Résiliation de bail et contestation des obligations locatives : enjeux de preuve et de procédure.

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Résiliation de bail et contestation des obligations locatives : enjeux de preuve et de procédure.

L’Essentiel : En mai 2016, la société Sacha a loué un local à Mme [Y]. Suite à des loyers impayés, un commandement de payer a été signifié en avril 2022. Après l’inefficacité de cette démarche, Sacha a assigné Mme [Y] en justice en décembre 2022, demandant la résiliation du bail et l’expulsion. Le tribunal a statué en faveur de Sacha en février 2023, ordonnant l’expulsion et condamnant Mme [Y] à payer 6 500 euros. En appel, Mme [Y] a contesté la décision, mais la cour a confirmé le jugement initial, rejetant ses arguments et la condamnant à des frais supplémentaires.

Contexte du litige

Par acte sous seing privé du 7 mai 2016, la société Sacha a donné à bail à Mme [D] [Y] un local à usage d’habitation. En raison de l’absence de paiement du loyer et des charges, la société Sacha a signifié un commandement de payer le 28 avril 2022, visant la clause résolutoire du bail.

Procédure judiciaire

Le commandement étant resté sans effet, la société Sacha a assigné Mme [Y] devant le juge des contentieux de la protection le 15 décembre 2022. Les demandes incluaient la constatation de la résiliation du bail, l’expulsion de Mme [Y], le paiement de 6 500 euros pour loyers impayés, et des frais de justice.

Jugement de première instance

Le 24 février 2023, le tribunal a constaté la résiliation du bail au 29 juin 2022, ordonné l’expulsion de Mme [Y], et condamné cette dernière à payer 6 500 euros ainsi qu’une indemnité mensuelle d’occupation. Le jugement a été déclaré exécutoire à titre provisoire.

Appel de Mme [Y]

Mme [Y] a interjeté appel le 3 juillet 2023, contestant la résiliation du bail et le montant de sa dette locative, tout en demandant des indemnités pour préjudice et des délais de paiement. Elle a également soulevé des irrégularités dans la procédure initiale.

Arguments de Mme [Y]

Dans ses conclusions, Mme [Y] a soutenu qu’elle n’avait pas reçu l’acte introductif d’instance et a évoqué des problèmes de délivrance. Elle a également affirmé que le jugement reposait sur des allégations fausses concernant ses paiements de loyer, fournissant des preuves de ses paiements.

Réponse de la société Sacha

La société Sacha a contesté les arguments de Mme [Y], affirmant que les documents qu’elle avait fournis étaient falsifiés. Elle a produit des échanges de SMS et des témoignages pour prouver que Mme [Y] n’avait pas réglé ses loyers.

Décision de la cour d’appel

La cour a confirmé le jugement de première instance, rejetant les arguments de Mme [Y] concernant l’escroquerie au jugement et l’insalubrité du logement. Elle a également débouté Mme [Y] de sa demande d’indemnisation pour trouble de jouissance et de délais de paiement.

Conséquences financières

Mme [Y] a été condamnée à verser à la société Sacha 1 000 euros au titre des frais de procédure, en plus des dépens d’appel. La cour a statué que les demandes de Mme [Y] étaient infondées et a confirmé les décisions antérieures.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la résiliation du bail pour défaut de paiement

La résiliation du bail d’habitation pour défaut de paiement est régie par les dispositions de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, qui stipule que :

« Le bailleur peut résilier le contrat de location en cas de non-paiement du loyer et des charges. Il doit, cependant, faire délivrer un commandement de payer par huissier de justice, qui doit être resté infructueux. »

Dans le cas présent, la société Sacha a signifié un commandement de payer le 28 avril 2022, qui est resté sans effet.

Ainsi, le juge a constaté la résiliation de plein droit du bail au 29 juin 2022, conformément à la clause résolutoire prévue dans le contrat de bail.

Il est important de noter que la résiliation est automatique en cas de non-paiement, mais le bailleur doit respecter la procédure légale pour que celle-ci soit effective.

Sur l’expulsion de Mme [Y]

L’expulsion d’un locataire est encadrée par les articles L. 411-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution.

L’article L. 412-1 précise que :

« L’expulsion ne peut être exécutée qu’après l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement de quitter les lieux. »

Dans cette affaire, le jugement a ordonné l’expulsion de Mme [Y] avec le concours de la force publique, en respectant ce délai de deux mois.

De plus, il est rappelé que toute expulsion forcée est prohibée entre le 1er novembre et le 31 mars, ce qui protège les locataires durant la période hivernale.

Sur la demande de paiement des loyers et charges impayés

La demande de paiement des loyers et charges impayés est fondée sur l’article 1353 du code civil, qui stipule que :

« Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. »

Dans ce cas, la société Sacha a demandé le paiement de 6 500 euros au titre des loyers et charges impayés.

Mme [Y] conteste ce montant, affirmant que sa dette locative s’élève à 5 550 euros.

Il incombe à Mme [Y] de prouver qu’elle a réglé ses loyers, ce qu’elle n’a pas réussi à établir de manière convaincante, selon les éléments de preuve présentés.

Sur l’escroquerie au jugement

L’escroquerie au jugement est une allégation grave qui nécessite des preuves solides.

Mme [Y] soutient que le jugement a été fondé sur des informations fausses concernant ses paiements de loyer.

Cependant, l’article 1353 du code civil impose à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement.

La cour a constaté que les preuves fournies par Mme [Y] étaient insuffisantes et que les attestations de paiement étaient contestées par la société Sacha, qui a produit des éléments démontrant des irrégularités dans les quittances.

Sur le trouble de jouissance allégué par Mme [Y]

Le bailleur a l’obligation de délivrer un logement décent, conformément à l’article 1719 du code civil, qui stipule que :

« Le bailleur est obligé de délivrer au preneur la chose louée en bon état d’usage et de réparation. »

Mme [Y] a allégué des problèmes d’insalubrité, mais n’a pas prouvé avoir informé la bailleresse de ces problèmes.

La cour a noté qu’il n’y avait pas de preuve suffisante pour établir que le logement était impropre à l’usage, ce qui a conduit à débouter Mme [Y] de sa demande d’indemnisation pour trouble de jouissance.

Sur la demande de délais de paiement

La demande de délais de paiement est régie par l’article 24-V de la loi du 6 juillet 1989, qui permet au juge d’accorder des délais de paiement dans la limite de trois ans.

Cependant, Mme [Y] n’a pas justifié sa situation financière ni présenté une offre sérieuse de règlement.

La cour a donc estimé qu’elle ne remplissait pas les conditions nécessaires pour bénéficier de tels délais et a débouté sa demande.

Sur les dépens et les frais de procédure

Conformément à l’article 700 du code de procédure civile, la cour a condamné Mme [Y] à verser à la société Sacha une somme pour couvrir les frais de procédure.

Les dépens de première instance ont également été confirmés, ce qui souligne la responsabilité de Mme [Y] dans la procédure.

Ainsi, la cour a statué en faveur de la société Sacha sur l’ensemble des demandes, confirmant le jugement de première instance.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51A

Chambre civile 1-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 NOVEMBRE 2024

N° RG 23/04493 – N° Portalis DBV3-V-B7H-V6QO

AFFAIRE :

[D] [Y] épouse [I]

C/

S.C.I. SACHA, représentée par Mme [N] (gérante)

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 février 2023 par le Juge des contentieux de la protection de [Localité 2]

Expéditions exécutoires

Copies certifiées conformes délivrées

le : 19/11/24

à :

Me Laurence DELARUE

Me Christophe SCOTTI

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX-NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

APPELANTE

Madame [D] [Y] épouse [I]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Laurence DELARUE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 449

****************

INTIMÉE

S.C.I. SACHA, représentée par Mme [N] (gérante)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Christophe SCOTTI, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 474

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 10 juin 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle BROGLY, Magistrate honoraire chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,

Madame Isabelle BROGLY, Magistrate honoraire,

Greffière lors des débats : Madame Céline KOC

Greffière placée lors du prononcé : Madame Gaëlle RULLIER

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 7 mai 2016, la société Sacha a donné à bail à Mme [D] [Y] un local à usage d’habitation situé [Adresse 1] à [Localité 2].

N’obtenant pas paiement du loyer et des charges, la société Sacha a fait signifier le 28 avril 2022 un commandement de payer la somme de 5 200 euros visant la clause résolutoire prévue au bail en cas d’absence de paiement du loyer.

Ce commandement étant demeuré infructueux, la société Sacha a. par acte de commissaire de justice signifié le 15 décembre 2022, fait assigner Mme [Y] à comparaître devant le juge des contentieux de la protection de ce tribunal aux fins de :

-voir constater la résiliation du contrat pour défaut de paiement du loyer, et subsidiairement en prononcer la résiliation,

– voir ordonner l’expulsion de Mme [Y] et celle de tout occupant de son chef, avec si besoin est le concours de la force publique,

– voir condamner Mme [Y] au paiement de la somme de 6 500 euros au titre des loyers et charges impayés, ainsi qu’à une indemnité mensuelle d’occupation fixée au montant du loyer et des charges en cours jusqu’au jour de la libération effective du logement,

– voir rappeler l’exécution provisoire de la décision à intervenir,

– voir condamner Mme [Y] à lui payer une somme de 350 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par jugement réputé contradictoire du 24 février 2023, le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Mantes-la-Jolie a :

– constaté la résiliation de plein droit au 29 juin 2022 du bail d’habitation conclu entre la société Sacha et Mme [Y],

– ordonné l’expulsion de Mme [Y] et celle de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 1] à [Localité 2], au besoin avec le concours de la force publique, conformément aux articles L. 411-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

– rappelé qu’il ne pourra être procédé à cette expulsion qu’après l’expiration d’un délai de deux mois suivant délivrance d’un commandement de quitter les lieux par huissier de justice, et que toute expulsion forcée est prohibée entre le 1er novembre de chaque année et le 31 mars de l’année suivante,

– dit que les meubles et objets se trouvant sur les lieux suivront le sort prévu par les articles L433-1 à L433-3 et R433-1 à R433-6 du code des procédures civiles d’exécution,

– condamné Mme [Y] à payer à la société Sacha la somme de 6 500 euros, terme du mois de juin 2022 inclus,

– condamné Mme [Y] à payer à la société Sacha une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant du loyer et des charges révisables qui auraient été dus en l’absence de résiliation du bail, postérieurement au mois de juin 2022 et jusqu’à la date de libération effective des lieux matérialisée par la remise des clés au propriétaire ou l’expulsion,

– condamné Mme [Y] aux dépens, incluant notamment le coût de signification du commandement de payer,

– condamné Mme [Y] à payer à la société Sacha la somme de 350 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– rappelé que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration déposée au greffe le 3 juillet 2023, Mme [Y] a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 25 avril 2024, Mme [Y], appelante, demande à la cour de :

– la dire et la juger recevable et bien fondée en son appel et ses demandes,

– réformer le jugement prononcé le 24 février 2023 par le tribunal de proximité de Mantes- la-Jolie et, partant,

– dire et juger que la résiliation du bail qu’elle a souscrit avec la société Sacha n’a pas eu lieu,

– dire et juger que sa dette locative s’élève au montant de 5 550 euros, terme du mois d’octobre 2023 inclus,

– condamner la société Sacha à lui verser une indemnité réparatrice de son préjudice de jouissance de 400 euros par mois à compter de mars 2022,

– ordonner la compensation judiciaire entre les sommes dues mutuellement entre les parties à l’instance en application de l’article 1347 du code civil,

– à titre subsidiaire, lui accorder les plus larges délais en application de l’article 1343-5 alinéa 1er du code de procédure civile,

en tout état de cause,

– débouter la société Sacha de toute demande plus ample ou contraire, de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Sacha à lui verser la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Sacha aux entiers dépens de l’instance.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 15 mai 2024, la société Sacha, intimée, demande à la cour de :

– confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions,

– débouter Mme [Y] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– condamner Mme [Y] à lui verser la somme de 3 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 30 mai 2024.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’appel de Mme [Y]

Au soutien de son appel, Mme [Y] invoque plusieurs moyens justifiant, selon elle, la réformation du jugement dont elle a fait appel, tenant aux modalités de la délivrance de l’assignation, à ‘l’escroquerie au jugement’.

– Sur les modalités de délivrance de l’acte introductif d’instance

Mme [Y] fait valoir qu’elle n’a jamais été destinataire de l’acte introductif d’instance prétendument délivré le 15 décembre 2022, ni d’avis de passage du commissaire de justice dans sa boîte aux lettres, ni même d’un courrier l’en informant, précisant que sa boîte aux lettres ferme mal, si bien qu’elle n’a pas pu se présenter devant le premier juge. Elle expose que :

* le 16 mars 2023, elle a reçu la visite de deux commissaires de justice, qui lui ont remis deux actes, le premier étant intitulé ‘signification de la décision rendue en matière de résiliation de bail’, le second intitulé ‘commandement de quitter les lieux’, ces deux actes n’étant ni datés, ni accompagnés de la décision qui y était visée,

* ne comprenant pas la situation, elle s’est rendue au greffe du tribunal de Versailles qui lui a conseillé de saisir le juge de l’exécution, ce qu’elle a fait par voie de requête le 10 mai 2023,

* elle a été convoquée le 15 mai 2023 pour une audience fixée au 5 juillet 2023,

* entre temps, elle a reçu un courrier du commissaire daté du 23 mai 2023 l’informant du dépôt en préfecture d’une réquisition de la force publique en vue de son expulsion,

* par courrier du 1er juin 2023, la sous-préfecture de [Localité 2] l’informait avoir autorisé le recours à la force publique,

* elle a donc consulté un avocat le 21 juin 2023 qui a interrogé le commissaire de justice sur l’acte de signification du jugement dont il poursuivait l’exécution, acte non signé et auquel n’était pas annexé le dit jugement,

* le 22 juin 2023, le commissaire de justice instrumentaire a procédé à la signification, par remise à personne, du jugement rendu le 23 février 2023, et à un commandement de quitter les lieux au plus tard le 22 août 2023.

Mme [Y] conclut que, du fait de la délivrance irrégulière de l’acte introductif d’instance et de la signification du jugement du 22 juin 2023, son appel est recevable.

Sur ce,

Indépendamment du fait que la régularité de son appel n’a jamais été remise en cause, la cour observe que Mme [Y] invoque des moyens d’irrégularité de la procédure de première instance qui, à les supposer avérés, ne pourraient tendre qu’à la nullité de la procédure et par voie de conséquence à la nullité du jugement, ce qu’elle ne sollicite pas puisqu’aux termes de se conclusions, elle se borne à poursuivre la réformation du jugement.

En tout état de cause, de l’application combinée des articles 114 et 648 du code de procédure civile, la nullité des actes de procédure ne peut être encourue qu’à la condition que son destinataire établisse que le vice lui a causé grief, ce qui n’est ni allégué, ni a fortiori démontré en l’espèce, étant observé à cet égard que Mme [Y] a été en mesure d’user de toutes les voies de droit possibles, dès lors qu’elle a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Versailles pour solliciter un délai pour libérer les lieux, qu’elle a saisi en référé le premier président de la cour d’appel aux fins d’obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire, et saisi également la cour d’un recours au fond.

– Sur l’escroquerie au jugement invoquée par Mme [Y].

Mme [Y] soutient la thèse de l’escroquerie au jugement rendu en première instance, faisant valoir que le premier juge a fondé sa décision sur un commandement de payer délivré pour un montant de 5 200 euros soit huit mois de loyer pour la période comprise entre septembre 2021 et avril 2022, que non seulement elle n’a jamais été destinataire de l’acte mais qu’elle apporte la preuve qu’il repose sur une fausse allégation, qu’en effet elle détient l’intégralité de ses quittances de loyers payés en 2021 et 2022, corroborées par ses relevés bancaires, ainsi que par les témoignages des personnes l’ayant aidée à payer ses loyers, que l’intégralité de ses échanges par SMS avec Mme [N], gérante de la SCI Sacha ne fait aucune allusion à un seul loyer resté impayé, que par ses manoeuvres frauduleuses, la bailleresse a non seulement obtenu du tribunal un jugement permettant son expulsion, mais également une condamnation pécuniaire très importante, sans commune mesure avec la réalité.

Elle fait observer que la dette de la bailleresse s’élève dans le tableau produit, à la somme de 14 950 euros pour la période comprise entre septembre 2021 et juillet 2023, alors que la sous-préfecture de [Localité 2] l’a informée que sa dette s’élevait à la somme de 23 750 euros au 23 mai 2023, que les variations du montant de la dette locative excipé par la bailleresse prouvent, si besoin est, l’absence de sérieux du commandement délivré en avril 2022, que le seul impayé existant au jour de l’audience devant le juge de proximité en février 2023 correspondait au loyer de février 2023, dans un contexte d’insalubrité avancé du logement et d’état de fragilité lié au fait qu’elle est devenue mère-célibataire d’un bébé et qu’elle était en recherche d’un emploi. Mme [Y] conclut en maintenant qu’elle n’a cessé de régler son loyer qu’à compter de février 2023, alors qu’elle réclamait sa quittance habituelle de loyer pour le mois de janvier 2023, excédée d’être privée d’eau chaude depuis un an.

La SCI Sacha réplique que les attestations produites par la locataire pour tenter de justifier qu’elle a réglé ses loyers ne présentent aucune valeur probante, que les quittances que Mme [Y] a produites devant le juge de l’exécution sont des faux, ainsi que l’a conclu Mme [A] [F], expert en écritures et documents près la cour d’appel de Caen, expert agréé près de la Cour de cassation, ce qui l’a d’ailleurs contrainte à déposer plainte au Commissariat de [Localité 2] le 24 juillet 2023.

La SCI Sacha produit également des échanges de SMS datant de 2021 et 2022 avec la locataire aux termes desquels elle lui demande à quel moment elle sera en mesure de régler son loyer. Elle s’étonne que la locataire prétende avoir réglé son loyer s’élevant à 650 euros en espèces alors que l’examen de ses relevés bancaires fait ressortir qu’elle retire de très petites sommes de 50 euros à 120 euros. La SCI Sacha ajoute enfin que Mme [B] qui a évacué en janvier 2024 les biens laissés par une autre locataire, Mme [C], expulsée durant l’année 2023, a attesté qu’elle a retrouvé dans l’appartement de cette dernière, un carnet de quittances dont la première souche est établie au nom de [D] [Y], et les autres le sont au nom de Mme [C], également locataire de la SCI Sacha, ce qui tend à démontrer que Mme [Y] a été aidée directement ou indirectement par sa voisine de palier qui était également en situation manifeste d’impayés.

Sur ce,

L’article 1353 du code civil dispose que ‘celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation’

En l’espèce, pour justifier du règlement de ses loyers, Mme [Y] produit d’une part des attestations et d’autre part des quittances que la SCI Sacha lui aurait remises.

Cependant, les attestations qui émanent de proches de la locataire, telles celles établies par son père ou son ex-compagnon ne sont pas, à elles-seules, suffisamment probantes pour établir la réalité du règlement des loyers.

Les quittances versées aux débats sont également sujettes à caution et n’ont donc pas davantage de valeur probante dans la mesure où :

* d’une part, il ressort des conclusions de Mme [A] [F], expert en écritures et documents près la cour d’appel de Caen, expert agréé près de la Cour de cassation, qu’au vu de la qualité hétérogène de chacun des graphismes qui portent sur les caractéristiques typiques des écrits et signatures, l’examen comparatif entre les graphismes litigieux et ceux de Mme [L] [N], a mis en évidence des différences significatives, qu’en l’état, les résultats soutiennent la proposition selon laquelle Mme [L] [N] n’est pas, de manière quasi formelle, l’auteur des écritures et signatures apposées sur les quittances de loyer en copie datées de septembre à décembre 2021 et de janvier à avril 2022.

Le tampon, apposé sur les pièces en question n’est pas le même que celui habituellement utilisé par la SCI Sacha.

* d’autre part, aux termes d’une attestation rédigée le 17 janvier 2024 conforme aux exigences posées à l’article 202 du code de procédure civile, Mme [B] certifie sur l’honneur que ‘le jeudi 14 janvier 2024, lors de l’évacuation des biens mobiliers et autres concernant Mme [C], située au [Adresse 1] à [Localité 2], suite à son expulsion, j’ai aidé Mme [N] [L] à vider les locaux.

Au milieu de la paperasse, Mme [N] a découvert un carnet de quittances dont la première souche est établie au nom de [D] [Y] (la voisine de palier), à la SCI Sacha. Les suivantes sont remplies également pour Mme [C] [G], aussi à la SCI Sacha, avec des faux tampons pour les deux personnes’.

Il y a lieu d’observer préalablement que l’expertise réalisée à la demande de Mme [N], bien que non judiciaire, est un élément du dossier sur lequel la cour peut fonder sa décision, dès lors qu’elle est corroborée par d’autres éléments exposés ci-avant.

En conséquence, la cour considère que c’est à tort que Mme [Y] invoque l’escroquerie au jugement.

Il s’ensuit que le jugement rendu le 24 février 2023 par le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Mantes-la-Jolie doit être confirmé en toutes ses dispositions, Mme [Y] étant déboutée de ses demandes d’infirmation du jugement et visant à voir la dette locative fixée à la somme de 5 500 euros.

– Sur le trouble de jouissance allégué par Mme [Y]

Mme [Y] sollicite la condamnation de la SCI Sacha à lui verser la somme de 200 euros par mois à compter de mars 2022 titre d’indemnisation de son trouble de jouissance, lié au fait qu’elle ne dispose plus d’eau chaude dans l’appartement depuis cette date, que les murs et plafonds sont recouverts de salpêtre, en l’absence de VMC, que le radiateur imprégné d’humidité ne tient plus au mur.

La SCI Sacha réplique que Mme [Y] n’apporte aucun élément de preuve à l’appui de sa demande, si ce ne sont l’attestation de Mme [C] qui a été également sa locataire et qui a fait l’objet d’une mesure d’expulsion en raison de ses impayés locatifs, et des photos de l’appartement.

Sur ce,

L’article 1719 du Code civil dispose: ‘ le bailleur est obligé par la nature du contrat et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de l’occupant’.

L’article 6 de la loi d’ordre public du 6 juillet 1989 dispose notamment que ‘ le bailleur est obligé :

a) de délivrer au locataire le logement en bon état d’usage et de réparation ainsi que les éléments mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement, toutefois, les parties peuvent convenir par une clause expresse des travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter et des modalités de leur imputation sur le loyer (…..).

b) d’assurer au locataire la jouissance paisible du logement et sans préjudice des dispositions de l’article 1721 du Code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle, hormis ceux qui consignés dans l’état des lieux, qui auraient fait l’objet de la clause expresse mentionnée ci-dessus.

c) d’entretenir les locaux en état de servir à l’usage prévu par le contrat et d’y faire toutes les réparations autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des locaux loués.

Il incombe, par ailleurs, au bailleur de délivrer au locataire un logement en bon état d’usage, de réparation et qui réponde aux normes de décence prescrites par les articles 1 et 2 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatifs aux caractéristiques du logement décent étant rappelé que cette obligation a un caractère d’ordre public.

Il s’ensuit que le bailleur a l’obligation de maintenir le logement dans cet état décent et non dangereux pour le locataire, dès lors qu’il a été informé de sa dégradation à la suite d’événements non imputables au locataire.

En l’espèce, Mme [Y] qui occupe les lieux depuis 2016 et dont le premier loyer impayé remonte à 2021, ne justifie pas avoir alerté la bailleresse sur l’insalubrité ou l’absence de décence de l’appartement et de l’avoir mis en demeure d’y remédier, que tout au plus il résulte d’un échange de sms entre la locataire et la bailleresse qu’une fuite d’eau est survenue en août 2021 et qu’elle a été réparée.

En conséquence, faute pour Mme [Y] de caractériser l’insalubrité ou l’absence de décence du logement qu’elle invoque, la cour ne peut que la débouter de sa demande d’indemnisation des désordres.

– Sur la demande de délais formée par Mme [Y]

Mme [Y] sollicite, à titre subsidiaire, les plus larges délais de paiement pour se libérer du paiement de sa dette locative, invoquant les irrégularités ayant émaillé le cours de la procédure de première instance et ses suites pour justifier sa passivité. Elle fait observer que, pour preuve de sa bonne foi devant le juge de l’exécution, elle a versé la somme de 300 euros au titre de sa dette locative.

La SCI Sacha réplique qu’ainsi que l’a souligné le premier président, dans l’ordonnance de référé qu’il a rendue, il paraît paradoxal pour la locataire de se plaindre de problèmes relatifs à l’absence de décence du logement et de vouloir s’y maintenir, après avoir déjà obtenu un délai de neuf mois, qu’au surplus la locataire ne justifie pas avoir saisi les bailleurs sociaux pour obtenir un nouveau logement, ni ne démontre avoir effectué de démarches pour trouver un emploi. Elle ajoute qu’elle est une société familiale composée de deux associés âgés de plus de 70 ans. Elle s’oppose formellement aux délais sollicités.

Sur ce,

Aux termes de l’article 24-V de la loi du 6 juillet 1989 modifiée par l’ordonnance du 19 décembre 2014, en vigueur à compter du 1er janvier 2015, le juge peut, même d’office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l’article 1345-3 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.

Il peut ainsi, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, dans la limite de trois années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. Il appartient au débiteur qui sollicite de tels délais de présenter une offre sérieuse et précise de règlement et d’apporter des éléments de preuve concernant sa situation financière, à savoir notamment ses revenus et ses charges prévisibles, éléments permettant de penser raisonnablement qu’il est en capacité de régler l’intégralité de sa dette dans le délai proposé. Il convient également de tenir compte du montant et de l’ancienneté de la dette et des efforts déjà accomplis pour l’honorer.

En l’espèce, Mme [Y] ne justifie pas avoir commencé à rembourser la dette locative, si ce n’est le versement de 300 euros en vue de l’audience devant le juge de l’exécution. Elle ne produit aucun document lui permettant de justifier qu’elle serait en mesure de la régler, outre les loyers courants, dans un délai raisonnable.

En conséquence, elle doit être déboutée de sa demande de ce chef.

Sur les mesures accessoires

Mme [Y] doit être condamnée aux dépens de la procédure d’appel, les dispositions du jugement contesté relatives aux dépens de première instance étant, par ailleurs, confirmées.

Il y a lieu de faire droit à la demande de la SCI Sacha au titre des frais de procédure par elle exposés en cause d’appel en condamnant in solidum Mme [Y] à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu le 24 février 2023 par le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Mantes-la-Jolie en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute Mme [Y] de sa demande d’indemnisation du trouble de jouissance qu’elle allègue et de sa demande subsidiaire de délais de paiement,

Condamne Mme [Y] à verser à la SCI Sacha la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [Y] aux dépens d’appel.

– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Gaëlle RULLIER, greffière placée, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière placée, Le président,


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