Propriété contestée et prescription acquise.

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Propriété contestée et prescription acquise.

L’action en revendication de biens immobiliers est régie par l’article 2272 du Code civil, qui stipule que « la possession d’un bien, pour être susceptible de prescription, doit être continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire ». En vertu de l’article 544 du même code, « la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu que l’on n’en fasse pas un usage prohibé par la loi ou par les règlements ». L’article 31 du Code de procédure civile précise que « l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention ». En matière d’indivision, l’article 815-2 du Code civil permet à tout indivisaire de prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis. La jurisprudence a également établi que l’occupation d’un bien indivis par un indivisaire peut conduire à l’acquisition de la propriété par prescription, à condition que cette occupation soit exercée de manière exclusive et manifeste l’intention de se comporter en propriétaire.

L’Essentiel : L’action en revendication de biens immobiliers est régie par l’article 2272 du Code civil, qui stipule que la possession d’un bien doit être continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire. En vertu de l’article 544, la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de manière absolue. L’article 31 du Code de procédure civile précise que l’action est ouverte à ceux ayant un intérêt légitime. En matière d’indivision, l’article 815-2 permet à tout indivisaire de prendre des mesures pour la conservation des biens.
Résumé de l’affaire :

Faits de l’affaire

Les faits de l’affaire concernent un acte de notoriété acquisitive établi par un notaire en faveur d’un acheteur et de son épouse, concernant une parcelle de terrain en Guadeloupe. Plusieurs héritiers d’un défunt se présentant comme ayant des droits sur cette parcelle ont assigné l’acheteur et son épouse devant le tribunal, revendiquant la propriété de plusieurs parcelles et demandant l’annulation de l’acte de notoriété.

Procédure judiciaire

La procédure a été initialement radiée pour défaut de diligences, mais de nouvelles assignations ont été délivrées par les mêmes demandeurs à des membres de la famille de l’acheteur. Après plusieurs rebondissements, le tribunal a rendu un jugement en juin 2023, déclarant irrecevables les actions des héritiers pour défaut de qualité à agir, tout en condamnant ces derniers à payer des frais à l’acheteur et son épouse.

Appel et décisions ultérieures

Les héritiers ont interjeté appel de cette décision, qui a été jugée recevable. La cour a ensuite infirmé le jugement initial en ce qui concerne la recevabilité de l’action des héritiers, reconnaissant leur intérêt à agir. La cour a également statué sur la propriété des parcelles revendiquées, confirmant que certaines dépendaient des successions des auteurs des demandeurs.

Conclusion de l’affaire

La cour a débouté les héritiers de leurs demandes d’annulation de l’acte de notoriété et de libération de la parcelle, tout en reconnaissant la propriété indivise des autres parcelles revendiquées. Les héritiers ont été condamnés aux dépens de l’instance d’appel et à verser des frais irrépétibles aux intimés.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de l’action en revendication des parcelles cadastrées ?

L’action en revendication est régie par les articles 544 et 545 du Code civil, qui stipulent respectivement que « la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue » et que « toute personne a le droit de revendiquer la propriété d’un bien ».

Cette action suppose que le demandeur prouve son droit de propriété par tous moyens. En l’espèce, les appelants ont démontré que les parcelles revendiquées dépendaient des successions de [HW] [YE] [IM] et de [U] [V] [JE].

Il est également précisé que, selon l’article 2261 du Code civil, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.

Ainsi, les appelants justifient leur intérêt à agir en revendication des parcelles cadastrées BD [Cadastre 22], [Cadastre 23], [Cadastre 24], [Cadastre 25] et [Cadastre 26], qui sont issues de la division de parcelles ayant appartenu à leurs auteurs.

Quel est l’impact de la prescription acquisitive sur l’action en revendication ?

La prescription acquisitive est régie par les articles 2261 et 2262 du Code civil. L’article 2261 précise que « pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ».

En vertu de l’article 2262, « la prescription est acquise par la possession d’un bien pendant trente ans ». Dans le cas présent, les intimés se prévalent d’une prescription acquisitive concernant la parcelle BD [Cadastre 23], affirmant que leurs parents ont occupé cette parcelle depuis 1956.

Cependant, il est établi que l’existence d’un acte notarié constatant une usucapion ne suffit pas à établir celle-ci. Le juge doit apprécier la valeur probante des témoignages relatifs à l’occupation. En l’espèce, les éléments de preuve fournis par les intimés, tels que les attestations de témoins et le permis de construire, ont été examinés pour déterminer si la possession était conforme aux exigences de la prescription.

Quel est le rôle de l’article 31 du Code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 31 du Code de procédure civile stipule que « l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention ». Cet article est fondamental pour déterminer la qualité à agir des parties dans une instance judiciaire.

Dans cette affaire, les premiers juges ont déclaré irrecevable l’action de certains demandeurs pour défaut d’intérêt à agir, considérant que seul un héritier justifiait de sa qualité. Cependant, en appel, les appelants ont produit un rapport de filiation qui a permis de prouver leur qualité d’héritiers, ce qui a conduit à l’infirmation du jugement initial.

Ainsi, l’article 31 a été déterminant pour établir que les appelants avaient un intérêt légitime à agir en revendication des parcelles, permettant ainsi de réexaminer leur demande.

Quel est l’effet de l’ordonnance de clôture sur la procédure ?

L’ordonnance de clôture, prévue par l’article 764 du Code de procédure civile, marque la fin des débats et l’arrêt de la production de nouvelles pièces. Elle a pour effet de fixer l’affaire à l’audience pour que le tribunal statue sur les demandes des parties.

Dans cette affaire, l’ordonnance de clôture est intervenue le 7 octobre 2024, et l’affaire a été fixée à l’audience du 18 novembre 2024. Cela signifie que les parties ne peuvent plus soumettre de nouvelles preuves ou arguments après cette date, et que le tribunal doit se prononcer sur la base des éléments déjà présentés.

L’ordonnance de clôture est donc un moment clé dans la procédure, car elle permet de garantir que le tribunal dispose de toutes les informations nécessaires pour rendre sa décision, tout en respectant le droit des parties à un procès équitable.

COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° DU 27 FEVRIER 2025

N° RG 24/00120 –

N° Portalis DBV7-V-B7I-DUZ4

Décision déférée à la cour : Jugement du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre en date du 1er juin 2023, rendu dans une instance enregistrée sous le n° 22/01596,

APPELANTS :

Monsieur [WV] [YW] [IM]

[Adresse 20]

[Localité 36]

Représenté par Me Gérard PLUMASSEAU, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Madame [VN] [P] [IM]

[Adresse 3]

[Localité 31] Guadeloupe

Représentée par Me Gérard PLUMASSEAU, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Madame [GN] [MN] [IM]

[Adresse 3]

[Localité 31]

Représentée par Me Gérard PLUMASSEAU, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Monsieur [YV] [X] [IM]-[JE]

[Adresse 21],

[Localité 39]

Représenté par Me Gérard PLUMASSEAU, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Madame [Y] [S] [XM]

[Adresse 15]

[Localité 48]

Représentée par Me Gérard PLUMASSEAU, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Madame [NE] [HF] [XM] épouse [E]

[Adresse 46]

[Localité 48]

Représentée par Me Gérard PLUMASSEAU, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Monsieur [EM] [I] [DW] [IM]

[Adresse 9]

[Localité 27]

Représenté par Me Gérard PLUMASSEAU, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Monsieur [BN] [BA] [BW] [IM]

[Adresse 12]

[Localité 34]

Représenté par Me Gérard PLUMASSEAU, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Monsieur [SW] [DE] [FV] [IM]

[Adresse 7]

[Localité 48]

Représenté par Me Gérard PLUMASSEAU, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Monsieur [BM] [KM] [OM] [IM]

[Adresse 8]

[Localité 32]

Représenté par Me Gérard PLUMASSEAU, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Monsieur [RN] [RM] [IM]

[Adresse 8]

[Localité 32]

Représenté par Me Gérard PLUMASSEAU, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Madame [AN] [FW] [IM]

[Adresse 10]

[Localité 38]

Représentée par Me Gérard PLUMASSEAU, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Monsieur [EN] [WW] [IM]

[Adresse 42],

[Adresse 42]

[Localité 38]

Représenté par Me Gérard PLUMASSEAU, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Monsieur [ON] [G] [LE] [IM]

[Adresse 7]

[Localité 48]

Représenté par Me Gérard PLUMASSEAU, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMES :

Madame [TM] [UW] [IM]-[HV]

[Adresse 40]

[Localité 38]

Représentée par Me Harry DURIMEL de la SELARL DURIMEL & BANGOU, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Monsieur [HE] [ON] [IM]

[Adresse 19]

[Localité 33]

Représenté par Me Harry DURIMEL de la SELARL DURIMEL & BANGOU, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Madame [AD] [FE] [IM] épouse [PW]

[Adresse 30]

[Localité 37]

Représentée par Me Harry DURIMEL de la SELARL DURIMEL & BANGOU, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Monsieur [JW] [IN] [IM]

[Adresse 41]

[Localité 31]

Représenté par Me Harry DURIMEL de la SELARL DURIMEL & BANGOU, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Monsieur [GM] [SV] [IM]

[Adresse 4]

[Localité 31]

Représenté par Me Harry DURIMEL de la SELARL DURIMEL & BANGOU, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Madame [PE] [J] [IM] épouse [MM]

Demeurant [Adresse 43]

[Localité 35]

Représentée par Me Harry DURIMEL de la SELARL DURIMEL & BANGOU, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 18 novembre 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Frank Robail, Président de Chambre,

Mme Annabelle Clédat, Conseiller,

Mme Aurélia Bryl, Conseiller.

qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 30 janvier 2025. Elles ont ensuite été informées de la prorogation du délibéré à ce jour en raison de l’absence d’un greffier.

GREFFIER,

Lors des débats : Mme Sonia Vicino, greffier,

Lors du prononcé : Mme Solange Loco, greffier placé

ARRÊT :

– contradictoire, prononcé publiquement publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

– signé par M. Frank Robail, président, et par Mme Solange Loco, greffier placé, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Suivant acte authentique du 4 mars 2011, Maître [HW] [H], notaire à [Localité 47] (Calvados) a établi au profit de M. [K] [IN] [HW] [IM] et de Mme [D] [O] [C], son épouse, un acte de notoriété acquisitive concernant une parcelle située [Adresse 50] sur la commune de [Localité 48] (Guadeloupe), cadastrée section BD n°[Cadastre 23], d’une contenance de 56a 27ca.

Par actes d’huissier des 21 et 24 novembre, 9 et 16 décembre 2014, M. [WV] [YW] [IM], Mme [VN] [P] [IM], Mme [GN] [MN] [IM], M. [YV] [X] [IM]-[JE], Mme [Y] [S] [XM], Mme [NE] [HF] [XM] épouse [E], M. [EM] [I] [DW] [IM], M. [BN] [BA] [BW] [IM], M. [SW] [DE] [FV] [IM], M. [BM] [KM] [OM] [IM], M. [RN] [RM] [IM], M. [EN] [WW] [IM], Mme [AN] [FW] [IM] et M. [ON] [G] [LE] [IM], se présentant tous comme héritiers de [HW] [YE] [IM] et de son épouse, [U] [V] [JE], dont les successions comprenaient selon eux la parcelle BD n°[Cadastre 23], ont assigné devant le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre M. [K] [IM], Mme [NW] [IM] épouse [M], M. [SE] [UD], Mme [LW] [XM], M. [WE] [UD], Mme [J] [UD] et Mme [F] [IM]-[JE] afin de voir :

– dire qu’ils étaient les légitimes propriétaires des parcelles BD n°[Cadastre 29], [Cadastre 16] et [Cadastre 18], devenues BD n°[Cadastre 22], [Cadastre 23], [Cadastre 24], [Cadastre 25] et [Cadastre 26],

– annuler l’acte de notoriété du 4 mars 2011,

– dire que M. [K] [IN] [HW] [IM] et Mme [D] [O] [C] étaient occupants sans droit ni titre de la parcelle BD n°[Cadastre 23],

– condamner M. [K] [IN] [HW] [IM] et Mme [D] [O] [C] à libérer les lieux sous astreinte,

– prononcer le partage de la succession de [HW] [IM] et de [U] [V] [JE],

– condamner M. [K] [IN] [HW] [IM] et Mme [D] [O] [C] à leur payer à chacun la somme de 5.000 euros en réparation de leur préjudice moral.

Cette procédure, enrôlée sous le numéro RG 15/00113, a été radiée pour défaut de diligences le 4 février 2016.

De nouvelles assignations ont été délivrées aux mêmes fins les 8, 25 et 29 août 2016 par les mêmes demandeurs, mais cette fois à Mme [TM] [UW] [IM]-[HV], M. [HE] [ON] [IM], Mme [AD] [FE] [IM] épouse [PW], M. [JW] [IN] [IM], M. [GM] [SV] [IM] et Mme [PE] [J] [IM] épouse [MM], enfants de M. [K] [IM].

Cette nouvelle procédure, enrôlée sous le n°16/2262, a été de nouveau radiée le 8 juillet 2018, avant d’être remise au rôle le 24 août 2022, puis de faire l’objet d’une ordonnance de clôture le 3 novembre 2022.

Par jugement du 1er juin 2023, qui ne visait comme défendeurs dans son chapeau que les personnes assignées en 2016, alors même qu’il était qualifié de réputé contradictoire en raison du défaut de constitution de six des sept défendeurs assignés en 2014, le tribunal a :

– rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de publication des assignations,

– déclaré irrecevable, faute de qualité pour agir, l’action engagée par M. [WV] [YW] [IM], Mme [VN] [P] [IM], Mme [GN] [MN] [IM], M. [YV] [X] [IM]-[JE], Mme [Y] [S] [XM], Mme [NE] [HF] [XM] épouse [E], M. [EM] [I] [DW] [IM], M. [BN] [BA] [BW] [IM], M. [SW] [DE] [FV] [IM], M. [BM] [KM] [OM] [IM], M. [RN] [RM] [IM], M. [EN] [WW] [IM], Mme [AN] [FW] [IM] et M. [ON] [G] [LE] [IM],

– condamné solidairement M. [WV] [YW] [IM], Mme [VN] [P] [IM], Mme [GN] [MN] [IM], M. [YV] [X] [IM]-[JE], Mme [Y] [S] [XM], Mme [NE] [HF] [XM] épouse [E], M. [EM] [I] [DW] [IM], M. [BN] [BA] [BW] [IM], M. [SW] [DE] [FV] [IM], M. [BM] [KM] [OM] [IM], M. [RN] [RM] [IM], M. [EN] [WW] [IM], Mme [AN] [FW] [IM] et M. [ON] [G] [LE] [IM] à payer à Mme [TM] [UW] [IM]-[HV], M. [HE] [ON] [IM], Mme [AD] [FE] [IM] épouse [PW], M. [JW] [IN] [IM], M. [GM] [SV] [IM] et Mme [PE] [J] [IM] épouse [MM] la somme de 300 euros à chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné solidairement M. [WV] [YW] [IM], Mme [VN] [P] [IM], Mme [GN] [MN] [IM], M. [YV] [X] [IM]-[JE], Mme [Y] [S] [XM], Mme [NE] [HF] [XM] épouse [E], M. [EM] [I] [DW] [IM], M. [BN] [BA] [BW] [IM], M. [SW] [DE] [FV] [IM], M. [BM] [KM] [OM] [IM], M. [RN] [RM] [IM], M. [EN] [WW] [IM], Mme [AN] [FW] [IM] et M. [ON] [G] [LE] [IM] aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL Durimel & Bangou,

– ordonné l’exécution provisoire de cette décision.

M. [WV] [YW] [IM], Mme [VN] [P] [IM], Mme [GN] [MN] [IM], M. [YV] [X] [IM]-[JE], Mme [Y] [S] [XM], Mme [NE] [HF] [XM] épouse [E], M. [EM] [I] [DW] [IM], M. [BN] [BA] [BW] [IM], M. [SW] [DE] [FV] [IM], M. [BM] [KM] [OM] [IM], M. [RN] [RM] [IM], M. [EN] [WW] [IM], Mme [AN] [FW] [IM] et M. [ON] [G] [LE] [IM] ont interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 6 février 2024, en indiquant expressément que leur appel portait sur chacun des chefs de jugement.

La procédure a fait l’objet d’une orientation à la mise en état.

Les 2, 3 et 6 mai 2024, en réponse à l’avis du 9 avril 2024 donné par le greffe, les appelants ont fait signifier la déclaration d’appel et leurs conclusions remises au greffe le 29 avril 2024 à chacun des six intimés.

Mme [TM] [UW] [IM]-[HV], M. [HE] [ON] [IM], Mme [AD] [FE] [IM] épouse [PW], M. [JW] [IN] [IM], M. [GM] [SV] [IM] et Mme [PE] [J] [IM] épouse [MM] ont tous remis au greffe leur constitution d’intimés par voie électronique le 23 mai 2024.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 7 octobre 2024 et l’affaire a été fixée à l’audience du 18 novembre 2024, date à laquelle la décision a été mise en délibéré au 30 janvier 2025, délibéré ensuite prorogé à ce jour en raison de l’absence d’un greffier.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

1/ Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe le 29 avril 2024 et signifiées les 2, 3 et 6 mai 2024, les appelants demandent à la cour de :

‘Vu les dispositions des articles 544, 545, 711, 712, 2258, 2261, 2272, 2273 du code civil et la jurisprudence afférente,

– sans avoir égard aux moyens développés par M. [K] [IM] et par Mme [J] [IM] [MM], les débouter de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

– en conséquence,

– réformer la décision querellée en ce qu’elle a déclaré les consorts [IM] irrecevables pour défaut d’intérêt à agir au titre de l’action en revendication, telle qu’initiée dans l’acte introductif d’instance,

– dire et juger que l’action des consorts [IM] [WV] et autres est recevable et bien fondée,

– y ajoutant,

– dire et juger que les consorts [IM] et [XM] sont légitimement propriétaires des parcelles BD [Cadastre 1], BD [Cadastre 16] et BD [Cadastre 18], devenues BD [Cadastre 22], BD [Cadastre 23], BD [Cadastre 24], BD [Cadastre 25], BD [Cadastre 26], au [Adresse 50] à [Localité 48],

– dire et juger que M. [K] [IM] a accepté le partage pour sa branche et que ses neveux et nièces viennent en représentation de son frère [L] [IM] en rang successible concernant la part de [IM] [W],

– en tout état de cause,

– prononcer la nullité pure et simple de l’acte de notoriété acquisitive établi selon ministère de Maître [HW] [H], notaire à [Localité 47], le 4 mars 2011, publié et enregistré au bureau des hypothèques de [Localité 31] le 28 mars 2011 sous le volume 2011 P n°1159, au profit de M. et Mme [K] [IM] pour avoir prétendument usucapé la parcelle BD [Cadastre 23] sise au [Adresse 46] à [Localité 48],

– dire et juger que tant M. [K] [IM] que Mme [D] [O] [C] sont occupants sans droit ni titre de ladite parcelle, en fraude des droits des indivisaires,

– prononcer le partage de la succession de M. [IM] [HW] et de Mme [U] [V] [JE],

– pour ce faire, valider l’acte de partage établi par Maître [UE] [LV], notaire à [Localité 31], les 15 mai, 20 mai, 17 juin, 11 juillet, 21 juillet et 29 août 1997, concernant la part successorale de Mme [JE] [U] [V],

– dire et juger que M. [K] [IM] et Mme [D] [O] [C] seront condamnés à libérer de corps et de biens la parcelle BD [Cadastre 23] sous astreinte de 1.500 euros par jour calendaire de retard, à compter de la signification de la décision à intervenir,

– dire et juger que nonobstant ladite astreinte, et passé un délai de trois mois à compter de la signification du jugement à intervenir, les requérants seront en droit de solliciter et d’obtenir le concours de la force publique,

– condamner M. [K] [IM] et Mme [D] [O] [C] à payer à chacun des requérants la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et de jouissance sur les biens occupés de façon illégale,

– condamner les mêmes à payer, et pour chacun d’entre eux, aux consorts [IM] et [XM] la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens distraits au profit de Maître Gérard Plumasseau, avocat soussigné aux offres de droit’.

2/ Aux termes de leurs dernières conclusions, remises au greffe et notifiées par voie électronique le 30 juillet 2024, les intimés demandent à la cour de :

‘Vu l’article 31 du code de procédure civile,

Vu l’article 2262 du code civil,

A titre principal :

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre en date du 1er juin 2023, en ce qu’il a déclaré l’action de MM. [WV] [IM], [EM] [IM], [SW] [IM], [BM] [IM], [RN] [IM], [ON] [IM], [YV] [IM]-[JE], Mmes [AN] [IM], [VN] [IM], [GN] [IM], [Y] [XM] et [NE] [XM] épouse [E] irrecevable,

A titre subsidiaire :

– dire que les époux [K] [IM] et [D] [O] [C] sont propriétaires de la parcelle de terre cadastrée BD [Cadastre 23] sis à [Adresse 46], par prescription acquisitive,

– dire que l’acte de notoriété acquisitive dressé le 4 mars 2011 par Maître [H] ne fait l’objet d’aucune contestation sérieuse et n’est entaché d’aucun vice,

– débouter MM. [WV] [IM], [EM] [IM], [SW] [IM], [BM] [IM], [RN] [IM], [ON] [IM], [YV] [IM]-[JE], Mmes [AN] [IM], [VN] [IM], [GN] [IM], [Y] [XM] et [NE] [XM] épouse [E] de l’intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions,

– condamner les mêmes solidairement à payer à chacun des intimés la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens qui seront recouvrés par la Selarl Durimel et Bangou conformément à l’article 699 du même code’.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur la recevabilité de l’appel :

L’article 538 du code de procédure civile dispose que le délai de recours par la voie ordinaire est d’un mois en matière contentieuse.

Ce délai court à compter de la signification de la décision contestée.

En outre, en vertu de l’article 644 du même code, lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en Guadeloupe, le délai d’appel est augmenté d’un mois pour les personnes qui ne demeurent pas dans cette collectivité territoriale et de deux mois pour les personnes qui demeurent à l’étranger.

En l’espèce, les appelants, dont certains sont domiciliés en Guyane et en région parisienne, ont interjeté appel le 6 février 2024 du jugement rendu le 1er juin 2023.

Dans la mesure où aucun élément ne permet de démontrer que cette décision leur aurait été préalablement signifiée, leur appel doit être déclaré recevable.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de publication des assignations :

Alors même qu’ils ont interjeté appel du chef de jugement ayant rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de publication des assignations, déférant ce chef de jugement à la cour, les consorts [IM] n’en sollicitent pas l’infirmation dans le dispositif de leurs dernières conclusions.

Par ailleurs, les intimés n’ont formé aucun appel incident.

En conséquence, ce chef de jugement ne pourra qu’être confirmé.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir des défendeurs :

Conformément aux dispositions de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Par ailleurs, l’article 815-2 du code civil dispose que tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis, même si elles ne présentent pas un caractère d’urgence.

Sur le fondement de ces deux textes, les premiers juges ont retenu que l’action en revendication de la propriété indivise, qui a pour objet la conservation des droits indivis, entrait dans la catégorie des actes conservatoires qu’un indivisaire pouvait accomplir seul.

Ils ont considéré, au regard des pièces produites, que seul M. [YV] [IM]-[JE], à l’exclusion de tous les autres demandeurs, justifiait de sa qualité d’héritier de [U] [V] [JE], propriétaire initialement de la parcelle cadastrée BD n°[Cadastre 18], et donc d’un intérêt à exercer une action en revendication afin de préserver les droits des autres indivisaires.

Cependant, après avoir retenu que la parcelle cadastrée BD n°[Cadastre 23], seule concernée par l’acte de notoriété dont l’annulation était demandée, ne provenait pas de la division de la parcelle BD [Cadastre 18] ayant appartenu à [U] [V] [JE], mais de la division d’une parcelle BD [Cadastre 29], les premiers juges ont également déclaré irrecevable l’action de M. [YV] [IM]-[JE] pour défaut d’intérêt à agir.

En cause d’appel, les appelants produisent en pièce 24 de leur dossier un rapport de filiation de [HW] [IM] et de son épouse, [U] [V] [JE], établi par un généalogiste, sur lequel ils se fondent afin d’affirmer qu’ils sont bien tous des héritiers de [U] [V] [JE] et de son époux, [HW] [YE] [IM], décédés respectivement le [Date décès 2] 1954 et le [Date décès 6] 1928.

Le contenu de ce rapport n’étant pas contesté par les intimés, pas plus que les conclusions qu’en tirent les appelants, il convient de retenir que la fin de non-recevoir retenue par les premiers juges relative à l’absence de preuve de la qualité d’héritiers des demandeurs à l’instance a disparu.

En ce qui concerne leur intérêt à agir en revendication des parcelles cadastrées BD [Cadastre 22], BD [Cadastre 23], BD [Cadastre 24], BD [Cadastre 25], BD [Cadastre 26] et en annulation de l’acte de notoriété acquisitive concernant la parcelle BD [Cadastre 23], il est subordonné à l’existence d’éléments permettant d’établir que ces parcelles pouvaient faire partie des successions de leurs auteurs, [HW] [YE] [IM] et [U] [V] [JE].

Afin de rapporter cette preuve, ils versent aux débats :

– deux actes datés respectivement du 15 juillet 1916 et du 23 août 1917, en vertu desquels [HW] [YE] [IM] a fait l’acquisition de deux parcelles de terrain sur la commune de [Localité 48],

– un acte de partage des 15 mai, 20 mai, 17 juin, 11 juillet, 21 juillet et 29 août 1997 attribuant à [U] [V] [JE] la parcelle cadastrée BD n°[Cadastre 18], d’une contenance de 3241 m², soit 32a 41ca, provenant de la division d’une parcelle initialement cadastrée BD [Cadastre 17] ayant appartenu à son propre père, [N] [JE],

– un plan parcellaire établi par la SCP [45], géomètres-experts, dans le cadre d’un projet de partage le 10 avril 2002,

– un procès-verbal de délimitation reçu le 6 janvier 2004 au centre des impôts fonciers, comprenant un document d’arpentage dressé le 27 octobre 2003 en vue de la modification du parcellaire cadastral.

Il ressort de ces pièces que la parcelle cadastrée BD [Cadastre 28], qui fait l’objet du présent litige, provient bien de la division de la parcelle BD [Cadastre 29], et non de la parcelle cadastrée BD [Cadastre 18] ayant appartenu à [U] [V] [JE], ainsi que l’ont retenu les premiers juges.

En ce qui concerne la parcelle BD [Cadastre 29], contrairement à ce que soutiennent les intimés, les pièces produites permettent d’établir qu’elle appartenait initialement à [HW] [YE] [IM] et qu’elle dépendait bien de sa succession.

En effet, ce dernier a acquis des consorts [UV], le 15 juillet 1916, sur la commune alors dénommée ‘[Localité 44]’, une parcelle d’un hectare soixante-six ares soixante-cinq centiares représentant 4/6èmes d’une portion de terre de deux hectares cinquante ares, bordée au nord par la propriété de M. [BA] ‘[Z]’ (terme peu lisible), à l’ouest par la propriété des héritiers [UF], au sud par la [Adresse 49] et à l’est par la propriété de M. [JE]. Cette propriété appartenait initialement à [B] [UV].

Le 23 août 1917, il a acquis d’une demoiselle [UV], sur la commune du ‘[Localité 48]’, les 2/6èmes, soit cinquante ares, d’une parcelle d’un hectare cinquante ares, bordée au sud par la [Adresse 49] à [Localité 48] et à l’ouest par la propriété de M. [UF]. Cette propriété appartenait également, initialement, à [B] [UV].

[HW] [YE] [IM] était donc devenu propriétaire, au total, de 2 hectares 16 ares et 65 centiares sur la commune de [Localité 48].

Si ces actes ne visaient évidemment aucune numérotation cadastrale, les éléments qu’ils contiennent sont compatibles avec le plan parcellaire établi par la SCP [45] le 10 avril 2002, qui indique que l’ensemble constitué par les parcelles acquises en 1916 et 1917 par [HW] [YE] [IM] avait une contenance de 1 hectare 94 ares et 06 centiares, la différence avec la contenance initialement acquise pouvant s’expliquer, ainsi que l’avancent les appelants, par la création de la route départementale bordant les parcelles au sud.

Par ailleurs, ce plan montre que l’ensemble de parcelles ayant appartenu à [HW] [YE] [IM] était limitrophe, à l’est, de celles ayant appartenu à [N] [JE], et notamment de la parcelle BD n°[Cadastre 18] attribuée à [U] [V] [JE] lors du partage de 1997.

Quand bien même ce plan ne constitue pas un titre de propriété, ainsi que le relèvent les intimés, ses indications sont également conformes au document d’arpentage dressé dans le cadre de la modification parcellaire, qui a quant à lui été publié aux services du cadastre et qui a abouti à la création des parcelles BD [Cadastre 22] et BD [Cadastre 23] par la division de la parcelle BD [Cadastre 29]. Il convient par ailleurs de préciser que ce document d’arpentage a été signé par M. [K] [IM], père des intimés.

Or, il ressort de ce document que les parcelles ayant appartenu à [HW] [YE] [IM] étaient cadastrées BD [Cadastre 29] et BD [Cadastre 16], cette dernière étant limitrophe, à l’est, de la parcelle BD [Cadastre 18] ayant appartenu à son épouse, [U] [V] [JE], ces deux dernières parcelles ayant été divisées en BD [Cadastre 24], [Cadastre 25] et [Cadastre 26].

En conséquence, les éléments concordants ressortant de toutes ces pièces permettent de retenir, d’une part, que la parcelle BD [Cadastre 29], dont est issue la parcelle BD [Cadastre 23], appartenait bien à [HW] [YE] [IM] et, d’autre part, que les parcelles BD [Cadastre 22], [Cadastre 23], [Cadastre 24], [Cadastre 25] et [Cadastre 26], qui font l’objet de l’action en revendication, sont issues de la division de parcelles ayant toutes appartenu à [HW] [YE] [IM] et à son épouse, [U] [V] [JE], auteurs des demandeurs à l’action.

Dès lors, les appelants justifiant bien de leur intérêt à agir, le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a déclaré leur action irrecevable.

Sur l’action en revendication :

L’action en revendication de biens immobiliers est l’action réelle par laquelle le demandeur, invoquant sa qualité de propriétaire, réclame à celui qui le détient la restitution d’un bien.

Cette action suppose que le demandeur rapporte la preuve de son droit de propriété, par tous moyens.

Il peut cependant y être fait obstacle lorsque, avant l’exercice de l’action en revendication, la propriété du bien a été acquise par le biais de la prescription acquisitive.

En l’espèce, en vertu du raisonnement préalablement développé, il est établi que les parcelles cadastrées BD n°[Cadastre 22] à [Cadastre 26], revendiquées par les demandeurs, dépendaient des successions de [HW] [YE] [IM] et de [U] [V] [JE].

Par ailleurs, si un projet de partage de ces indivisions successorales a été envisagé en 2002, ce qui a donné lieu à l’établissement du plan parcellaire et du projet établi par la SCP [45], aucun élément ne permet de démontrer que ce partage serait intervenu.

Il convient donc d’en déduire que les parcelles BD [Cadastre 22], [Cadastre 24], [Cadastre 25] et [Cadastre 26], qui ne font l’objet d’aucune revendication par des tiers, appartiennent bien, de manière indivise, à tous les coïndivisaires des successions de [HW] [YE] [IM] et de [U] [V] [JE].

En ce qui concerne la parcelle BD [Cadastre 23], sa propriété est revendiquée par les intimés, qui se prévalent d’une prescription acquisitive obtenue par leurs auteurs, [K] [IM] et son épouse [D] [O] [C], constatée par l’acte de notoriété acquisitive du 4 mars 2011.

Il est constant que l’existence d’un acte notarié constatant une usucapion ne peut, par elle-même, établir celle-ci. Dès lors, il appartient au juge d’apprécier la valeur probante des témoignages y relatés quant à l’existence d’actes matériels de nature à caractériser la possession invoquée (3e Civ., 4 octobre 2000, pourvoi n° 98-11.780).

Conformément aux dispositions de l’article 2261 du code civil, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.

Par ailleurs, en vertu de l’article 916 du code civil, qui dispose que le partage peut être demandé, même quand l’un des indivisaires a joui séparément de tout ou partie des biens indivis, s’il n’y a pas eu d’acte de partage ou une possession suffisante pour acquérir la prescription, un indivisaire peut parfaitement acquérir la propriété d’un bien indivis par prescription.

Il se déduit de ces textes que, pour pouvoir prescrire, la possession du bien indivis par un indivisaire doit être exempte de vices, et notamment du vice d’équivoque. Pour cela, le comportement de l’intéressé ne doit pas pouvoir être simplement perçu comme celui d’un indivisaire jouissant privativement d’un bien indivis : il doit nécessairement traduire, à l’encontre des cohéritiers, l’intention de se comporter en propriétaire exclusif.

En l’espèce, pour prouver l’existence d’une prescription acquisitive et conclure au rejet de la demande d’annulation de l’acte de notoriété acquisitive du 4 mars 2011, les intimés, qui sont les enfants et héritiers de M. [K] [IM], décédé le [Date décès 13] 2018, affirment que leurs parents ont commencé à occuper cette parcelle et à l’exploiter en 1956, de façon continue par la suite.

Afin d’en attester, ils se fondent :

– sur les attestations de témoins jointes à l’acte de notoriété,

– sur la délivrance d’un permis de construire le 21 décembre 1966,

– sur des photographies de famille,

– sur des factures et des avis d’imposition.

Ainsi que le relèvent les appelants, les factures et avis d’imposition ne sont pas de nature à rapporter la preuve d’une occupation trentenaire à la date de délivrance de l’assignation, puisque le plus ancien avis d’imposition remonte à 2004 et que les factures d’entretien du jardin ne sont pas antérieures à 2000.

Les photographies de famille, qui ne sont accompagnées d’aucun élément permettant de les dater ou de déterminer le lieu où elles ont été prises, ne sont pas non plus probantes.

En revanche, le 21 décembre 1966, un permis de construire a été accordé à ‘M. [IM] [HW]’, demeurant ‘[Adresse 51]’ à [Localité 48], pour l’agrandissement d’un logement situé au même endroit.

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, le fait que le prénom du demandeur soit ‘[HW]’ ne suffit pas à considérer que le permis n’aurait pas été accordé à M. [K] [IM], dans la mesure où son prénom complet à l’état civil était [K] [IN] [HW]. En tout état de cause, ce permis ne saurait avoir été ‘délivré au nom de l’ascendant de M. [K] [IM]’, ainsi que le soutiennent les appelants en page 17 de leurs conclusions, puisque [HW] [YE] [IM] était décédé depuis 1928.

Au contraire, les deux attestations jointes à l’acte de notoriété, recueillies le 10 janvier 2011 par M. [R], géomètre-expert, confirment que ‘les époux [IM]-[C]’ ont pris possession en 1956 du terrain situé au [Adresse 46] à [Localité 48], désormais cadastré BD n°[Cadastre 23], sur lequel était édifiée une case en bois qui existait encore à la date des attestations, et qu’il y ont fait édifier en 1966, à proximité immédiate de la case en bois, une construction en dur constituant leur maison d’habitation. Les attestants ont également précisé que ‘les époux [IM]-[C]’ avaient occupé tout le terrain pour y faire des cultures et de l’élevage.

Par la formule ‘les époux [IM]-[C]’, les témoins ont désigné les bénéficiaires de l’acte de notoriété, [K] [IN] [HW] [IM] et son épouse, [D] [O] [C], mariés le [Date mariage 14] 1955 à [Localité 31].

Pour confirmer ces attestations, dont la valeur probante ne saurait être remise en cause au seul motif que les pièces d’identité des déclarants n’y ont pas été jointes, puisque le géomètre a attesté des conditions dans lesquelles il les a recueillies, les intimés ont produit l’attestation de Mme [A] [T], née le [Date naissance 5] 1940, qui a indiqué avoir toujours connu M. [K] [IM] occupant la maison [Adresse 46] à [Localité 48], qui avait été construite par son père [W], dans laquelle il avait habité avec son épouse après le mariage en 1955 et fait des aménagements, se comportant comme un propriétaire.

Au regard de ces éléments, les appelants ne sauraient valablement contester le fait que M. [K] [IM] ait construit une nouvelle maison, même si le permis de construire visait un agrandissement, puisque le plan joint au document d’arpentage qu’ils produisent en pièce 6 de leur dossier fait apparaître une petite construction, pouvant correspondre à la case en bois, au nord d’une construction plus grande, située à proximité de la route départementale, ce qui tend à confirmer les attestations des témoins concernant la réalisation d’une construction après 1966.

D’ailleurs, une facture établie le 7 mai 1997 par un dénommé ‘M. [VM], artisan carreleur’, au bénéfice de ‘[CE] [IM]’, ce qui correspond à l’évidence à [K] [IN] [HW] [IM], atteste de la réalisation de travaux de réfection de carrelage, ce qui tend à confirmer l’existence d’une construction plus ancienne.

Tous ces éléments corroborent le fait que [K] [IN] [HW] [IM] et son épouse se sont installés sur la parcelle désormais cadastrée BD n°[Cadastre 23] après leur mariage, célébré en 1955, qu’ils y ont fait construire une maison d’habitation en dur après avoir obtenu la délivrance d’un permis de construire sollicité par [K] [IN] [HW] [IM] en 1966, et qu’ils y ont résidé de manière permanente depuis, les factures d’entretien du terrain en attestant depuis 2000.

Contrairement à ce que soutiennent les appelants aux termes d’attestations qu’ils ont eux-mêmes rédigées, dans des termes identiques, et versées aux débats, qui ne sont accompagnées d’aucune autre offre de preuve, ni le fait que M. [K] [IN] [HW] [IM] ait eu un frère qui n’a pas profité de cette possession, ni le fait que sa mère soit décédée le [Date décès 11] 1994, ne sont de nature à remettre en cause le fait qu’il ait occupé seul, à titre de propriétaire, la parcelle désormais cadastrée BD n°[Cadastre 23] sur laquelle il avait édifié une construction en dur à partir de 1966, ainsi qu’en attestent les éléments précédemment analysés.

En sollicitant un permis de construire et en construisant conformément au permis qui lui avait été octroyé, M. [K] [IN] [HW] [IM] et son épouse ne se sont pas seulement comportés comme des indivisaires jouissant privativement d’un bien indivis, mais ils ont manifesté, à l’encontre de tous, l’intention de se comporter en propriétaires exclusifs de la parcelle désormais cadastrée BD n°[Cadastre 23].

Dès lors, leur occupation était bien continue depuis plus de trente ans à la date de délivrance des assignations en revendication, en 2014, non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire, leur permettant de prescrire la propriété de la parcelle BD n°[Cadastre 23].

En conséquence, les appelants seront déboutés de leurs demandes tendant à voir annuler l’acte de notoriété du 4 mars 2011, à voir ordonner la libération de la parcelle cadastrée BD n°[Cadastre 23] de tous occupants du chef de [K] [IM] et de son épouse et à obtenir le paiement de dommages-intérêts, étant précisé que leur demande est formée à l’encontre de personnes qui ne sont pas parties à la présente instance.

Il sera simplement fait droit à leur action en revendication portant sur les parcelles cadastrées BD n°[Cadastre 22], [Cadastre 24], [Cadastre 25] et [Cadastre 26], dont ils sont propriétaires indivis puisqu’elles dépendent des indivisions successorales de [HW] [YE] [IM] et de son épouse, [U] [V] [JE], qui pourront donner lieu à partage.

En revanche, il n’y pas lieu de prononcer le partage de la succession de [HW] [IM] et [U] [V] [JE], ni de valider l’acte de partage établi par Maître [UE] [LV], notaire à [Localité 31], les 15 mai, 20 mai, 17 juin, 11 juillet, 21 juillet et 29 août 1997, concernant la part successorale de Mme [JE] [U] [V], ainsi que le demandent les appelants.

En effet, la première demande est étrangère à l’action en revendication engagée en 2014 et suppose, pour être recevable, que tous les coïndivisaires soient appelés en cause, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

En ce qui concerne la seconde, elle n’est fondée sur aucun moyen et apparaît en l’état dépourvue d’objet, la cour n’ayant pas à valider, en l’absence de toute contestation, un partage intervenu en 1997.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

Les appelants, qui succombent principalement dans leurs prétentions, seront condamnés in solidum aux entiers dépens de l’instance d’appel, qui pourront être recouvrés par la Selarl Durimel et Bangou conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le jugement déféré sera par ailleurs confirmé en ce qu’il les a condamnés, dans les mêmes conditions, aux entiers dépens de première instance.

En outre, l’équité commande de confirmer ce même jugement en ce qu’il a condamné solidairement les demandeurs à payer à chacun des défendeurs la somme de 300 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et, y ajoutant, de condamner in solidum les appelants à payer à chacun des intimés la somme complémentaire de 500 euros au titre des frais irrépétibles de l’instance d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare recevable l’appel interjeté par M. [WV] [YW] [IM], Mme [VN] [P] [IM], Mme [GN] [MN] [IM], M. [YV] [X] [IM]-[JE], Mme [Y] [S] [XM], Mme [NE] [HF] [XM] épouse [E], M. [EM] [I] [DW] [IM], M. [BN] [BA] [BW] [IM], M. [SW] [DE] [FV] [IM], M. [BM] [KM] [OM] [IM], M. [RN] [RM] [IM], M. [EN] [WW] [IM], Mme [AN] [FW] [IM] et M. [ON] [G] [LE] [IM],

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a déclaré irrecevable, faute de qualité pour agir, l’action engagée par M. [WV] [YW] [IM], Mme [VN] [P] [IM], Mme [GN] [MN] [IM], M. [YV] [X] [IM]-[JE], Mme [Y] [S] [XM], Mme [NE] [HF] [XM] épouse [E], M. [EM] [I] [DW] [IM], M. [BN] [BA] [BW] [IM], M. [SW] [DE] [FV] [IM], M. [BM] [KM] [OM] [IM], M. [RN] [RM] [IM], M. [EN] [WW] [IM], Mme [AN] [FW] [IM] et M. [ON] [G] [LE] [IM],

Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau du chef de jugement infirmé,

Déclare recevable l’action engagée par M. [WV] [YW] [IM], Mme [VN] [P] [IM], Mme [GN] [MN] [IM], M. [YV] [X] [IM]-[JE], Mme [Y] [S] [XM], Mme [NE] [HF] [XM] épouse [E], M. [EM] [I] [DW] [IM], M. [BN] [BA] [BW] [IM], M. [SW] [DE] [FV] [IM], M. [BM] [KM] [OM] [IM], M. [RN] [RM] [IM], M. [EN] [WW] [IM], Mme [AN] [FW] [IM] et M. [ON] [G] [LE] [IM],

Dit que les parcelles cadastrées BD n°[Cadastre 22], [Cadastre 24], [Cadastre 25] et [Cadastre 26] sur la commune de [Localité 48] (Guadeloupe), [Adresse 46], dépendent des indivisions successorales de [HW] [YE] [IM] et de son épouse, [U] [V] [JE],

Dit que M. [K] [IN] [HW] [IM] et son épouse, [D] [O] [C], étaient propriétaires de la parcelle cadastrée BD n°[Cadastre 23] sur la commune de [Localité 48] (Guadeloupe), [Adresse 46],

Déboute M. [WV] [YW] [IM], Mme [VN] [P] [IM], Mme [GN] [MN] [IM], M. [YV] [X] [IM]-[JE], Mme [Y] [S] [XM], Mme [NE] [HF] [XM] épouse [E], M. [EM] [I] [DW] [IM], M. [BN] [BA] [BW] [IM], M. [SW] [DE] [FV] [IM], M. [BM] [KM] [OM] [IM], M. [RN] [RM] [IM], M. [EN] [WW] [IM], Mme [AN] [FW] [IM] et M. [ON] [G] [LE] [IM] du surplus de toutes leurs demandes,

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [WV] [YW] [IM], Mme [VN] [P] [IM], Mme [GN] [MN] [IM], M. [YV] [X] [IM]-[JE], Mme [Y] [S] [XM], Mme [NE] [HF] [XM] épouse [E], M. [EM] [I] [DW] [IM], M. [BN] [BA] [BW] [IM], M. [SW] [DE] [FV] [IM], M. [BM] [KM] [OM] [IM], M. [RN] [RM] [IM], M. [EN] [WW] [IM], Mme [AN] [FW] [IM] et M. [ON] [G] [LE] [IM], à payer à Mme [TM] [UW] [IM]-[HV], M. [HE] [ON] [IM], Mme [AD] [FE] [IM] épouse [PW], M. [JW] [IN] [IM], M. [GM] [SV] [IM] et Mme [PE] [J] [IM] épouse [MM], la somme de 500 euros à chacun au titre des frais irrépétibles de l’instance d’appel,

Condamne in solidum M. [WV] [YW] [IM], Mme [VN] [P] [IM], Mme [GN] [MN] [IM], M. [YV] [X] [IM]-[JE], Mme [Y] [S] [XM], Mme [NE] [HF] [XM] épouse [E], M. [EM] [I] [DW] [IM], M. [BN] [BA] [BW] [IM], M. [SW] [DE] [FV] [IM], M. [BM] [KM] [OM] [IM], M. [RN] [RM] [IM], M. [EN] [WW] [IM], Mme [AN] [FW] [IM] et M. [ON] [G] [LE] [IM] aux entiers dépens de l’instance d’appel,

Dit que ces dépens pourront être recouvrés par la Selarl Durimel et Bangou conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La greffière Le président


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