Le manquement du preneur à son obligation de paiement des loyers, s’il est suffisamment grave, peut justifier la résolution judiciaire d’un bail commercial, conformément à l’article 1728 du code civil, qui impose au preneur de payer le prix du bail aux termes convenus, et à l’article 1741, qui stipule que le contrat de louage se résout notamment par le défaut du preneur de remplir ses engagements. La résolution peut être prononcée en vertu de l’article 1224 du code civil, qui précise que la résolution résulte, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. Toutefois, selon l’article 1743 et l’article 1199 du code civil, l’acquéreur d’un bien loué ne peut agir contre le locataire pour des manquements au bail antérieurs à la vente, sauf en cas de cession de créance ou de subrogation expresse. En l’espèce, la subrogation consentie par le bailleur à l’acquéreur permet à ce dernier d’agir contre le locataire pour des manquements antérieurs, à condition que ceux-ci soient suffisamment graves pour justifier la résolution du bail.
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L’Essentiel : Le manquement du preneur à son obligation de paiement des loyers peut justifier la résolution judiciaire d’un bail commercial. La résolution peut être prononcée en cas d’inexécution suffisamment grave, suite à une notification du créancier ou d’une décision de justice. L’acquéreur d’un bien loué ne peut agir contre le locataire pour des manquements antérieurs à la vente, sauf en cas de subrogation expresse. La subrogation consentie par le bailleur permet à l’acquéreur d’agir contre le locataire pour des manquements antérieurs.
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Résumé de l’affaire :
FAITS ET PROCEDURELa société de gestion immobilière a donné à bail commercial à une société exploitante des locaux à usage de discothèque et de restaurant, à compter du 1er juin 2017. Ces baux ont été précédés d’un bail commercial unique. Entre 2014 et 2021, la société de gestion a signifié plusieurs commandements de payer à la société exploitante. En décembre 2021, la société de gestion a vendu l’ensemble immobilier à une autre société. En mars 2022, cette dernière a assigné la société exploitante pour résilier les baux aux torts de celle-ci. En réponse, la société exploitante a demandé une indemnisation pour perte de chance. JUGEMENT DU TRIBUNALLe tribunal a débouté la société de gestion de sa demande de résiliation des baux et a également débouté la société exploitante de sa demande d’indemnisation. La société de gestion a été condamnée aux dépens et à verser une somme à la société exploitante. APPEL DE LA SOCIETE DE GESTIONLa société de gestion a interjeté appel, demandant la confirmation du jugement sur la perte de chance et la résiliation des baux. Elle a également demandé l’expulsion de la société exploitante et le paiement d’une indemnité d’occupation. REPLIQUE DE LA SOCIETE EXPLOITANTELa société exploitante a contesté l’appel, demandant la confirmation du jugement et l’indemnisation pour perte de chance, ainsi que des frais de justice. DECISION DE LA COUR D’APPELLa cour a déclaré l’appel de la société de gestion recevable, mais a constaté que la société exploitante n’avait pas formé d’appel incident. Elle a confirmé le jugement du tribunal en déboutant la société de gestion de sa demande de résiliation des baux et en condamnant cette dernière aux dépens. La cour a également accordé des frais supplémentaires à la société exploitante. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le délai de recours en matière contentieuse selon le code de procédure civile ?L’article 538 du code de procédure civile stipule que le délai de recours par la voie ordinaire est d’un mois en matière contentieuse. Ce délai commence à courir à compter de la signification de la décision contestée. En outre, l’article 644 du même code précise que lorsque la demande est portée devant une juridiction ayant son siège en Guadeloupe, le délai d’appel est augmenté d’un mois pour les personnes qui ne résident pas dans cette collectivité et de deux mois pour celles qui résident à l’étranger. Dans cette affaire, la société Alta Panorama Immobilier a interjeté appel le 18 décembre 2023, ce qui est dans le délai imparti, puisque le jugement a été signifié le 14 décembre 2023. Quel est le fondement juridique de la demande de résiliation des baux commerciaux ?La demande de résiliation des baux commerciaux repose sur plusieurs articles du code civil. L’article 1728 impose au preneur de payer le prix du bail aux termes convenus. L’article 1741 précise que le contrat de louage se résout notamment par le défaut du preneur de remplir ses engagements. De plus, l’article 1224 indique que la résolution peut résulter, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. Ainsi, le manquement du preneur à son obligation de régler le loyer aux termes convenus, s’il est suffisamment grave, peut justifier la résolution judiciaire du bail commercial. Quel est l’impact de la vente de l’immeuble sur les droits du bailleur ?L’article 1743 du code civil stipule que si le bailleur vend la chose louée, l’acquéreur de l’immeuble ne peut agir contre le locataire pour des manquements au bail antérieurs à la vente, sauf cession de créance ou subrogation expresse. L’article 1199, qui reprend les dispositions de l’ancien article 1165, renforce cette règle. Dans cette affaire, la société Alta Panorama Immobilier, en tant qu’acquéreur, ne peut se prévaloir des manquements antérieurs à la vente, sauf si elle peut prouver une subrogation expresse. Quel est le rôle de la subrogation dans cette affaire ?La subrogation est régie par l’article 1346-4 du code civil, qui précise que la subrogation transmet au bénéficiaire, dans la limite de ce qu’il a payé, la créance et ses accessoires. L’article 1346-5 indique que le débiteur peut invoquer la subrogation dès qu’il en a connaissance, mais qu’elle ne peut lui être opposée que si elle a été notifiée. Dans cette affaire, la société Alta Panorama Immobilier se prévaut d’une subrogation qui lui permettrait d’agir contre la société Casa St Barth pour des manquements antérieurs à la vente. Cependant, la société Casa St Barth soutient que cette subrogation lui est inopposable faute de notification. Quels sont les critères pour justifier une résolution judiciaire des baux ?Pour justifier une résolution judiciaire, la société Alta Panorama Immobilier doit démontrer que les manquements invoqués étaient suffisamment graves. L’article 1224 du code civil exige que l’inexécution soit suffisamment grave pour justifier une telle mesure. Dans cette affaire, bien que la société Hôtel de l’Air ait signifié vingt-cinq commandements de payer, il a été constaté que la société Casa St Barth a toujours régularisé ses paiements dans le mois suivant la délivrance des commandements. Les retards constatés étaient minimes et ne justifiaient pas la résolution des baux. Quel est le sort des demandes reconventionnelles dans cette affaire ?L’article 567 du code de procédure civile permet aux parties de former des demandes reconventionnelles en cause d’appel. Cependant, pour qu’un appel incident soit valablement formé, l’intimé doit demander expressément l’infirmation ou l’annulation du jugement. Dans cette affaire, la société Casa St Barth n’a pas formé d’appel incident concernant le chef de jugement qui l’a déboutée de sa demande d’indemnisation pour perte de chance. Par conséquent, ses prétentions à ce titre ont été déclarées irrecevables. Quel est le principe de l’article 700 du code de procédure civile ?L’article 700 du code de procédure civile permet à une partie de demander le remboursement de ses frais irrépétibles, c’est-à-dire les frais non récupérables liés à la procédure. Dans cette affaire, la société Alta Panorama Immobilier, ayant succombé dans ses prétentions, a été condamnée à verser des frais irrépétibles à la société Casa St Barth, conformément à cet article. Le jugement a également été confirmé en ce qui concerne les dépens de première instance. |
2ème CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° DU 27 FEVRIER 2025
N° RG 23/01193 –
N° Portalis DBV7-V-B7H-DUJR
Décision déférée à la cour : jugement du tribunal de proximité de Saint-Martin et Saint-Barthélémy en date du 06 novembre 2023, rendu dans une instance enregistrée sous le n° 22/00179,
APPELANTE :
S.A.S. Alta Panorama Immobilier
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Aude FLEURY de la SELARL AUDE FLEURY, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
INTIMEE :
S.A.R.L. Casa Saint Barth
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Céline CARSALADE de la SELARL CARSALADE CELINE, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 18 novembre 2024, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Frank Robail, Président de Chambre,
Madame Annabelle Clédat, Conseiller,
Mme Aurélia Bryl, Conseiller.
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 30 janvier 2025. Elles ont ensuite été informées de la prorogation du délibéré à ce jour en raison de l’absence d’un greffier.
GREFFIER,
Lors des débats : Mme Sonia Vicino, greffier,
Lors du prononcé : Mme Solange Loco, greffier placé.
ARRÊT :
– contradictoire, prononcé publiquement publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
– signé par M. Frank Robail, président, et par Mme Solange Loco, greffier placé, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
En vertu de deux actes sous seing privés distincts, datés du 12 juin 2017, la SAS Hôtel de l’Air a donné à bail commercial à la SARL Casa St Barth les locaux suivants, situés à [Localité 2], à compter du 1er juin 2017:
– le rez-de-chaussée de l’ensemble immobilier sis sur la commune de [Localité 5] à l’angle des [Adresse 7] et [Adresse 8], devenues [Adresse 6], cadastré AL n°[Cadastre 1], d’une superficie approximative de 260 m², à usage de discothèque, se composant de deux bars, deux salons, deux pistes de danse, des toilettes, un espace fumeur couvert non fermé, les accès et réserves, moyennant un loyer mensuel de 14.000 euros,
– au sein du même ensemble immobilier, un local situé à l’étage d’une superficie approximative de 128 m² et une partie des locaux du rez-de-chaussée, d’une superficie approximative de 28 m², comprenant deux réserves, un sas et un WC, à usage de restaurant, moyennant un loyer mensuel de 7.600 euros.
Avant la signature de ces baux distincts, les parties étaient déjà liées par un bail commercial unique, conclu le 27 décembre 2005.
Du 5 juillet 2014 au 7 octobre 2021, la société Hôtel de l’Air a fait signifier à la société Casa St Barth, dénommée Casa Nikki St Barth jusqu’au 6 avril 2017, vingt-cinq commandements de payer visant la clause résolutoire.
Par acte authentique du 16 décembre 2021, la société Hôtel de l’Air a vendu l’ensemble immobilier précédemment décrit à la société Alta Panorama Immobilier.
Par acte du 17 mars 2022, la société Alta Panorama Immobilier a assigné la société Casa St Barth devant le tribunal de proximité de Saint-Martin et Saint-Barthélémy afin de voir prononcer la résiliation des deux baux commerciaux conclus le 17 juin 2017, aux torts exclusifs du preneur.
A titre reconventionnel, la société Casa St Barth a sollicité l’indemnisation d’une perte de chance de céder son fonds de commerce, en raison de la procédure engagée à son encontre.
Par jugement du 6 novembre 2023, le tribunal a :
– débouté la société Alta Panorama Immobilier de sa demande tendant à voir prononcer la résiliation des baux la liant à la société Casa St Barth,
– débouté la société Casa St Barth de sa demande en paiement du titre d’une perte de chance,
– condamné la société Alta Panorama Immobilier aux entiers dépens,
– condamné la société Alta Panorama Immobilier à verser à la société Casa St Barth une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Alta Panorama Immobilier a interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 18 décembre 2023, en limitant son appel aux chefs de jugement relatifs au rejet de sa demande de résiliation des baux et à sa condamnation aux dépens et aux frais irrépétibles.
La procédure a fait l’objet d’une orientation à la mise en état.
La société Casa St Barth a remis au greffe sa constitution d’intimée par voie électronique le 17 janvier 2024.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 21 octobre 2024 et l’affaire a été fixée à l’audience du 18 novembre 2024, date à laquelle la décision a été mise en délibéré au 30 janvier 2025. Les parties ont ensuite été informées de la prorogation du délibéré à ce jour en raison de l’absence d’un greffier.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
1/ La SAS Alta Panorama Immobilier, appelante :
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 18 octobre 2024, par lesquelles l’appelante demande à la cour :
– de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la société Casa St Barth de sa demande en paiement au titre d’une perte de chance,
– de le réformer pour le surplus et, statuant à nouveau :
– de débouter la société Casa St Barth de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– de prononcer la résiliation du bail en date du 12 juin 2017, à effet du 1er juin 2017, portant sur l’activité restaurant, aux torts et griefs de la société Casa St Barth,
– de prononcer la résiliation du bail en date du 12 juin 2017, à effet du 1er juin 2017, portant sur l’activité discothèque, aux torts et griefs de la société Casa St Barth,
– en conséquence, d’ordonner l’expulsion de la société Casa St Barth et de tous occupants de son chef des locaux en cause, à défaut de libération volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la décision à venir, et ce, au besoin, avec le concours de la force publique et l’assistance d’un serrurier,
– d’ordonner, en cas de besoin, que les meubles se trouvant dans les lieux soient remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et, qu’à défaut, ils soient laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier chargé de l’exécution, avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer dans le délai d’un mois non renouvelable à compter de la signification de l’acte, délai à l’expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l’exécution,
– de condamner la société Casa St Barth au paiement d’une indemnité d’occupation de 1.400 euros par jour, à compter de la date de la décision à intervenir, jusqu’à libération complète des lieux et remise des clés,
– de dire que le dépôt de garantie restera acquis au bailleur pour un montant de 47.138 euros,
– de dire n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
– de condamner la société Casa St Barth à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
2/ La SARL Casa St Barth, intimée :
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 10 septembre 2024, par lesquelles l’intimée demande à la cour :
– de déclarer mal fondé l’appel de la société Alta Panorama Immobilier à l’encontre de la décision rendue le 6 novembre 2023 par le tribunal de proximité de Saint-Martin et Saint-Barthélémy,
– de la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident,
– de juger que l’acte de subrogation du 16 décembre 2021 dont se prévaut la société Alta Panorama Immobilier ne lui est pas opposable,
– de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la société Alta Panorama Immobilier de sa demande tendant à voir prononcer la résiliation des baux,
– d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre d’une perte de chance,
– statuant à nouveau :
– de condamner la société Alta Panorama Immobilier à lui payer la somme de 3,6 millions d’euros en réparation du préjudice subi par suite de la perte de chance de conclure un contrat de vente ‘des fonds de commerce pris à bail’,
– de condamner la société Alta Panorama Immobilier à lui payer la somme de 15.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.
Sur la recevabilité de l’appel principal :
L’article 538 du code de procédure civile dispose que le délai de recours par la voie ordinaire est d’un mois en matière contentieuse.
Ce délai court à compter de la signification de la décision contestée.
L’article 644 du code de procédure civile dispose en outre que, lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en Guadeloupe, le délai d’appel est augmenté d’un mois pour les personnes qui ne demeurent pas dans cette collectivité territoriale et de deux mois pour les personnes qui demeurent à l’étranger.
En l’espèce, la société Alta Panorama Immobilier, dont le siège social est situé à [Localité 2], a interjeté appel le 18 décembre 2023 du jugement rendu le 6 novembre 2023, qui lui avait été signifié le 14 décembre 2023.
Son appel doit en conséquence être déclaré recevable.
Sur l’existence d’un appel incident :
Conformément aux dispositions de l’article 542 du code de procédure civile, dans sa version applicable aux appels antérieurs au 1er septembre 2024, l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.
L’article 909, également dans sa version applicable aux appels antérieurs au 1er septembre 2024, précise que l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant prévues à l’article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.
Ce délai est augmenté d’un mois pour les personnes qui ne demeurent pas en Guadeloupe, en vertu de l’article 911-2, dans sa version applicable aux appels antérieurs au 1er septembre 2024.
Enfin, l’article 954, toujours dans sa version applicable aux appels antérieurs au 1er septembre 2024, rappelle que les conclusions d’appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Il résulte de la combinaison de ces articles que, lorsque l’intimé ne demande, dans le dispositif de ses conclusions remises au greffe dans le délai de l’article 909 du code de procédure civile, ni l’infirmation, ni l’annulation du jugement, l’appel incident n’est pas valablement formé (2e Civ., 1 juillet 2021, pourvoi n° 20-10.694). Les demandes formées par l’intimé au titre de chefs de jugement à l’encontre desquels aucun appel incident n’a été formé doivent en conséquence être déclarées irrecevables.
En l’espèce, l’appel principal de la société Alta Panorama Immobilier n’a pas déféré à la cour le chef de jugement par lequel le tribunal a débouté la société Casa St Barth de sa demande d’indemnité au titre de la perte de chance.
Aux termes de ses premières conclusions d’intimée remises au greffe le 7 mars 2024, soit moins de quatre mois après la notification des conclusions de l’appelante intervenue le 12 février 2024, la société Casa St Barth a demandé à la cour de :
‘- juger l’inexistence de tout manquement par la SARL Casa St Barth à son obligation de paiement des loyers afférents aux baux commerciaux loués,
– juger l’inexistence de tout manquement par la SARL Casa St Barth à ses obligations administratives propres à la détention de la licence IV pour l’exploitation de la discothèque,
– en conséquence, débouter la SARL Alta Panorama Immobilier de l’ensemble de ses demandes de résiliation des baux commerciaux donnés à bail,
– confirmer le jugement entrepris,
– à titre reconventionnel :
– juger l’existence d’une offre d’achat des baux commerciaux loués par la SARL Casa St Barth à hauteur de la somme de 4,5 millions d’euros,
– juger que ladite offre ne peut recevoir d’acceptation en conséquence de l’action intentée par la SARL Alta Panorama Immobilier,
– en conséquence, condamner la SARL Alta Panorama Immobilier au paiement de la somme de 3,6 millions d’euros au titre de la perte de chance de conclure un contrat avec un tiers portant sur la vente des baux commerciaux lui appartenant’.
Aux termes de ces conclusions, qui n’ont pas été régularisées avant l’expiration des délais prévus aux articles 909 et 911-2, puisque les conclusions suivantes n’ont été remises au greffe que le 13 juillet 2024, la société Casa St Barth n’a pas sollicité l’infirmation du chef de jugement l’ayant déboutée de sa demande au titre de la perte de chance, mais s’est contentée de reprendre, sur ce point, le dispositif des conclusions soumises au premier juge.
Or, contrairement à ce qu’elle soutient, le fait de formuler des prétentions dans le cadre d’une demande reconventionnelle n’équivaut pas à la formalisation d’une demande d’infirmation, et donc à un appel incident, dès lors que l’article 567 du code de procédure civile ouvre spécifiquement aux parties la possibilité de former des demandes reconventionnelles en cause d’appel.
Par ailleurs, les exigences tenant à la formalisation d’un appel incident, imposées à des professionnels du droit dans le cadre de procédures avec représentation obligatoire, poursuivent un but légitime de bonne administration de la justice et ne contreviennent pas au droit à un procès équitable consacré par l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
En conséquence, ainsi que le relève l’appelante, il convient de constater que la société Casa St Barth n’a pas formé d’appel incident à l’encontre du chef de jugement l’ayant déboutée de sa demande d’indemnisation au titre de la perte de chance et de déclarer irrecevables les prétentions qu’elle formule à ce titre.
Sur la demande de résolution judiciaire des baux commerciaux :
Conformément aux dispositions de l’article 1728 du code civil, le preneur est tenu de payer le prix du bail aux termes convenus.
L’article 1741 précise que le contrat de louage se résout notamment par le défaut du preneur de remplir ses engagements.
Enfin, en vertu de l’article 1224, la résolution résulte, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.
Il résulte de la combinaison de ces textes que le manquement du preneur à son obligation de régler le loyer aux termes convenus, si elle est suffisamment grave, est de nature à justifier la résolution judiciaire du bail commercial.
Cependant, en vertu de l’application combinée des articles 1743 et 1199 du code civil, ce dernier reprenant depuis le 1er octobre 2016 les dispositions de l’ancien article 1165, il est constant que si le bailleur vend la chose louée, l’acquéreur de l’immeuble ne peut agir contre le locataire pour des manquements au bail antérieurs à la vente, sauf cession de créance ou subrogation expresse (3e Civ., 2 octobre 2002, pourvoi n° 01-00.696).
En l’espèce, au soutien de sa demande de résolution judiciaire des baux commerciaux la liant à la société Casa St Barth, la société Alta Panorama Immobilier, acquéreur des locaux en vertu d’un acte authentique du 16 décembre 2021, se prévaut exclusivement en cause d’appel des manquements commis par la société preneuse à son obligation de régler les loyers dans les délais, qui ont donné lieu à la délivrance, par la société Hôtel de l’Air, de vingt-cinq commandements de payer visant la clause résolutoire du 5 juillet 2014 au 7 octobre 2021.
Alors que sa demande n’est ainsi fondée que sur des manquements antérieurs à la date à laquelle elle a acquis les lieux loués, la société Alta Panorama Immobilier se prévaut d’un acte de subrogation qui lui a été consenti par la société Hôtel de l’Air le 16 décembre 2021.
Aux termes de cet acte, dans le cadre duquel elle est dénommée ‘le subrogataire’, la société Casa St Barth étant ‘le subrogé’, la société Hôtel de l’Air, dénommée ‘le subrogeant’, a expressément indiqué :
‘La société Alta Panorama acquiert donc tous les droits, vices et actions attachés à la créance que le ‘subrogatoire’ détenait sur le subrogé. Le subrogataire devient créancier du subrogé au lieu et place du subrogeant et peut exercer toutes les actions que par ce moyen le titulaire lui transmet contre son propre débiteur. Le subrogataire pourra donc agir contre le subrogé pour tous les manquements aux baux commerciaux antérieurs à la vente’.
Si les premier juges ont considéré que cette subrogation était générale, et non expresse comme l’impose la jurisprudence précédemment rappelée, force est au contraire de constater que, malgré les imperfections rédactionnelles stigmatisées par les premiers juges, la volonté de la société Hôtel de l’Air était clairement de permettre à la société Alta Panorama Immobilier d’agir à l’encontre de la société Casa St Barth en se fondant sur tous les manquements antérieurs à la vente, ce qui caractérise bien une subrogation expresse.
Pour s’opposer néanmoins au jeu de cette subrogation, la société Casa St Barth soutient, pour la première fois en cause d’appel, en vertu d’un moyen cependant parfaitement recevable, que cette subrogation lui est inopposable, faute de lui avoir été notifiée.
Elle se fonde pour cela sur l’article 1346-5 du code civil, qui dispose que le débiteur peut invoquer la subrogation dès qu’il en a connaissance, mais qu’elle ne peut lui être opposée que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte.
Cependant, ainsi que le rappelle l’appelante, ce texte n’est afférent qu’à la subrogation intervenue à l’occasion d’un paiement, et n’est donc pas applicable au cas d’espèce.
En effet, l’article 1346-4 précise que la subrogation transmet à son bénéficiaire, dans la limite de ce qu’il a payé, la créance et ses accessoires, à l’exception des droits exclusivement attachés à la personne du créancier.
La notification prévue par l’article 1346-5 ne concerne donc que cette transmission de la créance et de ses accessoires au bénéficiaire.
Or, précisément, la subrogation en cause était exclusivement destinée à permettre à l’acquéreur du bien immobilier de succéder aux droits et actions personnels du vendeur, ce qui était par principe exclu, et elle n’est pas intervenue à l’occasion d’un paiement. En conséquence, elle n’avait pas à être notifiée à la société Casa St Barth pour pouvoir être invoquée par la société Alta Panorama Immobilier.
Dès lors, cette dernière pouvait valablement solliciter la résolution judiciaire des baux en se fondant exclusivement sur des manquements commis par la société Casa St Barth à ses obligations contractuelles antérieurement à la vente de l’ensemble immobilier.
Cependant, pour justifier une telle résolution judiciaire, la société Alta Panorama Immobilier doit démontrer que les manquements invoqués étaient suffisamment graves.
Or, s’il est constant que la société Hôtel de l’Air a fait signifier vingt-cinq commandements de payer visant la clause résolutoire à la société Casa St Barth entre le 5 juillet 2014 au 7 octobre 2021, force est de constater que cette dernière a toujours régularisé dans le mois suivant la délivrance des commandements.
L’examen de ces commandements de payer permet de constater qu’ils n’ont concerné que des retards de deux mois de loyer, tout au plus, et fréquemment un simple retard de paiement du loyer du mois en cours.
Par ailleurs, depuis qu’elle a acquis l’ensemble immobilier loué à la société Casa St Barth, la société Alta Panorama Immobilier ne lui a délivré aucun nouveau commandement de payer, ce qui tend à démontrer que, depuis trois ans, les loyers son régulièrement réglés à l’échéance.
Dès lors, les manquements invoqués ne sont pas suffisamment graves pour justifier la résolution judiciaire des baux.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
La société Alta Panorama Immobilier, qui succombe dans ses prétentions, sera condamnée aux entiers dépens de l’instance d’appel.
Le jugement déféré sera en outre confirmé en ce qu’il l’a condamnée aux entiers dépens de première instance.
Par ailleurs, l’équité commande de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Alta Panorama Immobilier à payer à la société Casa St Barth la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et, y ajoutant, d’allouer à cette dernière une somme complémentaire de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles de l’instance d’appel.
La société Alta Panorama Immobilier sera subséquemment déboutée de ses propres demandes à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevable l’appel principal interjeté par la SAS Alta Panorama Immobilier,
Constate que la SARL Casa St Barth n’a pas formé d’appel incident,
Déclare irrecevables les prétentions formées par la SARL Casa St Barth au titre de l’indemnisation d’une perte de chance, ce chef de jugement n’ayant pas été déféré à la cour,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a :
– débouté la SAS Alta Panorama Immobilier de sa demande tendant à voir prononcer la résiliation des baux la liant à la société Casa St Barth,
– condamné la SAS Alta Panorama Immobilier aux entiers dépens,
– condamné la SAS Alta Panorama Immobilier à verser à la SARL Casa St Barth une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant,
Condamne la SAS Alta Panorama Immobilier à payer à la SARL Casa St Barth une somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l’instance d’appel,
Condamne la SAS Alta Panorama Immobilier aux entiers dépens de l’instance d’appel.
Le greffier, Le président
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