Incompétence juridictionnelle face aux actes administratifs dans le cadre de la décence des logements.

·

·

Incompétence juridictionnelle face aux actes administratifs dans le cadre de la décence des logements.

L’Essentiel : La société civile immobilière BATI ANIL a assigné la Caisse d’Allocations Familiales du Val d’Oise pour contester des constats de non-décence sur plusieurs logements. Le tribunal de proximité de Gonesse a d’abord déclaré son incompétence, renvoyant l’affaire au tribunal judiciaire de Pontoise. Dans ses conclusions, BATI ANIL a demandé l’annulation des constats, une astreinte de 100 euros par jour, ainsi que des dommages et intérêts. En réponse, la CAF a justifié ses constats par un signalement municipal et a demandé le déboutement de BATI ANIL. Le tribunal a finalement relevé son incompétence pour traiter cette demande.

Contexte de l’affaire

La société civile immobilière BATI ANIL, gérant plusieurs biens immobiliers appartenant à M. et Mme [M], a assigné la Caisse d’Allocations Familiales du Val d’Oise (CAF) devant le tribunal de proximité de Gonesse. Cette action a été initiée par un acte daté du 17 septembre 2020.

Décisions judiciaires antérieures

Le tribunal de proximité de Gonesse a déclaré son incompétence le 19 juillet 2021, renvoyant l’affaire au tribunal judiciaire de Pontoise. Une ordonnance de clôture a fixé les plaidoiries au 1er octobre 2024, avec une mise en délibéré prévue pour le 19 novembre 2024.

Prétentions de la SCI BATI ANIL

Dans ses conclusions du 24 janvier 2024, la SCI BATI ANIL a demandé l’annulation des constats de non-décence établis par la CAF pour plusieurs logements, ainsi qu’une astreinte de 100 euros par jour jusqu’à l’annulation de ces constats. Elle a également réclamé 10 000 euros en dommages et intérêts et 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Arguments de la CAF du Val d’Oise

La CAF du Val d’Oise, dans ses conclusions du 18 juin 2024, a demandé le déboutement de la SCI BATI ANIL et a réclamé 3 000 euros au titre de l’article 700. Elle a justifié les constats de non-décence par un signalement du service habitat privé de la ville de [Localité 4], arguant qu’aucun travail de remise en état n’avait été entrepris malgré la prescription de l’action pénale.

Analyse juridique

Le tribunal a examiné la demande d’annulation des constats de non-décence. Selon l’article L 211-3 du code de l’organisation judiciaire, le tribunal judiciaire est compétent pour les affaires civiles et commerciales, sauf disposition contraire. La demande de la SCI BATI ANIL a été considérée comme une demande d’annulation d’actes administratifs, compétence réservée aux juridictions administratives.

Décision du tribunal

Le tribunal a relevé d’office son incompétence pour traiter la demande d’annulation des constats de non-décence. Il a ordonné la réouverture des débats et a invité les parties à s’exprimer sur cette exception d’incompétence. L’affaire a été renvoyée à la mise en état du 23 janvier 2025, avec une date limite pour les conclusions fixée au 20 janvier 2025.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence du tribunal judiciaire en matière d’annulation des constats de non-décence ?

Le tribunal judiciaire, selon l’article L 211-3 du Code de l’organisation judiciaire, connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n’est pas attribuée à une autre juridiction en raison de la nature de la demande.

Cet article précise que :

« Le tribunal judiciaire connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n’est pas attribuée, en raison de la nature de la demande, à une autre juridiction. »

Dans le cas présent, la SCI Bati Anil a demandé l’annulation de constats de non-décence dressés par la CAF du Val d’Oise. Cependant, ces constats doivent être considérés comme des actes administratifs.

Il est important de noter que, selon le principe de séparation des pouvoirs, l’annulation d’actes administratifs relève de la compétence des juridictions administratives, et non du juge judiciaire.

Ainsi, le tribunal judiciaire a soulevé d’office son incompétence pour traiter cette demande, conformément à l’article 76 du Code de procédure civile, qui stipule que :

« L’incompétence peut être prononcée d’office en cas de violation d’une règle de compétence d’attribution lorsque cette règle est d’ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas. »

Quels sont les droits de la SCI Bati Anil concernant les décisions de la CAF ?

La SCI Bati Anil a le droit de contester les décisions de la CAF du Val d’Oise, notamment celles relatives à la suspension des allocations logement.

Cependant, il est essentiel de préciser que la demande d’annulation des constats de non-décence ne constitue pas une contestation des décisions de suspension.

L’article 16 du Code de procédure civile impose au juge de faire observer le principe de la contradiction, ce qui signifie que chaque partie doit avoir la possibilité de présenter ses arguments.

Cet article stipule que :

« Le juge doit, en toute circonstance, faire observer lui-même le principe de la contradiction. »

Dans ce contexte, la SCI Bati Anil a été informée des constats de non-décence et a eu la possibilité de contester ces décisions. Toutefois, la demande d’annulation des constats ne peut pas être examinée par le tribunal judiciaire, car cela relève de la compétence des juridictions administratives.

Il est donc crucial pour la SCI Bati Anil de se tourner vers les voies de recours appropriées pour contester les décisions de la CAF, notamment en saisissant la commission départementale de conciliation ou le tribunal administratif compétent.

Quelles sont les conséquences de l’incompétence du tribunal judiciaire dans cette affaire ?

L’incompétence du tribunal judiciaire a des conséquences directes sur la procédure en cours.

En effet, lorsque le tribunal se déclare incompétent, il doit renvoyer l’affaire à la juridiction compétente.

Dans ce cas, le tribunal a décidé de renvoyer l’affaire à la mise en état, permettant ainsi aux parties de se prononcer sur l’exception d’incompétence soulevée d’office.

Cette procédure est conforme à l’article 76 du Code de procédure civile, qui permet au tribunal de prononcer l’incompétence d’office.

De plus, le tribunal a fixé une date limite pour que les parties concluent sur ce point, à peine de radiation de l’affaire.

Cela signifie que la SCI Bati Anil devra préparer ses arguments et éventuellement se tourner vers la juridiction administrative pour contester les constats de non-décence, tout en respectant les délais imposés par le tribunal judiciaire.

En résumé, l’incompétence du tribunal judiciaire entraîne un renvoi de l’affaire et impose aux parties de se conformer aux règles de procédure pour éviter toute radiation de l’affaire.

PREMIERE CHAMBRE

19 Novembre 2024

N° RG 23/02776 – N° Portalis DB3U-W-B7H-NFAW
64B

S.C.I. BATI ANIL

C/

CAF DU VAL D’OISE

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE

La Première Chambre du Tribunal judiciaire de Pontoise, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort, assistée de Cécile DESOMBRE, Greffier a rendu par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024, le jugement dont la teneur suit et dont ont délibéré :

Madame Marie VAUTRAVERS, Première Vice-Présidente Adjointe
Madame Aude BELLAN, Vice-Présidente
Monsieur Didier FORTON, Juge

Jugement rédigé par Marie VAUTRAVERS,
Première Vice-Présidente Adjointe

Date des débats : 1er octobre 2024, audience collégiale

–==o0§0o==–

DEMANDERESSE

S.C.I. BATI ANIL, dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Me Gilles PARUELLE, avocat au barreau du Val d’Oise

DÉFENDERESSE

CAF DU VAL D’OISE, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Marie-Noël LYON, avocat au barreau du Val d’Oise

–==o0§0o==–

La société civile immobilière BATI ANIL (SCI BATI ANIL) gère plusieurs bien immobiliers appartenant à M. et Mme [M], situés [Adresse 2] à [Localité 4].

Par acte en date du 17 septembre 2020, la SCI BATIN ANIL a fait assigner la caisse d’allocations familiales du Val d’Oise (CAF du Val d’Oise) devant le tribunal de proximité de Gonesse.

Par décision en date 19 juillet 2021, le tribunal de proximité de Gonesse s’est déclaré incompétent et a renvoyé l’affaire devant le tribunal judiciaire de Pontoise.

L’ordonnance de clôture du 18 juillet a fixé les plaidoiries au 1er octobre 2024. La décision a été mise en délibéré au 19 novembre 2024 ;

Prétentions et moyens des parties

Par conclusions du 24 janvier 2024, la SCI Bati Anil demande au tribunal :
– d’annuler les constants de non-décence dressés par la CAF du Val d’Oise, rétroactivement au jour d’établissement de ces constats, à l’encontre des logements appartenant aux époux [M] et gérés par la SCI Bati Anil situés :
* Au 3ème étage porte 303
* Au rez-de-chaussée gauche (occupé par Mme [L] à la date de l’assignation)
* Au rez-de-chaussée porte 5
* Au rez-de-chaussée porte gauche (occupé par Mme [F] [N] [O] et M. [O] [G] à la date de l’assignation)
* Au 2ème étage porte gauche
* Au 1er étage porte gauche.
Et ce sous une astreinte journalière de 100 euros à compter de la date de la décision et jusqu’à la production du certificat d’annulation du constat de décence pour chacun de ces logements ;
– De condamner la CAF du Val d’Oise au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
– De condamner la CAF du Val d’Oise aux les dépens de l’instance et au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code procédure civile.

A l’appui de ses demandes, la SCI Bati Anil fait valoir que les avis décernés par la CAF du Val d’Oise ne se fondent sur aucun des critères du logement non-décent définis par le décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent.

Par conclusions du 18 juin 2024, la CAF du Val d’Oise demande au tribunal de :
– Débouter la SCI Bati Anil de ses demandes ;
– Condamner la SCI Bati Anil aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La CAF du Val d’Oise soutient que les six logements concernés ont fait l’objet d’un avis de non-décence à la suite d’un signalement du service habitat privé de la ville de [Localité 4]. Elle avance que, même si la prescription de l’action pénale a été constatée, aucun travail de remise en état des logements n’a été engagé.

MOTIFS

Sur la demande d’annulation des constats de logement non décent

Aux termes de l’article L 211-3 du code de l’organisation judiciaire, le tribunal judiciaire connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n’est pas attribuée, en raison de la nature de la demande, à une autre juridiction.
Aux termes de l’article 76 du code de procédure civile, l’incompétence peut être prononcée d’office en cas de violation d’une règle de compétence d’attribution lorsque cette règle est d’ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas.

En application de l’article 16 du même code, le juge doit, en toute circonstance, faire observer lui-même le principe de la contradiction.

La SCI Bati Anil demande l’annulation de  » constats de non-décence dressés par la Caisse d’allocations familiales « . L’examen des pièces du dossier permet d’établir que les constats visés sont des documents adressés au propriétaire, intitulés  » pièce logement  » au nom de chacun des allocataires et indiquant que le logement est en infraction au règlement sanitaire départemental. Le demandeur verse également les courriers du 12 décembre 2018 de la CAF du Val d’Oise l’informant de ce constat de non-décence, de sa décision de suspendre le versement des allocations logement, et de la possibilité pour la SCI Bati Anil de contester cette décision de suspension devant la commission départementale de conciliation ou auprès du tribunal d’instance compétent.

Il est constant que la SCI Bati Anil ne forme aucune demande relative aux décisions de suspension des allocations logement prises par la CAF du Val d’Oise.
La demande de la SCI Bati Anil vise exclusivement les constats établis par la CAF du Val d’Oise et doit donc s’analyser comme une demande d’annulation d’actes administratifs.

Il ne relève pas de la compétence du juge judiciaire d’annuler un acte administratif, cette compétence relevant exclusivement des juridictions administratives.

Il convient dès lors de relever d’office l’incompétence de ce tribunal et d’inviter les parties à s’exprimer sur ce point.

PAR CES MOTIFS

Ordonne la réouverture des débats ;

Invite les parties à s’expliquer sur l’exception d’incompétence soulevée d’office :

Renvoie l’affaire à la mise en état du 23 janvier 2025 et dit que les parties devront avoir conclu sur ce point avant le 20 janvier 2025, à peine de radiation,

Réserve toutes les demandes et les dépens.

Ainsi fait et jugé à Pontoise, le 19 novembre 2024.

Le Greffier, La Présidente,
Madame DESOMBRE Madame VAUTRAVERS


Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?

Merci pour votre retour ! Partagez votre point de vue, une info ou une ressource utile.

Chat Icon