L’indivision successorale est régie par les articles 815 et suivants du Code civil, qui établissent les droits et obligations des cohéritiers. Selon l’article 815-9, chaque indivisaire a le droit d’user et de jouir des biens indivis conformément à leur destination, tout en respectant les droits des autres indivisaires. En cas d’usage privatif d’un bien indivis, l’indivisaire est redevable d’une indemnité, sauf convention contraire (article 815-10). L’article 815-2 précise que tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis, mais les actes d’administration nécessitent une majorité des deux tiers des droits indivis (article 815-3).
Dans le cas présent, l’action de Monsieur [C] [E] [R] pour obtenir une indemnité d’occupation de la part de Monsieur [J] [R] est fondée sur le fait que ce dernier a occupé le bien indivis sans l’accord de tous les cohéritiers, ce qui constitue une violation des droits des autres indivisaires. La décision de la cour de confirmer le jugement de première instance repose sur l’absence d’unanimité pour permettre une occupation gratuite, considérée comme une libéralité nécessitant le consentement de tous les indivisaires. Les articles 1344 et 1343-2 du Code civil, relatifs aux intérêts légaux et à la capitalisation des intérêts, sont également appliqués dans le cadre de cette décision. |
L’Essentiel : L’indivision successorale est régie par les articles 815 et suivants du Code civil, qui établissent les droits et obligations des cohéritiers. Chaque indivisaire a le droit d’user et de jouir des biens indivis, tout en respectant les droits des autres. En cas d’usage privatif, l’indivisaire doit une indemnité, sauf convention contraire. L’action de Monsieur [C] [E] [R] pour obtenir une indemnité d’occupation repose sur l’occupation du bien indivis par Monsieur [J] [R] sans accord des cohéritiers, violant ainsi leurs droits.
|
Résumé de l’affaire : La présente affaire concerne un litige successoral suite au décès d’un retraité, laissant derrière lui son conjoint survivant et quatre enfants.
Le bien immobilier en question, situé à une adresse précise, fait partie de la succession. Un des cohéritiers, occupant le bien sans accord des autres, a perçu des revenus d’un panneau publicitaire, ce qui a conduit un autre cohéritier à l’assigner en justice pour obtenir une indemnité d’occupation. Le tribunal a constaté que l’occupant avait effectivement utilisé le bien depuis 2012 et l’a condamné à verser une indemnité d’occupation de 37.500 euros à l’indivision. L’occupant a interjeté appel, arguant que l’action de son cohéritier était irrecevable, car ce dernier ne détenait pas les deux tiers des droits indivis nécessaires pour agir seul. En appel, l’occupant a demandé la confirmation du jugement de première instance, tandis que le cohéritier a soutenu que son action était fondée sur la conservation des droits de l’indivision. La cour a rappelé que tout indivisaire peut agir pour la conservation des biens indivis, mais a noté que l’action en recouvrement d’une indemnité d’occupation ne relève pas de cette catégorie. La cour a finalement confirmé le jugement initial, soulignant que l’occupant n’avait pas obtenu l’accord de tous les cohéritiers pour son occupation gratuite du bien. Elle a également accordé des délais de paiement à l’occupant pour s’acquitter de sa dette envers l’indivision, tout en rejetant les demandes de frais irrépétibles. Ainsi, la décision a été rendue en faveur de l’indivision, avec des modalités de paiement adaptées à la situation de l’occupant. |
Q/R juridiques soulevées :
La recevabilité de l’action de l’indivisaireL’action de l’indivisaire, Monsieur [C] [E] [R], est-elle recevable au regard des dispositions du Code civil concernant les droits des indivisaires ? L’article 815-2 du Code civil stipule que « tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d’urgence ». Cela signifie qu’un indivisaire peut agir pour protéger les intérêts de l’indivision, y compris en demandant le recouvrement d’une indemnité d’occupation. En l’espèce, l’action de Monsieur [C] [E] [R] vise à obtenir le paiement d’une indemnité d’occupation, ce qui est considéré comme une mesure de conservation des droits des coïndivisaires. Ainsi, la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir d’agir de Monsieur [C] [E] [R] est écartée, car son action est fondée sur des droits qui lui sont conférés par la loi. Le paiement d’une indemnité d’occupationMonsieur [J] [R] doit-il payer une indemnité d’occupation à l’indivision successorale, et sur quelle base légale cela repose-t-il ? Les articles 815-9 et 815-10 du Code civil précisent que « chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires ». De plus, l’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité. Dans ce cas, Monsieur [J] [R] a occupé le bien immobilier sans l’accord explicite de tous les cohéritiers, ce qui constitue une jouissance privative. Par conséquent, il est tenu de verser une indemnité d’occupation, fixée par le tribunal à 7.500 euros par an, soit un total de 37.500 euros pour les cinq dernières années. La nature de l’occupation et l’accord des cohéritiersL’occupation du bien par Monsieur [J] [R] était-elle fondée sur un accord des cohéritiers, et cela a-t-il des implications sur son obligation de payer une indemnité ? Il a été soutenu que Monsieur [J] [R] avait un accord verbal avec certains cohéritiers pour occuper le bien sans indemnité. Cependant, l’absence d’une convention écrite et l’opposition de Monsieur [C] [E] [R] démontrent qu’il n’y a pas eu d’unanimité parmi les indivisaires. L’article 815-3 du Code civil exige que le consentement de tous les indivisaires soit requis pour effectuer des actes de disposition. L’occupation gratuite, sans accord formel, est considérée comme une libéralité, ce qui nécessite l’accord de tous les cohéritiers. Ainsi, l’absence de consentement de Monsieur [C] [E] [R] justifie la décision de le condamner à payer une indemnité d’occupation. La demande de délais de paiementMonsieur [J] [R] peut-il obtenir des délais de paiement pour l’indemnité d’occupation, et quelles sont les dispositions légales à cet égard ? La cour a décidé d’accorder des délais de paiement à Monsieur [J] [R], lui permettant de s’acquitter de sa dette envers l’indivision par versements mensuels de 1.562,50 euros sur une période de 24 mois. Cette décision est conforme à l’article 1343 du Code civil, qui permet au débiteur de demander des délais de paiement lorsque cela est justifié par sa situation financière. Il est important de noter que les cohéritiers ont la possibilité de renoncer à leur droit à l’indemnité d’occupation lors du partage, ce qui pourrait influencer la décision finale Le montant à payer. Les frais irrépétibles et les dépensQuelles sont les implications des frais irrépétibles et des dépens dans cette affaire, et comment sont-ils répartis ? L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que « la partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles ». Cependant, la cour a décidé de rejeter les demandes fondées sur cet article en raison de la nature familiale du litige. Les dépens de première instance et d’appel sont mis à la charge de Monsieur [C] [E] [R], qui a succombé dans ses demandes. Cela signifie que les frais liés à la procédure seront supportés par celui qui a perdu le litige, conformément aux règles de droit commun en matière de dépens. |
PC
R.G : N° RG 22/01040 – N° Portalis DBWB-V-B7G-FW2N
[R]
C/
[R]
[R]
[B]
[B]
[B]
[B]
COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS
ARRÊT DU 04 OCTOBRE 2024
Chambre civile TGI
Appel d’une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SAINT-DENIS en date du 17 MAI 2022 suivant déclaration d’appel en date du 10 JUILLET 2022 RG n° 21/01129
APPELANTS :
Monsieur [J] [R]
[Adresse 8]
[Localité 12]
Représentant : Me Laura VARAINE, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
INTIMÉS :
Monsieur [P] [F] [R]
[Adresse 8]
[Localité 12]
Représentant : Me Laura VARAINE, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
Monsieur [C] [E] [R]
[Adresse 4]
[Localité 12]
Représentant : Me Alain ANTOINE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Madame [W] [R] épouse [Y]
[Adresse 5]
[Localité 12]
Monsieur [D] [B]
[Adresse 9]
[Localité 12]
Monsieur [I] [B]
[Adresse 2]
[Localité 12]
Madame [V] [G] [O] [B]
[Adresse 11]
[Localité 13]
Madame [U] [K] [B]
[Adresse 7]
[Localité 12]
DATE DE CLÔTURE : 22/02/2024
DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 Juillet 2024 devant Monsieur CHEVRIER Patrick, Président de chambre, qui en a fait un rapport, assisté de Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué, à l’issue des débats, que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 04 Octobre 2024.
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère
Qui en ont délibéré
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 04 Octobre 2024.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [S] [L] [R], en son vivant retraité, époux de Madame [K] [H] [A], sous le régime de la communauté de biens meubles et acquêts, est décédé à [Localité 14] le [Date décès 6] 2003. Il laissait pour recueillir sa succession :
– Son conjoint survivant, Madame [K] [H] [A], veuve [R], décédée le [Date décès 3] 2012 à [Localité 14],
– Ses quatre enfants :
– Madame [W] [R] épouse [Y], sa fille,
– Monsieur [P] [F] [R], son fils,
– Monsieur [C] [E] [R], son fils,
– Monsieur [J] [R], son fils,
– Ses quatre petits-enfants, venant en représentation de leur mère, Madame [T] [G] [M] [R], épouse de Monsieur [B], prédécédée à [Localité 14] le [Date décès 1] 1999,
– Monsieur [D] [B].
Il dépend de la succession de Monsieur et Madame [R], un bien immobilier sis à [Adresse 8], cadastré section AT numéro [Cadastre 10], [Adresse 8], d’une superficie de 387 m².
Alléguant la pose d’un panneau publicitaire sur la parcelle indivise par Monsieur [J] [R], qui, sans l’accord de ses cohéritiers, a procédé au changement de titulaire du contrat et perçu indûment 2.000 euros entre 2014 et 2017, avant de résilier le contrat en 2018, Monsieur [C] [R] a assigné ses cohéritiers le 7 mai 2021 devant le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion aux fins de :
– constater que depuis 2012, la parcelle composant l’actif successoral relatif à la succession de feue Madame [K] [H] [A], veuve [R], et de le condamner à payer à l’indivision successorale une indemnité d’occupation annuelle de 37.500 euros correspondant à cinq années à 7.500,00 euros, outre intérêts au taux légal, capitalisation des intérêts échus et indemnité au titre des frais irrépétibles.
Par jugement en date du 17 mai 2022, le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion a statué en ces termes :
« CONSTATE que depuis 2012, Monsieur [J] [R] occupe le bien immobilier sis [Adresse 8] à [Localité 12], composant l’actif successoral relatif à la succession de feue Madame [K] [H] [A] veuve [R] ;
CONDAMNE Monsieur [J] [R] à payer à l’indivision composée des 8 héritiers de feue Madame [K] [H] [A] veuve [R], propriétaires indivis du bien immobilier sis [Adresse 8], à [Localité 12], une indemnité d’occupation annuelle fixée à 7.500 euros annuelle soit au total la somme de 37.500 euros ;
DIT que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’exploit introductif d’instance, lequel vaut mise en demeure au sens de l’article 1344 du Code civil ;
PRONONCE la capitalisation des intérêts échus, conformément à l’article 1343-2 du Code civil;
DIT qu’il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit. »
Par déclaration du 10 juillet 2022, Monsieur [J] [R] et Monsieur [P] [R] ont interjeté appel du jugement précité.
Par déclaration du [Date décès 6] 2022, Monsieur [J] [R] a formé un second appel en régularisation, compte tenu du fait que Monsieur [P] [R] n’est pas appelant mais intimé.
Les affaires ont été renvoyées à la mise en état avant d’être jointes par ordonnance du 8 décembre 2022.
Monsieur [J] [R] a signifié la déclaration d’appel et ses conclusions par actes délivrés le 28 septembre 2022 à :
1/ Monsieur [C] [E] [R],
2/ Monsieur [P] [F] [R],
3/ Madame [W] [R], épouse [Y],
4/ Monsieur [D] [B],
5/ Monsieur [I] [B],
6/ Madame [V] [G] [O] [B],
7/ Madame [U] [K] [B].
Monsieur [C] [E] [R] a constitué avocat et déposé ses premières conclusions d’intimé le 13 décembre 2022.
Monsieur [P] [F] [R], Madame [W] [R], épouse [Y], Monsieur [D] [B], Monsieur [I] [B], Madame [V] [G] [O] [B] et Madame [U] [K] [B] n’ont pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 22 février 2024.
PRETENTIONS ET MOYENS
Aux termes de ses dernières conclusions d’appelant n° 2, déposées le 6 mars 2023,
Monsieur [J] [R] demande à la cour de :
« SUR L’IRRECEVABILITÉ DE L’ACTION :
– CONSTATER que Monsieur [C] [E] [R] détient moins des deux tiers des droits indivis sur le bien immobilier sis [Adresse 8] à [Localité 12] ;
En conséquence,
– CONSTATER le défaut de qualité de Monsieur [C] [E] [R] à agir à l’encontre de Monsieur [J] [R] pour le voir condamner au paiement d’un indemnité d’occupation ;
En conséquence,
– JUGER IRRECEVABLE l’action de Monsieur [C] [E] [R] ;
AU FOND :
– INFIRMER le jugement du Tribunal judiciaire de SAINT-DENIS (RÉUNION) du 17 mai 2022 (RG n° 21/01129) en ce qu’il a :
. constaté que depuis 2012, Monsieur [J] [R] occupe le bien immobilier sis [Adresse 8] à [Localité 12], composant l’actif successoral relatif à la succession de feue Madame [K] [H] [A] veuve [R] ;
. condamné Monsieur [J] [R] à payer à l’indivision composée des 8 héritiers de feue Madame [K] [H] [A] veuve [R], propriétaires indivis du bien immobilier sis [Adresse 8], à [Localité 12], une indemnité d’occupation annuelle fixée à 7.500,00 euros annuelle soit au total la somme de 37.500,00 euros ;
. dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’exploit introductif d’instance, lequel vaut mise en demeure au sens de l’article 1344 du Code civil ;
. prononcé la capitalisation des intérêts échus, conformément à l’article 1343-2 du Code civil.
Statuant à nouveau,
À titre principal,
DÉBOUTER Monsieur [C] [E] [R] de sa demande tendant à voir condamner Monsieur [J] [R] à payer à l’indivision composée des 8 héritiers de feue Madame [K] [H] [A] veuve [R], propriétaires indivis du bien immobilier sis [Adresse 8], à [Localité 12], une indemnité d’occupation annuelle fixée à 7.500,00 euros annuelle soit au total la somme de 37.500,00 euros ;
DÉBOUTER Monsieur [C] [E] [R] de sa demande tendant à entendre dire que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’exploit introductif d’instance ;
DÉBOUTER Monsieur [C] [E] [R] de sa demande tendant à entendre prononcer la capitalisation des intérêts échus ;
Subsidiairement,
ACCORDER des délais de paiement à Monsieur [J] [R] et l’AUTORISER à acquitter sa dette dans le délai de 24 mois, soit 24 mensualités de 1.562,50 euros.
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE :
CONDAMNER Monsieur [C] [E] [R] à verser à Monsieur [J] [R] la somme de 2.000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER Monsieur [C] [E] [R] aux entiers dépens de la première instance et de l’instance d’appel. »
***
Aux termes de ses uniques conclusions d’intimé, déposées le 13 décembre 2022, Monsieur [C] [E] [R] demande à la cour de :
« JUGER recevable et parfaitement fondée l’action entreprise par M. [C] [E] [R].
En conséquence, CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
CONDAMNER Monsieur [J] [R] à verser à Monsieur [C] [R] la somme de 4 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNER Monsieur [J] [R] aux entiers dépens. »
***
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées, figurant au dossier de la procédure, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile.
A titre liminaire, la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.
Elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.
Sur la qualification du jugement déféré :
Préalablement, la cour observe que le jugement est improprement qualifié de contradictoire alors qu’il résulte de ses mentions que Monsieur [P] [R], Madame [W] [R] épouse [Y], Monsieur [D] [B], Monsieur [I] [B], Madame [V] [B] et Madame [U] [B] ont été régulièrement assignés mais n`ont pas constitué avocat.
Monsieur [J] [R] avait constitué avocat mais celui-ci n’a a pas conclu en dépit d’une injonction de conclure.
Sur la recevabilité de l’action initiée par Monsieur [C] [R] :
En l’absence de conclusions en défense en première instance, Monsieur [J] [R] n’avait pas fait valoir la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir d’agir seul de Monsieur [C] [E] [R]. Le tribunal n’a donc pas statué de ce chef.
En appel, Monsieur [J] [R] demande à la cour de constater que Monsieur [C] [E] [R] détient moins des deux tiers des droits indivis sur le bien immobilier sis [Adresse 8] à [Localité 12]. Ainsi, il ne peut agir seul en condamnation de l’appelant au paiement d’un indemnité d’occupation en faveur de l’indivision.
En réplique, l’intimé affirme que son action est recevable en vertu de l’article 815-2 du code civile prévoyant qu’un indivisaire ne peut accomplir seul que les actes de conservation, ce qui est le cas de l’action en recouvrement de l’indemnité d’occupation prévue par la convention d’occupation, qui a pour objet la conservation des droits des coïndivisaires.
Sur ce,
L’article 815-2 du code civil dispose que tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d’urgence.
Il peut employer à cet effet les fonds de l’indivision détenus par lui et il est réputé en avoir la libre disposition à l’égard des tiers.
A défaut de fonds de l’indivision, il peut obliger ses coïndivisaires à faire avec lui les dépenses nécessaires.
Lorsque des biens indivis sont grevés d’un usufruit, ces pouvoirs sont opposables à l’usufruitier dans la mesure où celui-ci est tenu des réparations.
L’article 815-3 du même code prévoit que le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité :
1° Effectuer les actes d’administration relatifs aux biens indivis ;
2° Donner à l’un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d’administration;
3° Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l’indivision;
4° Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal.
Ils sont tenus d’en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers.
Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l’exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°.
Si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d’administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux.
Les mesures nécessaires à la conservation de la chose indivise que l’article 815-2 du code civil permet à tout indivisaire de prendre seul s’entendent des actes matériels ou juridiques ayant pour objet de soustraire le bien indivis à un péril imminent sans compromettre sérieusement le droit des indivisaires. Le critère essentiel de l’acte conservatoire tient à sa finalité, à savoir la conservation de l’état du bien, l’état du bien s’entendant de toute donnée matérielle ou juridique affectant sa valeur.
En l’espèce, l’action individuelle de Monsieur [C] [E] [R] ne vise qu’à la condamnation d’un autre indivisaire à payer une indemnité d’occupation à l’indivision en contrepartie des sommes qu’il aurait perçues.
Or, l’action de l’intimé n’est pas dirigée contre un tiers à l’indivision mais contre un autre cohéritier sans qu’aucune action en partage n’ait été initiée, ce qui exclut la mise en ‘uvre des dispositions de l’article 815-3 du code civil.
Selon l’article 815-9 du code civil, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision. A défaut d’accord entre les intéressés, l’exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.
L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité.
L’article 815-10 du même code prévoit que sont de plein droit indivis, par l’effet d’une subrogation réelle, les créances et indemnités qui remplacent des biens indivis, ainsi que les biens acquis, avec le consentement de l’ensemble des indivisaires, en emploi ou remploi des biens indivis.
Les fruits et les revenus des biens indivis accroissent à l’indivision, à défaut de partage provisionnel ou de tout autre accord établissant la jouissance divise.
Aucune recherche relative aux fruits et revenus ne sera, toutefois, recevable plus de cinq ans après la date à laquelle ils ont été perçus ou auraient pu l’être.
Chaque indivisaire a droit aux bénéfices provenant des biens indivis et supporte les pertes proportionnellement à ses droits dans l’indivision.
Ainsi, l’action de Monsieur [C] [E] [R] est recevable dès lors qu’elle est fondée sur le recouvrement des fruits et des revenus du biens indivis qui doivent accroître l’indivision, à défaut de partage provisionnel ou de tout autre accord établissant la jouissance divise, et ce sans préjudice du bien-fondé de l’action.
La fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir de Monsieur [C] [E] [R] sera écartée.
Sur le paiement d’une indemnité d’occupation à la charge de l’appelant :
Pour condamner Monsieur [J] [R] à payer une indemnité d’occupation au titre des cinq dernières années, les premiers juges ont considéré que Monsieur [J] [R] occupe le bien dépendant de la succession de Madame [K] [R], au moins depuis le décès de celle-ci.
L’appelant plaide que c’est d’un commun accord avec six de ses coïndivisaires qu’il a été autorisé à occuper la parcelle de terrain litigieuse. Aux termes de ce contrat verbal, Monsieur [J] [R] a été autorisé à occuper le bien indivis sans verser la moindre indemnité d’occupation entre les mains de ses coïndivisaires. La seule obligation mise à sa charge fut d’acquitter les dépenses nécessaires à la jouissance du bien (eau, électricité ‘) ainsi que les impôts.
Il produit les attestations des cohéritiers non constitués.
En réplique, Monsieur [C] [E] [R] fait valoir que Monsieur [J] [R] ne se cache pas de résider au [Adresse 8] depuis le décès de sa mère, puisque c’est l’adresse qu’il indique au notaire. Sa jouissance privative du bien a lieu sans l’accord des propriétaires indivis et en violation de leurs droits. Par conséquent, il est redevable d’une indemnité d’occupation estimée par un notaire entre 7.200 et 7.800€ par an.
Sur ce,
Vu les articles 815-9 et 815-10 du code civil ;
Il résulte de ces dispositions que chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision.
L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité.
En l’espèce, nonobstant les attestations des cohéritiers qui corroborent l’occupation privative du bien indivis par Monsieur [J] [R], il est établi que ce dernier semble bénéficier d’une autorisation tacite de la part de la plupart des indivisaires mais qu’aucune convention n’a été prévue à cet égard, tandis que le président du tribunal judiciaire n’a pas été saisi aux fins de régler provisoirement la situation. Enfin, aucun partage provisionnel n’est envisagé par les parties.
Ainsi, même s’il résulte de ces attestations familiales qu’un accord est intervenu entre la plupart des indivisaires pour permettre à Monsieur [J] [R] d’occuper le bien indivis gracieusement, sous réserve qu’il assure l’entretien et les dépenses y afférent, Monsieur [C] [E] [R] est bien fondé à soutenir qu’il agit pour le compte de l’indivision successorale et dans l’intérêt commun.
La décision de laisser à un indivisaire le bénéfice d’une occupation privative gratuite doit être qualifiée de libéralité qui ne ressortit pas de l’exploitation normale du bien indivis. A ce titre, une telle décision impose le consentement de tous les indivisaires.
En l’occurrence, l’opposition de Monsieur [C] [R] démontre l’absence d’unanimité des indivisaires pour accepter cet acte de disposition.
En conséquence, le jugement querellé doit être confirmé en toutes ses dispositions, la demande relative aux intérêts légaux résultant des dispositions des articles 1344-1 et 1343-2 du code civil.
Sur la demande de délais de paiement :
Monsieur [J] [R] sollicite subsidiairement le bénéfice de délais de paiement.
Cependant, il a été condamné à payer à l’indivision successorale composée des huit héritiers de feue Madame [K] [H] [A] veuve [R], propriétaires indivis du bien immobilier sis [Adresse 8], à [Localité 12], une indemnité d’occupation annuelle fixée à 7500 euros annuelle soit au total la somme de 37.500 euros.
Par ailleurs, les indivisaires ayant accepté le principe de la jouissance privative gratuite du bien indivis en faveur de Monsieur [J] [R], conserveront la possibilité de renoncer à leur droit indivis relatif à l’indemnité d’occupation ainsi fixée, lors du partage.
En conséquence, il convient d’accueillir la demande de délais de paiement en reportant le versement du solde en faveur de l’indivision à 24 mois, et en autorisant Monsieur [J] [R] a s’acquitter de sa dette envers l’indivision par versements mensuels de 1.562,50 euros à compter de la désignation par l’indivision d’un ou plusieurs administrateurs.
Sur les autres demandes :
La nature familiale du litige justifie le rejet des demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile bien que les dépens de l’appel et de première instance soient mis à la charge de Monsieur [C] [E] [R] qui succombe.
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
ECARTE la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir de Monsieur [C] [E] [R] ;
CONFIRME le jugement querellé en toutes ses dispositions soumises à la cour, sauf celles relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ;
Y AJOUTANT,
ACCORDE à Monsieur [J] [R] des délais de paiement en reportant le versement du solde en faveur de l’indivision à 24 mois à compter de la désignation par l’indivision d’un ou plusieurs administrateurs puis en l’autorisant à s’acquitter de sa dette envers l’indivision par versements mensuels de 1.562,50 euros ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [J] [R] aux dépens de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?