonctionnement de la micro station n’est pas altéré ».
Pour s’opposer à l’engagement de la responsabilité de son assurée, la société MAAF assurances soutient tout d’abord que le fonctionnement de la micro-station n’est pas altéré, de sorte que les désordres ne présentent pas un caractère décennal.
Il convient cependant de relever que si l’expert judiciaire a effectivement relevé que « le fonctionnement de la micro-station n’est pas altéré », il a néanmoins constaté que « les désordres relevés empêchent l’utilisation de l’évier de la cuisine ».
Il en résulte que le dommage affectant l’ouvrage le rend partiellement impropre à sa destination, dans la mesure où il empêche le traitement conforme d’une partie des eaux usées en provenance de l’habitation.
M. et Mme [X] sont donc bien fondés à rechercher la responsabilité décennale de la société TR2A et la garantie de son assureur.
La société MAAF assurances soutient ensuite que le basculement de la station est intervenu postérieurement à son installation, lors de la réalisation de la zone de stationnement qui ne lui a pas été confiée, de sorte qu’elle n’est pas à l’origine des désordres et que M. et Mme [X] sont seuls responsables du dommage subi par l’ouvrage.
L’expert judiciaire relève à ce titre que « les photos prises lors de la pose de la micro-station ne montrent pas d’anomalies quant au matériau (sable) utilisé pour son calage » et estime que le basculement de la micro-station a « pu être provoqué par le passage d’un véhicule ou engin », précisant que « l’installation ne respecte pas les prescriptions du fabricant (distance à la surface roulante) ».
Il ressort des photographies prises pendant les travaux d’installation de la micro-station et figurant dans le rapport d’expertise que la zone de stationnement matérialisée par un gravier de couleur claire existait déjà au moins partiellement à cette date, un véhicule apparaissant garé à proximité desdits travaux sur l’un des clichés.
Il résulte par ailleurs des photographies prises pendant l’expertise judiciaire que la zone de stationnement, une fois terminée, bordait immédiatement la micro-station, le gravier s’étendant jusqu’aux capots des regards. M. et Mme [X] soutenant que les travaux de l’aire de stationnement ont été réalisés au même moment que l’installation de la micro-station, il doit être conclu que l’aire de stationnement était située depuis 2016 à cette distance de la micro-station, ce qui tendrait au demeurant à expliquer le caractère progressif de l’apparition des désordres dès l’année 2017 et son évolution jusqu’en 2020.
Or, la notice d’installation de la micro-station précise au paragraphe « pose avec passage et stationnement de véhicules légers » que « dans le cas où la [station] est installée à proximité d’une surface roulante avec passage de véhicules, la charge générée ne doit en aucun cas être transférée sur les cuves. La distance à respecter entre le bord de la surface roulante et le bord de la fouille doit être de 3m minimum ».
Il appartenait donc à la société TR2A de procéder à l’installation de la micro-station en conformité avec ces prescriptions, étant à cet égard sans pertinence qu’elle n’ait pas été chargée des travaux de réalisation de l’aire de stationnement. Dans la mesure où elle était tenue, en sa qualité de maître d »uvre, d’un devoir de conseil envers les maîtres de l’ouvrage, il lui appartenait également de les avertir de cette prescription particulière au moment de la validation du lieu d’implantation de la nouvelle micro-station.
Or, il résulte des photographies susmentionnées que les prescriptions en matière de distance minimum n’ont pas été respectées, la société MAAF assurances ne rapportant au demeurant pas la preuve du respect de son obligation de conseil par la société TR2A.
C’est également en vain que la société MAAF assurances fait valoir, s’agissant de l’écoulement des eaux usées de la cuisine, que la société TR2A n’est pas intervenue sur le « réseau d’évacuation », alors que l’installation de la micro-station par cette dernière a nécessité de connecter le tuyau d’évacuation des eaux usées de la cuisine à la nouvelle micro-station, et que le désordre affectant l’évacuation des eaux usées est en tout état de cause imputable, selon les conclusions de l’expertise judiciaire, au basculement de la micro-station.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la société TR2A engage sa responsabilité décennale à l’encontre de M. et Mme [X] au titre des désordres affectant la micro-station.
Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.
Ce nonobstant, il convient de rappeler que la preuve d’une cause étrangère par le maître d »uvre est susceptible de l’exonérer au moins partiellement de sa responsabilité, cette cause étrangère pouvant être une faute du maître de l’ouvrage ou d’un tiers ayant joué un rôle causal dans la réalisation du dommage.
Or, il doit être relevé à ce titre que le rapport d’expertise judiciaire mentionne expressément que « M. et Mme [X] nous précisent qu’ils savent que l’aire de stationnement ne devrait pas être située à proximité immédiate de la station ».
En garant leurs véhicules à une distance qu’ils ne savaient pas conformes, M. et Mme [X] ont donc commis une faute ayant directement contribué à la réalisation de leur propre dommage et exonérant partiellement la société TR2A de sa responsabilité.
Ces circonstances justifient d’opérer un partage de responsabilité pour moitié entre la société TR2A et M. et Mme [X].
Sur le préjudice matériel
M. et Mme [X] font grief au jugement attaqué d’avoir limité l’indemnisation de leur préjudice matériel à la somme de 875,33 euros correspondant ‘ conformément aux préconisations de l’expert judiciaire ‘ au coût du terrassement pour la reprise des eaux de la cuisine ainsi que le coulage du béton nécessaire au recentrage et au calage du trou d’homme de la micro-station.
Ils demandent la condamnation de la société MAAF assurances à leur payer la somme de 10 810,60 euros TTC correspondant au coût de remplacement de la micro-station, indexée sur l’indice du coût de la construction à compter de l’arrêt à intervenir.
Au soutien de leur demande, ils produisent une attestation de la société Art Eau datée du 31 janvier 2022, qui préconise une « modification de l’installation », et une attestation de la SARL [V], qui a procédé au changement de la micro-station en mai 2022 à la demande de M. et Mme [X], aux termes de laquelle « la micro-station [‘] n’est pas renforcée ».
Il convient cependant de relever que ces pièces n’ont pas été soumises à l’expert judiciaire, qui a considéré que « le remplacement de la micro-station n’apparaît pas nécessaire pour remédier aux désordres constatés » et que « le devis [de la société De [H] du 8 novembre 2021 portant sur la somme de 875,33 euros] comprend l’ensemble des travaux à prévoir pour remédier aux désordres relevés ».
Interrogé par le conseil de M. et Mme [X] dans leur cadre de leur dire no 1, l’expert judiciaire a confirmé que « le devis de l’entreprise De [H] comprend l’ensemble des travaux à prévoir pour remédier aux désordres relevés ».
M. et Mme [X] échouent à apporter la preuve contraire, étant précisé que la société Art Eau ne préconise nullement le remplacement, mais simplement la « modification » de l’installation, et que la société [V] n’indique pas en quoi la micro-station devrait être « renforcée » alors qu’une telle nécessité ne résulte ni de la notice d’installation, ni du rapport d’expertise judiciaire. En tout état de cause, l’attestation de la société [V], qui a facturé le remplacement de la micro-station aux appelants, ne peut se voir reconnaître qu’une valeur probante très limitée de ce fait.
M. et Mme [X] ne démontrent pas davantage la prétendue urgence qu’il y aurait eu à procéder au remplacement de la micro-station entre le dépôt du rapport d’expertise judiciaire en décembre 2021 et l’assignation au fond en mai 2022, ne précisant pas quelles nouvelles circonstances auraient justifié que la solution technique retenue par l’expert judiciaire n’eût plus été suffisante, alors que ce dernier avait constaté que les désordres n’évoluaient plus.
À cet égard, la photographie de la fissure produite par les appelants ne permet pas de démontrer, à elle seule, que la micro-station devait être remplacée en urgence, dès lors qu’elle ne permet pas de déterminer l’emplacement, la gravité et les conséquences de ladite fissure.
Les appelants ne sauraient encore arguer, sans faire preuve de mauvaise foi, du caractère imprécis du devis de l’entreprise De [H] du 8 novembre 2021 sur lequel s’est fondé l’expert judiciaire pour chiffrer les travaux, alors que c’est leur propre conseil qui a produit ledit devis lors de l’expertise judiciaire.
Enfin, le premier juge a justement tenu compte du caractère ancien de ce devis en assortissant sa condamnation d’une indexation sur l’indice du coût de la construction.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, et compte tenu du partage de responsabilité retenu par la cour, il convient d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société MAAF assurances à payer à M. et Mme [X] la somme de 875,33 euros indexée sur l’indice du coût de la construction à compter du 8 novembre 2021 et jusqu’à parfait paiement en réparation du préjudice matériel.
Statuant à nouveau, les appelants seront déboutés de leur demande tendant à voir ordonner un complément d’expertise « afin que l’expert judiciaire puisse demander à l’entreprise De [H] un devis conforme à la réglementation en vigueur » et la société MAAF assurances sera condamnée à leur payer la somme de 875,33/2 = 437,67 euros en indemnisation de leur préjudice matériel.
Sur le préjudice de jouissance
Mme et Mme [X] demandent à la cour de condamner la société MAAF assurances à leur payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter de la signification de l’arrêt à intervenir.
Ils exposent avoir dû, pendant plus de deux ans, évacuer les eaux usées de la cuisine avec des seaux qu’ils vidaient dans la cuvette des toilettes, et avoir été gênés par cette situation lorsqu’ils recevaient de la visite.
La société MAAF assurances ne développe aucun moyen pour s’opposer à cette demande.
Au regard de la durée des désordres subis, il convient d’estimer le préjudice de jouissance de M. et Mme [X] à la somme de 1 000 euros.
Eu égard au partage de responsabilité retenu par la cour, il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société MAAF assurances à payer à M. et Mme [X] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts au titre de leur préjudice de jouissance.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Partie principalement succombante, M. et Mme [X] seront condamnés aux dépens d’appel.
L’issue de la procédure, l’équité et la disproportion économique majeure entre les parties commandent de les débouter de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour,
CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a condamné la SA MAAF assurances à payer à M. [Y] et Mme [P] [X] la somme de 875,33 euros indexée sur l’indice du coût de la construction à compter du 8 novembre 2021 et jusqu’à parfait paiement en réparation de leur préjudice matériel,
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
CONDAMNE la SA MAAF assurances à payer à M. [Y] et Mme [P] [X] la somme de 437,67 euros, indexée sur l’indice du coût de la construction à compter du 8 novembre 2021, en réparation de leur préjudice matériel,
CONDAMNE M. [Y] et Mme [P] [X] aux dépens d’appel,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’arrêt a été signé par O. CLEMENT, Présidente, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
S. MAGIS O. CLEMENT
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