Régularisation des congés payés et responsabilité de l’employeur.

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Régularisation des congés payés et responsabilité de l’employeur.

L’article L. 8221-5 du code du travail définit le travail dissimulé comme le fait pour un employeur de se soustraire intentionnellement à certaines obligations légales, notamment en ce qui concerne la déclaration préalable à l’embauche, la délivrance de bulletins de paie, ou les déclarations relatives aux salaires et cotisations sociales. En cas de rupture de la relation de travail, l’article L. 8223-1 du même code prévoit qu’un salarié victime de travail dissimulé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. Par ailleurs, l’article L. 3141-24, II, stipule que l’indemnité de congé payé ne peut être inférieure à la rémunération que le salarié aurait perçue s’il avait continué à travailler, incluant les primes et indemnités. La jurisprudence, notamment l’arrêt de la Cour de cassation du 14 novembre 2013, précise que le point de départ du délai de prescription pour les demandes d’indemnité de congés payés doit être fixé à l’expiration de la période légale ou conventionnelle durant laquelle les congés auraient pu être pris. La Cour de justice de l’Union européenne a également affirmé que la perte du droit au congé annuel payé ne peut intervenir que si le travailleur a eu la possibilité d’exercer ce droit, et que l’employeur doit prouver qu’il a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer son droit à congé.

L’Essentiel : L’article L. 8221-5 du code du travail définit le travail dissimulé comme le fait pour un employeur de se soustraire intentionnellement à certaines obligations légales, notamment en ce qui concerne la déclaration préalable à l’embauche et la délivrance de bulletins de paie. En cas de rupture de la relation de travail, l’article L. 8223-1 prévoit qu’un salarié victime de travail dissimulé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Résumé de l’affaire :

FAITS

Un salarié a été employé par une société en qualité de chargé d’affaires du 4 janvier 2012 au 28 février 2019. En 2018, le comité social et économique a questionné la société sur le calcul des indemnités de congés payés, entraînant un audit par un cabinet spécialisé. Les résultats, révélés en mai 2019, ont mis en lumière des irrégularités dans le calcul des congés.

PROCÉDURE

Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes pour demander la condamnation de la société pour travail dissimulé et la régularisation de sa situation auprès des organismes de retraite. Par jugement du 28 juin 2022, le conseil a débouté le salarié de ses demandes et a également débouté la société de sa demande reconventionnelle.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le salarié a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement et la condamnation de la société à lui verser diverses sommes, y compris pour travail dissimulé. La société a demandé la confirmation du jugement initial et a soutenu avoir régularisé les indemnités de congés payés pour les trois dernières années, tout en rejetant les demandes du salarié comme infondées.

DECISION DE LA COUR

La cour a confirmé le jugement en ce qui concerne le déboutement du salarié pour travail dissimulé, mais a reconnu une exécution déloyale du contrat de travail, condamnant la société à verser des dommages et intérêts au salarié. La cour a également statué sur la régularisation des cotisations de retraite, confirmant le jugement initial sur ce point. La société a été condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la demande d’indemnité pour travail dissimulé ?

La demande d’indemnité pour travail dissimulé repose sur l’article L. 8221-5 du code du travail, qui définit le travail dissimulé comme le fait pour un employeur de se soustraire intentionnellement à certaines obligations légales.

Cet article précise que sont considérés comme travail dissimulé les actes suivants :

1°) Se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité de déclaration préalable à l’embauche ;

2°) Ne pas délivrer un bulletin de paie ou mentionner un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli ;

3°) Ne pas faire les déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales.

En l’espèce, bien que la société Lyreco France ait omis d’intégrer la partie variable de la rémunération dans le calcul des congés payés, le caractère intentionnel de cette omission n’est pas établi.

Le jugement a donc confirmé le débouté de la demande d’indemnité pour travail dissimulé, car il n’a pas été prouvé que l’employeur avait agi de manière intentionnelle dans cette omission.

Quel est le cadre légal concernant l’indemnité de congés payés ?

L’indemnité de congés payés est régie par l’article L. 3141-24, II, du code du travail, qui stipule que cette indemnité ne peut être inférieure à la rémunération que le salarié aurait perçue s’il avait continué à travailler pendant la période de congé.

Cette rémunération est calculée en fonction du salaire dû pour la période précédant le congé et de la durée du travail effectif.

Il est également précisé que la rémunération à prendre en compte inclut les primes et indemnités versées en complément du salaire, à condition qu’elles soient versées en contrepartie du travail effectué.

Le point de départ du délai de prescription pour l’indemnité de congés payés est fixé à l’expiration de la période légale ou conventionnelle durant laquelle les congés auraient pu être pris.

La jurisprudence a également établi que l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer son droit à congé, et en cas de contestation, il doit prouver qu’il a accompli les diligences requises.

Quel est l’impact de la prescription sur la demande d’indemnité de congés payés ?

La prescription de l’indemnité de congés payés est régie par l’article L. 3245-1 du code du travail, qui impose un délai de trois ans pour agir en justice.

Dans cette affaire, il a été établi que le salarié avait bénéficié de l’ensemble de ses jours de congés payés, et que le litige ne portait que sur l’assiette de calcul de l’indemnité.

Les calculs du salarié pour déterminer le montant de la régularisation ont été jugés erronés, car ils ne correspondaient pas aux montants figurant sur ses bulletins de paie.

Ainsi, la demande d’indemnité de congés payés ne peut porter que sur la période non prescrite, c’est-à-dire à partir du 1er juin 2016, car la prescription a déjà fait son œuvre pour la période antérieure.

Quel est le fondement de la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ?

La demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail repose sur le principe selon lequel l’employeur doit exécuter le contrat de travail de manière loyale.

Dans cette affaire, il a été établi que la question de la règle de calcul des congés payés avait été soulevée à plusieurs reprises par les représentants du personnel depuis 2008, sans réponse satisfaisante de la direction.

La négligence de l’employeur à répondre à ces préoccupations a été considérée comme une exécution déloyale du contrat de travail.

Le préjudice moral subi par le salarié, qui a travaillé pendant sept ans dans cette entreprise, a été reconnu et indemnisé à hauteur de 3 000 euros, en raison de la réticence de l’employeur à traiter les questions légitimes concernant la rémunération.

Quel est le cadre juridique pour la régularisation des cotisations de retraite ?

La régularisation des cotisations de retraite est soumise à la prescription triennale prévue par l’article L. 3245-1 du code du travail.

Dans cette affaire, le salarié a demandé la régularisation des cotisations afférentes à des salaires non versés. Cependant, il a été constaté que la période non prescrite avait déjà fait l’objet d’une régularisation.

Ainsi, la demande de régularisation des cotisations de retraite a été rejetée, car elle était soumise à la prescription et ne pouvait être accueillie.

Le jugement a donc été confirmé sur ce point, en raison de l’absence de fondement juridique pour la demande de régularisation des cotisations de retraite.

28/02/2025

ARRÊT N°2025/57

N° RG 22/02809 – N° Portalis DBVI-V-B7G-O5J5

NB/CD

Décision déférée du 28 Juin 2022 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de TOULOUSE ( F20/00715)

S. LOBRY

Section Encadrement

[S] [G]

C/

S.A.S. LYRECO FRANCE

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT HUIT FEVRIER DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANT

Monsieur [S] [G]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Stefan RIBEIRO de la SELARL ALTILEX AVOCATS, avocat au barreau de VAL D’OISE

INTIM »E

S.A.S. LYRECO FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Caroline BARBE de la SELARL SOLUCIAL AVOCATS, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. DARIES, conseillère, et N. BERGOUNIOU, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles chargée du rapport. Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C.GILLOIS-GHERA, présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffière, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C.GILLOIS-GHERA, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [S] [G] a été salarié de la Sas Lyreco France du 4 janvier 2012 au 28 février 2019 en qualité de chargé d’affaires suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale du commerce de gros.

En 2018, le comité social et économique a interrogé la Sas Lyreco France sur le mode de calcul de l’assiette des indemnités de congés payés.

Le cabinet KPMG a été mandaté afin de réaliser un audit. Les résultats de l’audit ont été communiqués au comité économique le 22 mai 2019 et ont démontré des irrégularités dans les modalités de calcul.

M. [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse, section encadrement, le 3 juin 2020 pour demander la condamnation de la société Lyreco au titre du travail dissimulé, demander la régularisation de sa situation auprès des organismes de retraite, et demander le versement de diverses sommes.

Par jugement du 28 juin 2022, le conseil de prud’hommes de Toulouse, statuant en formation de départage, a :

– débouté M. [G] de l’ensemble de ses demandes,

– débouté la société Lyreco de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [G] aux éventuels dépens.

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Par déclaration du 22 juillet 2022, M. [G] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 18 juillet 2022, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

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Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 26 avril 2024, M. [S] [G] demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de l’ensemble de ses demandes.

Et, statuant à nouveau :

A titre principal,

– condamner la société Lyreco à lui payer la somme de 1 091,50 euros au titre du solde de la régularisation effectuée sur la période juin 2016-mai 2019,

– condamner la société Lyreco à lui payer la somme de 2 759,58 euros à titre de rappel sur indemnités de congés payés,

– condamner la société Lyreco à lui payer la somme de 29 716,02 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

– à titre subsidiaire, condamner la société Lyreco à lui payer la somme de 2 759,58 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

En tout état de cause,

– condamner la société Lyreco à régulariser sa situation auprès des organismes de retraite de base et complémentaires, ce sous astreinte de 100 euros par jour passé à compter d’un délai de 2 mois à compter de l’arrêt à intervenir,

– condamner la société Lyreco à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Lyreco aux entiers dépens.

Il fait valoir, pour l’essentiel, que la difficulté de calcul des congés payés a été identifiée depuis de très nombreuses années par les instances représentatives du personnel, qui avaient interrogé la Direction ; que la société a néanmoins refusé délibérément d’intégrer les éléments variables de la rémunération de ses salariés dans l’assiette des congés payés ; que suite à l’audit réalisé par la société KPMG, elle a partiellement régularisé les congés payés non rémunérés en réglant ce qu’elle considérait être du seulement sur les trois dernières années, et sans détailler son nouveau mode de calcul ou d’assiette et sans expliquer non plus combien de salariés ont été concernés par cette régularisation partielle ; que la responsabilité de la société Lyreco est donc acquise ; que la prescription triennale doit être écartée, dès lors qu’il n’est pas démontré que l’employeur justifiait avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer à la salarié d’exercer effectivement son droit à congé ; que la société Lyreco a intentionnellement mal fixé l’assiette de calcul des congés payés et a intentionnellement refusé, pendant plusieurs années de rectifier cette situation ; qu’elle est donc redevable de l’indemnité de travail dissimulé.

A titre subsidiaire, il indique que la société Lyreco a exécuté son contrat de travail de manière particulièrement déloyale et doit être condamnée à lui verser des dommages et intérêts ; que la minoration du salaire versé au salarié a eu d’importances conséquences sur le calcul de ses droits à la retraite, de sorte qu’il y a lieu de condamner la société Lyreco à régulariser sa situation auprès des organismes de retraite, et ce sous astreinte.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 24 septembre 2024, la SAS Lyreco France demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

* débouté M. [G] de l’ensemble de ses demandes,

* condamné M. [G] aux entiers dépens.

En conséquence :

– débouter M. [G] de l’intégralité de ses demandes, fins, moyens et conclusions,

– condamner M. [G] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,

– condamner M. [G] aux entiers frais et dépens d’instance.

Elle soutient qu’elle a régularisé les indemnités de congés payés de M. [G] pour les trois dernières années (juin 2016 à mai 2019) à hauteur d’une somme de 3 805,36 euros ; que la demande de régularisation formée par le salarié à hauteur de la somme de 1091,50 euros doit être rejetée comme infondée ; que l’absence de prise en compte de la part variable du salaire dans le calcul de l’indemnité de congés payés est la conséquence d’un mauvais paramétrage du partenaire extérieur spécialisé, en qui la société Lyreco avait toute confiance ; qu’elle a opéré une régularisation dès la communication de la restitution de l’audit effectuée lors de la réunion CE du 22/05/2019, et a représenté un coût global de près de 3 millions d’euros pour la société Lyreco France ; qu’il ne peut dès lors lui être reproché une exécution déloyale du contrat de travail ; que l’indemnité de congés payés a la nature de salaire, de sorte que la régularisation de l’erreur doit être faite dans la limite de 3 ans à compter de l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés auraient pu être pris ; que l’absence de prise en compte de la partie variable de la rémunération dans le calcul de l’assiette de l’indemnité de congés payés ne fait pas partie des cas prévus par l’article L. 8221-5 du code du travail, de sorte que M. [G] doit être débouté de sa demande au titre du travail dissimulé, faute pour le requérant de rapporter la preuve du caractère intentionnel de la dissimulation.

***

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 25 octobre 2024.

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Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

– Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé :

Selon l’article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé le fait pour tout employeur :

1°) soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2°) soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent établi par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre 1er de la troisième partie ;

3°) soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux ci auprès des organismes de recouvrement des contributions sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L’article 8223-1 du même code prévoit qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l’espèce, et comme l’a indiqué le premier juge, s’il est incontestable qu’en n’intégrant pas la partie variable de la rémunération d’une partie de ses salariés dans le calcul de l’assiette des indemnités de congés payés versées en cours de contrat, lesquelles sont soumises à cotisations selon les mêmes modalités que les salaires, l’employeur a déclaré aux organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales des informations tendant à minorer leurs obligations à leur égard ; s’il est incontestable que la société Lyreco France a fait preuve d’une négligence certaine dans la tenue de son service de paye, ainsi qu’il est démontré par les procès verbaux de comité d’entreprise des 12 mars 2008 et 16 avril 2008 qu’au moins à cette époque, la question de l’absence de prise en compte des éléments variables de rémunération des commerciaux avait déjà été posée par les membres du comité sans réponse satisfaisante apportée par le directeur des ressources humaines de la société Lyreco, le caractère intentionnel de l’omission en cause n’apparaît pas établi, alors que, lorsque la question a été de nouveau posée en comité d’entreprise le 24 octobre 2018, ce dernier est informé de la décision de la direction de mener un audit sur notamment les pratiques de paie, audit ayant eu lieu de mi-février 2019 à fin avril 2019, pour aboutir à une correction du paramétrage du système de paie et un rappel d’indemnités de congés payés décidé dès le 23 mai 2019, le lendemain de la restitution du rapport d’audit.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [S] [G] de sa demande au titre du travail dissimulé.

– Sur l’indemnité principale au titre de l’indemnité de congés payés et le solde de la régularisation effectuée :

Selon l’article L. 3141-24, II, du code du travail, l’indemnité de congé payé prévue au I dudit article ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler. Cette rémunération, sous réserve du respect des dispositions légales, est calculée en fonction du salaire dû pour la période précédant le congé et de la durée du travail effectif de l’établissement.

La rémunération à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de congé payé est la rémunération totale du salarié, incluant les primes et indemnités versées en complément du salaire si elles sont versées en contrepartie ou à l’occasion du travail.

Le point de départ du délai de prescription de l’indemnité de congé payé, qui est de nature salariale, doit être fixé à l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris (Soc., 14 novembre 2013, n° 12-17.409, Bull. 2013, V, n° 271).

Toutefois, le droit au congé annuel payé constitue un principe essentiel du droit social de l’Union (CJUE 6 novembre 2018, Stadt Wuppertal c/ Bauer, C 569/16 et Willmeroth c/ Broßonn, C-570/16, point 80).

La Cour de justice de l’Union européenne juge que la perte du droit au congé annuel payé à la fin d’une période de référence ou d’une période de report ne peut intervenir qu’à la condition que le travailleur concerné ait effectivement eu la possibilité d’exercer ce droit en temps utile. Elle ajoute qu’il ne saurait être admis, sous prétexte de garantir la sécurité juridique, que l’employeur puisse invoquer sa propre défaillance, à savoir avoir omis de mettre le travailleur en mesure d’exercer effectivement son droit au congé annuel payé, pour en tirer bénéfice dans le cadre du recours de ce travailleur au titre de ce même droit, en excipant de la prescription de ce dernier (CJUE 22 septembre 2022, LB c/ TO, C- 120/21, points 45 et 48).

Dès lors, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, et l’article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle le droit au congé annuel payé acquis par un travailleur au titre d’une période de référence est prescrit à l’issue d’un délai de trois ans qui commence à courir à la fin de l’année au cours de laquelle ce droit est né, lorsque l’employeur n’a pas effectivement mis le travailleur en mesure d’exercer ce droit (même arrêt).

Par ailleurs, la Cour de cassation juge qu’il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombaient légalement (Soc., 13 juin 2012, n° 11-10.929, Bull. V, n° 187 ; Soc. 21 septembre 2017, n° 16-18.898, Bull. V, n° 159).

Il y a donc lieu de juger que, lorsque l’employeur oppose la fin de non-recevoir tirée de la prescription, le point de départ du délai de prescription de l’indemnité de congés payés doit être fixé à l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris dès lors que l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé.

En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats que la question de la règle de calcul des congés payés, consistant notamment en la prise en compte des éléments individuels de rémunération variable des commerciaux a été clairement posée au sein de l’entreprise Lyreco dès l’année 2008 (procès verbal de la réunion du comité d’entreprise du 12 mars 2008 : 01-03/08 ; pièce n°34 de l’appelant).

La question a été de nouveau posée lors des réunions du comité d’entreprise de la société employeur de 24 octobre 2018 et 28 novembre 2018 (pièces n° 9 et 10 de l’appelant). A la suite d’une nouvelle réunion du CSE du 19 décembre 2018 (pièce n° 8 de l’appelant), la direction de la société Lyreco France a lancé un audit, confié au cabinet KPMG.

Les résultats de l’audit ont été dévoilés lors de la réunion du CSE du 22 mai 2019 (pièce n°18 de l’appelant).Il est précisé que : ‘la loi impose que les primes doivent être intégrées dans la base de calcul de l’indemnité de congés payés selon les critères suivants :

* la prime doit avoir un caractère obligatoire,

* elle doit être la contrepartie du travail effectué par le salarié,

* elle ne doit pas rémunérer les périodes de congés.

La prise en compte des primes dans le calcul de l’indemnité de congés payés ne respecte pas ces principes. Certaines primes ne rentrent pas, à tort, dans la base de calcul des congés payés.’

Suite aux résultats de l’audit, la société Lyreco France a procédé en juillet 2019, à la régularisation des indemnités de congés payés non perçues de juin 2016 à mai 2019. M. [G] a ainsi perçu une somme de 3 805,56 euros bruts se décomposant comme suit :

*1 087,43 euros au titre de la période de juin 2016 à mai 2017,

*1023,15 euros au titre de la période de juin 2017 à mai 2018,

*1694,98 euros au titre de la période de juin 2018 à mai 2019.

M. [G] demande à la cour de condamner la société employeur à lui payer une somme de 2 759,58 euros à titre de rappel d’indemnités de congés payés depuis le mois de janvier 2012.

Or, il est acquis que le salarié a bénéficié de l’ensemble de ses jours de congés payés (25 jours de congés payés par an), de sorte que le litige porte uniquement sur l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés, somme de nature salariale.

Il ressort en outre des bulletins de salaire de M. [G] qui sont produits aux débats que les sommes versées au titre de l’indemnité de congés payés et les calculs afférents apparaissaient clairement, de sorte qu’il pouvait la contester s’il l’estimait incorrecte et que la prescription avait nécessairement commencé à courir et avait fait son oeuvre pour la période litigieuse.

En conséquence, la demande d’indemnité de congés payés ne peut porter sur la période antérieure au 1er juin 2016, s’agissant d’une somme de nature salariale atteinte par la prescription.

Concernant la demande de régularisation formée par le salarié au titre de la période non prescrite, il y a lieu de rappeler, comme l’a justement relevé le premier juge, que les calculs du salarié pour la détermination du montant de la régularisation qu’il sollicite se révèlent erronés dès lors que le salaire retenu pour chaque année ne correspond pas au montant figurant sur les bulletins de paie du salarié sur la période de référence et /ou intègre la rémunération d’absences et des avantages en nature dont il n’est pas contesté que le salarié a continué à en bénéficier pendant ses congés alors même que ces éléments doivent en être exclus.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point

– Sur la demande subsidiaire de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

La cour a rappelé que la question de la règle de calcul des congés payés, consistant notamment en la prise en compte des éléments individuels de rémunération variable des commerciaux a été clairement posée au sein de l’entreprise Lyreco dès l’année 2008 (procès verbal de la réunion du comité d’entreprise du 12 mars 2008 : 01-03/08 ; pièce n°34 de l’appelante).

La question a été de nouveau posée, de manière plus insistante, lors des réunions du comité d’entreprise de la société employeur de 24 octobre 2018 et 28 novembre 2018 (pièces n° 9 et 10 de l’appelante). A la suite d’une nouvelle réunion du CSE du 19 décembre 2018 (pièce n° 8 de l’appelante), la direction de la société Lyreco France a lancé un audit, confié au cabinet KPMG.

La demande de dommages et intérêts sollicités à titre subsidiaire par M. [G] au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail, dont le montant est identique à celui de l’indemnité de congés payés qu’il réclamait à titre principal, tend en réalité à obtenir le paiement des indemnités de congés payés prescrites et ne peut être accueillie dans son intégralité.

En revanche, la réticence des dirigeants de la société Lyreco, avertis en termes clairs dès l’année 2008 de ce que les indemnités de congés payés ne respectaient pas la règle prévue par l’article L. 223-11 devenue L. 3141-22 du code du travail, et qui ont attendu le mois de février 2019 pour diligenter un audit sur la question, caractérise une exécution déloyale du contrat de travail, contrairement à l’appréciation portée par le premier juge sur ce point.

Le défaut d’exécution loyale du contrat de travail a causé à M. [S] [G], qui a travaillé au sein de la société pendant sept ans, et qui démontre que la société Lyreco ne s’est pas montrée à l’écoute des questionnements légitimes des employés concernant leur rémunération, un préjudice moral qu’il convient d’indemniser à hauteur de 3 000 euros.

– Sur la régularisation des cotisations de retraite :

L’action du salarié relative à la régularisation des cotisations afférentes à des salaires non versés étant soumise à la prescription triennale de l’article L. 3245-1 du code du travail, M. [S] [G] ne pourra qu’être débouté de sa demande de ce chef, la période non prescrite ayant déjà fait l’objet d’une régularisation.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

– Sur les autres demandes :

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a condamné M. [S] [G] aux dépens de première instance.

La société Lyreco France, qui succombe pour une part de ses prétentions, sera condamnée aux dépens de l’appel et déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.

Il serait en l’espèce inéquitable de laisser à la charge de M. [S] [G] les frais exposés non compris dans les dépens ; il y a lieu de faire droit à sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’une somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 28 juin 2022 par le conseil de prud’hommes de Toulouse, sauf en ce qu’il a débouté M. [S] [G] de sa demande formée au titre de l’exécution déloyale de son contrat de travail, et l’a condamné aux dépens.

Et, statuant de nouveau sur les points infirmés et y ajoutant :

Condamne la Sas Lyreco France à payer à M. [S] [G] une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale de son contrat de travail.

Confirme le jugement déféré dans ses autres dispositions non contraires.

Condamne la société Lyreco France aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Condamne la société Lyreco France à payer à M. [S] [G] une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La déboute de sa demande formée à ce même titre.

Le présent arrêt a été signé par C.GILLOIS-GHERA, présidente, et par C. DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C. DELVER C.GILLOIS-GHERA

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