Y compris, en matière de paiement des redevances SACEM, si la provision que peut accorder la juridiction des référés n’a pas d’autre limite que le montant incontestable de la créance alléguée, les magistrats détiennent le pouvoir de fixer discrétionnairement, à l’intérieur de cette limite, la somme qu’il convient d’allouer au requérant (Civ. 1ère 10 mars 1993 n° 91-15.752 Bull. n°100).
En matière de diffusion non autorisée d’œuvres musicales relevant du répertoire de la SACEM, l’obligation de l’auteur de ces diffusions correspond à ce qui eût été dû par lui s’il avait été sous un régime contractuel et il revient au juge des référés, saisi d’une demande de provision de ce chef, de la fixer discrétionnairement dans la limite du montant incontestable de la créance (Civ. 1ère 30 mars 2004 n° 00-20.918 Bull. n° 105 et 8 juin 2004 n° 00-15.765). L’article 2224 du code civil dispose que : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». L’ article 835, alinéa 2, du code de procédure civile dispose que « Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, (le juge des référés peut, NDR) accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ». Toutefois, en la cause, une partie de la créance indemnitaire de la SACEM correspond à une période qui est antérieure de plus de cinq années à la date de l’introduction de la demande en justice et sans que la SACEM n’allègue d’un acte interruptif de prescription, ni ne s’explique à cet égard. Cette fin de non recevoir que le débiteur pourrait être amené à lui opposer dans le cadre d’une instance au fond et qui n’apparaît pas comme étant manifestement vouée à l’échec constitue, à hauteur de référé, une contestation sérieuse d’une partie du montant de la créance que la juridiction se doit de soulever en application de l’article 472 du code de procédure civile précité. Il a, en conséquence de ce qui précède, été alloué à la SACEM une provision de 3 000 € à valoir sur la réparation de son préjudice. |
L’Essentiel : La Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) a assigné M. [W] devant le tribunal judiciaire de Rennes pour non-paiement de redevances après la résiliation de son contrat de représentation. Malgré des tentatives de régularisation, M. [W] a diffusé des œuvres musicales sans autorisation. Lors de l’audience du 25 septembre 2024, il était absent, permettant au juge de statuer. La SACEM a demandé une provision de 3 800,07 € pour les redevances dues, mais le juge a accordé 3 000 €, rejetant les dommages et intérêts pour manque de preuves. M. [W] a également été condamné aux dépens.
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Résumé de l’affaire :
Contexte de l’affaireLa Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) est chargée de la perception et de la répartition des redevances liées aux droits d’auteur pour l’exécution publique et la reproduction des œuvres de ses membres. Elle gère son répertoire musical via des contrats de représentation. Contrat de représentation et résiliationM. [I] [W] exploite un débit de boissons et a signé un contrat général de représentation avec la SACEM le 12 septembre 2000. Ce contrat, renouvelable annuellement, a été résilié par M. [W] par lettre recommandée le 3 novembre 2016. Constatations de diffusion non autoriséeUn agent de la SACEM a constaté le 15 mai 2018 la diffusion d’œuvres musicales de son répertoire dans l’établissement de M. [W]. Malgré plusieurs propositions de souscription à un nouveau contrat, M. [W] a refusé de régulariser sa situation. Procédures judiciairesAprès une tentative de conciliation infructueuse le 12 avril 2024, la SACEM a assigné M. [W] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Rennes le 5 juin 2024, demandant le paiement de redevances non versées et de dommages et intérêts. Audience et absence de M. [W]Lors de l’audience du 25 septembre 2024, M. [W] n’a pas comparu ni été représenté, ce qui a conduit le juge à statuer sur le fond de l’affaire. Demande de provisionsLa SACEM a demandé une provision de 3 800,07 € pour les redevances dues entre le 15 mai 2018 et le 12 mars 2024, justifiant sa demande par des procès-verbaux de constatation. Cependant, une partie de cette créance était prescrite, ce qui a conduit à une réduction de la provision accordée. Décision du jugeLe juge a accordé une provision de 3 000 € à la SACEM, tout en rejetant la demande de dommages et intérêts complémentaires, faute de preuves suffisantes. M. [W] a été condamné aux dépens et à verser 500 € pour les frais non compris dans les dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations de M. [W] en matière de droits d’auteur selon le Code de la propriété intellectuelle ?La SACEM, en tant que société de gestion des droits d’auteur, a pour mission de percevoir et de répartir les redevances dues pour l’exécution publique et la reproduction des œuvres de ses membres. Selon l’article L 331-1 du Code de la propriété intellectuelle : « Le fait de reproduire ou de représenter une œuvre sans autorisation de l’auteur est un acte de contrefaçon. » M. [W], en diffusant des œuvres musicales dans son établissement sans avoir souscrit un contrat de représentation avec la SACEM, a donc violé les droits d’auteur. De plus, l’article L 331-1-3 précise que : « Les personnes qui, sans autorisation, reproduisent ou représentent des œuvres de l’esprit, sont tenues de réparer le préjudice causé à l’auteur. » Ainsi, M. [W] est tenu de réparer le préjudice causé à la SACEM en raison de l’usage non autorisé de son répertoire musical. Quelles sont les conditions pour obtenir une provision en référé selon le Code de procédure civile ?L’article 835, alinéa 2, du Code de procédure civile stipule que : « Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. » Cela signifie que pour qu’une provision soit accordée, il faut que l’obligation soit incontestable. Dans le cas présent, la SACEM a produit des procès-verbaux attestant de la diffusion de ses œuvres, ce qui établit l’existence de l’obligation de M. [W]. En outre, l’article 472 du même code précise que : « Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. » Cela permet au juge de statuer même en l’absence de M. [W], ce qui renforce la possibilité d’accorder une provision. Comment la prescription affecte-t-elle la demande de la SACEM ?L’article 2224 du Code civil dispose que : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. » Dans cette affaire, la SACEM a demandé le paiement de redevances pour une période allant jusqu’à mars 2024. Cependant, une partie de la créance réclamée correspond à une période antérieure de plus de cinq ans, ce qui soulève une question de prescription. La juridiction a noté qu’aucun acte interruptif de prescription n’avait été allégué par la SACEM, ce qui constitue une contestation sérieuse de la créance. Ainsi, le juge a décidé de ne pas accorder la totalité de la somme demandée, mais seulement une provision de 3 000 €. Quelles sont les conséquences des demandes accessoires dans cette affaire ?L’article 491 du Code de procédure civile précise que : « Le juge des référés statue sur les dépens. » Dans cette affaire, M. [W] a été condamné aux dépens en tant que partie succombante, conformément à l’article 696 du même code. De plus, le juge a également condamné M. [W] à verser une somme de 500 € à la SACEM au titre des frais non compris dans les dépens, en application de l’article 700 du Code de procédure civile. Cela montre que même si la demande principale n’a pas été entièrement satisfaite, la partie gagnante peut toujours obtenir le remboursement de ses frais. |
N°
Du 25 Novembre 2024
N° RG 24/00416
N° Portalis DBYC-W-B7I-K7XO
79B
c par le RPVA
le
à
Me Dominique LE COULS-BOUVET,
– copie dossier
Expédition et copie exécutoire délivrée le:
à
Me Dominique LE COULS-BOUVET,
Cour d’appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
OR D O N N A N C E
DEMANDEUR AU REFERE:
Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musiques (SACEM), dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Jean-Marc MOJICA, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Francoise ESCOFFIER, avocate au barreau de PARIS, plaidant,
Me Dominique LE COULS-BOUVET, avocat au barreau de RENNES, postulant,
DEFENDEUR AU REFERE:
Monsieur [I] [W] propriétaire exploitant de l’établissement dénommé “[4]”, demeurant [Adresse 1]
non comparant, ni représenté
LE PRESIDENT: Philippe BOYMOND, Vice-Président
LE GREFFIER: Claire LAMENDOUR, greffier, lors des débats et Graciane GILET, greffier, lors du prononcé par mise à disposition au greffe, qui a signé la présente ordonnance.
DEBATS: à l’audience publique du 25 Septembre 2024,
ORDONNANCE: réputée contradictoire, l’affaire a été mise en délibéré au 22 novembre 2024, prorogée au 25 novembre 2024, les conseils des parties en ayant été avisés par RPVA, en dernier ressort,
La Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) est une société civile dont le principal objet social est d’assurer la perception et la répartition des redevances dues au titre du droit d’auteur à l’occasion de l’exécution publique et de la reproduction mécanique des œuvres de ses membres. La SACEM assure la gestion de son répertoire musical par le biais de contrats généraux de représentation.
Suivant extrait K-bis, M. [I] [W] exploite un débit de boissons sis [Adresse 1] à [Localité 3] (79) dénommé “ [4] ”. Le 12 septembre 2000, l’intéressé a conclu avec la SACEM un contrat général de représentation, renouvelable chaque année par tacite reconduction auquel, toutefois, il y a mis fin par lettre recommandée du 3 novembre 2016.
Suivant procès-verbal de constat en date du 15 mai 2018, un agent assermenté de la SACEM a certifié avoir reconnu, parmi les œuvres musicales diffusées dans l’établissement susvisé, une œuvre du répertoire de sa société. M. [W] n’a pas donné suite à la proposition qui lui a alors été faite de souscrire un nouveau contrat de représentation.
Suivant autres procès-verbaux en date des 19 novembre 2018, 20 mai et 19 novembre 2019, 09 juillet et 14 octobre 2020, 05 juillet et 16 septembre 2021, 31 mars et 22 septembre 2022, 01er mars et 07 septembre 2023 et du 19 mars 2024, la diffusion d’autres œuvres musicales relevant du répertoire de la SACEM a été pareillement constatée.
M. [W] n’a pas plus accepté de souscrire un nouveau contrat de représentation.
Une conciliation, menée le 12 avril 2024, n’a pas permis aux parties de parvenir à un accord.
Par acte de commissaire de justice en date du 05 juin 2024, la SACEM a alors assigné, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Rennes, M. [I] [W] sur le fondement des articles L 331-1 et L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, 835 du code de procédure civile et 1240 du code civil, aux fins d’obtenir sa condamnation à lui payer par provision les sommes de :
– 3 800,07 €, en raison de l’usage non autorisé de son répertoire pendant la période du 15 mai 2018 au 12 mars 2024 et représentant les redevances d’auteur éludées ;
– 380,01 €, à titre de provision sur dommages et intérêts complémentaires, le tout sous le bénéfice des dépens et de l’allocation d’une somme de 1 700 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Lors de l’audience du 25 septembre 2024, la SACEM, représentée par avocat, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d’instance.
Régulièrement assigné à personne, M. [W] n’a ni comparu, ni ne s’est fait représenter.
A titre liminaire, l’article 472 du code de procédure civile dispose que :
« Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée ».
Sur la demande de provisions
L’ article 835, alinéa 2, du code de procédure civile dispose que :
« Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, (le juge des référés peut, NDR) accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».
L’article 1240 du code civil prévoit que :
« Tout fait quelconque de l’Homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer».
Si la provision que peut accorder la juridiction des référés n’a pas d’autre limite que le montant incontestable de la créance alléguée, les magistrats détiennent le pouvoir de fixer discrétionnairement, à l’intérieur de cette limite, la somme qu’il convient d’allouer au requérant (Civ. 1ère 10 mars 1993 n° 91-15.752 Bull. n°100).
En matière de diffusion non autorisée d’œuvres musicales relevant du répertoire de la SACEM, l’obligation de l’auteur de ces diffusions correspond à ce qui eût été dû par lui s’il avait été sous un régime contractuel et il revient au juge des référés, saisi d’une demande de provision de ce chef, de la fixer discrétionnairement dans la limite du montant incontestable de la créance (Civ. 1ère 30 mars 2004 n° 00-20.918 Bull. n° 105 et 8 juin 2004 n° 00-15.765).
L’article 2224 du code civil dispose que :
« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».
La SACEM sollicite la condamnation de M. [W] à lui payer une provision d’un montant de 3 800,07 € qu’elle dit correspondre à celui des redevances qu’elle aurait perçu, pour la période du 15 mai 2018 au 12 mars 2024, si l’intéressé avait régularisé auprès d’elle un contrat de représentation comme elle le lui a proposé.
Elle justifie de la diffusion de certaines de ses œuvres, au sein du débit de boissons de l’intéressé, en produisant treize procès-verbaux établis par ses préposés dans la période de temps sus-indiquée (ses pièces n° 8, 12, 13, 16, 20 à 22, 25 à 28, 31 et 35).
Le principe de l’obligation de M. [W] est ainsi établi.
S’agissant de son montant, la SACEM produit les tarifs de son contrat d’adhésion correspondant à la situation de l’établissement de M. [W], à savoir un café établi dans une commune de 2 001 à 15 000 habitants, disposant d’une salle contenant de 31 à 60 places et diffusant de la musique par un appareil radiophonique avec hauts-parleurs dissociés (ses pièces n° 10, 15, 18, 24, 30 et 34) et qui justifient le montant réclamé de 3 800,07 €.
Toutefois, une partie de sa créance indemnitaire correspond à une période qui est antérieure de plus de cinq années à la date de l’introduction de la présente demande en justice et sans que la SACEM n’allègue d’un acte interruptif de prescription, ni ne s’explique à cet égard.
Cette fin de non recevoir que le débiteur pourrait être amené à lui opposer dans le cadre d’une instance au fond et qui n’apparaît pas comme étant manifestement vouée à l’échec constitue, à hauteur de référé, une contestation sérieuse d’une partie du montant de la créance que la juridiction se doit de soulever en application de l’article 472 du code de procédure civile précité.
Il sera, en conséquence de ce qui précède, alloué à la SACEM une provision de 3 000 € à valoir sur la réparation de son préjudice.
Cette société sollicite également le bénéfice d’une provision à titre de dommages et intérêts complémentaires, au visa de l’article L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, d’un montant de 10 % de celui des redevances de droit d’auteur, soit la somme de 380,01 €. Toutefois, la SACEM ne dit pas quel est le préjudice complémentaire que lui aurait causé la diffusion sans son autorisation, par le défendeur, d’œuvres de son répertoire et ne verse par ailleurs aucune pièce à ce sujet.
Il en résulte qu’elle ne démontre pas, avec de surcroît l’évidence requise devant le juge des référés (Civ. 2ème 03 mars 2022 n° 21-13.892 publié au Bulletin), l’obligation de ce chef de M. [W], de sorte qu’il n’y a pas lieu à référé sur cette prétention.
Sur les demandes accessoires
L’article 491 du code de procédure civile dispose, en son second alinéa, que le juge des référés « statue sur les dépens ».
Partie succombante, M. [W] sera condamné aux dépens en application de l’article 696 du même code.
L’équité commande, en outre, de le condamner à verser une somme de 500 € à la SACEM au titre des frais non compris dans les dépens.
DISPOSITIF
La juridiction des référés, statuant au nom du peuple français, par décision mise à disposition au greffe :
CONDAMNE M. [I] [W] à payer à la SACEM la somme de 3 000 € (trois mille euros) à titre de provision ;
DIT n’y avoir lieu à référé sur le surplus de la demande ;
CONDAMNE M. [I] [W] aux dépens ;
en application de l’article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à la SACEM la somme de 500 € (cinq cents euros).
La greffière Le juge des référés
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