Honoraires d’avocat : évaluation et contestation des montants en l’absence de convention formelle.

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Honoraires d’avocat : évaluation et contestation des montants en l’absence de convention formelle.

L’absence de convention d’honoraires entre un avocat et son client ne prive pas l’avocat de son droit à rémunération, mais celle-ci doit être fixée selon les critères énoncés à l’article 10 alinéa 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, qui stipule que la rémunération doit être déterminée en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences accomplies. En l’absence de précisions suffisantes dans les factures émises, celles-ci peuvent être considérées comme provisionnelles. Les honoraires doivent également respecter les usages de la profession, et le bâtonnier a le pouvoir de fixer les honoraires en cas de litige sur leur montant, conformément aux dispositions du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, notamment l’article 176 qui régit la procédure de taxation des honoraires.

L’Essentiel : L’absence de convention d’honoraires entre un avocat et son client ne prive pas l’avocat de son droit à rémunération, qui doit être fixée selon des critères spécifiques. La rémunération doit tenir compte de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences accomplies. En l’absence de précisions suffisantes dans les factures, celles-ci peuvent être considérées comme provisionnelles.
Résumé de l’affaire :

Contexte de l’affaire

La société exerçant une activité d’agence immobilière a mandaté un avocat pour la défendre dans un litige l’opposant à un ancien agent commercial. Aucune convention d’honoraires n’a été signée, bien que l’avocat ait communiqué les taux horaires habituels de son cabinet.

Interventions de l’avocat

L’avocat a représenté la société dans plusieurs procédures, y compris des référés et des appels devant le tribunal de commerce. Au total, huit factures d’honoraires ont été émises, s’élevant à 42 552,25 euros TTC, dont deux factures sont restées impayées.

Demande de fixation des honoraires

Face à l’absence de paiement, l’avocat a saisi le bâtonnier pour demander la fixation de sa rémunération. Le bâtonnier a prorogé le délai pour statuer et, par la suite, a fixé les honoraires dus à 24 504 euros TTC, montant qui a été réglé par la société.

Recours de l’avocat

L’avocat a contesté cette décision par un recours, demandant la réformation de la décision du bâtonnier et la reconnaissance de la totalité de ses honoraires. Il a également demandé des frais irrépétibles et la condamnation de la société aux dépens.

Position de la société

La société a soutenu que les honoraires réclamés étaient excessifs et a demandé la confirmation de la décision du bâtonnier. Elle a également sollicité le remboursement d’un trop-perçu et des dommages-intérêts.

Liquidation judiciaire de la société

La société a été placée en liquidation judiciaire, et l’avocat a déclaré une créance de 54 552,25 euros au mandataire judiciaire. Ce dernier a confirmé son intervention dans la procédure.

Décision du tribunal

Le tribunal a jugé le recours de l’avocat recevable et a constaté l’absence de convention d’honoraires. Il a fixé les honoraires dus à 30 391,82 euros TTC, après avoir pris en compte les paiements déjà effectués par la société. La créance restante a été inscrite au passif de la société.

Conclusion

Le tribunal a infirmé la décision du bâtonnier, statuant que chaque partie supporterait ses propres frais. La demande de l’avocat pour des frais supplémentaires a été rejetée.

Q/R juridiques soulevées :

La question de l’absence de convention d’honoraires

L’absence de convention d’honoraires entre la société Saint Joseph et la Selarl [Z] & Associés soulève la question de la détermination de la rémunération de l’avocat. Selon l’article 10 alinéa 4 de la loi du 31 décembre 1971, en l’absence d’une telle convention, la rémunération de l’avocat doit être fixée en fonction de plusieurs critères, notamment la situation de fortune du client, la difficulté de l’affaire, les frais exposés par l’avocat, sa notoriété et les diligences accomplies.

Il est précisé que, bien que la Selarl [Z] & Associés ait communiqué des modalités d’intervention, celles-ci étaient trop imprécises pour constituer une convention d’honoraires. Cela signifie que la société Saint Joseph ne pouvait pas avoir une idée claire des honoraires à régler, ce qui est essentiel pour la transparence des relations entre un avocat et son client.

La question de la fixation des honoraires par le bâtonnier

La décision du bâtonnier de fixer les honoraires à 24 504 euros TTC est contestée par la Selarl [Z] & Associés, qui demande une réévaluation à 42 552,25 euros TTC. Le bâtonnier a considéré que le temps de travail de l’avocat était excessif par rapport à l’enjeu du litige. L’article 10 alinéa 4 de la loi du 31 décembre 1971 stipule que la rémunération doit être proportionnée à la difficulté de l’affaire et aux diligences effectuées.

Le bâtonnier a jugé que le volume de travail de 529 heures était démesuré pour le type de dossier traité, ce qui a conduit à une réduction significative des honoraires. Cette appréciation est conforme aux critères légaux, car elle prend en compte la nature classique du dossier et les difficultés financières de la société Saint Joseph.

La question des frais et honoraires non justifiés

La Selarl [Z] & Associés a présenté plusieurs factures, mais aucune d’entre elles ne précise les diligences effectuées, ce qui les rend difficilement analysables. Selon l’article 11.7 du règlement intérieur national de la profession d’avocat, un décompte détaillé des honoraires doit être fourni. L’absence de ce décompte a conduit à considérer les factures comme provisionnelles.

Les frais exposés, tels que les frais de déplacement et d’hypothèque, n’ont pas été suffisamment justifiés, ce qui a conduit à leur rejet au-delà d’une somme minimale. Cela souligne l’importance de la transparence et de la justification des frais dans la relation avocat-client.

La question de la créance au passif de la société en liquidation judiciaire

La Selarl [Z] & Associés a déclaré une créance de 54 552,25 euros au passif de la société Saint Joseph, qui a été placée en liquidation judiciaire. Selon le jugement du tribunal de commerce, la créance a été fixée à 2 705,30 euros TTC après déduction des sommes déjà perçues. Cela soulève la question de la validité des créances dans le cadre d’une liquidation judiciaire, où les créanciers doivent justifier leurs demandes.

L’article 1844-7 du Code civil précise que les créances doivent être vérifiées et admises par le juge-commissaire dans le cadre de la liquidation. La Selarl [Z] & Associés doit donc prouver la validité de sa créance pour qu’elle soit intégrée au passif de la société en liquidation.

Contestations Honoraires

ORDONNANCE N° 86

N° RG 24/02810

N° Portalis DBVL-V-B7I-UYPF

S.E.L.A.R.L. [Z] & ASSOCIES

C/

S.A.R.L. SAINT JOSEPH

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ORDONNANCE DE TAXE

DU 18 NOVEMBRE 2024

Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,

GREFFIER :

Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 14 Octobre 2024

ORDONNANCE :

Contradictoire,

prononcée à l’audience publique du 18 Novembre 2024, date indiquée à l’issue des débats

****

ENTRE :

S.E.L.A.R.L. [Z] & ASSOCIES prise en la personne de Maître [W] [R]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me [W] [R], avocat au barreau de NANTES, présente à l’audience

ET :

S.A.R.L. SAINT JOSEPH

prise en la personne de sa gérante Mme [E] [T] épouse [D], domicilée en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

non comparante

convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception dûment signé retourné au greffe

La Selarl de mandataire judiciaire [N] [C] intervenant volontairement à la procédure ès qualités

****

EXPOSE DU LITIGE :

La société Saint Joseph, qui avait pour activité l’exploitation d’une agence immobilière à [Localité 3] (Loire Atlantique), a confié à Me [I] [Z], membre de la Selarl [Z] & Associés, avocat au barreau de Nantes, ami de son dirigeant, M. [J] [D], le soin d’assurer sa défense dans le cadre d’un litige l’opposant à un ancien agent commercial, M. [U].

Aucune convention d’honoraires n’a été signée, l’avocat ayant toutefois transmis, le 20 février 2018, à la cliente les taux horaires habituels du cabinet.

La Selarl [Z] & Associés précise être intervenue au bénéfice de sa cliente dans le cadre de six procédures :

– en référé devant le président du tribunal de commerce de Nantes,

– au fond devant le tribunal de commerce de Nantes,

– dans le cadre d’un incident devant le bâtonnier de l’ordre des avocats de Nantes,

– en appel du jugement rendu par le tribunal de commerce devant la cour,

– dans le cadre d’un incident devant le conseiller de la mise en état,

– en référé arrêt de l’exécution provisoire devant le premier président.

La Selarl [Z] & Associés a émis huit factures d’honoraires d’un montant total 42 552,25 euros TTC dont les deux dernières, en date des 28 février et 21 juin 2022, s’élevant respectivement à 4 856,77 euros TTC et à 9 783,96 euros TTC, sont demeurées impayées.

Ne parvenant à obtenir le règlement de ces factures, la Selarl [Z] & Associés a saisi, par requête du 3 août 2023, le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Nantes d’une demande aux fins de fixation de sa rémunération.

Le bâtonnier a prorogé, par ordonnance du 30 novembre 2023, de quatre mois le délai pour statuer.

Par décision du 3 avril 2024, le bâtonnier a fixé à la somme de 24 504 euros TTC les frais et honoraires dus par la société Saint Joseph à la Selarl [Z] & Associés et a constaté que cette somme avait été intégralement réglée puisque la cliente avait versé à l’avocat une somme totale de 27 911,52 euros TTC.

Par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 15 avril 2024, la Selarl [Z] & Associés a formé un recours contre cette ordonnance.

Aux termes de ses dernières écritures, la Selarl [Z] & Associés nous demande de :

– réformer la décision du bâtonnier du 3 avril 2024,

– taxer ses frais et honoraires dans le dossier de la société Saint Joseph à la somme de 42 552,25 euros TTC,

– constater que la société Saint Joseph a réglé la somme de 27 911,52 euros TTC,

– condamner la société Saint Joseph à lui verser un solde de 14 640,73 euros,

– rejeter l’appel incident de la société Saint Joseph et les demandes de celle-ci,

– condamner la société Saint Joseph à lui verser une somme de 12 000 euros (à parfaire) au titre des frais irrépétibles,

– condamner la société Saint Joseph aux dépens.

Elle rappelle les prestations qu’elle a réalisées, et le temps qu’elle a consacré à ce dossier. Elle critique la décision du bâtonnier en ce qu’elle a estimé son temps de travail à une centaine d’heures et a fixé son taux horaire à la somme de 240 euros HT/h au lieu des 250 euros HT/h demandés, taux qui avait pourtant été accepté par M. [D] dans d’autres dossiers.

Elle maintient donc ses demandes et conclut au rejet de l’appel incident de son adversaire.

Faisant valoir le temps passé à défendre son dossier dans le cadre de la procédure de taxation, elle réclame une somme de 12 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Saint Joseph a conclu à la confirmation de la décision dont elle a approuvé les termes et a sollicité que la Selarl [Z] & Associés soit condamnée à lui rembourser le trop perçu de 3 407 euros résultant de la décision du bâtonnier et à lui verser les sommes de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que celle de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Elle fait valoir que l’honoraire réclamé est démesuré, que certaines ‘procédures’ n’ont quasiment pas demandé de travail et qu’elle n’a jamais approuvé le taux horaire sollicité.

La société Saint Joseph a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nantes du 11 septembre 2024 qui a désigné en qualité de mandataire judiciaire la Selarl [N] [C] prise en la personne de Me [N] [C].

Par courrier recommandé du 26 septembre 2024, la Selarl [Z] & Associés a déclaré à Me [N] [C], mandataire judiciaire désignée en qualité de liquidateur une déclaration de créance de 54 552,25 euros.

Elle sollicite que sa créance soit fixée au passif de son ancienne cliente.

La Selarl de mandataire judiciaire [N] [C] a confirmé intervenir volontairement à la procédure ès qualités et a déclaré s’en remettre à justice, ne pouvant constituer avocat, la liquidation judiciaire de la société Saint Joseph étant totalement impécunieuse.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Le recours de la Selarl [Z] & Associés, effectué dans les forme et délai de l’article 176 du décret du 27 novembre 1991 est recevable.

L’intervention volontaire de la Selarl [N] [C] ès qualités – que nous dispensons de comparaître compte tenu de l’impécuniosité de la procédure collective ouverte du chef de la société Saint Joseph – régularise la procédure.

Il est constant que dans le dossier confié par la société Saint Joseph à la Selarl [Z], aucune convention d’honoraire n’a été conclue.

Si la Selarl [Z] & Associés fait valoir qu’elle a communiqué à sa cliente, par courriel du 20 février 2018 les ‘ modalités habituelles d’intervention du cabinet ‘ (‘ Habituellement, les honoraires du cabinet sont facturés en considération du temps consacré au dossier sur la base d’un taux horaire de 240 euros HT pour le signataire de ce courrier
1: Me [I] [Z]

, et de 150 à 200 euros HT pour le ou les collaborateurs qui seront amenés à participer au suivi de ce dossier. Si des travaux sont confiés à des stagiaires, le taux horaire est ramené à 50 euros HT. Au cas particulier, Me [H] [A] sera à mes côtés au quotidien pour le suivi de ton dossier. Son taux est de 200 euros HT. Nous ferons le point à la fin du mois en fonction du temps qui aura été consacré au dossier. Je te remercie de bien vouloir me confirmer par un mail en retour ton accord sur ce qui précède ‘), ces modalités dont il n’est, au demeurant, pas justifié qu’elles aient été expressément acceptées (l’appelante produit un courriel d’acceptation du 4 octobre 2018 dans un dossier similaire concernant un autre agent commercial, M. [F] – pièce n° 7, ainsi que des propositions dans d’autres dossiers
2: Pièces 1, 2, 3 et 6

ce qui est indifférent), sont en tout état de cause beaucoup trop imprécises pour valoir convention d’honoraires, ne permettant pas à la cliente de se faire une idée même approximative de l’honoraire qu’elle devra régler en définitive à l’avocat pour telle ou telle procédure.

Cette circonstance, pour regrettable qu’elle soit, ne prive pas cependant l’avocat de rémunération, mais celle-ci doit, en cette hypothèse, être fixée par référence aux critères énoncés à l’article 10 al 4 de la loi du 31 décembre 1971, selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences qu’il a accomplies.

La Selarl [Z] verse aux débats huit factures d’honoraires se rapportant à procédure Century 21 Saint Joseph / [U] (dossier 121821) :

– facture n° 1802073 du 27 février 2028 dossier 121821 : honoraires : 2 000 euros HT,

– facture n° 1804072 du 27 avril 2018 dossier 121821 : honoraires : 5 000 euros HT, frais de déplacement : 86,52 euros TTC,

– facture n° 1805054 du 31 mai 2018 dossier 121821 : honoraires : 4 000 euros HT,

– facture n° 1808057 du 31 août 2018 dossier 121821 : honoraires : 2 000 euros HT,

– facture n° 1903122 du 31 mars 2019 dossier 121821 : honoraires : 4 000 euros HT,

– facture n° 2002103 du 27 février 2020 dossier 121821 : honoraires : 6 000 euros HT, timbre fiscal : 225 euros,

– facture n° 22020409 du 28 février 2022 dossier 121821 : honoraires 3 500 euros HT, frais : 527,31 euros HT, frais hypothèque : 24 euros,

– facture n° 2206962 du 21 juin 2022 dossier 121821 : honoraires : 8 000 euros HT, frais 153,30 euros HT.

Il convient de relever qu’aucune de ces factures (qui concernent toutes le dossier [U] numéroté au cabinet d’avocat 121821) ne précise les diligences auxquelles elles se rapportent de sorte qu’elles ne peuvent être analysées que comme des factures provisionnelles d’honoraires. Le total des honoraires stricto sensu facturés (à titre provisionnel) s’élève à la somme de 34 500 euros HT, soit 41 400 euros TTC.

Le total des frais (dont, abstraction des frais de déplacement pour un montant de 86,52 euros TTC, des frais hypothèque pour 24 euros et du timbre fiscal pour 225 euros, aucun détail n’est fourni), s’élève à la somme de 1 152,25 euros TTC, en ce compris un timbre fiscal de 225 euros dont la connaissance échappe au juge de l’honoraire comme faisant partie des dépens (article 695 1° du code de procédure civile).

La Selarl [Z] & Associés précise que les six premières factures ont été payées, le total versé s’élevant à la somme de 27 911,52 euros TTC (timbre fiscal inclus) et que seules demeurent impayées les deux dernières factures (dont le montant global s’élève à la somme de 14 640,73 euros TTC).

Aucun décompte détaillé définitif (conforme à l’article 11.7 du règlement intérieur national de la profession d’avocat) correspondant à la facturation globale (42 552,25 euros TTC) n’est versé aux débats, la Selarl [Z] & Associés produisant, en revanche, une description chronologique de ses interventions dans le dossier 121821 de 86 pages (pièce n° 8) et un listing des temps passés par journée et par acteur (ses pièces n° 14 et 15) faisant ressortir 529h50 de travail et un honoraire de 110 900,92 euros HT, précisant avoir consenti à sa cliente un geste commercial de 72 491,72 euros HT, la facturation ayant été limitée à la somme de 35 180,61 euros HT.

Abstraction faite du caractère erroné de ce décompte (110 900,92 – 72 491,72 faisant 38 409,20 euros et non 35 180,61 euros…), la Selarl [Z] & Associés nous demande en fait d’entériner sa facturation de 42 552,25 euros TTC au regard de l’importance de la remise consentie, critiquant la décision du bâtonnier en ce qu’elle a limité le temps passé dans ce dossier à 100 heures de travail (10h30 comptabilisés à Me [Z] et 89h30 aux travaux fournis par des collaborateurs) sur la base de 240 euros HT/h pour Me [Z] et de 200 euros HT/h pour les collaborateurs.

Le bâtonnier a considéré à juste titre que ce dossier, quand bien même des diligences importantes ont-elles été réalisées, ne pouvait justifier 529 heures de travail et une facturation de plus de 110 000 euros HT, démesurée par rapport à l’enjeu du litige, ce que l’avocat admet implicitement au regard du geste commercial qu’il dit avoir consenti.

L’examen du dossier déposé permet de constater que l’avocat a accompli les diligences suivantes :

1 – référé devant le tribunal de commerce de Nantes :  

M. [U] a assigné, par acte du 13 mars 2018, la société Saint Joseph en payement d’une provision de 29 960,12 euros correspondant à onze factures de commissions. À cette assignation étaient jointes quinze pièces (un mandat d’agent commercial, deux avenants, onze factures et une sommation de payer). La Selarl [Z] a rédigé deux jeux de conclusions (de 19 pages chacun) s’opposant à la demande principale et présentant une demande reconventionnelle, le second, en réponse, ayant consisté à l’ajout quelques brefs paragraphes. L’affaire a été plaidée par Me [A] de la Selarl [Z] et Associés le 10 avril 2018 (après un renvoi ordonné le 20 mars). Dans cette décision, les parties ont été déboutées de leurs demandes respectives et renvoyées à mieux se pourvoir au fond à l’audience du tribunal de commerce du 21 juin 2018.

Ce dossier n’a pu demander au vu des éléments produits (rendez-vous, lecture du dossier et des pièces, rédaction des conclusions, renvoi, préparation du dossier de plaidoirie et plaidoirie, compte rendu après audience) plus de dix heures de travail.

2 – procédure au fond devant le tribunal de commerce de Nantes :

Le tribunal de commerce a été saisi sur renvoi du juge des référés. M. [U] a pris quatre jeux de conclusions auxquels la société Saint Joseph a répondu par l’intermédiaire de la Selarl [Z] & Associés les 17 août 2018 (41 pages), 15 mars 2019 (45 pages) et 17 juillet 2019 (et non 2018 comme indiqué par erreur dans le jugement). L’affaire a été plaidée le 18 juillet 2019 et le jugement rendu le 21 novembre 2019.

Dans sa décision, le tribunal a écarté des débats le troisième jeu de conclusions de la société Saint Joseph notifié la veille de l’audience, a débouté cette société de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée à verser à M. [U] les sommes de 29 960,12 euros au titre des commissions (relevant que 9 des 11 factures n’étaient pas contestées) et de 65 404 euros au titre de l’indemnité de résiliation, outre une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Ce jugement a été signifié par M. [U] le 12 décembre 2019.

Ce dossier dont le contexte était parfaitement connu de l’avocat a raisonnablement pu demander trente heures de travail, incluant l’analyse des écritures et pièces adverses, la rédaction des trois jeux de conclusions (même si le dernier a été notifié de manière déloyale, la veille de l’audience, alors que la partie adverse n’avait pas conclu après les précédentes écritures de la société Saint Joseph et que cette dernières a produit de nouvelles pièces dont le tribunal a relevé qu’elles étaient en sa possession depuis plusieurs mois…) étant précisé que les ajouts effectués ont été limités, la gestion des audiences de renvoi, la préparation du dossier de plaidoirie, la plaidoirie du dossier et la restitution après jugement.

3 – incident devant le bâtonnier de Nantes :  

Par courriel du 5 octobre 2018, le conseil de M. [U], Me [X], s’est plaint au bâtonnier de Nantes de la déloyauté de l’avocat de la société Saint Joseph qui avait soulevé l’irrecevabilité des demandes de son client devant le tribunal de commerce de Nantes, faute de démarche amiable préalable (article 56 et 58 du code de procédure civile) alors même que celles-ci auraient été effectuées par courriers confidentiels (pièce n° 133).

Me [Z] et Me [A] ont répondu à cette plainte par courrier du 19 octobre 2018 (pièce n° 135) par un courrier de neuf pages relatant très précisément les faits et le déroulement des échanges entre parties.

Le bâtonnier de Nantes a renvoyé l’examen de cette plainte devant le bâtonnier de Saint Nazaire (barreau dont dépend Me [A]) lequel a relevé que la plainte concernant la Selarl [Z] & Associés, société d’avocats inscrite au barreau de Nantes… Le bâtonnier de Nantes a, après semble-t-il plusieurs relances de Me [X], estimé par courriel du 3 mai 2019 qu’il n’avait identifié dans ce dossier aucun manquement déontologique imputable à la Selarl [Z] & Associés (pièce n° 12).

Le courrier du 19 octobre 2018 est la seule pièce rédigée dans ce volet par la requérante. Cette pièce même si elle est très complète et circonstanciée n’a pu demander, dans un dossier parfaitement maîtrisé, plus de deux heures de travail.

4 – procédure devant la cour (stricto sensu) :

La société Saint Joseph a, le 6 décembre 2019, interjeté appel, par l’intermédiaire de son conseil, du jugement rendu par le tribunal de commerce de Nantes.

La Selarl [Z] & Associés a rédigé au bénéfice de sa cliente quatre jeux de conclusions au fond (4 mars 2020, 54 pages, 12 août 2020, 56 pages, 23 février 2022, 65 pages et 15 mars 2022, 72 pages), les dernières déposées l’avant veille de la clôture ayant donné lieu à un échange de conclusions de procédure. L’affaire a été plaidée devant la cour le 22 mars 2022 et l’arrêt a été prononcé le 10 mai suivant. Dans sa décision, la cour rejette la demande de nullité du jugement soulevée par la société Saint Joseph, confirme le jugement sur le payement des commissions (à l’exception du point de départ des intérêts), l’infirme sur l’indemnité de résiliation, retenant une faute grave à M. [U], par ailleurs débouté d’une demande en dommages et intérêts pour propos dénigrants et déclare irrecevable une demande présentée tardivement (article 910-4) en appel de la société Saint Joseph. Le résultat obtenu est favorable à cette société.

Ce dossier justifie en appel quarante deux heures de travail pour l’analyse des conclusions et pièces adverses (dont l’argumentation était pour l’essentiel déjà connue), la communication des pièces, la rédaction des différents jeux d’écritures (fond et procédure), le suivi RPVA du dossier, la préparation du dossier de plaidoirie, la plaidoirie de l’affaire et la restitution après le prononcé de l’arrêt.

5 – incident de radiation (conseiller de la mise en état) :

M. [U] a présenté le 29 janvier 2020 un incident de radiation de l’appel faute d’exécution du jugement critiqué (article 524 du code de procédure civile). La société Saint Joseph s’y est opposée par conclusions du 6 mars 2020 (15 pages) soutenant à la fois l’impossibilité d’exécuter au regard de ses capacités financières et l’existence de conséquences manifestement excessives.

L’affaire a été prise sans débats par le conseiller de la mise en état qui, par ordonnance du 28 mai 2020, a constaté le désistement de M. [U] (5 mai 2020).

Cet incident n’a pu justifier quatre heures de travail (gestion de l’incident et rédaction d’un jeu de conclusions).

6 – procédure en référé devant le premier président (arrêt de l’exécution provisoire) :

En réponse à l’incident de radiation, la société Saint Joseph a, par assignation du 5 mars 2020 (12 pages), saisi par l’intermédiaire de son conseil le premier président d’une demande d’arrêt de l’exécution provisoire.

La société requérante a notifié un jeu d’écritures (16 mars 2020 – 16 pages) en réponse aux conclusions de M. [U].

L’argumentation soutenue est évidemment similaire à celle développée par la Selarl [Z] & associés dans le dossier de radiation.

L’ordonnance du premier président, faisant droit à la demande, a été rendue le 7 avril 2020 après que l’affaire a été plaidée le 31 mars 2020 (après un renvoi ordonné le 17 mars 2020).

Ce référé dont les éléments sont, ainsi qu’il a été précisé, équivalents à ceux développés dans la demande de radiation, n’a pu demander plus de six heures de travail, plaidoirie comprise.

Au titre des diligences juridictionnelles et assimilées, il convient de retenir un volume de quatre vingt quatorze heures de travail.

La Selarl [Z] & Associés justifient par ailleurs de très nombreux échanges notamment avec son client. Le traitement de ces échanges (même si certains n’ont consisté qu’en des courriers type) et les réponses apportée) ont demandé un travail important qu’il convient de quantifier à trente heures.

Au total, il convient donc de retenir cent vingt quatre heures de travail.

S’agissant des tarifs horaires, la Selarl [Z] & Associés conteste la décision du bâtonnier d’avoir fixé le tarif horaire de Me [Z] de 240 euros HT. Cette somme est pourtant celle qui figure dans le courrier du 20 février 2018. La circonstance tirée du fait que la Selarl [Z] a, dans un autre dossier, précisé que les interventions de Me [Z] étaient rémunérées sur la base de 250 euros HT/h est indifférente dès lors que celui-ci n’a pas informé dans ce dossier la cliente des évolutions de la rémunération de tel ou tel avocat.

Il sera, à cet égard, relevé que, dans les décomptes du temps passé par journée et par acteur (pièces n° 13 et 14), le taux horaire appliqué à Me [Z] passe de 240 euros HT en février 2018 à 250 euros HT dès le mois de mars 2018, à 290 euros HT en 2019, puis à 320 euros HT en 2020 et enfin) à 350 euros HT en 2022 (soit une augmentation de 45,8 % en quatre ans), qu’il en va de même d’autres acteurs ([W] [R] de 220 à 280 euros HT/h), [K] [L] de 50 à 180 euros HT/h (sans doute après un changement de statut), [P] [V] de 170 à 210 euros HT/h,… ce qui montre le peu de sérieux de cette facturation.

En retenant pour Me [Z] un tarif de 240 euros HT/h et pour les autres avocats un tarif de 200 euros HT/h (à rapporter à la fourchette de 150 à 200 euros HT annoncée dont il constitue le plafond), le bâtonnier a fait une juste appréciation des choses, conforme aux tarifs annoncés par le cabinet et dont aucune modification n’a été annoncée par ses soins à la cliente. Ces tarifs répondent en outre aux critères énoncés à l’article 10 al 4 de la loi du 31 décembre 1971, étant observé que la société Saint Joseph connaissait des difficultés financières que n’ignorait pas l’avocat qui en avait été informé par son gérant qui s’est inquiété à plusieurs reprises du montant des honoraires, que si l’enjeu était important pour la société, la nature du dossier était classique s’agissant de commissions dues à un agent immobilier et des conséquences d’une rupture de contrat (pour faute ou non).

S’agissant des acteurs (pièce n° 14), il convient de relever que quatorze acteurs sont intervenus dans ce dossier en qualités d’associé (1), d’avocats (10) ou de stagiaires (4)
3: Au regard du montant de sa rémunération, l’une des stagiaires semble être devenue avocate

.

Les principaux intervenants sont Me [R], avocate, (41,6 % du temps de travail décompté par le cabinet
4: Par rapport aux 529h50 comptabilisé dans le document intitulé temps passé par acteur (pièce n° 14)

), Me [A], avocate (27,9 %, idem), Me [V], avocat (10,3 %, idem), Me [M], avocat (5,9 %, idem), et Me [Z] (3 %, idem).

En ne retenant que ces seuls intervenants qui représentent près de 90 % du temps de travail consacré à ce dossier par le cabinet, les rémunérations de 240 euros HT/h pour Me [Z] et 200 euros HT/h pour les autres avocats (ce qui est le plafond des rémunérations des autres avocats du cabinet tel que communiqué par la Selarl [Z], dix heures trente de travail pour Me [Z] (ce que le bâtonnier a considéré) et cent treize heures trente pour les autres avocats, les honoraires auxquels peut prétendre la Selarl [Z] s’élève à la somme de (240*10,5 + 200*113,50) 24 800 euros HT soit 30 264 euros TTC.

Pour ce qui est des frais, force est de constater qu’aucun décompte n’est fourni et qu’abstraction du timbre fiscal (qui entre dans les dépens mais qui a été réglé), des frais de déplacement (86,52 euros HT soit 103,82 euros TTC) et des frais d’hypothèque (24 euros), nous ignorons en quoi ils ont consisté. Ils ne peuvent dès lors qu’être rejetés au delà de la somme de 127,82 euros.

Les frais et honoraires de la Selarl [Z] & Associés seront donc arrêtés à la somme de (30 264 + 127,82) 30 391,82 euros TTC.

La société Saint Joseph ayant versé à la Selarl [Z] & Associés une somme de 27 686,52 euros (après déduction du timbre fiscal de 225 euros inclus dans la facture du 27 février 2020 qui a été réglée) reste lui devoir un solde de 2 705,30 euros TTC.

Cette somme sera fixée au passif de la société Saint Joseph.

L’ordonnance du bâtonnier de Nantes en date du 3 avril 2024 sera donc infirmée.

Chaque partie échouant partiellement en ses prétentions conservera à sa charge, les frais, compris ou non dans les dépens, par elle exposés.

La demande de la Selarl [Z] & Associés fondée sur l’article 700 du code de procédure civile sera, en conséquence, rejetée.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement,

Infirmons l’ordonnance du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Nantes du 3 avril 2024.

Statuant à nouveau :

Fixons à la somme de 30 391,82 euros TTC les frais et honoraires dus par la société Saint Joseph à la Selarl [Z] & Associés.

Après déduction des sommes d’ores et déjà perçues (27 686,52 euros TTC), fixons au passif de la société Saint Joseph la créance de la Selarl [Z] & Associés à la somme de 2 705,30 euros TTC.

Disons que chaque partie conservera à sa charge les frais compris ou non dans les dépens par elle exposés.

Rejetons la demande de la Selarl [Z] & Associés fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


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