Incompétence juridictionnelle face à l’annulation d’actes administratifs dans le cadre de la décence des logements.

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Incompétence juridictionnelle face à l’annulation d’actes administratifs dans le cadre de la décence des logements.

L’Essentiel : La société civile immobilière BATI ANIL a assigné la Caisse d’Allocations Familiales du Val d’Oise pour contester des constats de non-décence sur plusieurs logements. Le tribunal de proximité de Gonesse s’est déclaré incompétent, renvoyant l’affaire au tribunal judiciaire de Pontoise, avec des plaidoiries prévues pour le 1er octobre 2024. La SCI demande l’annulation des constats, une astreinte de 100 euros par jour, et 10 000 euros de dommages et intérêts. En réponse, la CAF réclame le déboutement de la SCI et justifie ses constats par un signalement municipal. Le tribunal a ordonné la réouverture des débats pour examiner l’exception d’incompétence.

Contexte de l’affaire

La société civile immobilière BATI ANIL, gérant plusieurs biens immobiliers appartenant à M. et Mme [M], a assigné la Caisse d’Allocations Familiales du Val d’Oise (CAF) devant le tribunal de proximité de Gonesse. Cette action a été motivée par des constats de non-décence établis par la CAF concernant plusieurs logements gérés par la SCI.

Procédure judiciaire

Le tribunal de proximité de Gonesse s’est déclaré incompétent le 19 juillet 2021, renvoyant l’affaire au tribunal judiciaire de Pontoise. Les plaidoiries ont été fixées au 1er octobre 2024, avec une décision mise en délibéré pour le 19 novembre 2024.

Demandes de la SCI BATI ANIL

Dans ses conclusions, la SCI BATI ANIL a demandé l’annulation des constats de non-décence, une astreinte de 100 euros par jour jusqu’à l’annulation des constats, ainsi que 10 000 euros de dommages et intérêts. Elle a soutenu que les avis de non-décence ne reposaient sur aucun critère défini par la réglementation en vigueur.

Réponse de la CAF du Val d’Oise

La CAF du Val d’Oise a demandé le déboutement de la SCI BATI ANIL et a réclamé 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle a justifié les constats de non-décence par un signalement du service habitat privé de la ville, arguant qu’aucun travail de remise en état n’avait été entrepris malgré la prescription de l’action pénale.

Analyse des demandes

Le tribunal a examiné la demande d’annulation des constats de non-décence, précisant que ces constats relèvent d’actes administratifs. Il a souligné que la compétence pour annuler de tels actes appartient aux juridictions administratives, et non au juge judiciaire.

Décision du tribunal

Le tribunal a ordonné la réouverture des débats et a invité les parties à s’expliquer sur l’exception d’incompétence soulevée d’office. L’affaire a été renvoyée à la mise en état pour le 23 janvier 2025, avec une exigence de conclusions des parties avant le 20 janvier 2025, sous peine de radiation.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence du tribunal judiciaire en matière d’annulation des constats de non-décence ?

Le tribunal judiciaire, selon l’article L 211-3 du Code de l’organisation judiciaire, connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n’est pas attribuée à une autre juridiction en raison de la nature de la demande.

Cet article précise que :

« Le tribunal judiciaire connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n’est pas attribuée, en raison de la nature de la demande, à une autre juridiction. »

Dans le cas présent, la SCI Bati Anil a demandé l’annulation de constats de non-décence dressés par la CAF du Val d’Oise. Cependant, ces constats doivent être considérés comme des actes administratifs.

En effet, l’article 76 du Code de procédure civile stipule que :

« L’incompétence peut être prononcée d’office en cas de violation d’une règle de compétence d’attribution lorsque cette règle est d’ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas. »

Ainsi, le tribunal judiciaire n’a pas compétence pour annuler des actes administratifs, cette compétence étant réservée aux juridictions administratives.

Quelles sont les implications de l’incompétence du tribunal judiciaire ?

L’incompétence du tribunal judiciaire a des conséquences directes sur la procédure en cours. En vertu de l’article 16 du Code de procédure civile, le juge doit faire observer le principe de la contradiction.

Cet article énonce que :

« Le juge doit, en toute circonstance, faire observer lui-même le principe de la contradiction. »

Dans cette affaire, le tribunal a relevé d’office son incompétence pour traiter la demande d’annulation des constats de non-décence. Cela signifie que le tribunal ne peut pas statuer sur cette demande et doit renvoyer l’affaire à la juridiction compétente.

Le tribunal a donc ordonné la réouverture des débats et a invité les parties à s’expliquer sur l’exception d’incompétence soulevée d’office. Cela permet aux parties de présenter leurs arguments concernant la compétence du tribunal.

Quels recours sont disponibles pour la SCI Bati Anil concernant les constats de non-décence ?

La SCI Bati Anil, en tant que propriétaire, a la possibilité de contester les constats de non-décence par le biais de la juridiction administrative. En effet, les décisions administratives, telles que les constats de non-décence, peuvent être contestées devant le tribunal administratif.

L’article 1er du Code de justice administrative précise que :

« Le juge administratif connaît des litiges relatifs à l’exercice des prérogatives de puissance publique. »

Ainsi, la SCI Bati Anil peut saisir le tribunal administratif pour demander l’annulation des constats de non-décence.

De plus, la SCI a également la possibilité de contester la décision de suspension des allocations logement, qui est une autre voie de recours.

Il est important de noter que la SCI Bati Anil n’a pas formé de demande relative à cette suspension, ce qui pourrait limiter ses options de recours.

En résumé, la SCI Bati Anil doit se tourner vers les juridictions administratives pour contester les constats de non-décence et explorer les voies de recours disponibles.

PREMIERE CHAMBRE

19 Novembre 2024

N° RG 23/02776 – N° Portalis DB3U-W-B7H-NFAW
64B

S.C.I. BATI ANIL

C/

CAF DU VAL D’OISE

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE

La Première Chambre du Tribunal judiciaire de Pontoise, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort, assistée de Cécile DESOMBRE, Greffier a rendu par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024, le jugement dont la teneur suit et dont ont délibéré :

Madame Marie VAUTRAVERS, Première Vice-Présidente Adjointe
Madame Aude BELLAN, Vice-Présidente
Monsieur Didier FORTON, Juge

Jugement rédigé par Marie VAUTRAVERS,
Première Vice-Présidente Adjointe

Date des débats : 1er octobre 2024, audience collégiale

–==o0§0o==–

DEMANDERESSE

S.C.I. BATI ANIL, dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Me Gilles PARUELLE, avocat au barreau du Val d’Oise

DÉFENDERESSE

CAF DU VAL D’OISE, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Marie-Noël LYON, avocat au barreau du Val d’Oise

–==o0§0o==–

La société civile immobilière BATI ANIL (SCI BATI ANIL) gère plusieurs bien immobiliers appartenant à M. et Mme [M], situés [Adresse 2] à [Localité 4].

Par acte en date du 17 septembre 2020, la SCI BATIN ANIL a fait assigner la caisse d’allocations familiales du Val d’Oise (CAF du Val d’Oise) devant le tribunal de proximité de Gonesse.

Par décision en date 19 juillet 2021, le tribunal de proximité de Gonesse s’est déclaré incompétent et a renvoyé l’affaire devant le tribunal judiciaire de Pontoise.

L’ordonnance de clôture du 18 juillet a fixé les plaidoiries au 1er octobre 2024. La décision a été mise en délibéré au 19 novembre 2024 ;

Prétentions et moyens des parties

Par conclusions du 24 janvier 2024, la SCI Bati Anil demande au tribunal :
– d’annuler les constants de non-décence dressés par la CAF du Val d’Oise, rétroactivement au jour d’établissement de ces constats, à l’encontre des logements appartenant aux époux [M] et gérés par la SCI Bati Anil situés :
* Au 3ème étage porte 303
* Au rez-de-chaussée gauche (occupé par Mme [L] à la date de l’assignation)
* Au rez-de-chaussée porte 5
* Au rez-de-chaussée porte gauche (occupé par Mme [F] [N] [O] et M. [O] [G] à la date de l’assignation)
* Au 2ème étage porte gauche
* Au 1er étage porte gauche.
Et ce sous une astreinte journalière de 100 euros à compter de la date de la décision et jusqu’à la production du certificat d’annulation du constat de décence pour chacun de ces logements ;
– De condamner la CAF du Val d’Oise au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
– De condamner la CAF du Val d’Oise aux les dépens de l’instance et au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code procédure civile.

A l’appui de ses demandes, la SCI Bati Anil fait valoir que les avis décernés par la CAF du Val d’Oise ne se fondent sur aucun des critères du logement non-décent définis par le décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent.

Par conclusions du 18 juin 2024, la CAF du Val d’Oise demande au tribunal de :
– Débouter la SCI Bati Anil de ses demandes ;
– Condamner la SCI Bati Anil aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La CAF du Val d’Oise soutient que les six logements concernés ont fait l’objet d’un avis de non-décence à la suite d’un signalement du service habitat privé de la ville de [Localité 4]. Elle avance que, même si la prescription de l’action pénale a été constatée, aucun travail de remise en état des logements n’a été engagé.

MOTIFS

Sur la demande d’annulation des constats de logement non décent

Aux termes de l’article L 211-3 du code de l’organisation judiciaire, le tribunal judiciaire connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n’est pas attribuée, en raison de la nature de la demande, à une autre juridiction.
Aux termes de l’article 76 du code de procédure civile, l’incompétence peut être prononcée d’office en cas de violation d’une règle de compétence d’attribution lorsque cette règle est d’ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas.

En application de l’article 16 du même code, le juge doit, en toute circonstance, faire observer lui-même le principe de la contradiction.

La SCI Bati Anil demande l’annulation de  » constats de non-décence dressés par la Caisse d’allocations familiales « . L’examen des pièces du dossier permet d’établir que les constats visés sont des documents adressés au propriétaire, intitulés  » pièce logement  » au nom de chacun des allocataires et indiquant que le logement est en infraction au règlement sanitaire départemental. Le demandeur verse également les courriers du 12 décembre 2018 de la CAF du Val d’Oise l’informant de ce constat de non-décence, de sa décision de suspendre le versement des allocations logement, et de la possibilité pour la SCI Bati Anil de contester cette décision de suspension devant la commission départementale de conciliation ou auprès du tribunal d’instance compétent.

Il est constant que la SCI Bati Anil ne forme aucune demande relative aux décisions de suspension des allocations logement prises par la CAF du Val d’Oise.
La demande de la SCI Bati Anil vise exclusivement les constats établis par la CAF du Val d’Oise et doit donc s’analyser comme une demande d’annulation d’actes administratifs.

Il ne relève pas de la compétence du juge judiciaire d’annuler un acte administratif, cette compétence relevant exclusivement des juridictions administratives.

Il convient dès lors de relever d’office l’incompétence de ce tribunal et d’inviter les parties à s’exprimer sur ce point.

PAR CES MOTIFS

Ordonne la réouverture des débats ;

Invite les parties à s’expliquer sur l’exception d’incompétence soulevée d’office :

Renvoie l’affaire à la mise en état du 23 janvier 2025 et dit que les parties devront avoir conclu sur ce point avant le 20 janvier 2025, à peine de radiation,

Réserve toutes les demandes et les dépens.

Ainsi fait et jugé à Pontoise, le 19 novembre 2024.

Le Greffier, La Présidente,
Madame DESOMBRE Madame VAUTRAVERS


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