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ARRET N° N° RG 20/02186 N° Portalis DBV5-V-B7E-GC23 S.A.S. [6] C/ URSSAF POITOU-CHARENTES RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE POITIERS Chambre Sociale ARRÊT DU 01 JUIN 2023 Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 septembre 2020 rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire de LA ROCHELLE APPELANTE : S.A.S. [6] N° SIRET : [N° SIREN/SIRET 4] [Adresse 8] [Adresse 8] [Adresse 8] [Localité 1] Représentée par Me Emmanuelle MONTERAGIONI-LAMBERT de la SCP ELIGE LA ROCHELLE-ROCHEFORT, avocat au barreau de LA ROCHELLE ROCHEFORT INTIMÉE : URSSAF POITOU-CHARENTES [Adresse 2] [Localité 5] et dont l’adresse de correspondance est : [Adresse 10] [Localité 3] Représentée par Me Adrien LOQUESOL, audiencier, muni d’un pouvoir COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, les parties ou leurs conseils ne s’y étant pas opposés, l’affaire a été débattue le 04 Avril 2023, en audience publique, devant : Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président qui a présenté son rapport Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente Madame Valérie COLLET, Conseillère GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE ARRÊT : – CONTRADICTOIRE – Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, – Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIÈRE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. * EXPOSÉ DU LITIGE : A la suite d’un contrôle d’assiette comptable de la société [9], les inspecteurs du recouvrement de l’URSSAF Poitou-Charentes ont, le 21 octobre 2014 : – dressé le 21 octobre 2014 un procès-verbal de travail dissimulé, transmis au Ministère Public constatant des absences ou retards dans les déclarations préalables à l’embauche, une absence d’établissement de bulletins de paie ainsi que des minorations de déclarations de cotisations de sécurité sociale, – adressé à la société [9] une lettre d’observations portant redressement à concurrence de 80 876 € au titre des cotisations de sécurité sociale, d’assurance chômage et AGS, pour les années 2012 et 2013. Mettant en oeuvre la procédure de solidarité financière prévue par les articles L8222-1 et suivants du code du travail, l’URSSAF a adressé le 2 février 2015 à la S.A.S. [6] (exploitant un supermarché à l’enseigne Intermarché à [Localité 7] et ayant sous-traité l’activité de surveillance et gardiennage à la société [9]) une lettre d’observations portant redressement, pour manquement à l’obligation de vigilance, à concurrence des sommes de 21 896 € au titre de l’année 2012 et 5 383 € au titre de l’année 2013 (calculées sur la base suivante : cotisations dues par la société [9] x montant du chiffre d’affaires S.A.S. [6] réalisé avec la S.A.S. [9] /chiffre d’affaires total de la S.A.S. [9]). Le 7 juillet 2015, l’URSSAF Poitou-Charentes a notifié à la S.A.S. [6] une mise en demeure visant la somme de 31 548 € dont 27 279 € en principal et 4 269 € au titre des majorations de retard. Par courrier du 28 juin 2015, la S.A.S. [6] a saisi la commission de recours amiable de l’URSSAF qui, par décision du 24 septembre 2015, a rejeté son recours. Par LRAR du 13 octobre 2015, la S.A.S. [6] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Charente-Maritime d’un recours contre cette décision. Par jugement du 15 septembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de La Rochelle a : – confirmé la décision de la commission de recours amiable du 24 septembre 2015, – condamné la S.A.S. [6] à payer à l’URSSAF Poitou-Charentes la somme de 31 548 € correspondant à 27 279 € en cotisations et 4 269 € en majorations de retard, outre les majorations de retard complémentaires à courir jusqu’à complet paiement, – débouté la S.A.S. [6] de sa demande au titre de l’article 700 du C.P.C., – condamné la S.A.S. [6] aux dépens. La S.A.S. [6] a interjeté appel de cette décision selon déclaration transmise au greffe de la cour le 12 octobre 2020. L’affaire a été fixée à l’audience du 4 avril 2023 à laquelle les parties ont développé oralement leurs conclusions transmises les 29 décembre 2020 (S.A.S. [6]) et 6 mars 2023 (URSSAF Poitou-Charentes). Par conclusions du 29 décembre 2020 auxquelles il convient à ce stade de se référer pour l’exposé des éléments de droit et de fait, la S.A.S. [6] demande à la cour, infirmant le jugement entrepris et statuant à nouveau : – de constater l’annulation de la contrainte délivrée à la S.A.S. [9] le 9 février 2015 par jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de La Rochelle du 6 février 2018, – de constater le classement sans suite des poursuites pénales initiées à l’encontre du président de la S.A.S. [9], – subsidiairement, de juger qu’elle a parfaitement rempli ses obligations, – en conséquence, de dire n’y avoir lieu à la mise en oeuvre de la solidarité financière et de débouter l’URSSAF de toutes ses demandes, – de condamner l’URSSAF à lui payer la somme de 4 000 € en application de l’article 700 du C.P.C., outre les entiers dépens. Elle soutient en substance : – que les conditions de mise en oeuvre de la solidarité financière prévue à l’article L8222-2 du code du travail ne sont pas réunies dès lors : > d’une part, que l’existence d’une dette de la S.A.S. [9] n’est pas établie, étant considéré : * que le tribunal des affaires de sécurité sociale de La Rochelle ayant, par jugement du 6 février 2018, annulé la contrainte signifiée le 9 février 2015 à la S.A.S. [9], de sorte que la dette principale n’existe plus, peu important à cet égard le motif de l’annulation, * qu’elle est fondée à opposer cette exception de nullité, en application de l’article 1315 du code civil, * que l’URSSAF ne justifie pas de ses affirmations selon lesquelles l’annulation aurait été prononcée en raison du défaut de production de deux mises en demeure ne portant pas sur les périodes concernées par la solidarité financière, * qu’en toute hypothèse, l’URSSAF ne justifie pas avoir procédé à la déclaration de sa créance entre les mains du mandataire judiciaire de la société [9], tant dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ouverte le 27 juin 2017 que dans la procédure de liquidation judiciaire prononcée le 6 août 2019, * que la créance de l’URSSAF s’est trouvée frappée de forclusion au titre des périodes concernant la procédure de solidarité engagée à son encontre et que l’organisme social n’a pas engagé d’action en relevé de forclusion, renonçant définitivement à sa créance, * qu’en se prévalant d’une irrégularité de procédure, sans manifestement que la S.A.S. [9] n’ait fait connaître de réclamation à ce titre, tout en sachant que sa déclaration était forclose (et s’abstenant de solliciter un relevé de forclusion) et qu’elle ne pourrait délivrer de nouvelle contrainte, l’URSSAF a renoncé à sa créance pour des motifs internes qui lui sont propres, > d’autre part, qu’elle a respecté l’obligation de vigilance pesant sur elle en application de l’article L8222-1 du code du travail dès lors : * qu’elle s’est assurée périodiquement du maintien de l’inscription de la S.A.S. [9] au RCS par Internet et qu’elle se faisait remettre les DUE des salariés travaillant dans ses locaux, * qu’elle n’était pas le seul donneur d’ordres de la société [9] qui réalisait des prestations pour au moins quatre autres cocontractants et qu’aucun élément n’est produit permettant de s’assurer que les sommes réclamées n’ont pas été déjà réglées par ceux-ci, * que l’URSSAF ne peut prétendre que seule l’attestation de vigilance délivrée par elle serait de nature à permettre de satisfaire aux exigences légales lorsqu’il est reproché au cocontractant de ne pas avoir déclaré des salariés, * qu’elle s’est fait remettre par son cocontractant une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale attestant de ce que la société [9] était à jour de ses cotisations au 31 décembre 2014, le redressement portant sur les années 2012 et 2013, * qu’il ne peut lui être reproché d’avoir sciemment eu recours aux services d’une personne ayant exercé un travail dissimulé et dont elle était le principal donneur d’ordre alors qu’il n’est pas démontré qu’elle l’aurait fait en toute connaissance de cause et sans justifier qu’elle aurait été le principal donneur d’ordre alors qu’il est établi qu’elle n’était pas le seul, – que la réclamation de l’URSSAF n’est pas justifiée dès lors que l’URSSAF n’établit pas l’existence du travail dissimulé : > que l’URSSAF ne produit pas le procès-verbal d’infraction et ne justifie pas des suites qui y ont été données, > que l’intention frauduleuse du gérant de la société [9] n’est pas caractérisée, cette société ayant été victime du comportement de sa comptable, pénalement condamnée notamment pour usage d’une fausse qualité et escroquerie pour avoir facturé des honoraires au titre de travaux non réalisés, > qu’ainsi les poursuites engagées contre le gérant de la société [9] ont fait l’objet d’un classement sans suite, > que l’URSSAF ne lui a jamais communiqué les noms des salariés pour lesquels la société [9] aurait été en infraction, > que les éléments communiqués dans la lettre d’observations du 2 février 2015 sont à cet égard insuffisants dès lors : * que la lettre d’observations ne comporte que le montant global des cotisations sans préciser leurs modalités de calcul, année par année, l’URSSAF n’explicitant aucunement le calcul de la dette de la société [9], * qu’elle ne renseigne ni le nombre de salariés non déclarés ni la ou les périodes pendant lesquelles l’infraction aurait été constituée ni le montant des salaires versés, alors que le montant des cotisations éludées du chiffre d’affaires réalisé par le sous-traitant constitue la base de calcul de la somme qui peut être exigée du donneur d’ordre, * que l’établissement d’un procès-verbal de travail dissimulé n’est pas suffisant à mettre en oeuvre la solidarité financière qu’un classement sans suite ou un jugement de relaxe ont pour conséquence d’anéantir, Par conclusions du 6 mars 2023, auxquelles il convient également de se référer pour l’exposé des éléments de droit et de fait, l’URSSAF Poitou-Charentes demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et, y ajoutant, de condamner la S.A.S. [6] au paiement d’une indemnité de 1 500 € au titre de l’article 700 du C.P.C., outre les entiers dépens. Rappelant les dispositions des articles L8222-1 et D8222-5 du code du travail imposant au donneur d’ordre une obligation de contrôle périodique du respect par son sous-traitant de ses obligations en matière de déclaration d’emploi salarié, l’URSSAF soutient, pour l’essentiel : 1 – s’agissant de l’obligation de vigilance pesant sur le donneur d’ordre : > que la S.A.S. [6] n’a pas fourni, dans le cadre de la procédure contradictoire, l’ensemble des pièces visées à l’article D8222-5 du code du travail, ne produisant qu’une copie de l’extrait Kbis de la société [9] mais non l’attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations de sécurité sociale, seule de nature à établir la régularité de la situation du sous-traitant au regard de ses obligations déclaratives, les D.U.E. produites par la société [6] en première instance étant à cet égard insuffisantes, > que l’attestation de versement de cotisations arrêtée au 31 décembre 2014 et datée du 29 juillet 2015 produite par la S.A.S. [6] ne présage pas de la régularité de la situation de la société [9] sur les périodes antérieures, dès lors que le travail dissimulé a été relevé sur une période s’étendant jusqu’au 31 décembre 2013 et que l’attestation mentionne une situation à jour ‘à la date du 31 décembre 2014’, > que la S.A.S [6] a ainsi manqué à son obligation de vigilance et que la procédure de solidarité financière mise en oeuvre à son encontre était bien fondée et le redressement justifié. 2 – s’agissant de la procédure de travail dissimulé relevée à l’encontre de la S.A.S. [9] : > que l’existence d’un procès-verbal de travail dissimulé constitue le fait générateur de la mise en oeuvre de la procédure de solidarité financière, indépendamment de la caractérisation par le juge pénal de l’infraction de travail dissimulé, > que la lettre d’observations adressée au donner d’ordre ne doit comprendre que la mention du procès-verbal établi à l’encontre du sous-traitant, l’information de la mise en cause du donneur d’ordre au titre du non-respect de son obligation de vigilance et le calcul détaillé des sommes qui lui sont réclamées, sur la base du chiffre d’affaires réalisé avec le sous-traitant, éléments effectivement mentionnés dans la lettre adressée à la S.A.S. [6] le 2 février 2015, > qu’en toute hypothèse, elle verse aux débats le procès-verbal, anonymisé, de travail dissimulé dressé le 21 octobre 2014 à l’encontre de la S.A.S. [9] > que l’engagement de la solidarité financière du donneur d’ordre n’est pas subordonné à la caractérisation d’un élément intentionnel, le fait générateur en étant un simple manquement à l’obligation de vigilance, > que le classement sans suite de la procédure de travail dissimulé est sans incidence dès lors qu’il constitue une mesure alternative aux poursuites et non une relaxe, seule susceptible d’entraîner l’annulation des cotisations dues par la personne ayant réalisé le travail dissimulé, qu’il n’est pas un acte juridictionnel et n’a pas autorité de la chose jugée et ne peut dès lors faire obstacle à la constatation de la réalité des faits et à leur prise en compte par les juridictions de l’ordre judiciaire puisqu’il ne remet pas en cause les constats réalisés par les inspecteurs du recouvrement, étant en outre considéré que la condamnation pénale n’est pas un préalable à la poursuite du recouvrement sur le plan civil, 3 – s’agissant de la dette même du cocontractant : > que si l’annulation de la contrainte à l’encontre du cocontractant la prive d’un titre exécutoire permettant le recouvrement forcé, les mises en demeure n’ont pas été annulées et permettent de déterminer les sommes dont la société [9] reste redevable, > que compte-tenu de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l’encontre de la société [9], aucune nouvelle contrainte ne pouvait être délivrée, en application de l’article L622-21 du code de commerce, > que compte-tenu des règles relatives au secret professionnel, elle n’est pas en mesure de produire la mise en demeure adressée à la société [9] et son accusé de réception, pas plus que la déclaration de créance effectuée dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire, bien qu’elle soit en possession de l’ensemble de ces éléments et que la procédure soit régulière pour tous, > que la procédure de solidarité financière a vocation à être mise en oeuvre à l’encontre de l’ensemble des donneurs d’ordre n’ayant pas respecté leur obligation de vigilance, étant rappelé que le montant mis à la charge de chacun d’eux est un prorata des cotisations éludées par le sous-traitant, en fonction du chiffre d’affaires réalisé par chaque co-contractant avec celui-ci). MOTIFS Il doit être ici rappelé : – qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : 1° soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche, 2° soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie, 3° soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales. (article L8221-5 du code du travail, en sa rédaction issue de la loi 2011-672 du 16 juin 2011), – que toute personne vérifie lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimum en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce, et périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution du contrat, que son cocontractant s’acquitte : 1° des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5, 2° de l’une seulement des formalités mentionnées au 1°, dans le cas d’un contrat conclu par un particulier pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants (article L8222-1 du code du travail, en sa rédaction issue de la loi 2011-672 du 16 juin 2011), – que la personne qui contracte, lorsqu’elle n’est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l’article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l’article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu’à la fin de son exécution : 1° une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l’article L. 243-15 émanant de l’organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions datant de moins de six mois dont elle s’assure de l’authenticité auprès de l’organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale. 2° lorsque l’immatriculation du cocontractant au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers est obligatoire ou lorsqu’il s’agit d’une profession réglementée, l’un des documents suivants : a) un extrait de l’inscription au registre du commerce et des sociétés (K ou K bis), b) une carte d’identification justifiant de l’inscription au répertoire des métiers, c) un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu’y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l’adresse complète et le numéro d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à une liste ou un tableau d’un ordre professionnel, ou la référence de l’agrément délivré par l’autorité compétente, d) un récépissé du dépôt de déclaration auprès d’un centre de formalités des entreprises pour les personnes en cours d’inscription (article D8222-5 du code du travail, en sa rédaction issue du décret 2011-1601 du 21 novembre 2011). – que toute personne qui méconnaît les dispositions de l’article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l’objet d’un procès-verbal pour délit de travail dissimulé : 1° au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale, 2° le cas échéant, au remboursement des sommes correspondant au montant des aides publiques dont il a bénéficié, 3° au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues par lui à raison de l’emploi de salariés n’ayant pas fait l’objet de l’une des formalités prévues aux articles L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche et L. 3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie (article L8222-2 du code du travail). I – Sur la contestation fondée sur l’absence de créance de l’organisme social à l’encontre du co-contractant sous-traitant : La S.A.S [6] soutient que l’URSSAF Poitou-Charentes ne justifie d’aucune créance à l’encontre de la S.A.S. [9] dès lors, d’une part, que, par jugement définitif du 6 février 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de La Rochelle a annulé la contrainte du 9 février 2015 délivrée à celle-ci, de sorte que la dette principale et l’objet de la dette solidaire n’existent plus, d’autre part, qu’à défaut de justifier d’une déclaration de créance au passif de la procédure collective de la S.A.S. [9]. Il convient cependant de considérer : -que l’annulation de la contrainte signifiée à la société [9] emporte anéantissement du titre exécutoire servant de fondement aux poursuites mais non du droit même de créance, – que, s’agissant de l’incidence de l’ouverture d’une procédure collective à l’égard de la société [9], que le défaut de déclaration de créance est sanctionné, non par l’extinction de celle-ci, mais par son inopposabilité (article L622-26 du code de commerce). La S.A.S. [6] sera en conséquence déboutée de sa contestation fondée sur l’absence de dette du co-contractant à l’égard de l’organisme social. II – Sur la contestation fondée sur le respect par le donneur d’ordre de son obligation de vigilance : Il résulte des articles L8222-1 et D8222-5 du code du travail que le donneur d’ordre doit vérifier lors de la conclusion du contrat en vue de l’exécution d’un travail ou de la fourniture d’une prestation de services puis périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution du contrat que son cocontractant s’acquitte des formalités mentionnées prescrites par ces textes. La société [6] prétend avoir respecté son obligation de vigilance, en s’assurant périodiquement, par internet, du maintien de l’inscription de la S.A.S. [9] au RCS et en ayant obtenu communication des déclarations uniques d’embauche des salariés de la S.A.S. [9] étant intervenus sur son site d’exploitation. L’absence de production par la société appelante d’un seul des documents authentifiés prévus par l’article D.8222-5 du code du travail démontre son manque de vigilance, étant par ailleurs considéré : – que la S.A.S. [6] n’a produit les déclarations uniques d’embauche (pièce 1) établies par la S.A.S [9] que postérieurement à l’expiration de la période contradictoire ayant suivi l’envoi de la lettre d’observations, – qu’en toute hypothèse, ces documents, non visés à l’article D8222-5 du code du travail ne permettent pas d’établir que la totalité des salariés employés par la S.A.S. [9] travaillant dans les locaux de l’appelante a été régulièrement déclarée auprès des organismes sociaux et que l’appelante ne justifie pas d’un contrôle périodique continu pendant la période litigieuse dans les conditions prévues par l’article D8222-5 du code du travail (l’attestation de versement de cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales datée du 29 juillet 2015, pièce 18 de l’appelante, étant à cet égard inopérante à justifier d’un tel contrôle périodique). La S.A.S. [6] sera en conséquence déboutée de ce chef de contestation. III – Sur la contestation soulevée du chef d’un défaut de justification de la réclamation de l’URSSAF : La S.A.S. [6] soutient en substance, à ce titre : – que la matérialité même de l’infraction ‘principale’ de travail dissimulé n’est pas établie dès lors que la procédure pénale a fait l’objet d’une décision de classement sans suite, – que l’URSSAF ne justifie pas du calcul des sommes réclamées. Il doit cependant être considéré : – qu’il importe peu que l’URSSAF ne démontre pas que des poursuites aient abouti à une sanction pénale contre la S.A.S. [9] dès lors que l’article L.8222-2 du code du travail n’exige nullement, pour la mise en oeuvre de la solidarité financière, que la société qui a fait l’objet d’un procès-verbal pour travail dissimulé, ait fait l’objet d’une condamnation pénale, seule l’existence d’un procès-verbal pour travail dissimulé à l’encontre du co-contractant étant requise, – qu’une décision de classement sans suite telle que celle invoquée par la S.A.S. [6] n’est pas une décision juridictionnelle de relaxe, seule susceptible d’entraîner l’annulation des cotisations dues, – que les premiers juges ont exactement estimé qu’au regard du PV de travail dissimulé du 21 octobre 2014 (qui établit que la S.A.S. [9] a omis d’établir une déclaration d’embauche pour 23 de ses salariés, a effectué des déclarations tardives pour 20 autres, a minoré les déclarations annuelles et trimestrielles des cotisations sociales 2012 et 2013 et a versé des rémunérations sans établir de bulletins de salaire entre le 17 janvier 2012 et le 31 décembre 2013), la matérialité de l’infraction de travail dissimulé est établie et que ce procès-verbal suffit à justifier la poursuite du recouvrement des cotisations au plan civil, à l’encontre des donneurs d’ordre, indépendamment de toute condamnation pénale. S’agissant de la détermination de la mesure de l’obligation de contribution de la S.A.S. [6],il sera rappelé : – que la lettre d’observations doit, pour assurer le caractère contradictoire du contrôle et la garantie des droits de la défense à l’égard du donneur d’ordre dont la solidarité financière est recherchée, rappeler les règles applicables, mentionner le montant global des cotisations dues par le sous-traitant, énoncer que les cotisations mises à la charge du donneur d’ordre ont été calculées au prorata de la valeur des prestations effectuées par le sous-traitant, et préciser année par année le montant des sommes dues, – que l’ensemble de ces éléments est bien mentionné dans la lettre d’observations du 2 février 2015 qui explicite précisément (page 2) le calcul de la part contributive de la S.A.S. [6], au prorata du chiffre d’affaires réalisé avec la S.A.S. [9], excluant ainsi la possibilité d’un dépassement de sa part contributive. La S.A.S. [6] sera en conséquence également déboutée de ce chef de contestation. Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu’il a confirmé la décision de la commission de recours amiable du 24 septembre 2015 et condamné la S.A.S. [6] à payer à l’URSSAF Poitou-Charentes la somme de 31 548 € correspondant à 27 279 € en cotisations et 4 269 € en majorations de retard, outre les majorations de retard complémentaires à courir jusqu’à complet paiement. L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du C.P.C. en faveur de l’une quelconque des parties, s’agissant tant des frais irrépétibles exposés en première instance que de ceux exposés en cause d’appel. La S.A.S. [6] sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel. PAR CES MOTIFS, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort : Vu le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de La Rochelle en date du 15 septembre 2020, Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, Y ajoutant : – Déboute les parties de leurs demandes réciproques en application de l’article 700 du C.P.C. au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel, – Condamne la S.A.S. [6] aux dépens d’appel. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT, |
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Quel est le contexte de l’affaire jugée par la Cour d’Appel de Paris ?L’affaire concerne un litige entre la S.A.S. [4] et l’Urssaf Île-de-France, suite à un contrôle comptable d’assiette effectué sur la société pour les années 2012 à 2014. Ce contrôle a révélé des manquements liés à l’obligation de vigilance de la société en matière de sous-traitance, notamment en raison d’un recours à du travail dissimulé par une société sous-traitante, la S.A.R.L. [3]. Un procès-verbal a été établi et transmis au procureur, entraînant des redressements financiers pour la S.A.S. [4]. L’Urssaf a notifié des observations et a demandé à la société de justifier ses obligations, ce qui a conduit à des procédures judiciaires. Quelles étaient les prétentions de la S.A.S. [4] lors de l’appel ?La S.A.S. [4] a formulé plusieurs demandes lors de l’appel. À titre principal, elle a demandé à la cour de reconnaître qu’une décision implicite avait été prise suite à l’observation pour l’avenir émise par l’Urssaf dans sa lettre du 28 juillet 2015. Elle a également demandé l’annulation des redressements notifiés par les lettres d’observations du 4 octobre 2016 et l’infirmation du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale d’Évry du 28 juin 2018. À titre subsidiaire, la société a contesté la validité du procès-verbal de travail dissimulé et a demandé l’annulation des redressements, tout en sollicitant une indemnisation de 1 800 euros au titre des frais irrépétibles. Quelles étaient les conclusions de l’Urssaf lors de l’audience ?L’Urssaf a demandé à la cour de confirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale d’Évry dans toutes ses dispositions. Elle a également sollicité la condamnation de la S.A.S. [4] à lui verser une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, conformément à l’article 700 du code de procédure civile. L’Urssaf a soutenu que les redressements étaient justifiés et que la société n’avait pas respecté ses obligations de vigilance en matière de sous-traitance. Quels éléments ont été pris en compte par la cour pour rendre sa décision ?La cour a examiné plusieurs éléments, notamment la chronologie des faits, les lettres d’observations émises par l’Urssaf, et la nature des contrôles effectués. Elle a noté que l’Urssaf avait produit le procès-verbal de travail dissimulé, et que les lettres d’observations du 4 octobre 2016 avaient été émises après que la défaillance de la société sous-traitante ait été établie. La cour a également pris en compte les obligations de vigilance imposées par le code du travail et le code de la sécurité sociale, concluant que la S.A.S. [4] n’avait pas rempli ses obligations. Quelle a été la décision finale de la cour ?La cour a déclaré l’appel recevable et a confirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale d’Évry du 28 juin 2018. Elle a débouté la S.A.S. [4] de toutes ses demandes, y compris celle relative à l’article 700 du code de procédure civile. En conséquence, la S.A.S. [4] a été condamnée à payer à l’Urssaf d’Île-de-France la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel, ainsi qu’aux dépens. |
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