Originalité d’une charte graphique : affaire Leroy Merlin

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Originalité d’une charte graphique : affaire Leroy Merlin

L’Essentiel : L’originalité d’une charte graphique ne peut être reconnue si elle ne reflète pas la personnalité de son auteur. Dans l’affaire opposant la société Opica à M. [R] [U], la cour a jugé que les œuvres présentées, notamment l’affiche pour Leroy Merlin, manquaient d’originalité. Elles étaient considérées comme des outils pédagogiques, sans choix créatifs distinctifs. Par conséquent, ces œuvres ne bénéficiaient pas de la protection du droit d’auteur, ne pouvant donc être qualifiées de contrefaçon. La cour a confirmé le jugement du tribunal judiciaire de Lille, déboutant Opica de ses demandes.

Une charte graphique qui a vocation à répondre à une stratégie commerciale n’est pas, à ce titre, originale. L’originalité doit être associée à la personne de l’auteur et manifester sa personnalité.

Toutes les oeuvres protégées ?

Aux termes de l’article L112-1 du code de la propriété intellectuelle, « les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. »

Il appartient à celui qui revendique la protection au titre du droit d’auteur de démontrer l’originalité de l’oeuvre en cause, et donc d’apporter la preuve de l’existence d’un apport original.

Le reflet de la personnalité du créateur

L’originalité s’entend ainsi comme le reflet de la personnalité du créateur, l’oeuvre devant se distinguer du domaine public antérieur et porter la trace d’un effort personnel de création et de recherche esthétique dans la combinaison des éléments caractéristiques, ou encore présenter une physionomie propre et nouvelle.

Défaut d’originalité

En l’occurrence, il ressort de l’affiche à destination du client la société Leroy merlin qu’elle décrit les mission du délégué du personnel et ou du membre du comité d’établissement et décrit leur rôle. Elle présente les conditions pour se porter candidat et les conditions de vote. De sorte, qu’elle a une vocation éducative et pédagogique à l’égard des salariés.

Il en résulte que l’affiche et la charte graphique ne peuvent être qualifiés d’originaux au sens des dispositions du code de la propriété intellectuelle en ce qu’ils ne permettent pas de refléter la personnalité de la société Opica par des choix libres et créatifs.

Ne revêtant pas le caractère d’originalité, ces oeuvres ne bénéficient pas de la protection du droit d’auteur et, en conséquence, ne peuvent faire l’objet de contrefaçon.

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 15/06/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/05979 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T7GY

Jugement (N° 20/00926) rendu le 12 Novembre 2021 par le Tribunal judiciaire de Lille

APPELANTE

La SARL Opica, prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Sandrine Minne, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

INTIMÉ

Monsieur [R] [U]

né le 08 Juillet 1971 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Fabien Chirola, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Catherine Courteille, président de chambre

Jean-François Le Pouliquen, conseiller

Véronique Galliot, conseiller

———————

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps

DÉBATS à l’audience publique du 13 mars 2023 après rapport oral de l’affaire par Véronique Galliot.

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 juin 2023 après prorogation du délibéré en date du 1er juin 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Catherine Courteille, président, et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 28 février 2023

****

Vu le jugement du tribunal judiciaire de Lille du 12 novembre 2021,

Vu la déclaration d’appel de la société Opica, reçue au greffe le 29 novembre 2021,

Vu les conclusions de la société Opica déposées au greffe le 30 janvier 2023,

Vu les conclusions de M. [R] [U] déposées au greffe le 13 février 2023,

Vu l’ordonnance de clôture du 28 février 2023,

EXPOSE DU LITIGE

La société Opica est une société spécialisée dans la création graphique et la réalisation de travaux d’impression pour des clients tels que les sociétés Leroy Merlin ou Bricoman.

Suivant contrat à durée indéterminée du 19 juin 2000, M. [R] [U] a été embauché par la société Opica en qualité de maquettiste.

Après avoir été mis à pied, il a été licencié pour faute grave par lettre recommandée du 24 septembre 2018.

Soupçonnant être victime d’acte de détournement de clientèle et de documents et fichiers lui appartenant, la société Opica a fait dresser deux procès-verbaux de constat le 20 décembre 2018 et 22 janvier 2019 sur l’ordinateur professionnel de M. [U].

Par requête reçue le 15 mai 2019, la société Opica a demandé au président du tribunal de grande instance de Lille de désigner un huissier de justice aux fins de procéder à des constatations sur les ordinateurs, disques durs, clefs USB de M. [U] et de son épouse.

Par ordonnance du 15 mai 2019, le président du tribunal de grande instance de Lille a fait droit à cette requête.

Les opérations ont été effectuées le 5 juin 2019.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 décembre 2019, la société Opica a mis en demeure M. [U] de :

cesser tout usage des ‘uvres lui appartenant ;

restituer les fichiers en sa possession ;

communiquer les références de licences Adobe creative suite ou assimilées utilisées ;

l’indemniser à hauteur de 35 000 euros du préjudice résultant des actes de contrefaçon ;

l’indemniser à hauteur de 100 000 euros du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale.

Par courrier du 19 décembre 2019, M. [U] a contesté les griefs lui étant faits.

Par jugement du 1er décembre 2020, le conseil des prud’hommes de Lille a jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse. La société Opica a relevé appel de la décision.

Par arrêt du 16 décembre 2022, la cour d’appel de Douai a infirmé le jugement rendu par le conseil des prud’hommes et, statuant à nouveau, a débouté M. [R] [U] de sa demande et l’a condamné aux dépens ainsi qu’au paiement d’indemnité procédurale.

Par acte d’huissier du 30 janvier 2020, la société Opica a fait assigner M. [U] devant le tribunal judiciaire de Lille afin de voir réparer son préjudice résultant, à titre principal, de faits de contrefaçon et, à titre subsidiaire, d’actes de concurrence déloyale et parasitaire.

Par jugement du 12 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Lille a :

débouté la société Opica de ses demandes indemnitaires au titre de la contrefaçon ;

débouté la société Opica de ses demandes indemnitaires au titre de la concurrence déloyale ;

débouté la société Opica de ses demandes tendant à l’interdiction de l’utilisation de fichiers ;

débouté la société Opica de sa demande tendant à voir enjoindre à M. [R] [U] de produire sous astreinte la preuve d’achat de licences ;

débouté la société Opica de ses demandes de publication du jugement ;

débouté M. [R] [U] de sa demande indemnitaire pour procédure abusive ;

condamné la société Opica aux entiers dépens ;

condamné la société Opica à payer à M. [R] [U] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

dit que la présente décision est exécutoire par provision ;

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration reçue au greffe le 29 novembre 2021, la société Opica a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 30 janvier 2023, la société Opica demande à la cour de :

– réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 12 novembre 2021 sur les chefs critiqués suivants :

-déboute la société Opica de ses demandes indemnitaires au titre de la contrefaçon ;

-déboute la société Opica de ses demandes indemnitaires au titre de la concurrence déloyale ;

-déboute la société Opica de sa demande tendant à l’interdiction de l’utilisation de fichiers ;

-déboute la société Opica de sa demande tendant à voir enjoindre à M. [R] [U] de produire sous astreinte la preuve d’achat de licences ;

-déboute la société Opica de ses demandes de publication du jugement ;

-condamne la société Opica aux entiers dépens ;

-condamne la société Opica à payer à M. [R] [U] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

-déboute la société Opica de ses demandes plus amples ou contraires ;

Statuant à nouveau

déclarer sa demande recevable et bien fondée, et en conséquence :

A titre principal,

dire que M. [R] [U] a commis des actes de contrefaçon ;

A titre subsidiaire,

dire que M. [R] [U] a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;

En tout état de cause,

condamner M. [R] [U] à lui payer la somme de :

-10 000 euros en réparation du préjudice matériel ;

-25 000 euros en réparation du préjudice moral ;

à titre subsidiaire, si la cour devait entrer en voie de condamnation au visa de l’article 1240, condamner M. [R] [U] à lui payer la somme de 35 000 euros ;

dire que M. [U] a commis des actes de concurrence déloyale ;

condamner M. [R] [U] à payer 100 000 euros pour détournement de clientèle ;

interdire à M. [R] [U] l’utilisation des documents lui appartenant sous astreinte de 500 euros par jour de retard, la cour se réservant la liquidation de l’astreinte ;

enjoindre à M. [R] [U] sous astreinte d’avoir à communiquer les preuves d’achat des licences Adobe Creative suite (Indesign, Illustrator, Photoshop), Acrobat Pro souscrites pour la période septembre 2018 jusqu’à la date de présentes ;

ordonner la publication de l’arrêt à intervenir sur le site http://www.factory71.fr/ au-dessus de la ligne de flottaison à compter de la signification de l’arrêt et pendant un délai de 30 jours, le tout sous astreinte de 500 euros par jour de retard, la cour se réservant la liquidation de l’astreinte ;

ordonner la publication dans trois revues ou journaux de son choix aux frais avancés de M. [R] [U] sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder 3 000 euros HT ;

débouter M. [R] [U] de ses demandes ;

condamner M. [R] [U] à payer la somme de 15 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner M. [R] [U] aux entiers dépens ;

ordonner l’exécution provisoire, nonobstant appel et sans caution, de la décision à intervenir ;

dire que, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, Maître Levasseur pourra recouvrer directement les frais dont elle a fait l’avance sans en avoir reçu provision.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 13 février 2023, M. [U] demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 novembre 2021 par la première chambre du tribunal judiciaire de Lille ;

Subsidiairement de :

juger que la société Opica ne démontre pas l’existence d’un quelconque préjudice indemnisable ;

débouter subséquemment la société Opica de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause :

condamner la société Opica à lui verser la somme de 5 000 euros à titre d’indemnité procédurale conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens de l’instance d’appel.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l’audience et rappelées ci-dessus.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 28 février 2023.

EXPOSE DES MOTIFS

1- Sur la contrefaçon de droits d’auteur

Aux termes du premier alinéa de l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une ‘uvre de l’esprit jouit sur cette ‘uvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.

Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code.

Par ailleurs, l’article L122 -4 du même code dispose que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droits ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.

La société Opica demande à la cour, à titre principal, de dire que M. [R] [U] a commis des actes de contrefaçon, s’agissant d’une part, de la charte graphique réalisée pour la société Bricoman, et, d’autre part, de la création « élections professionnelles » pour la société Leroy Merlin, et de le condamner à ce titre au paiement des sommes de 10 000 euros en réparation du préjudice matériel et 25 000 euros en réparation du préjudice moral.

Sur la titularité du droit d’auteur

L’article L.113-1 dudit code dispose que la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l »uvre est divulguée.

Si une personne morale ne peut avoir la qualité d’auteur, elle peut être titulaire des droits de propriété intellectuelle, soit parce qu’elle les détient du fait d’un contrat de cession, soit parce qu’elle est à l’origine d’une ‘uvre collective.

Sur la charte graphique réalisée pour Bricoman

En l’espèce, la société Opica soutient qu’elle a la qualité d’auteur de la charte graphique réalisée pour le compte de la société Bricoman et que M. [R] [U] a commis des actes de contrefaçon en transmettant à ce même client, dès mars 2019, des « ILV » (Informations sur le Lieu de Vente) reprenant la charte graphique litigieuse.

Il ressort de la charge graphique Bricoman versée aux débats par la société Opica, qu’elle a été divulguée sous son nom.

Il ressort du contrat de travail de M. [U] qu’il avait pour mission la conception de documents, catalogues et autres, la production de pages sur logiciels de montage appropriés.

Il résulte de ces éléments, que la société Opica ayant divulguée en son nom la charte graphique destinée à Bricoman, elle est bien fondée à se prévaloir de la présomption de titularité des droits incorporels qui y sont attachés. Par ailleurs, bien que M. [U] ait été maquettiste pour la société Opica, les éléments qu’il produit aux débats ne démontrent pas qu’il ait participé au processus de création de cette charte graphique.

Sur l’affiche « élections professionnelles » – Leroy merlin

De la même manière que pour la charte graphique de Bricoman, la société Opica démontre avoir divulgué à son nom ces documents, notamment par les commandes faites par la société Leroy Merlin les 12 novembre 2014 et 22 décembre 2014 ainsi que par leur transmission, à la société Leroy Merlin par courriel adressé le 22 décembre 2014 par M. [J] [F].

Sur l’originalité

Aux termes de l’article L112-1 du code de la propriété intellectuelle, les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les ‘uvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.

Il appartient à celui qui revendique la protection au titre du droit d’auteur de démontrer l’originalité de l »uvre en cause, et donc d’apporter la preuve de l’existence d’un apport original.

L’originalité s’entend ainsi comme le reflet de la personnalité du créateur, l »uvre devant se distinguer du domaine public antérieur et porter la trace d’un effort personnel de création et de recherche esthétique dans la combinaison des éléments caractéristiques, ou encore présenter une physionomie propre et nouvelle.

S’agissant de la charte graphique-Bricoman, la société Opica fait valoir que cette ‘uvre est protégeable puisque l’agencement, les couleurs, les contrastes donnent à la charte graphique une physionomie propre de nature à distinguer cette ‘uvre des autres « publicité sur le lieu de vente ».

S’agissant de l’affiche « élections professionnelles » – Leroy merlin, la société Opica fait valoir que l’originalité réside dans les éléments suivants :

sur la première page :

« frise représentant les salariés » ;

titre l’affiche en blanc sur fond vert ;

question en bleu « être représentant du personnel c’est quoi » ;

représentation des délégués du personnel (un groupe de cinq personnes échangeant) ;

partie rédactionnelle décrivant les missions du délégué du personnel et des membres du comité d’établissement ;

création de pictogrammes illustrant ces missions ;

sur la deuxième page :

partie rédactionnelle décrivant les conditions de vote, le premier tour et le second tour sont rédigés en vert et bleu ;

la chronologie est représentée suivant une ligne du temps ascendante reprenant les dates clefs et hachurée en son milieu ;

les tours sont symbolisés sous forme de panneau indicateurs ;

des illustrations symbolisant les salariés en activités devant un tableau, devant les isoloirs, devant un second tableau d’affichage puis devant l’entrée du magasin ou en salle de réunion sont répartis de part et d’autres.

M. [R] [U] soutient que les ‘uvres sont dénuées d’originalité, qu’elles ont seulement un caractère technique et commercial pour l’une et schématique et pédagogique pour l’autre.

Il est mentionné dans la charte graphique Bricoman, apportée au débat, qu’elle a respecté les principes suivants:

utiliser les couleurs de l’enseigne, soit l’orange et le gris ;

les autres couleurs permises sont celles liées aux packagings ;

être vigilant quant à la taille de la police de caractères pour une lisibilité des textes par le client ;

mettre les avantages du produit qui ne sont pas visibles sur le produit par les clients : exprimer une qualité invisible.

Ainsi, cette charte graphique a vocation à répondre à une stratégie commerciale et n’est pas, à ce titre, originale.

Il ressort de l’affiche à destination du client la société Leroy merlin qu’elle décrit les mission du délégué du personnel et ou du membre du comité d’établissement et décrit leur rôle. Elle présente les conditions pour se porter candidat et les conditions de vote. De sorte, qu’elle a une vocation éducative et pédagogique à l’égard des salariés.

Il en résulte que l’affiche et la charte graphique ne peuvent être qualifiés d’originaux au sens des dispositions du code de la propriété intellectuelle en ce qu’ils ne permettent pas de refléter la personnalité de la société Opica par des choix libres et créatifs.

Ne revêtant pas le caractère d’originalité, ces ‘uvres ne bénéficient pas de la protection du droit d’auteur et, en conséquence, ne peuvent faire l’objet de contrefaçon.

Le jugement sera confirmé.

2 -Sur la demande en concurrence déloyale

A titre subsidiaire, la société Opica fait valoir que si la cour devait considérer que la charte graphique et l’affiche ne bénéficiaient pas de la protection du droit d’auteur, il y a lieu de condamner M. [R] [U] pour actes de concurrence déloyale et parasitaire, en ce qu’il s’est approprié les fichiers, documents réalisés par la société Opica et s’est ainsi épargné les frais de conception et de développement.

L’article 1240 du code civil dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Le parasitisme est caractérisé par la circonstance selon laquelle une personne, à titre lucratif et de façon injustifiée, s’inspire ou copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements. Il suppose un comportement fautif.

Sur ce fondement, le principe étant celui de la liberté du commerce, ne sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, que des comportements fautifs tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, ou ceux, parasitaires, qui consistent à tirer profit sans bourse délier d’une valeur économique d’autrui, individualisée, procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.

La création, par d’anciens salariés, d’une société concurrente à celle qui les employait précédemment, n’est pas en elle-même constitutive d’un acte de concurrence déloyale, dès lors qu’elle n’est pas accompagnée de pratiques déloyales.

Est ainsi illicite le débauchage ayant pour but d’accéder à des connaissances confidentielles acquises par le salarié ou de prospecter systématiquement la clientèle du concurrent.

En l’espèce, il est établi et non contesté que M. [R] [U], salarié de la société Opica pendant 18 ans, occupant un poste de maquettiste, a été licencié le 24 septembre 2018.

M. [R] [U] a développé son activité sous l’entité Factory 71, nom commerciale de l’activité de son épouse, Mme [I] [U]. Il n’est pas mentionné d’enregistrement de l’entreprise au RCS (je n’ai rien trouvé sur internet).

La société Opica expose que M. [R] [U] a transmis dès le mois de mars 2019 à la société Bricoman des Informations sur les Lieux de Vente (ILV) reprenant sa charte graphique sans autorisation et a travaillé à partir de documents technique réalisés par elle.

Or, s’il ressort du rapport technique que des fichiers appartenant à la société Opica ont bien été retrouvés sur l’ordinateur de M. [R] [U], enregistrés en octobre 2018, force est de constater que la société Bricoman a également fourni à M. [R] [U] cette même charte graphique, ainsi que d’autres documents réalisés par la société Opica.

Ainsi, une nouvelle fois la seule détention de la charte graphique par M. [R] [U] ne suffit pas à caractériser un acte déloyal dès lors qu’il a retravaillé sur des documents fournis par le client.

De la même manière, la société Opica soutient que M. [R] [U] a commis un acte de concurrence déloyal en utilisant les affiches « élections professionnelles » appartenant à la société Opica pour la société Leroy Merlin.

Or, il ressort du courriel du 22 novembre 2018 que c’est bien la société Leroy Merlin qui a fourni à M. [R] [U] les affiches pédagogiques qui avaient été réalisées par la société Opica en 2014.

Ainsi, le seul constat de la détention de fichiers appartenant à la société Opica ne suffit pas à démontrer un acte de concurrence déloyale de la part de M. [R] [U].

Le jugement sera donc confirmé sur ce chef.

3 -Sur les autres actes de concurrence déloyal reprochés à M. [R] [U]

Selon l’appelante, M. [R] [U] a commis d’autres actes de concurrence déloyales, à savoir :

l’utilisation de fichiers informatiques lui appartenant,

le démarchage déloyal

l’utilisation de logiciel sans licence,

la prise de contact avec des partenaires de la société Opica.

3.1 Sur l’utilisation de fichiers informatiques appartenant à la société Opica

La société Opica expose qu’il ressort du rapport technique réalisé en vertu de l’ordonnance sur requête rendue par le président du tribunal de grande instance de Lille le 15 mai 2019 que M. [R] [U] avait copié une multitude de fichiers informatiques lui appartenant sans son autorisation.

Cet élément n’est pas contesté par M. [R] [U].

Néanmoins, la société Opica se contente d’affirmer que ces fichiers ont permis à M. [R] [U] d’approcher les clients de son ancien employeur sans démontrer cette affirmation ni caractériser un acte de concurrence déloyale. Il n’est pas démontré l’utilisation de ces fichiers par M. [R] [U] au détriment de la société Opica.

3.2 Sur le démarchage déloyal

Il est constant qu’en vertu du principe de la liberté du commerce et de l’industrie, le démarchage de la clientèle d’autrui, fût-ce par un ancien salarié de celui-ci, est libre, dès lors que ce démarchage ne s’accompagne pas d’un acte déloyal.

La société Opica reproche à M. [R] [U] d’avoir démarché activement ses clients principaux en utilisant ses fichiers.

Il appartient à la société Opica de démontrer que le démarchage entrepris par M. [R] [U] s’accompagne d’un acte déloyal. Or, en indiquant que M. [R] [U] produit des échanges avec la société Leroy Merlin et qu’il ne fournit aucun élément écartant un démarchage actif de sa part, elle inverse la charge de la preuve.

Il est produit au débat des échanges de courriels de novembre 2018 et décembre 2018 entre M. [R] [U] et la société Leroy Merlin s’agissant de l’élaboration de la nouvelle affiche relative aux élections professionnelles. Il n’en ressort pas une démarche déloyale de la part de M. [R] [U].

Il en est de même quant aux échanges de courriel de décembre 2018, mars 2019 et avril 2019 entre M. [R] [U] et la société Bricoman quant à la réalisation d’ « Informations sur le Lieu de Vente ».

3.3 Sur l’utilisation de logiciel sans licence

La société Opica reproche à M. [R] [U] d’avoir utilisé des logiciels sans avoir obtenu la licence, ce qui constitue un comportement fautif qui lui octroie un avantage par rapport à ses concurrents.

Il ressort de la facture en date du 16 octobre 2018, que la société Factory 71 dispose du logiciel Adobe master collection, de sorte que l’utilisation du logiciel sans licence après son licenciement n’est pas caractérisée.

3.4 Sur la prise de contact avec des partenaires de la société Opica

La société Opica reproche à M. [R] [U] d’avoir pris contact avec plusieurs de ses partenaires. A ce titre, il justifie de trois attestations, deux de M. [X], gérant de la société Grimbert impression et une de M. [V] [W], gérant de l’imprimerie [W].

Néanmoins, cet élément ne caractérise pas un acte de concurrence déloyal dès lors que la prise de contact auprès de partenaires de son ancien employeur n’est pas en soit illicite en dehors de la démonstration d’une démarche agressive ou de procédés destinés à discréditer son ancien employeur qui font en l’espèce défaut.

Etant donné que la société Opica échoue dans la démonstration d’actes de concurrence déloyale, sa demande de dommages et intérêts sera rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

4- Sur la demande de communication de pièce

L’article 142 du code de procédure civile dispose que les demandes de production des éléments de preuve détenus par les parties sont faites, et leur production a lieu, conformément aux dispositions des articles 138 et 139, lesquels disposent que :

pour l’article 138 : si, dans le cours d’une instance, une partie entend faire état d’un acte authentique ou sous seing privé auquel elle n’a pas été partie ou d’une pièce détenue par un tiers, elle peut demander au juge saisi de l’affaire d’ordonner la délivrance d’une expédition ou la production de l’acte ou de la pièce.

pour l’article 139 : la demande est faite sans forme. Le juge, s’il estime cette demande fondée, ordonne la délivrance ou la production de l’acte ou de la pièce, en original, en copie ou en extrait selon le cas, dans les conditions et sous les garanties qu’il fixe, au besoin à peine d’astreinte.

4.1 Sur la licence ADOBE Creative suite

La société Opica reproche à M. [R] [U] d’avoir utiliser ses propres licences ADOBE Creative suite. A ce titre, elle soutient que les opérations de constat de décembre 2018 et de juin 2019 ont révélé la transmission des codes permettant de déverrouiller la licence et utiliser ce logiciel.

Or, c’est à juste titre que le premier juge a souligné qu’il ne trouvait pas dans le procès-verbal de constat d’huissier du 20 décembre 2018 les éléments permettant d’affirmer qu’il y a eu transmission de codes permettant de déverrouiller une licence. Il en est de même s’agissant du procès-verbal de constat du 22 janvier 2019.

En conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef.

4.2 Sur la communication du registre des recettes

La société Opica soutient que la communication du registre des recettes de M. [R] [U] est nécessaire afin de compléter l’évaluation de son préjudice.

Or, l’ensemble des demandes de dommages et intérêts étant rejetées, cette demande ayant pour finalité de compléter l’évaluation de son préjudice est sans objet.

Il y a lieu de confirmer le jugement de ce chef.

-5 Sur la demande publication de la décision intervenir

La société Opica demande que le présent arrêt soit publié afin de réparer le trouble d’image qu’elle a subi.

Or, compte du rejet des demandes de la société Opica et de la confirmation du jugement dans toutes ses dispositions, aucun trouble à l’image n’est caractérisé. Cette demande de publication doit être nécessairement rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

-6 Sur les dépens et demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

La société Opica, partie succombante, sera condamné à payer à M. [R] [U] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, au titre de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Lille du 12 novembre 2021 ;

Et statuant à nouveau :

DÉBOUTE la société Opica de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Opica à payer à M. [R] [U] de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la société Opica aux dépens d’appel.

Le greffier

Anaïs Millescamps

Le président

Catherine Courteille

Q/R juridiques soulevées :

Toutes les œuvres protégées ?

Selon l’article L112-1 du code de la propriété intellectuelle, toutes les œuvres de l’esprit, indépendamment de leur genre, forme d’expression, mérite ou destination, sont protégées. Cela inclut les créations littéraires, artistiques, musicales, et bien d’autres.

Pour bénéficier de cette protection, il est essentiel que l’auteur prouve l’originalité de son œuvre. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il y a un apport original, une marque de sa personnalité, et un effort créatif distinctif.

L’originalité est donc un critère fondamental pour la protection des œuvres, et c’est à celui qui revendique cette protection de fournir les preuves nécessaires.

Le reflet de la personnalité du créateur

L’originalité d’une œuvre est souvent définie comme le reflet de la personnalité de son créateur. Cela implique que l’œuvre doit se distinguer des créations antérieures et montrer un effort personnel dans sa conception.

Pour qu’une œuvre soit considérée comme originale, elle doit présenter une combinaison unique d’éléments caractéristiques, ou une physionomie nouvelle. Cela peut inclure des choix esthétiques, des styles, ou des techniques qui sont propres à l’auteur.

Ainsi, l’originalité ne se limite pas à l’idée d’une nouveauté absolue, mais plutôt à la manière dont l’auteur exprime sa vision personnelle à travers son œuvre.

Défaut d’originalité

Dans le cas de l’affiche destinée à la société Leroy Merlin, il a été établi qu’elle avait une vocation éducative et pédagogique. Elle décrit les missions des délégués du personnel et les conditions de vote, ce qui la rend fonctionnelle plutôt qu’originale.

De plus, la charte graphique associée ne reflète pas la personnalité de la société Opica, car elle répond à des critères techniques et commerciaux. Par conséquent, ces œuvres ne peuvent pas être qualifiées d’originaux selon le code de la propriété intellectuelle.

Sans originalité, ces créations ne bénéficient pas de la protection du droit d’auteur, ce qui signifie qu’elles ne peuvent pas faire l’objet de contrefaçon.

Sur la contrefaçon de droits d’auteur

L’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle stipule que l’auteur d’une œuvre jouit d’un droit de propriété incorporelle exclusif sur celle-ci. Ce droit est opposable à tous et comprend des attributs intellectuels, moraux et patrimoniaux.

La société Opica a soutenu que M. [R] [U] avait commis des actes de contrefaçon en utilisant des œuvres qu’elle avait créées pour ses clients. Cependant, pour qu’il y ait contrefaçon, il faut prouver que l’œuvre en question est originale et protégée.

Dans ce cas, la cour a jugé que les œuvres en question n’étaient pas originales, ce qui a conduit à la confirmation du jugement initial.

Sur la demande en concurrence déloyale

La société Opica a également accusé M. [R] [U] de concurrence déloyale, arguant qu’il avait utilisé des fichiers et documents qui lui appartenaient. La concurrence déloyale est caractérisée par un comportement fautif qui cause un dommage à autrui.

Cependant, la cour a noté que M. [R] [U] avait retravaillé sur des documents fournis par ses clients, ce qui ne constitue pas en soi un acte déloyal. La simple détention de fichiers ne suffit pas à prouver un acte de concurrence déloyale.

Ainsi, la cour a confirmé que M. [R] [U] n’avait pas commis d’actes de concurrence déloyale, car il n’y avait pas de preuve d’un comportement fautif de sa part.

Sur les autres actes de concurrence déloyale reprochés à M. [R] [U]

La société Opica a également reproché à M. [R] [U] d’autres actes de concurrence déloyale, tels que l’utilisation de fichiers informatiques, le démarchage de clients, et l’utilisation de logiciels sans licence.

Cependant, la cour a constaté que la société Opica n’avait pas réussi à prouver que ces actions constituaient des actes déloyaux. Par exemple, l’utilisation de fichiers n’a pas été démontrée comme étant nuisible à la société Opica.

De plus, le démarchage de clients par un ancien salarié est légal tant qu’il n’est pas accompagné de pratiques déloyales. La cour a donc confirmé que M. [R] [U] n’avait pas agi de manière déloyale dans ses interactions avec les clients de la société Opica.

Sur la demande de communication de pièces

La société Opica a demandé la communication de certains documents pour évaluer son préjudice. Cependant, puisque toutes ses demandes de dommages et intérêts avaient été rejetées, cette demande est devenue sans objet.

La cour a donc confirmé le jugement initial concernant la communication de pièces, car il n’y avait pas de nécessité de produire des documents supplémentaires dans ce contexte.

Sur la demande de publication de la décision intervenir

La société Opica a également demandé la publication de la décision pour réparer un prétendu trouble à son image. Toutefois, étant donné que toutes ses demandes avaient été rejetées, la cour a jugé qu’aucun trouble à l’image n’était caractérisé.

Ainsi, la demande de publication a été rejetée, et le jugement a été confirmé sur ce point.

Sur les dépens et demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Enfin, la cour a confirmé que la société Opica, en tant que partie perdante, devait payer à M. [R] [U] une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens de la procédure d’appel.

Cela souligne le principe selon lequel la partie qui succombe dans un litige est généralement condamnée à rembourser les frais engagés par la partie gagnante.


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