L’article L. 2315-39 du code du travail impose que la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) soit composée d’au minimum trois membres représentants du personnel, dont au moins un représentant du deuxième collège ou, le cas échéant, du troisième collège, lorsque celui-ci est institué conformément à l’article L. 2314-11. Dans les entreprises où le nombre d’ingénieurs, chefs de service et cadres assimilés est d’au moins vingt-cinq, un troisième collège électoral doit être constitué, et un siège au sein de la CSSCT doit être attribué à un élu représentant ce troisième collège. Cette règle d’ordre public vise à garantir une représentation équilibrée des différentes catégories de personnel au sein des instances de dialogue social, notamment en matière de santé et de sécurité au travail.
|
L’Essentiel : L’article L. 2315-39 du code du travail impose que la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) soit composée d’au minimum trois membres représentants du personnel, dont au moins un représentant du deuxième collège. Dans les entreprises avec au moins vingt-cinq ingénieurs, chefs de service et cadres assimilés, un troisième collège électoral doit être constitué, et un siège au sein de la CSSCT doit être attribué à un élu représentant ce troisième collège.
|
Résumé de l’affaire :
Faits de l’affaireLa société en charge de la gestion du réseau français de distribution d’électricité dispose de plusieurs établissements, dont un situé dans la région Nord Midi-Pyrénées. En novembre 2023, des élections ont été organisées pour élire les membres du comité social et économique d’établissement (CSEE) dans cet établissement, incluant un collège pour les ingénieurs et cadres. Constitution de la commission CSSCTSuite aux élections, le CSEE a désigné, par une résolution, les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) le 8 décembre 2023. Cependant, aucun membre représentant le troisième collège n’a été inclus dans cette désignation. Demande d’annulationLe 22 décembre 2023, une fédération syndicale et deux salariés élus du troisième collège ont saisi le tribunal judiciaire pour annuler les désignations des membres de la CSSCT, arguant que celles-ci violaient les dispositions légales et les accords internes concernant la représentation des collèges. Arguments du CSEELe CSEE et les membres désignés ont contesté la décision du tribunal, soutenant qu’il n’existe pas de hiérarchie entre les collèges pour l’attribution des sièges au sein de la commission. Ils ont également fait valoir que la majorité des salariés votant dans le deuxième collège justifiait leur représentation. Décision du tribunalLe tribunal a statué que, conformément à la législation, un siège au sein de la commission devait être attribué à un élu du troisième collège. Il a donc annulé les désignations, constatant qu’aucun membre du troisième collège n’était représenté, ce qui était contraire aux exigences légales. ConclusionLe tribunal a jugé que les désignations étaient illégales et a ordonné une nouvelle désignation en respectant la représentation du troisième collège, confirmant ainsi la nécessité de respecter les dispositions du code du travail. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le cadre juridique de la commission santé, sécurité et conditions de travail ?La commission santé, sécurité et conditions de travail est régie par l’article L. 2315-38 du code du travail, qui stipule que cette commission se voit confier, par délégation du comité social et économique, tout ou partie des attributions du comité relatives à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail. Il est précisé que les attributions de la commission excluent le recours à un expert prévu à la sous-section 10 et les attributions consultatives du comité. Quel est le rôle des collèges électoraux dans la désignation des membres de la commission ?Selon l’article L. 2315-39 du code du travail, la commission est présidée par l’employeur ou son représentant et doit comprendre au minimum trois membres représentants du personnel, dont au moins un représentant du second collège, ou le cas échéant du troisième collège. Les membres de la commission sont désignés par le comité social et économique parmi ses membres, par une résolution adoptée selon les modalités définies à l’article L. 2315-32, pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité. Quel est l’impact de l’absence de représentation du troisième collège ?L’article L. 2314-11 du code du travail précise que dans les entreprises où le nombre d’ingénieurs, chefs de service et cadres administratifs, commerciaux ou techniques assimilés est au moins égal à vingt-cinq, ces catégories constituent un troisième collège. Il en résulte que, dans les entreprises ou établissements où est institué un troisième collège électoral, un siège au moins à la commission santé, sécurité et conditions de travail doit être attribué à un élu représentant ce troisième collège. Quelle est la décision du tribunal judiciaire concernant la désignation des membres de la CSSCT ?Le tribunal judiciaire a constaté qu’aucun des quatre salariés élus au comité social et économique d’établissement ne représentait le troisième collège. Il a donc conclu que les désignations étaient contraires à l’article L. 2315-39 du code du travail. Ainsi, ces désignations ont été annulées, car elles ne respectaient pas l’obligation d’attribuer un siège à un élu du troisième collège, conformément aux dispositions d’ordre public. |
JL10
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 février 2025
Cassation partielle
sans renvoi
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 185 F-D
Pourvoi n° B 24-12.448
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 FÉVRIER 2025
1°/ Le comité social et économique Nord Midi-Pyrénées de la société Enedis, dont le siège est [Adresse 5],
2°/ M. [K] [X], domicilié [Adresse 7],
3°/ M. [T] [H], domicilié [Adresse 9],
4°/ M. [L] [A], domicilié [Adresse 1],
5°/ M. [J] [G], domicilié [Adresse 8],
ont formé le pourvoi n° B 24-12.448 contre le jugement rendu le 20 février 2024 par le tribunal judiciaire d’Albi (contentieux général civil, contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant :
1°/ à la fédération CFE-CGC énergies, dont le siège est [Adresse 6],
2°/ à Mme [R] [M], domiciliée [Adresse 4],
3°/ à M. [B] [C], domicilié [Adresse 2],
4°/ à la société Enedis, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat du comité social et économique Nord Midi-Pyrénées de la société Enedis, de MM. [X], [H], [A] et [G], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Enedis, de Me Isabelle Galy, avocat de la fédération CFE-CGC énergies, de Mme [M] et de M. [C], et l’avis écrit de Mme Laulom, avocat général, après débats en l’audience publique du 22 janvier 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Bérard, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d’Albi, 20 février 2024), la société Enedis (la société), chargée d’assurer la gestion du réseau français de distribution d’électricité, compte vingt-huit établissements distincts dotés chacun d’un comité social et économique d’établissement (CSEE), dont l’établissement Nord Midi-Pyrénées.
2. Les élections des membres des CSEE se sont déroulées en novembre 2023 dans l’établissement concerné sur trois collèges électoraux au regard d’un nombre d’ingénieurs et de cadres supérieur à vingt-cinq, le troisième collège représentant ceux-ci.
3. Lors de la mise en place de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) qui a suivi, le CSEE Nord Midi-Pyrénées a, par une résolution du 8 décembre 2023, désigné les quatre membres de la CSSCT dont aucun ne représente le troisième collège.
4. Par requête du 22 décembre 2023, la fédération CFE-CGC énergies (la fédération) et Mme [M] et M. [C], salariés élus au CSEE Nord Midi-Pyrénées au titre du troisième collège, ont saisi le tribunal judiciaire aux fins d’annulation de la désignation à la CSSCT de MM. [X], [H] et [A], issus du premier collège, et de M. [G], issu du deuxième collège, faisant valoir que ces désignations, ne réservant aucun siège à un élu issu du troisième collège, étaient contraires à l’article L. 2315-39 du code du travail et à l’article 11.4 de l’avenant de révision du 16 juin 2023 de l’accord relatif à la mise en place et au fonctionnement des comités sociaux et économiques au sein d’Enedis du 25 mars 2019.
Sur le moyen
Enoncé du moyen
5. Le CSEE Nord Midi-Pyrénées et les quatre salariés désignés à la CSSCT font grief au jugement de dire que la résolution du 8 décembre 2023 viole les dispositions de l’article L. 2315-39 du code du travail et de l’article 11.4 de l’avenant de révision du 16 juin 2023 à l’accord relatif à la mise en place et au fonctionnement des comités sociaux et économiques au sein d’Enedis du 25 mars 2019 et en conséquence d’annuler la délibération du CSEE Nord Midi-Pyrénées ayant désigné en qualité de membres de la CSSCT MM. [X], [H], [A] et [G], et de lui ordonner de procéder à une nouvelle désignation des membres de la CSSCT en réservant un siège au
troisième collège alors :
« 1°/ que la commission santé, sécurité et conditions de travail est composée au minimum de trois représentants du personnel dont au moins un représentant du deuxième collège, ou le cas échéant du troisième collège ; qu’il n’existe pas de hiérarchie légalement instituée entre les collèges électoraux pour l’attribution du siège réservé au sein de la commission santé, sécurité et conditions de travail ; que les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail sont désignés, parmi ses membres, par une résolution du comité social et économique : qu’en l’espèce, pour annuler les désignations de MM. [X], [H], [A] et [G], le tribunal judiciaire a relevé qu’ils n’avaient pas été élus au sein du troisième collège électoral ; qu’en statuant ainsi, quand il n’existe pas de hiérarchie légalement instituée entre les collèges électoraux pour l’attribution du siège réservé, le tribunal judiciaire a violé l’article L. 2315-39 du code du travail ;
2°/ que la commission santé, sécurité et conditions de travail est composée au minimum de trois représentants du personnel dont au moins un représentant du deuxième collège, ou le cas échéant du troisième collège ; que les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail sont désignés, parmi ses membres, par une résolution du comité social et économique ; qu’il n’existe pas de hiérarchie légalement instituée entre les collèges électoraux pour l’attribution du siège réservé au sein de la commission santé, sécurité et conditions de travail ; qu’au cas présent, le CSE d’établissement et les membres désignés par la résolution en date du 8 décembre 2023 faisaient valoir que les salariés votant au sein du deuxième collège représentaient 60 % de l’effectif de l’établissement et, partant, jouaient un rôle prépondérant dans la direction des équipes et le respect de la sécurité des salariés ; qu’en conséquence, l’attribution d’un siège aux représentants du troisième collège aurait pour effet de priver ces salariés d’une représentation utile au sein de la commission santé, sécurité et conditions de travail ; qu’en décidant néanmoins d’annuler les désignations des membres élus au sein du deuxième collège, sans rechercher si cette annulation avait pour effet de sous-représenter cette catégorie au sein de la commission, le tribunal judiciaire a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 2315-39 du code du travail. »
6. Aux termes de l’article L. 2315-38 du code du travail, la commission santé, sécurité et conditions de travail se voit confier, par délégation du comité social et économique, tout ou partie des attributions du comité relatives à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail, à l’exception du recours à un expert prévu à la sous-section 10 et des attributions consultatives du comité.
7. Aux termes des trois premiers alinéas de l’article L. 2315-39 du code du travail, la commission est présidée par l’employeur ou son représentant. Elle comprend au minimum trois membres représentants du personnel, dont au moins un représentant du second collège, ou le cas échéant du troisième collège prévus à l’article L. 2314-11. Les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail sont désignés par le comité social et économique parmi ses membres, par une résolution adoptée selon les modalités définies à l’article L. 2315-32, pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité.
8. Selon l’article L. 2314-11 du même code, dans les entreprises, quel que soit leur effectif, dont le nombre des ingénieurs, chefs de service et cadres administratifs, commerciaux ou techniques assimilés sur le plan de la classification est au moins égal à vingt-cinq au moment de la constitution ou du renouvellement de l’instance, ces catégories constituent un troisième collège.
9. Il résulte de ces dispositions d’ordre public que, dans les entreprises ou établissements où est institué, en application de l’article L. 2314-11 du code du travail, un troisième collège électoral, un siège au moins à la commission santé, sécurité et conditions de travail doit être attribué à un élu au comité social et économique représentant le troisième collège.
10. Le tribunal judiciaire, qui a constaté qu’aucun des quatre salariés, élus au comité social et économique d’établissement, ne représentait le troisième collège, en a déduit à bon droit que ces désignations étaient contraires à l’article L. 2315-39 du code du travail, de sorte qu’elles devaient être annulées.
11. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.
Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?