Indemnisation des préjudices locatifs et matériels suite à des travaux non conformes.

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Indemnisation des préjudices locatifs et matériels suite à des travaux non conformes.

Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination, conformément à l’article 1792 du Code civil. En vertu du principe de réparation intégrale du préjudice, les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu’il en résulte pour elle ni perte ni profit. La durée de l’indemnisation du préjudice de jouissance doit être déterminée en fonction de la date à laquelle les biens immobiliers sont devenus habitables et disponibles à la location, et non en fonction des aléas du chantier de réfection. Les préjudices immatériels, tels que la perte locative, doivent être évalués en tenant compte de la réalité de la valeur locative des biens concernés, et non de manière théorique.

L’Essentiel : Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l’acquéreur des dommages compromettant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination. Les dommages-intérêts doivent réparer le préjudice subi, sans perte ni profit pour la victime. La durée de l’indemnisation doit être déterminée selon la date de mise à disposition des biens immobiliers, et les préjudices immatériels, comme la perte locative, doivent être évalués sur la base de la valeur locative réelle.
Résumé de l’affaire :

Exposé du Litige

Entre 1999 et 2002, un maître d’ouvrage a confié à un architecte la maîtrise d’œuvre de travaux de réhabilitation d’un immeuble d’habitation pour créer deux logements destinés à la location. Une entreprise de charpente, désormais en liquidation judiciaire, était responsable du lot charpente-couverture. Les travaux ont été réceptionnés le 2 juillet 2002.

Découverte des Désordres

En novembre 2011, le maître d’ouvrage a été informé par un locataire d’un défaut de stabilité d’une galerie. Un expert judiciaire a été désigné, et son rapport a révélé que les travaux n’étaient pas conformes aux engagements contractuels, en raison de la dégradation des bois, compromettant la solidité de la galerie.

Jugement du Tribunal de Grande Instance

Sur assignation du maître d’ouvrage, le tribunal a condamné in solidum l’architecte et l’assureur à payer une somme pour les travaux de reprise et à indemniser la perte de loyers. La responsabilité a été partagée par moitié entre les coobligés.

Appel et Décisions de la Cour d’Appel

En appel, la cour a infirmé certaines décisions, limitant l’indemnisation des préjudices immatériels jusqu’à une date antérieure à celle demandée par le maître d’ouvrage. Elle a également condamné les défendeurs à payer des sommes pour les travaux de reprise et d’autres frais.

Cassation par la Cour de Cassation

La cour de cassation a annulé partiellement la décision de la cour d’appel, en ce qui concerne la limitation de l’indemnisation des préjudices locatifs, en affirmant que les dommages-intérêts doivent réparer intégralement le préjudice.

Renvoi et Nouvelles Conclusions

La cour d’appel de Bordeaux a été saisie pour statuer à nouveau. Le maître d’ouvrage a demandé la confirmation des condamnations antérieures et l’indemnisation des préjudices matériels et immatériels.

Décision Finale

La cour a condamné in solidum l’architecte et l’assureur à verser des sommes significatives au maître d’ouvrage pour la perte de loyers, les taxes d’enlèvement des ordures ménagères, ainsi que pour la consommation d’électricité et d’eau. Elle a également accordé des frais supplémentaires au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement de la responsabilité des constructeurs en matière de désordres affectant un ouvrage ?

La responsabilité des constructeurs est régie par l’article 1792 du Code civil, qui stipule que « tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. »

Cette disposition établit un principe de responsabilité sans faute, ce qui signifie que le constructeur est tenu de réparer les dommages causés par des désordres, indépendamment de toute négligence de sa part.

En application de ce principe, les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu’il en résulte pour elle ni perte ni profit. Cela implique que la réparation doit être intégrale et couvrir l’ensemble des préjudices subis par le maître d’ouvrage.

Quel est le principe de la réparation intégrale du préjudice ?

Le principe de la réparation intégrale du préjudice est également ancré dans l’article 1792 du Code civil, qui précise que les dommages-intérêts doivent réparer le préjudice subi par la victime.

Ainsi, il est établi que « les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu’il en résulte pour elle ni perte ni profit. » Cela signifie que la réparation doit être complète et que la victime ne doit pas bénéficier d’un enrichissement injustifié à la suite de l’indemnisation.

Dans le cadre de cette jurisprudence, la cour de cassation a rappelé que la détermination du terme des préjudices immatériels subis par le maître de l’ouvrage doit se faire en tenant compte de la date à laquelle les biens immobiliers auraient pu être habitables et disponibles à la location.

Quel est l’impact de la date de réception des travaux sur l’indemnisation des préjudices immatériels ?

La date de réception des travaux est cruciale pour déterminer la période d’indemnisation des préjudices immatériels. En effet, la cour de cassation a précisé que la réparation des préjudices doit être évaluée jusqu’à la date à laquelle les logements étaient effectivement habitables.

Dans cette affaire, la cour a retenu que la date de réception des travaux, fixée au 20 janvier 2020, ne pouvait pas être considérée comme le terme de l’indemnisation, car il n’a pas été prouvé que les logements étaient habitables à cette date.

La cour a donc déterminé que la date à retenir pour la fin de l’indemnisation était le 2 août 2019, date à laquelle les logements étaient considérés comme louables, ce qui a un impact direct sur le montant des préjudices à indemniser.

Quel est le rôle des expertises judiciaires dans l’évaluation des préjudices ?

Les expertises judiciaires jouent un rôle fondamental dans l’évaluation des préjudices, notamment en matière de désordres affectant un ouvrage. Dans cette affaire, un expert judiciaire a été désigné pour évaluer les travaux réalisés et déterminer la conformité de ceux-ci aux engagements contractuels.

L’expert a conclu que les travaux n’étaient pas conformes et a identifié les causes des désordres, ce qui a permis de quantifier les préjudices subis par le maître d’ouvrage.

Les rapports d’expertise sont essentiels pour établir la réalité des désordres et leur impact sur la valeur locative des biens, ainsi que pour justifier les montants des indemnités demandées par le maître d’ouvrage.

Quel est le cadre juridique des frais irrépétibles en matière de procédure civile ?

Les frais irrépétibles sont régis par l’article 700 du Code de procédure civile, qui dispose que « la cour peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. »

Ces frais incluent les honoraires d’avocat et autres frais engagés par une partie pour la défense de ses intérêts dans le cadre d’une procédure judiciaire.

Dans cette affaire, la cour a condamné les défendeurs à verser une somme au titre de l’article 700, ce qui souligne l’importance de cette disposition pour garantir une certaine équité dans le partage des frais de justice entre les parties.

Quel est le principe de la perte de chance en matière d’indemnisation des préjudices locatifs ?

Le principe de la perte de chance est appliqué dans le cadre de l’indemnisation des préjudices locatifs, où il est reconnu que le préjudice subi par le bailleur ne peut être égal à la somme théorique des loyers qu’il aurait pu percevoir.

La cour a estimé que le préjudice de jouissance lié à une perte de loyers doit être évalué en tant que perte de chance, ce qui signifie que l’indemnisation doit être proportionnelle à la probabilité que les logements auraient été loués pendant la période considérée.

Dans cette affaire, la cour a fixé cette perte de chance à 85 %, ce qui a conduit à une réduction du montant des loyers théoriques à indemniser, afin de refléter la réalité du marché locatif et les incertitudes inhérentes à la location de biens immobiliers.

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

2ème CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 27 FEVRIER 2025

N° RG 24/03576 – N° Portalis DBVJ-V-B7I-N4OQ

[J] [W]

c/

[F] [H]

S.A. AXA FRANCE IARD

Nature de la décision : AU FOND

SUR RENVOI DE CASSATION

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décisions déférées à la Cour :

-sur renvoi de cassation d’un arrêt rendu le 2 mai 2024 (Pourvoi n°N 22-12.473) par la 2ème chambre civile de la Cour de Cassation

-sur un arrêt rendu le 09 septembre 2021 (RG 20/04123) par la 2ème chambre civile de la Cour d’Appel de BORDEAUX

-saisie sur renvoi de cassation d’un arrêt rendu le 09 juillet 2020 (Pourvoi N° V19-18.954) par la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation

-sur un arrêt rendu le 17 décembre 2018 (RG 16/2657) par la 1ère chambre Section 1 de la Cour d’Appel de TOULOUSE

-en suite d’un jugement du Pôle civil du tribunal de grande instance de TOULOUSE du 16 février 2016 (RG 13/4624) suivant déclaration de saisine en date du 25 juillet 2024

DEMANDEUR :

[J] [W]

né le 28 Juillet 1968 à [Localité 5]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Vanessa MEYER de la SELARL MEYER & SEIGNEURIC, avocat au barreau de BORDEAUX

et assisté de Me PANAYE, avocat au barreau de TOULOUSE

DEFENDERESSES :

[F] [H]

née le 18 Février 1963 à [Localité 5]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me David CZAMANSKI de la SCP LATOURNERIE – MILON – CZAMANSKI – MAZILLE, avocat au barreau de BORDEAUX substitué à l’audience par Me Léa GHASSEMEZADEH

S.A. AXA FRANCE IARD

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au dit siège [Adresse 1]

Représentée par Me Emmanuelle MENARD de la SELARL RACINE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été examinée le 07 janvier 2025 en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Jacques BOUDY, Président

Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller

Madame Bénédicte DE VIVIE, Conseillère

Le rapport oral de l’affaire a été fait à l’audience avant les plaidoiries.

Greffier lors des débats : Madame Chantal BUREAU

Greffier lors du prononcé : Madame Marie-Laure MIQUEL

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Entre 1999 et 2002, M. [J] [W] a confié à Mme [F] [L]-[H], architecte, la maîtrise d »uvre de travaux de réhabilitation d’un immeuble d’habitation situé sur le territoire de la commune de [Localité 4] afin d’y créer deux logements destinés à la location, la société ABC Charpente, désormais en liquidation judiciaire, assurée en responsabilité décennale par la société Axa France lard, étant titulaire du lot charpente-couverture.

M. [W] a réglé les travaux réalisés par cette entreprise dont le lot a été réceptionné le 2 juillet 2002.

Au mois de novembre 2011, avisé par un de ses locataires d’un défaut de stabilité et d’ancrage d’une galerie à ossature de bois ou galerie Commingeoise, M. [W] a obtenu par ordonnance de référé du 6 septembre 2012, la désignation de M. [X] en qualité d’expert judiciaire.

Ce dernier a déposé son rapport le 21 février 2013.

Dans son rapport, l’expert a indiqué que les travaux effectués par les différents intervenants n’étaient pas conformes qualitativement aux engagements contractuels pris en raison de la dégradation des bois par des champignons lignivores ayant entraîné la présence d’un garde corps non sécurisé.

Selon lui, les désordres ‘ apparus postérieurement à la réception des travaux du 2 juillet 2002 – rendaient impropres à leur destination l’immeuble et compromettaient la stabilité et la solidité de la galerie commingeoise.

Il concluait que la cause des désordres résidait dans l’emploi d’un bois de « classe 1 », en l’occurrence, du sapin, alors qu’un bois de « classe 3 » minimum aurait dû être utilisé.

Sur assignation délivrée par M. [W], par jugement du 16 février 2016, le tribunal de grande instance de Toulouse a, le 16 février 2016 :

– Condamné in solidum Mme [L]-[H] et la société Axa France lard à payer à M. [W] la somme de 45 538,26 euros au titre des travaux de reprise,

– Fixé le partage de responsabilité entre les coobligés par moitié,

– Condamné in solidum Mme [L]-[H] et la société Axa France lard à payer à M. [W] la somme de 400 euros par mois à compter du mois de décembre 2011 jusqu’à la date de règlement du montant des travaux de reprise au titre de la perte de loyers,

– Statué sur les demandes d’indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

S’agissant des dommages immatériels, le tribunal a estimé que seul l’appartement du premier étage était loué, le demandeur s’étant réservé l’usage de celui du rez-de-chaussée, que le loyer s’élevait à 318,83 € par mois mais que compte tenu d’un certain préjudice de jouissance affectant aussi l’appartement du rez-de-chaussée, le montant total de ce préjudice pouvait être évalué à 400 € par mois.

S’il estimait que ce préjudice devait être réparé depuis le 1er décembre 2011jusqu’à la date de réception des travaux de remise en état, dans son dispositif, il limitait cette date à celle du règlement des travaux de reprise.

Sur appel de M. [W], par arrêt du 17 décembre 2018, la cour d’appel de Toulouse a infirmé le jugement à l’exception des indemnités allouées au titre des frais irrépétibles et, statuant à nouveau, a, notamment :

– Débouté M. [W] de sa demande visant à voir indemniser son préjudice locatif, les taxes foncières et frais d’eau et d’électricité jusqu’au 30 juin 2018 et dit que ces chefs de préjudice seront indemnisés jusqu’au 30 juin 2016, date de réception des sommes nécessaires à la réalisation des travaux réparatoires.

– Condamné in solidum Mme [L]-[H] et la société Axa France lard à payer à M. [W] les sommes de :

– 45 008,29 euros, outre indexation sur l’évolution de l’indice BT01 depuis le 21 février 2013, au titre des travaux de reprise,

– 828,66 euros au titre des frais de mise en sécurité du garde-corps,

– 49 260,32 euros au titre du préjudice locatif pour les deux appartements,

– 1 302,75 euros au titre de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères,

– 1 054,87 euros au titre des factures d’électricité,

– 1 066,98 euros au titre de la consommation d’eau,

– Condamné in solidum Mme [L]-[H] et la société Axa France lard à payer à M. [W] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens d’appel.

La cour d’appel avait retenu que les deux logements étaient bien destinés à la location, que celui du rez-de-chaussée était libre en mai 2012 et celui de l’étage à compter de novembre 2012, ces deux dates constituant alors le point de départ du préjudice de jouissance puisqu’en raison de l’état de vétusté et de dangerosité de la galerie, ces appartements ne pouvaient être reloués.

Elle estimait que ce préjudice de jouissance devait prendre fin à la date de perception des fonds permettant de réaliser les travaux de reprise, soit en mai 2016, et que le loyer qui pouvait être exigé pour chacun des appartements s ‘élevait à 464,72 €.

Sur pourvoi formé par M. [W], par arrêt du 9 juillet 2020, la cour de cassation a cassé et annulé cette décision, mais seulement en ce qu’elle ‘limite l’indemnisation allouée au titre du préjudice locatif, de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, des factures d’électricité et de la consommation d’eau aux sommes de 49 260,32 euros, de 1 302,75 euros, de 1 054,87 euros et de 1 066,98 euros et en ce (que l’arrêt) dit que ces chefs de préjudice seront indemnisés jusqu’au 30 juin 2016″, au motif que :

 » Vu l’article 1792 du code civil et le principe de réparation intégrale du préjudice :

4. Selon le texte susvisé, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.

5. En application du principe énoncé, les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu’il en résulte pour elle ni perte ni profit.

6. Pour fixer le terme des préjudices immatériels subis par le maître de l’ouvrage à la date du 30 juin 2016, l’arrêt retient que celui-ci a reçu à cette date les sommes allouées par le jugement en réparation de son préjudice matériel et que les constructeurs responsables des désordres n’ont pas à supporter les aléas du chantier de réfection ou les délais de séchage du bois à poser.

7. En se déterminant ainsi, sans constater que les biens immobiliers auraient été habitables et disponibles à la location avant l’achèvement des travaux de reprise, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.  »

Par arrêt du 9 septembre 2021, la cour d’appel de Bordeaux a :

– Fixé l’indemnisation du préjudice de jouissance de M. [W] portant sur la perte locative, les frais de taxes d’enlèvement des ordures ménagères, de la consommation d’électricité et d’eau jusqu’au 1er mars 2017.

– Condamné Mme [L]-[H] et la société Axa France Iard in solidum à payer à M. [W] la somme de 51.118,70 euros au titre de la perte locative ainsi que les sommes de 1.844,12 euros, 1.230,85 euros et 1.126,52 euros au titre des frais de taxes d’enlèvement des ordures ménagères, de la consommation d’électricité et d’eau en deniers ou quittance.

– Débouté M. [W] du surplus de ses demandes.

– Débouté Mme [L]-[H] et la société Axa France Iard du surplus de leurs demandes.

– Condamné Mme [L]-[H] et la société Axa France Iard in solidum à verser à M. [W] une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamné in solidum Mme [L]-[H] et la société Axa France Iard aux dépens de la présente instance à charge pour elles de les supporter par moitié.

La cour d’appel avait estimé que la cassation ne portait que sur la question de la durée du préjudice de jouissance et non sur celle de son quantum.

Elle avait décidé que les travaux de reconstruction étaient achevés à la date d’une facture de l’entreprise Campet, soit le 22 décembre 2016, et que pour tenir compte du temps nécessaire pour réaliser ensuite les travaux d’enduits et de peinture, les logements devaient être considérés comme disponibles à la location à compter du 1er mars 2017.

Monsieur [J] [W] a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Par arrêt du 2 mai 2024, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a :

– Cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 9 septembre 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ;

– Remis l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux autrement composée ;

– Condamné Mme [L]-[H] et la société Axa France Iard aux dépens ;

– Rejeté, en application de l’article 700 du code de procédure civile, les demandes formées par Mme [L]-[H] et la société Axa France Iard et les condamne à payer à M. [W] la somme globale de 3.000 euros ;

Par déclaration électronique du 25 juillet 2024, Monsieur [J] [W] a saisi la cour d’appel de renvoi.

Dans ses dernières conclusions du 19 décembre 2024, Monsieur [J] [W] demande à la cour de :

– Rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées.

– Confirmer et constater le caractère définitif suivant l’arrêt rendu par la cour d’appel de Toulouse le 17 décembre 2018 :

– De la condamnation in solidum de la compagnie Axa et de Madame [L]-[H] au titre des préjudices matériels (travaux de reprise, honoraires de maîtrise d »uvre et frais de mise en sécurité du garde-corps)

– De la condamnation in solidum de la compagnie Axa et de Madame [L]-[H] au titre des préjudices immatériels pour les deux appartements à savoir :

– Perte locative,

– Taxe d’enlèvement des ordures ménagères,

– Factures d’électricité,

– Consommation d’eau.

Vu la cassation partielle de l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse limitée au quantum et à la durée de l’indemnisation des préjudices immatériels, Vu la cassation en toutes ses dispositions de l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 9 septembre 2021,

– Infirmer le jugement du tribunal de grande instance rendu le 18 février 2016 tant sur le quantum que sur la durée de l’indemnisation des préjudices immatériels,

Statuant à nouveau,

Sur le quantum de l’indemnisation,

– Condamner in solidum Madame [L]-[H] et la compagnie Axa à lui verser la somme de 590 € par mois pour le logement du rez-de-chaussée à compter de février 2012, outre indexation en fonction de l’évolution de l’IRL, jusqu’au mois de janvier 2020 inclus soit à la somme de 57.544,35 € selon tableau produit en pièce 70,

– Condamner in solidum Madame [L]-[H] et la compagnie Axa à lui verser la somme de 640 € par mois pour le logement du premier étage à compter de novembre 2012, outre indexation en fonction de l’évolution de l’IRL, jusqu’au mois de janvier 2020 inclus soit à la somme de 56.660,94 € selon tableau produit en pièce 70,

– Condamner in solidum Madame [L]-[H] et la compagnie Axa à lui rembourser la taxe d’enlèvement des ordures ménagères de 2013 à janvier 2020 inclus soit à la somme de 2.891,33 €,

– Condamner in solidum Madame [L]-[H] et la compagnie Axa à rembourser Monsieur [W] les frais de consommation d’électricité et d’eau de 2012 à janvier 2020 inclus soit 2.286,94 € au titre de l’électricité et 1.527,58 € au titre de la consommation d’eau,

Sur la durée de l’indemnisation,

A titre principal,

– Juger que l’indemnisation du préjudice de jouissance en ce compris la perte locative, les frais de taxes d’enlèvement des ordures ménagères, de consommation d’électricité et d’eau se comprend jusqu’à la date de réception des travaux de reprise par le propriétaire soit au 20 janvier 2020 suivant procès-verbal de réception,

A titre subsidiaire,

– Juger que l’indemnisation du préjudice de jouissance en ce compris la perte locative, les frais de taxes d’enlèvement des ordures ménagères, de consommation d’électricité et d’eau se comprend jusqu’au 2 août 2019, date de règlement des derniers travaux de reprise par le propriétaire (pièce 79 – facture Balard : pose du garde-corps de la galerie commingeoise),

En tout état de cause,

– Condamner in solidum Madame [L]-[H] et la compagnie Axa à lui verser la somme de 6.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris la procédure de référé, le coût des deux rapports d’expertise judiciaire et de frais d’estimation de la valeur locative d’un montant de 120€.

Dans ses dernières conclusions du 21 novembre 2024, Madame [F] [L]-[H] demande à la cour de :

– Confirmer le jugement en date du 16 février 2016 :

– Ayant fixé le montant des travaux de reprise chiffrés à la somme globale de 45.538,26 euros TTC,

– Ayant condamné in solidum Madame [L] [H] et Axa selon une proportion de 50% au paiement de cette somme soit 50% pour l’architecte et 50% pour Axa.

– Ayant condamné selon les mêmes modalités que pour la prise en charge des travaux de reprise (50% chacun) Axa à prendre en charge le montant des préjudices immatériels.

– Débouter Monsieur [W] de sa demande visant à voir condamner les défendeurs in solidum au paiement de la somme mensuelle de 590 euros par mois pour l’appartement du rez-de-chaussée de février 2012 à janvier 2020 soit 57.544,35 euros,

– Débouter Monsieur [W] de sa demande visant à voir condamner les défendeurs in solidum à la somme mensuelle de 640 euros par mois pour l’appartement du 1er étage de novembre 2012 à janvier 2020 soit la somme de 56.660,94 euros,

– Débouter Monsieur [W] de sa demande visant à voir condamner les défendeurs in solidum au paiement des sommes de 2.891,33 euros (ordures ménagères), 2.286,94 euros au titre de l’électricité, 1.527,58 euros au titre de la consommation d’eau.

En conséquence,

– Fixer à la somme de 371,78 euros (abattement de 20% sur 464,72 euros) l’indemnisation du préjudice locatif correspondant à une perte de chance pour chacun des deux appartements, à compter de mai 2012 pour l’appartement du rez-de-chaussée et de novembre 2012 pour celui du 1er étage et subsidiairement à la somme de 468,72 euros pour chacun des deux appartements,

– Dire que la durée d’indemnisation restera fixée jusqu’au 30/06/2016 ce qui représente principalement la somme de 18.678,80 euros et subsidiairement la somme de 23.236 euros pour l’appartement du rez-de-chaussée et 20.819,46 euros et subsidiairement la somme de 26.024,32 euros pour celui du 1er étage,

– Ramener à de plus justes proportions l’indemnisation revendiquée au titre des frais d’ordures ménagères, électricité et eau qui devront rester fixés au mois de juin 2016 représentant les sommes respectives de 1.302,75 euros, 1.054,87 euros et 1.066,98 euros.

– Dire que les condamnations seront prononcées en deniers ou quittances,

– Dire que les sommes réglées en exécution des décisions rendues viendront en déduction d’éventuelles condamnations complémentaires susceptibles d’être prononcées,

– Condamner la compagnie Axa à la relever et la garantir de toutes éventuelles condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre, en principal, frais, accessoires, intérêts et dépens dans la proportion de 50%,

– Condamner tous succombants à lui régler une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions du 21 novembre 2024, la société Axa France demande à la cour de :

– Rejeter toutes conclusions contraires comme mal fondées,

Statuant à nouveau sur les chefs de dispositif de l’arrêt de la Cour d’appel de Toulouse du 17 décembre du fait de la cassation totale de l’arrêt de la cour de Bordeaux,

– Réformer le jugement du 16 février 2016 des chefs du quantum et de la durée des préjudices immatériels dont il a indemnisé Monsieur [W],

Statuant à nouveau,

– Juger que le terme des préjudices immatériels subis par le maître d’ouvrage sera fixé au 30 juin 2016 et motiver sa décision en procédant aux constatations de faits nécessaires à satisfaire le contrôle exercé par la Cour de cassation,

– Débouter Monsieur [W] des demandes indemnitaires sur une durée plus longue,

– Juger que les préjudices de jouissance seront indemnisés à hauteur de 23.236 euros pour le rez-de-chaussée et 26.024,32 euros pour le 1er étage, soit jusqu’en juin 2016,

– Juger en conséquence que seront allouées les sommes correspondantes aux taxes foncières et factures d’eau, électricité pour la même période afférente, soit les sommes de 1.302,75 euros, 1.054,87 euros et 1.066,98 euros,

– Juger que les condamnations seront prononcées en deniers ou quittance, eu égard aux versements déjà effectués en exécution des décisions de première instance et d’appel,

– Condamner Monsieur [W] à s’acquitter de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance, qui pourront être directement recouvrés par Maître Menard sur son offre de droit, en application de l’article 699 du Code de procédure civile,

– Confirmer le jugement en ce qu’il a dit opposable aux tiers la franchise stipulée pour les garanties facultatives à hauteur de 11.614 francs soit 2.690,40 euros, réactualisée,

– Débouter Monsieur [W] du surplus de ses demandes.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 décembre 2024.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I- Sur la portée de la cassation

Conformément aux dispositions de l’article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce.

Elle s’étend également à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

La cassation annule intégralement le chef de dispositif qu’elle atteint quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation et la cour de renvoi n’est pas liée par les motifs de l’arrêt cassé, étant tenue d’examiner tous les moyens soulevés devant elle.

Il résulte par ailleurs des dispositions de l’article 625 du même code que sur les points qu’elle atteint la décision replace les parties dans l’état où elles se trouvaient avant l’arrêt cassé.

La cour de renvoi est ainsi saisie par l’acte d’appel initial, dans les limites du dispositif de l’arrêt de cassation.

En l’espèce, la cour de cassation, dans son arrêt du 2 mai 2024, adoptait la motivation suivante :« La portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce. Elle s’étend également à l’ensemble des dispositions du jugement ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

Pour condamner Mme [L]-[H] et la société Axa France Iard in solidum à payer à M. [W] plusieurs sommes au titre du préjudice de jouissance sur la perte locative, les frais de taxe d’enlèvement des ordures ménagères, de la consommation d’électricité et d’eau jusqu’au 1er mars 2017, et le débouter du surplus, l’arrêt retient que les parties s’opposent sur la portée exacte de la cassation, qu’il convient de relever que l’arrêt de cassation est fondé uniquement sur la deuxième branche du moyen relative au terme arrêté de la période de préjudice immatériel, que la cassation partielle ne porte que sur la durée de l’indemnisation au titre de la perte locative et non sur le quantum mensuel de ce préjudice immatériel résultant de la perte des loyers et qu’il y a lieu de débouter Monsieur [W] de sa demande portant sur le quantum mensuel de son préjudice locatif.

En statuant ainsi, alors que le dispositif de l’arrêt de cassation avait cassé l’arrêt précédent

en ce qu’il a limité l’indemnisation allouée au titre du préjudice locatif [‘] et en ce qu’il a dit que ces chefs de préjudice seront indemnisés jusqu’au 30 juin 2016, la cour d’appel de renvoi, qui a réduit sa saisine au regard du moyen ayant déterminé la cassation, et non au regard du dispositif de l’arrêt de cassation, a violé le texte susvisé. ».

Il n’est pas contesté que les dispositions de l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse, qui a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Toulouse du 18 février 2016 sur le principe des responsabilités et leur répartition par moitié entre le maître d’oeuvre et l’assureur de l’entreprise ABC Charpente et l’a infirmé sur le montant des dommages et intérêts destinés à réparer le dommage matériel, sont devenus irrévocables.

Que seuls demeurent en discussion la durée du préjudice de jouissance subi par M. [W] du fait de l’indisponibilité des deux logements qu’il avait l’habitude d’offrir à la location et le quantum de ce préjudice, c’est-à-dire en réalité le montant de leur valeur locative.

II- La durée du préjudice de jouissance

Il est établi par un procès-verbal d’état des lieux du 27 janvier 2012 que le logement du rez-de-chaussée a été libéré à cette date et non reloué.

S’agissant de l’appartement de l’étage, il n’est pas contesté qu’il est demeuré vacant à compter de novembre 2012.

Pour ce qui concerne la détermination de la fin de la période indemnisable, M. [W] considère qu’il ne peut s’agir que du moment à compter duquel les appartements pouvaient être effectivement loués, c’est-à-dire en l’espèce, à compter du procès-verbal de réception des travaux, le 20 janvier 2020 ou à défaut, à la date de mise en place du garde-corps, soit le 2 août 2019.

Mme [L] [H] et la société Axa estiment qu’alors que M. [W] disposait des fonds nécessaires dès mars 2016, il ne peut donc invoquer une durée des travaux de près de quatre années.

Qu’il était, dès ce moment, en mesure de débuter les travaux alors qu’il ne justifie pas des raisons qui ont conduit à une réception des travaux aussi tardive que le 20 janvier 2020 puisqu’on ne peut que constater qu’ils n’ont guère commencé avant courant 2019.

Qu’il ne s’agit pas de se déterminer en fonction de la date à laquelle les appartements sont devenus habitables mais de celle à laquelle les travaux auraient dû légitimement être achevés et les appartements considérés comme pouvant être habités sans quoi la date la durée de la période indemnisée serait laissée à son libre arbitre.

Même si M. [W] affirme n’avoir perçu le solde des sommes dues par Mme [L] [H] et la société Axa qu’en juin et septembre 2019, il ne conteste nullement avoir perçu des acomptes suffisants pour réaliser les travaux, soit 31 078, 73 €, le 4 mai 2016 et 21 247,38 € le 25 avril 2016.

Il ne peut pas lui être reproché d’avoir tardé à exécuter les diligences propres à permettre le début des travaux, bien au contraire, puisqu’avant même le versement des sommes susdites, il avait demandé un devis à un maître d’oeuvre, devis qu’il a reçu le 6 novembre 2015 (pièce 83).

Il a signé le devis dès le 6 mai 2016, c’est-à-dire immédiatement après avoir perçu les sommes nécessaires.

De même a-t’il demandé et obtenu le 19 juillet suivant un devis d’un bureau d’études qu’il a accepté et pour lequel il payé le prix convenu, par chèque émis quelques jours plus tard, le 25 juillet (copie du chèque pièce 84).

Les entreprises chargées des travaux ont été saisies également avec diligence puisque toutes s’étaient engagées sur des délais déterminés aux termes d’attestations d’août 2016.

Ainsi, par exemple, le 1er août 2016, l’entreprise Campet chargée de la démolition de l’ancienne galerie et de la reconstruction d’une nouvelle galerie, certifiait que les travaux

auraient une durée de 10 à 13 semaines (pièce 41).

Il résulte encore d’une attestation du 12 octobre 2016 que M. [V] qui exerçait son activité sous l’enseigne ‘Les bois de la vallée du Job’, attestait qu’il entreprendrait le sciage des pièces de bois nécessaires dès le lundi suivant 17 octobre.

Il est établi que les travaux concernant la reconstruction de la galerie ont débuté sans tarder ainsi qu’il résulte d’une facture de la société [Y] du 22 décembre 2016 (pièce 74);

Cependant et contrairement à ce qu’avait pu en déduire la cour de céans le 9 septembre 2021, cette facture ne démontre pas que les travaux étaient alors terminés car sa lecture attentive révèle qu’il ne s’agissait que d’une situation n°1 et relative à un état d’avancement de 32 %, pour un montant de 8000 €.

Une autre facture de la même société, du 3 mai 2017, est produite aux débats et se rapporte à la situation n° 2 pour un montant de 10 000 €.

Elle ne démontre pas pour autant qu’à cette date, les travaux étaient terminés puisqu’elle faisait état d’un état d’avancement de 71 %.

Ce qui semble être une facture finale est daté du 30 septembre 2017 et ne porte que sur la main d’oeuvre.

Une facture du 18 octobre 2017 se rapporte quant à elle à la mise en lasure des pièces de bois pour un montant de 13 590,28 €.

Il est certes exact qu’il faudra ensuite attendre le 13 mai 2019 pour trouver une facture d’un montant de 4 974,91 € relative à la fourniture de lames destinées au plancher de la galerie et une autre du 7 juin 2019 concernant la pose de ces lames.

Une facture du 12 juillet 2019, d’un montant de 8 338 € démontre que les enduits venaient d’être appliqués tandis que le garde-corps, sans lequel la galerie n’était pas utilisable sans danger, n’a été mis en place que postérieurement, ainsi qu’il résulte d’une facture du 2 août 2019.

Aucune explication n’est fournie sur le fait que la fourniture et la pose du plancher qui étaient naturellement compris dans le devis de la société [Y], tout comme celles du garde-corps, ont été finalement réalisées par des entreprises tierces.

Il est certain que la réalisation complète de la galerie, indépendamment même de la réalisation des enduits, s’est étirée sur une durée sans doute excessive même s’il est soutenu qu’il convenait de tenir compte du temps de séchage des pièces de bois de châtaignier.

Ainsi, le maître d’oeuvre écrivait-il à M. [W], le 14 août 2018, à la suite d’un entretien téléphonique qu’ils avaient eu ensemble, que le retard du chantier était dû principalement ‘à un séchage du bois beaucoup plus long que prévu’ et évoquait également le remplacement de certaines pièces défectueuses.

Il expliquait qu’il restait encore à réaliser le plancher, le garde-corps et les enduits ( pièce 52).

Mais il apparaît que ces retards ne sont nullement imputables au maître de l’ouvrage qui

apparaît avoir au contraire accompli toutes les diligences à sa disposition, réglant sans aucun retard les acomptes qui lui étaient demandés et ayant fait appel à un maître d’oeuvre qui assurait un suivi régulier et organisait des réunions de chantier ainsi qu’il résulte par exemple du procès-verbal de la réunion de chantier n° 9 du 9 juillet 2018 (pièce n° 87).

Il s’en déduit que ce n’est donc sans faute de sa part que les logements n’ont pu être proposés à la location avant septembre 2019.

Il n’y a pas lieu en revanche de tenir compte du procès-verbal de réception du 20 janvier 2020 puisqu’il n’apparaît pas qu’après août 2019, des travaux indispensables à l’habitabilité des logements ont été réalisés.

Sera retenue la date du 2 août 2019 comme constituant celle à compter de laquelle les logements étaient habitables et susceptibles d’être loués.

III- Le montant des préjudices

C’est à tort que la société Axa soutient que M. [W] n’établit pas la réalité de la valeur locative de ses appartements.

Il produit en effet un avis d’une agence immobilière qui démontre suffisamment que ces biens pouvaient être loués entre 602,98 € et 623,78 € pour l’appartement du rez-de-chaussée et entre 654,96 € et 675,76 € pour celui de l’étage.

Il n’apparaît dès lors pas excessif de retenir une valeur locative de 590 € pour le premier et de 640 € pour le second.

Dans ces conditions la perte de loyers potentielle peut être évaluée, pour la période courue de février 2012 pour l’appartement du rez-de-chaussée et de novembre 2012 pour celui de l’étage jusqu’en août 2019 inclus, à la somme totale de 107 764,82 € sur la base du tableau récapitulatif dressé par M. [W] dont les calculs ne sont pas contestés et qui prennent en compte les indexations annuelles (pièce 69).

Mme [L] [H] relève cependant que le préjudice subi par le bailleur ne peut s’analyser qu’en une perte de chance de percevoir des loyers de sorte qu’il ne peut lui être accordé la totalité du montant théorique des loyers qu’il aurait pu percevoir pendant la période considérée.

Ce dernier fait valoir qu’il s’agit là d’une demande nouvelle en cause d’appel et donc irrecevable.

Mais si les demandes nouvelles en cause d’appel sont irrecevables au visa de l’article 564 du code de procédure civile, cette prohibition ne s’applique qu’aux prétentions des parties.

Il ne s’agit ici que d’un moyen de défense, recevable en tout état de cause.

Or, il est bien exact que le préjudice de jouissance lié à une perte de loyers ne peut être égal à la somme théorique des loyers susceptibles d’avoir été perçus puisqu’il n’existe pas de certitude que les logements en question auraient pu être loués continûment pendant la période considérée, les loyers payés scrupuleusement et les logements dotés de locataires successifs sans vacance aucune.

Par conséquent, le préjudice subi s’analyse en une perte de chance qui sera évaluée ici à 85 % de sorte que la somme allouée s’établit à : 107 764,82 X 85% = 91 600,97 €.

M. [W] justifie du montant des taxes d’enlèvement des ordures ménagères mais, sur la base de son tableau récapitulatif, il sera tenu compte de la réduction de la période à prendre en compte et de la proportion de 85 % arrêtée ci avant.

La somme due s’établit alors à 2026,40 €.

De la même manière, M. [W] produit tous les justificatifs et les tableaux récapitulatifs des consommations en électricité et en eau étant entendu qu’elles auraient été à la charge des locataires s’il avait été possible de louer les logements considérés.

C’est aussi pour cette raison que les sommes en résultant seront affectées du coefficient susvisé.

Il lui sera donc alloué les sommes de :

-2 286,94 X 85% = 1 943,89 € au titre de la consommation électrique

-1 527,58 X 85 % = 1 298,44 € au titre de la consommation d’eau

IV- Sur les demandes accessoires

Selon l’article 639 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris ceux afférents à la décision cassée.

En application de ce texte, Mme [L] [H] et la société Axa France supporteront la charge de tous les dépens y compris ceux afférents à la procédure de référé et le coût des deux expertises judiciaires.

Les autres frais relèvent par définition des frais irrépétibles et sont donc pris en considération dans l’évaluation de l’indemnité qui sera allouée sur ce fondement.

Il n’apparaît pas inéquitable d’accorder à M. [W] la somme de 4000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile qui s’ajoutera à celles accordées par ailleurs sur le même fondement.

La charge définitive de ces différentes sommes s’opérera selon une clé de répartition de 50%.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de la cassation,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Toulouse du 16 février 2016 en ce qu’il a condamné in solidum Mme [L] [H] et la société Axa Assurances à verser à M. [W] la somme de 400 € par mois de décembre 2011 jusqu’à la date du règlement du montant des travaux de reprise;

Statuant à nouveau,

Condamne in solidum Mme [F] [L] [H] et la société Axa Assurances iard à payer à M. [W] :

-la somme de 91 600,97 € au titre de la perte de chance de percevoir des loyers

-la somme de 2026,40 € au titre de la perte de chance de récupérer les taxes d’enlèvement des ordures ménagères sur les locataires

-la somme de 1 943,89 € au titre de la consommation électrique

-la somme de 1 298,44 € au titre de la consommation d’eau

Confirme le jugement pour le surplus.

Y ajoutant,

Condamne in solidum Mme [L] [H] et la société axa France iard à payer à M. [W] la somme de 4000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile

ainsi que les entiers dépens des différentes procédures au fond, y compris l’instance en référé et les rapports d’expertise judiciaire des 21 mars 2013 et 27 juin 2014.

Dit que dans leurs rapports entre eux, ces sommes seront à la charge de Mme [L] [H] et de la société Axa France à hauteur, chacun de 50 %.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, Président, et par Madame Marie-Laure MIQUEL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


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