Prêt personnel et déchéance des intérêts : enjeux de solvabilité et délais de grâce.

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Prêt personnel et déchéance des intérêts : enjeux de solvabilité et délais de grâce.

L’article 1343-5 du Code Civil stipule que « le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues ». Cette disposition confère au juge un pouvoir d’appréciation souverain pour accorder des délais de grâce, mais ceux-ci sont conditionnés par la capacité du débiteur à s’acquitter de sa dette. En l’espèce, le débiteur n’a pas démontré sa capacité à rembourser la somme due, compte tenu de ses ressources et charges mensuelles, ce qui justifie le rejet de sa demande de délais de grâce. Par ailleurs, les articles L.311-9 devenu L.312-16 et L.311-48 al 2 devenu L.341-2 du Code de la Consommation imposent au prêteur de vérifier la solvabilité de l’emprunteur, ce qui a été mis en cause dans le jugement initial.

L’Essentiel : L’article 1343-5 du Code Civil permet au juge de reporter ou échelonner le paiement des sommes dues, en tenant compte de la situation du débiteur et des besoins du créancier. Toutefois, ces délais de grâce dépendent de la capacité du débiteur à rembourser. Dans ce cas, le débiteur n’a pas prouvé sa capacité à s’acquitter de sa dette, justifiant ainsi le rejet de sa demande. De plus, les articles du Code de la Consommation imposent au prêteur de vérifier la solvabilité de l’emprunteur.
Résumé de l’affaire :

Exposé du litige

La SA LE CRÉDIT LYONNAIS a consenti à un emprunteur un prêt personnel de 25 096 € remboursable en 84 mensualités. Après une mise en demeure restée sans réponse, la SA LE CRÉDIT LYONNAIS a prononcé la déchéance du terme du prêt.

Faits et procédure

L’établissement de crédit a assigné l’emprunteur devant le Juge des contentieux de la protection pour obtenir le paiement d’une somme de 23 208,14 € ainsi que d’autres frais. Le jugement du 6 décembre 2023 a déclaré la SA LE CRÉDIT LYONNAIS recevable dans son action, a prononcé la déchéance des intérêts conventionnels, et a condamné l’emprunteur à payer 19 506,64 €.

Prétentions des parties

L’emprunteur a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement concernant le refus de délais de paiement et la condamnation à payer des frais. La SA LE CRÉDIT LYONNAIS a demandé le rejet des demandes de l’emprunteur et la confirmation du jugement.

Motifs de la décision

La Cour a examiné la demande de délais de grâce formulée par l’emprunteur, concluant qu’il ne justifiait pas de sa capacité à rembourser la somme due. La Cour a confirmé le jugement de première instance, déboutant l’emprunteur de sa demande de délais de grâce et lui imposant de supporter les dépens.

Conclusion

La Cour d’appel a déclaré recevable l’appel de l’emprunteur, mais a confirmé le jugement du 6 décembre 2023, condamnant l’emprunteur à verser une indemnité à la SA LE CRÉDIT LYONNAIS et à supporter les dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique des délais de grâce sollicités par le débiteur ?

Le fondement juridique des délais de grâce sollicités par le débiteur repose sur l’article 1343-5 du Code Civil, qui stipule que « le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues ».

Cette disposition confère au juge un pouvoir d’appréciation souverain pour décider de l’octroi de délais de grâce, en tenant compte des ressources et des charges du débiteur.

Dans le cas présent, le débiteur n’a pas justifié de sa capacité à s’acquitter de la somme due, ce qui constitue un obstacle majeur à sa demande.

En effet, ses ressources mensuelles de 1 513 € et ses charges fixes de 1 094,28 € laissent un solde disponible de 419 €, insuffisant pour un échelonnement de la dette sur 24 mois, qui nécessiterait des versements mensuels d’environ 800 €.

Quel est l’impact de l’article 700 du Code de Procédure Civile sur les frais de justice ?

L’article 700 du Code de Procédure Civile prévoit que « le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles ».

Dans cette affaire, le juge a accordé une indemnité de 300 € à la SA LE CRÉDIT LYONNAIS pour couvrir ses frais de justice, en raison de la défaite du débiteur dans son recours.

L’équité a également conduit à l’octroi d’une indemnité complémentaire de 300 € pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

Ainsi, le débiteur, ayant succombé dans son recours, a été condamné à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel, conformément aux dispositions de l’article 700.

Cette disposition vise à garantir que la partie qui a dû engager des frais pour défendre ses droits puisse être compensée, renforçant ainsi l’équité dans le processus judiciaire.

ARRET N° 52

N° RG 24/00228 – N° Portalis DBV6-V-B7I-BIRSR

AFFAIRE :

M. [E] [S]

C/

S.A. LCL LE CREDIT LYONNAIS

CB/EH

Prêt – Demande en remboursement du prêt

Grosse délivrée aux avocats

COUR D’APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU 27 FEVRIER 2025

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Le VINGT SEPT FÉVRIER DEUX MILLE VINGT CINQ la Chambre civile de la cour d’appel de LIMOGES a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

Monsieur [E] [S]

né le [Date naissance 3] 1986 à [Localité 6],

demeurant [Adresse 1] – [Localité 5]

représenté par Me Damien VERGER, avocat au barreau de LIMOGES substitué par Me Pauline CASTILLE, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANT d’une décision rendue le 06 DECEMBRE 2023 par le JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LIMOGES

ET :

S.A. LCL LE CREDIT LYONNAIS,

demeurant [Adresse 2] – [Localité 4]

représentée par Me Charlotte DUBOIS-MARET de la SELARL C.D.M. AVOCAT, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMÉE

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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l’affaire a été fixée à l’audience du 23 Janvier 2025. L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 décembre 2024.

Conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, magistrat rapporteur, assistée de Madame Line MALLEVERGNE, Greffier, a tenu seule l’audience au cours de laquelle elle a été entendue en son rapport. Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Après quoi, Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 27 Février 2025 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

Au cours de ce délibéré, Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a rendu compte à la Cour, composée de Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre,de Monsieur Gérard SOURY, Conseiller et de Madame Stéphanie GASNIER, Conseiller. A l’issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l’arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.

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LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

Faits et procédure

Selon offre sous seing privé acceptée le 20 avril 2021, la SA LE CRÉDIT LYONNAIS a consenti à Monsieur [E] [S] un prêt personnel de

25 096 € remboursable en 84 mensualités d’un montant de 345,29 € chacune avec intérêts au taux nominal contractuel de 3,9 %.

Après avoir vainement adressé à Monsieur [E] [S] une mise en demeure préalable à déchéance du terme au moyen d’un courrier daté du 14 avril 2022 lui rappelant qu’il était redevable à son égard de plusieurs sommes dont la somme de 391,61 € au titre des échéances échues de son prêt personnel N° 82412311091, la Société LE CRÉDIT LYONNAIS a prononcé la déchéance du terme contractuel dudit prêt par le biais d’une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 août 2022.

C’est dans ce contexte que par acte d’huissier en date du 6 juin 2023, la SA LE CRÉDIT LYONNAIS a assigné Monsieur [E] [S] devant le Juge des contentieux de la protection du Tribunal Judiciaire de LIMOGES, pour :

– au visa de l’article L.312-39 du Code de la Consommation, le voir condamner à lui payer au titre du prêt N° 82412311091 la somme de 23 208,14 € en principal, actualisée au 2 décembre 2022, assortie des intérêts calculés au taux contractuel de 3,9 % sur la somme de 20 201,89 € à compter du 24 août 2022, date de la déchéance du terme, et au taux légal sur le surplus

– le voir condamner à lui verser la somme de 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’à supporter les entiers dépens.

Par jugement du 6 décembre 2023,le Juge des contentieux de la protection du Tribunal Judiciaire de LIMOGES a notamment :

– déclaré la SA LE CREDIT LYONNAIS recevable en son action

– prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels au titre du contrat de prêt N° 82412311091, et ce

* après avoir rappelé qu’il incombait au prêteur de vérifier notamment la solvabilité de l’emprunteur

* après avoir considéré que l’établissement de crédit ne justifiait pas avoir respecté son obligation de vérifier les ressources de l’emprunteur

* par application des articles L 311-9 devenu L 312-16 du Code de la Consommation, et L311-48 al 2 devenu L 341-2 dudit code

– condamné Monsieur [E] [S] à payer à la SA LE CREDIT LYONNAIS

* la somme de 19’506,64 € pour solde du prêt N° 82412311091, en disant que cette somme ne portera pas intérêts à taux légal

* la somme de 300 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile

– débouté Monsieur [E] [S] de sa demande de délais de paiement

– condamné Monsieur [E] [S] aux dépens

– rappelé qque la décision est assortie de l’exécution provisoire.

Selon déclaration reçue au greffe de cette Cour le 21 mars 2024, Monsieur [E] [S] a interjeté appel de ce jugement .

La procédure devant la Cour a été clôturée par ordonnance du 18 décembre 2024.

Prétentions des parties

Dans le dernier état de ses conclusions déposées le 20 juin 2024, Monsieur [E] [S] demande en substance à la Cour :

– d’infirmer le jugement rendu le 6 décembre 2023 par le Juge des contentieux de la protection du Tribunal Judiciaire de LIMOGES en ce qu’il

* l’a débouté de sa demande de délais de paiement

* l’a condamné au paiement d’une somme de 300 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux dépens

– de lui accorder les plus larges délais de grâce pour s’acquitter des sommes mises à sa charge

– de rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires

– de condamner le CRÉDIT LYONNAIS aux entiers dépens.

En l’état de ses dernières conclusions datées du 18 septembre 2024, la SA LE CREDIT LYONNAIS demande en substance à la Cour :

– de débouter Monsieur [E] [S] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions

– de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, en faisant notamment valoir

* que Monsieur [E] [S] ne conteste ni le principe, ni le montant de sa créance

* qu’elle s’oppose aux délais de paiement sollicité par son adversaire, aux motifs que celui-ci a manqué à son obligation de bonne foi et de loyauté, et qu’il a déjà bénéficié de fait de larges délais

– de condamner Monsieur [E] [S] à lui verser une indemnité de 800 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile pour ses frais irrépétibles d’appel, ainsi qu’à supporter les entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION :

Le litige soumis à la Cour se trouve circonscrit à la question des délais de grâce sollicités par Monsieur [E] [S] sur le fondement de l’article 1343-5 du Code Civil, pour pouvoir s’acquitter de la créance de prêt telle que consacrée en faveur de la SA LE CREDIT LYONNAIS pour un montant de 19 506,64 € par le jugement déféré ayant acquis un caractère définitif en ce qu’il a condamné l’intéressé à régler ladite somme pour solde de son prêt N° 82412311091 tout en précisant que cette somme ne portera pas intérêt au taux légal.

1) Sur les délais de grâce sollicités par Monsieur [E] [S] sur le fondement de l’article 1343-5 du Code Civil :

Aux termes de l’article 1343-5 du Code Civil, ‘ le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues ‘, sachant que les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain pour apprécier si des délais de grâce peuvent être accordés au débiteur.

La dermande de délais de grâce formulée par Monsieur [E] [S] se heurte à un obstacle majeur tenant au fait que celui-ci ne justifie pas être en capacité de s’acquitter de la somme de 19 506,64 € en bénéficiant des facilités de paiement instaurées par le texte susvisé, et ce :

– en l’état actuel de ses ressources et de ses charges, ressources constituées d’un salaire mensuel de l’ordre de 1513 €, et charges fixes déclarées pour un montant total de 1094,28 € par mois, faisant que le solde disponible d’environ 419 € s’avère totalement insuffisant pour procéder au règlement échelonné de sa dette de prêt sur une durée de 24 mois, dès lors qu’un tel échelonnement lui imposerait de procéder par versements mensuels de l’ordre de 800 €

– en l’absence de toute perspective d’amélioration notable de sa situation financière dans un avenir prévisible, qui pourrait justifier de reporter à plus tard le paiement de la somme de 19 506,64 € dont il est redevable envers la Société LE CREDIT LYONNAIS.

Au vu des observations, il convient de débouter Monsieur [E] [S] de sa demande de délais de grâce et de confirmer de ce chef le jugement querellé, et ce d’autant :

– qu’il a déjà bénéficié en fait de larges délais, notamment depuis l’intervention du jugement de première instance daté du 6 décembre 2023, et portant condamnation au paiement de la somme de 19 506,64 € en étant assorti de l’exécution provisoire

– qu’il ne justifie pas avoir adressé à la Société LE CREDIT LYONNAIS le moindre versement en exécution dudit jugement, à l’effet de lui témoigner sa bonne foi.

2) Sur l’article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens :

L’équité commande de confirmer l’indemnité de procédure octroyée à la SA LE CREDIT LYONNAIS par le premier juge pour un montant de 300 €, et d’allouer à ladite société une indemnité complémentaire de 300 € pour ses frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

Pour avoir succombé en son recours, Monsieur [E] [S] sera condamné à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour d’appel statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

DÉCLARE recevable l’appel interjeté par Monsieur [E] [S] ;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 décembre 2023 par le Juge des contentieux de la protection du Tribunal Judiciaire de LIMOGES ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Monsieur [E] [S] à verser à la SA LE CREDIT LYONNAIS une indemnité de 300 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, pour ses frais irrépétibles d’appel ;

CONDAMNE Monsieur [E] [S] à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Emel HASSAN. Corinne BALIAN.


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