L’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale stipule que l’incapacité permanente partielle (IPP) résultant d’un accident du travail est déterminée selon les barèmes indicatifs d’invalidité, qui prennent en compte les atteintes aux fonctions articulaires. Le barème d’invalidité des accidents du travail, notamment dans son chapitre 1.1.2, précise les taux d’IPP applicables en fonction des limitations de mouvement et des douleurs associées. En l’espèce, le tribunal a appliqué ces dispositions pour fixer le taux d’IPP à 20 %, tenant compte des limitations de mouvement de l’épaule droite et des douleurs imputables aux séquelles de l’accident, tout en considérant que les barèmes ne sont qu’indicatifs et que d’autres critères, tels que l’impact sur la vie professionnelle et les douleurs, doivent également être pris en compte.
|
L’Essentiel : L’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale stipule que l’incapacité permanente partielle (IPP) résultant d’un accident du travail est déterminée selon des barèmes indicatifs d’invalidité. Le barème d’invalidité précise les taux d’IPP en fonction des limitations de mouvement et des douleurs associées. Le tribunal a fixé le taux d’IPP à 20 %, tenant compte des limitations de mouvement de l’épaule droite et des douleurs, tout en considérant que les barèmes ne sont qu’indicatifs et que d’autres critères doivent être pris en compte.
|
Résumé de l’affaire :
Contexte de l’accidentLa caisse primaire d’assurance-maladie a pris en charge un accident survenu le 30 mai 2015, impliquant une salariée d’une grande enseigne. Le certificat médical initial a révélé une déchirure musculaire à l’épaule droite. Évolution de l’état de santéUn certificat médical ultérieur a signalé une nouvelle lésion, mais la caisse a refusé de la prendre en charge. Elle a néanmoins accepté de couvrir une lésion de l’épaule mentionnée dans un certificat de décembre 2016. L’état de santé de la salariée a été déclaré consolidé en mai 2021, avec un taux d’incapacité permanente partielle fixé à 10 %. Contestation du taux d’incapacitéLa salariée a contesté ce taux devant la commission médicale, qui l’a maintenu. Elle a ensuite saisi le tribunal judiciaire, qui a fixé le taux d’IPP à 30 % et a ordonné la liquidation de ses droits. Appel de la caisseLa caisse a interjeté appel du jugement, demandant la confirmation du taux d’IPP de 10 % et le déboutement de la salariée de toute demande d’indemnisation. Arguments des partiesLa caisse a présenté plusieurs examens médicaux pour justifier son positionnement, tandis que la salariée a soutenu que son taux de déficit fonctionnel permanent était de 20 %, en raison de limitations notables de mouvement et de douleurs persistantes. Décision du tribunalLe tribunal a confirmé que le taux d’IPP devait être fixé à 20 %, tenant compte des limitations de mouvement et des douleurs. La caisse a été condamnée aux dépens de première instance, tandis que la salariée a été condamnée aux dépens d’appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le cadre juridique applicable à la détermination du taux d’incapacité permanente partielle (IPP) ?La détermination du taux d’IPP est régie par l’article L. 434-2 du Code de la sécurité sociale, qui stipule que « l’incapacité permanente partielle est évaluée en fonction des conséquences de l’accident sur la capacité de travail de l’assuré et sur sa vie quotidienne ». Cet article précise que l’évaluation doit se faire selon les barèmes d’invalidité des accidents du travail, qui sont indicatifs et doivent tenir compte des atteintes aux fonctions articulaires. Le barème d’invalidité, notamment dans son chapitre 1.1.2, indique les taux applicables en fonction des limitations de mouvements et des douleurs associées. Il est également mentionné que des taux supérieurs peuvent être appliqués en cas de blocage des articulations, ce qui n’est pas le cas dans la situation examinée. Quel est l’impact des constatations médicales sur l’évaluation du taux d’IPP ?Les constatations médicales jouent un rôle crucial dans l’évaluation du taux d’IPP. Le jugement fait référence aux examens réalisés par différents médecins, notamment le médecin-conseil qui a évalué la mobilité de l’épaule de l’assurée. Les résultats de ces examens sont essentiels pour déterminer la limitation des mouvements. Par exemple, le médecin-conseil a constaté que les élévations antérieure et latérale étaient considérées comme des limitations légères, ce qui influence directement le taux d’IPP. L’article L. 434-2 du Code de la sécurité sociale impose que l’évaluation prenne en compte non seulement les limitations de mouvements, mais aussi les douleurs qui peuvent affecter la capacité de travail. Ainsi, la combinaison des limitations de mouvements et des douleurs a conduit à la fixation du taux d’IPP à 20 % dans cette affaire. Quel est le rôle des barèmes d’invalidité dans la fixation du taux d’IPP ?Les barèmes d’invalidité, tels que mentionnés dans le jugement, servent de référence pour l’évaluation des taux d’IPP. Le barème indicatif d’invalidité des accidents du travail propose des taux spécifiques en fonction des atteintes aux fonctions articulaires. Par exemple, pour une limitation moyenne de tous les mouvements de l’épaule dominante, le barème prévoit un taux d’IPP compris entre 10 et 15 %. Cependant, des taux plus élevés peuvent être envisagés en cas de blocage ou d’algodystrophie, ce qui n’est pas le cas ici. L’article L. 434-2 du Code de la sécurité sociale souligne que ces barèmes sont indicatifs et doivent être appliqués en tenant compte des circonstances spécifiques de chaque cas, y compris les douleurs et les limitations fonctionnelles. Quel est l’effet de la décision de la cour sur les frais de justice ?La décision de la cour a des implications directes sur les frais de justice. Selon le jugement, la caisse a été condamnée aux dépens de première instance, ce qui signifie qu’elle doit couvrir les frais engagés par l’assurée pour cette phase du litige. De plus, l’assurée a été condamnée aux dépens d’appel, ce qui implique qu’elle devra également assumer les frais liés à l’appel. Cette répartition des frais est conforme aux dispositions générales du Code de procédure civile, qui stipule que la partie perdante est généralement condamnée aux dépens. Ainsi, la cour a confirmé la décision du tribunal de première instance concernant les dépens, en précisant que ceux-ci seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle. |
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 28 FEVRIER 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
21/00444
Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DU HAVRE du 13 Novembre 2023
APPELANTE :
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU [Localité 3]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Estelle DHIMOLEA, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
Madame [X] [V]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Laurent BENOIST, avocat au barreau du HAVRE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 76540-2023-009804 du 14/03/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Rouen)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 07 Janvier 2025 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ROGER-MINNE, Conseillère
Madame POUGET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 07 janvier 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 28 février 2025
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 28 Février 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La caisse primaire d’assurance-maladie du [Localité 3] (la caisse) a pris en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, un accident dont a été victime Mme [X] [V], salariée de la société Carrefour, le 30 mai 2015. Le certificat médical initial mentionnait une « déchirure musculaire de l’épaule et région axillaire droite ».
La caisse a reçu un certificat médical de prolongation faisant état d’une lésion nouvelle, consistant en des paresthésies de la main droite. Elle a refusé de prendre en charge cette lésion au titre de l’accident du travail.
Elle a en revanche accepté la prise en charge d’une « lésion bourrelet épaule droite », mentionnée dans un certificat médical du 22 décembre 2016.
L’état de santé de l’assurée a été déclaré consolidé au 5 mai 2021 et le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) a été fixé à 10 % au regard des séquelles de l’accident consistant en une gêne et une douleur, moyennes, de l’épaule droite côté dominant.
Mme [V] a contesté ce taux devant la commission médicale de recours amiable qui l’a maintenu.
Elle a poursuivi sa contestation devant le pôle social du tribunal judiciaire du Havre qui, par jugement du 13 novembre 2023, a :
– fixé à 30 %, à compter du 5 mai 2021, le taux d’IPP de Mme [V],
– renvoyé celle-ci devant la caisse pour liquidation de ses droits,
– condamné la caisse aux dépens,
– ordonné l’exécution provisoire de la décision.
La caisse a relevé appel du jugement le 12 décembre 2023.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions remises le 7 octobre 2024, soutenues oralement à l’audience, la caisse demande à la cour de :
– infirmer le jugement,
– confirmer le taux d’IPP de 10 %,
– débouter Mme [V] de toute demande d’indemnisation du retentissement professionnel susceptible d’être formulée,
– à titre subsidiaire, attribuer un taux d’IPP maximal de 20 %.
Elle expose que plusieurs examens médicaux ont été réalisés : le premier, en 2019, soit deux ans avant la date de consolidation, par le docteur [E], qui s’est prononcée selon les règles de droit commun ; le deuxième effectué par son médecin-conseil à la date de consolidation, selon le barème indicatif d’invalidité des accidents du travail ; le dernier, réalisé deux ans après la consolidation par le docteur [W], désigné par le tribunal.
Elle fait valoir que le taux maximal prévu au barème indicatif d’invalidité des accidents de travail est de 20 % pour l’épaule dominante dès qu’il est constaté une limitation moyenne de tous les mouvements ; que des taux supérieurs sont prévus en cas de blocage de l’épaule, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ; que par ailleurs l’assurée présente une limitation de certains mouvements, la rotation externe étant conservée ; que le médecin-conseil a considéré que la limitation de tous les mouvements de l’épaule dominante était légère ; que dans ce cas le barème indicatif prévoit un taux d’IPP compris entre 10 et 15 % ; qu’il existe une pathologie intercurrente, à savoir une arthrose acromio-claviculaire. Elle ajoute qu’il n’appartenait pas au médecin-conseil de fixer un taux professionnel mais à elle-même de déterminer si les éléments portant sur la situation professionnelle de l’assurée, en sa possession au moment de la consolidation, justifiaient que lui soit attribué un tel taux. La caisse considère que le médecin désigné par le tribunal n’a pas fixé le taux d’IPP en fonction de l’examen du médecin-conseil mais en fonction de son propre examen qu’il estimait comparable à celui effectué en 2019.
Par conclusions remises le 24 octobre 2024, soutenues oralement à l’audience, Mme [V] demande à la cour de :
– confirmer le jugement,
– subsidiairement, fixer le taux d’IPP à 20 %,
– condamner la caisse aux dépens d’appel.
Elle indique que le docteur [E] a évalué son taux de déficit fonctionnel permanent à 20 %, avec préjudice professionnel et fait valoir que le médecin expert n’a jamais retenu une quelconque pathologie de type traumatique et a constaté l’existence d’une limitation notable de l’ensemble des mouvements, sans trop de différence entre les divers examens ainsi que des douleurs, en lien avec l’accident du travail. Elle rappelle que les barèmes d’invalidité ne sont qu’indicatifs et que le taux d’IPP repose sur plusieurs critères cumulatifs. Elle précise être âgée de 44 ans et ne disposer d’aucune qualification, ce qui limite fortement ses chances d’insertion sur le marché du travail.
Elle soutient que son handicap a sur elle des répercussions morales et psychologiques et précise qu’elle ne sollicite pas l’attribution d’un taux socio-professionnel.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé détaillé de leurs moyens.
1/ Sur la détermination du taux d’IPP
Le tribunal a rappelé à juste titre les dispositions de l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale et les indications du barème d’invalidité des accidents du travail, en son chapitre 1.1.2 relatif aux atteintes des fonctions articulaires.
Le jugement indique par ailleurs que le docteur [W] a retenu un taux de 30 % par référence à ce chapitre mais également au chapitre 4. 2. 6 du barème des accidents du travail, indemnisant les algodystrophies qui peuvent se manifester notamment par des troubles articulaires, avec blocage plus ou moins prononcé des articulations. Le barème propose un taux de 10 à 20 % pour une forme mineure sans troubles trophiques importants, sans troubles neurologiques et sans impotence.
La mesure de la mobilité des épaules, par le médecin-conseil lors de son examen du 28 avril 2021, révèle les résultats suivants :
épaule gauche
en actif/en passif
épaule droite (membre atteint et dominant)
en actif/en passif
élévation antérieure
(antépulsion)
mesure normale :
180°
165°/165°
80°/110°
rétropulsion
40°
25°/35°
25°/65°
élévation latérale (abduction)
170°
165°/165°
70°/110°
rotation externe
60°
45°/45°
45°/45°
rotation interne :
main-nuque
main-dos
atteint
T8
non atteint
L2
Le médecin-conseil n’a pas constaté d’amyotrophie de l’épaule droite. Il mentionne un traitement à base d’antalgique de palier 2. Il ne retient pas d’état antérieur éventuel interférant avec l’accident du travail.
Il est constant que les élévations antérieure et latérale, réalisées au-delà de 90°, sont considérés comme des limitations légères.
Dans une note contenant ses observations par rapport à la consultation réalisée par le docteur [W], le médecin-conseil de la caisse relève que si l’expert a retenu une élévation du bras droit en dessous des mesures faites lors de l’examen de 2021, celle-ci atteint quand même les 90° d’élévation en passif ; que la participation de l’assurée n’était pas optimale au regard de ses déclarations contraires aux constatations et que la douleur à la palpation de l’articulation acromio-claviculaire, évoquée par l’expert, signe une affection intercurrente douloureuse participant à la limitation de l’épaule mais qui n’est pas en lien avec les séquelles de l’accident. Le médecin conseil indique en outre qu’il ressort du rapport du docteur [E] une absence d’algodystrophie, ce qui a permis la chirurgie du 18 janvier 2019. Le docteur [E] mentionne précisément une absence de contre-indication opératoire, en particulier une ‘absence d’algodystrophie évolutive’. La scintigraphie osseuse d’avril 2018 mentionne en effet la persistance de minime signe d’algodystrophie visible uniquement au temps tardif de l’épaule.
Il est constant que le barème indicatif d’invalidité retient les mobilités passives. Cependant il convient de tenir compte des douleurs importantes qui peuvent limiter les mobilités actives.
Ainsi, compte tenu de la limitation de la plupart des mouvements, qui peut être qualifiée de légère à moyenne et des douleurs imputables aux séquelles résultant de l’accident du travail, il convient de fixer le taux d’IPP à 20 %.
2/ Sur les frais du procès
Au regard de la solution du litige, le jugement est confirmé en ce qu’il a condamné la caisse aux dépens de première instance et Mme [V] est condamnée aux dépens d’appel.
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en dernier ressort :
Infirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire du Havre du 13 novembre 2023 sauf s’agissant des dépens ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Fixe le taux d’IPP de Mme [X] [V] à la suite de son accident du travail du 30 mai 2015, consolidé le 5 mai 2021, à 20 % ;
Condamne Mme [V] aux dépens d’appel qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?