Équilibre entre créancier et débiteur : enjeux de la résiliation de bail commercial et des délais de paiement.

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Équilibre entre créancier et débiteur : enjeux de la résiliation de bail commercial et des délais de paiement.

L’Essentiel : La S.C.I. 4 RUE DE LA PAIX a assigné la S.A.S. RETT SERVICES en référé pour défaut de paiement de loyer, après un commandement de payer resté sans effet. Malgré des difficultés financières reconnues par la S.A.S., la S.C.I. a refusé un délai de régularisation, soulignant l’absence de justificatifs. Le juge a constaté que le bail prévoyait la résiliation en cas de non-paiement et a condamné la S.A.S. à verser une provision pour les loyers dus, tout en autorisant des paiements échelonnés sur six mois, suspendant ainsi la clause résolutoire, mais en prévenant des conséquences en cas de non-respect.

PRESENTATION DU LITIGE

La S.C.I. 4 RUE DE LA PAIX a conclu un bail commercial avec la S.A.S. RETT SERVICES le 11 décembre 2023, portant sur des locaux d’un immeuble en copropriété pour une durée de 9 ans, avec un loyer annuel de 13 470,36 € hors taxes. En raison d’un défaut de paiement, la S.C.I. a assigné la S.A.S. en référé le 5 août 2024, demandant la résiliation du bail, l’expulsion de la locataire, le paiement d’une indemnité d’occupation et d’autres sommes dues.

DEFAUT DE PAIEMENT ET REQUETE EN REFERE

La S.C.I. a constaté un défaut de paiement malgré un commandement de payer délivré le 25 juin 2024. La S.A.S. RETT SERVICES a reconnu des difficultés financières, ayant réduit sa masse salariale et effectué des paiements partiels, mais a demandé un délai de 6 mois pour régulariser sa situation. La S.C.I. s’est opposée à cette demande, soulignant l’absence de justificatifs.

MOTIFS DE LA DECISION

Le bail stipule que le non-paiement d’une échéance entraîne la résiliation. Le commandement de payer a été ignoré, et la dette n’a pas été réglée dans le délai imparti. Bien que la S.A.S. ait fait des efforts pour apurer sa dette, le juge a noté l’absence de justificatifs. Cependant, il a reconnu la nécessité d’un échéancier pour permettre à la locataire de régulariser sa situation.

DECISION

Le juge a condamné la S.A.S. RETT SERVICES à verser une provision de 1 665,36 € pour les loyers dus et 1 200 € pour les frais d’instance. Il a autorisé des paiements échelonnés sur six mois, tout en suspendant les effets de la clause résolutoire. En cas de non-paiement, la clause résolutoire serait réactivée, permettant l’expulsion et la reprise des voies d’exécution. La S.A.S. a été condamnée aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conséquences du non-paiement du loyer dans le cadre d’un bail commercial ?

Le non-paiement du loyer dans le cadre d’un bail commercial peut entraîner plusieurs conséquences, notamment la résiliation du bail et l’expulsion du locataire.

Selon l’article L 145-41 du Code de commerce, « le bailleur peut, en cas de non-paiement d’une seule échéance de loyer, faire délivrer un commandement de payer ».

Ce commandement doit mentionner la clause résolutoire insérée dans le bail, et si le locataire ne s’acquitte pas de sa dette dans le délai d’un mois, le bailleur peut demander la résiliation du bail.

Dans le cas présent, la S.C.I. 4 RUE DE LA PAIX a délivré un commandement de payer le 25 juin 2024, et le locataire n’a pas réglé les sommes dues dans le délai imparti.

Ainsi, la résiliation du bail est justifiée, et l’expulsion du locataire peut être ordonnée, comme le stipule l’article L 145-41.

Quels sont les droits du bailleur en cas de résiliation du bail commercial ?

En cas de résiliation du bail commercial, le bailleur a plusieurs droits, notamment celui de demander l’expulsion du locataire et de récupérer les sommes dues.

L’article 1719 du Code civil précise que « le bailleur est tenu de délivrer la chose louée en bon état de réparations de toute espèce ».

En cas de non-paiement, le bailleur peut également demander une indemnité d’occupation, qui est généralement équivalente au montant du loyer et des charges dus jusqu’à la libération des lieux.

Dans cette affaire, la S.C.I. 4 RUE DE LA PAIX a demandé le paiement d’une indemnité provisionnelle d’occupation, ce qui est conforme aux droits du bailleur en cas de résiliation.

De plus, l’article 700 du Code de procédure civile permet au bailleur de demander le remboursement de ses frais d’instance, ce qui a également été accordé dans cette décision.

Quelles sont les conditions pour obtenir un délai de paiement dans le cadre d’un bail commercial ?

Pour obtenir un délai de paiement dans le cadre d’un bail commercial, le locataire doit démontrer sa bonne foi et sa volonté de régulariser sa situation.

L’article L 145-41 du Code de commerce, en lien avec l’article 1343-5 du Code civil, stipule que le juge peut accorder des délais et suspendre les effets de la clause résolutoire en tenant compte de la situation du débiteur et des besoins du créancier.

Dans le cas présent, la S.A.S. RETT SERVICES a expliqué avoir rencontré des difficultés de trésorerie et a proposé un échéancier de paiement.

Bien que la S.C.I. 4 RUE DE LA PAIX ait contesté cette demande, le juge a reconnu les efforts de la locataire et a accordé un délai de six mois pour apurer son retard, ce qui est conforme aux dispositions légales.

Comment se calcule l’indemnité d’occupation due par le locataire en cas d’expulsion ?

L’indemnité d’occupation due par le locataire en cas d’expulsion est généralement calculée sur la base du montant du loyer et des charges dus.

L’article 1728 du Code civil précise que « le locataire est tenu de payer le loyer aux termes convenus ».

Dans cette affaire, le décompte des loyers a permis de constater qu’il était dû 1 665,36 € jusqu’au 31 octobre 2024, ce qui a été retenu comme base pour l’indemnité d’occupation.

Le juge a donc fixé l’indemnité provisionnelle d’occupation sur cette base, conformément aux pratiques en matière de baux commerciaux et aux dispositions légales applicables.

Ainsi, l’indemnité d’occupation est due jusqu’à la libération complète des lieux, ce qui est une pratique courante en matière de droit locatif.

N° RG 24/00852 – N° Portalis DBYS-W-B7I-NFOS

Minute N° 2024/

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

du 21 Novembre 2024

—————————————–

S.C.I. 4 RUE DE LA PAIX

C/

S.A.S. RETT SERVICES

—————————————

copie exécutoire délivrée le 21/11/2024 à :

la SELARL CVS – 22B
copie certifiée conforme délivrée le 21/11/2024 à :

Me Georgina BOSSARD – 39
la SELARL CVS – 22B
dossier

MINUTES DU GREFFE

DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES

(Loire-Atlantique)

_________________________________________

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
_________________________________________

Président : Pierre GRAMAIZE

Greffier : Eléonore GUYON

DÉBATS à l’audience publique du 17 Octobre 2024

PRONONCÉ fixé au 21 Novembre 2024

Ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe

ENTRE :

S.C.I. 4 RUE DE LA PAIX (RCS NANTES 492 866 413),
dont le siège social est sis [Adresse 1]
[Localité 3]
Rep/assistant : Maître Florent LUCAS de la SELARL CVS, avocats au barreau de NANTES

DEMANDERESSE

D’UNE PART

ET :

S.A.S. RETT SERVICES (RCS NANTES 913 890 703),
dont le siège social est sis [Adresse 5]
[Localité 4]
Rep/assistant : Me Georgina BOSSARD, avocat au barreau de RENNES

DÉFENDERESSE

D’AUTRE PART

PRESENTATION DU LITIGE

Selon acte dressé le 11 décembre 2023, la S.C.I. 4 RUE DE LA PAIX a donné à bail commercial à la S.A.S. RETT SERVICES des locaux correspondants aux lots n° 20, 22, 23 d’un immeuble en copropriété situé [Adresse 2] pour une durée de 9 ans à destination de l’activité d’aide à la personne moyennant un loyer annuel de 13 470,36 € hors taxes hors charges, payable mensuellement d’avance.

Se plaignant d’un défaut de paiement du loyer malgré un commandement de payer visant la clause résolutoire du 25 juin 2024, la S.C.I. 4 RUE DE LA PAIX a fait assigner en référé la S.A.S. RETT SERVICES suivant acte de commissaire de justice du 5 août 2024 pour solliciter :
– le constat de la résiliation du bail,
– l’expulsion de la S.A.S. RETT SERVICES et de tous occupants de son chef et ce, au besoin avec l’aide de la force publique et d’un serrurier et sous astreinte de 300 € par jour de retard passé le délai de 8 jours à compter de la signification de l’ordonnance,
– le paiement d’une indemnité provisionnelle d’occupation égale au montant du loyer et des charges du 1er août 2024 jusqu’à libération effective des lieux,
– le paiement provisionnel de la somme de 4 140,24 € au titre des loyers, indemnités et charges impayés arrêtés au 31 juillet 2024,
– le paiement de la somme de 1 500,00 € en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens, y compris le coût du commandement du 25 juin 2024.

La S.A.S. RETT SERVICES explique qu’elle a rencontré des difficultés de trésorerie qu’elle a surmontées en réduisant sa masse salariale et qu’elle a pu procéder à des versements d’un montant total de 6 570 €, réduisant la dette locative à 1 665,36 € au 31 octobre 2024 et non pas 3 058,69 €. Elle demande un délai de 6 mois pour apurer son retard avec suspension des effets de la clause résolutoire en laissant à chaque partie ses frais et dépens.

La S.C.I. 4 RUE DE LA PAIX s’oppose aux délais, en soulignant que la locataire ne produit aucun justificatif au soutien de sa demande, et elle actualise sa demande de provision à la somme de 3 058,69 € au 31 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

L’acte de bail des 11 décembre 2023 prévoyait le versement d’un loyer annuel de 13 470,36 € hors taxes hors charges, payable mensuellement d’avance, indexé, sous peine de résiliation du bail en cas de non-paiement d’une seule échéance.

La S.C.I. 4 RUE DE LA PAIX a fait délivrer un commandement de payer le 25 juin 2024 portant sur un arriéré de loyer et charges de 1 410,16 € TTC et qui rappelait la clause résolutoire insérée au bail et les dispositions de l’article L 145-41 du code de commerce.

Les sommes dues n’ont pas été réglées dans le délai d’un mois imparti par le commandement.

Il résulte d’un état récapitulatif des inscriptions délivré par le greffe du tribunal de commerce qu’il n’y a pas de créanciers inscrits au 22 juillet 2024.

La dette n’ayant pas été entièrement réglée dans le délai imparti, ce qui n’est pas contesté, le preneur encourt la résiliation du bail.

En ce cas, il n’y aurait pas de contestation sérieuse sur le principe de l’acquisition de la clause résolutoire qu’il conviendrait de constater, ce qui justifierait l’expulsion du preneur et de tous occupants de son chef au besoin avec l’aide de la force publique.

Il serait cependant inutile de fixer une astreinte, dès lors que l’autorisation de recourir à la force publique devrait permettre d’assurer l’exécution de la décision d’expulsion.

L’indemnité provisionnelle d’occupation serait fixée sur la base du montant du loyer et des charges.

Le décompte des loyers et accessoires du 10 octobre 2024 permet de constater qu’il est dû 1 665,36 € jusqu’au 31 octobre 2024, déduction faite du virement du 1er octobre 2024 pour un montant de 1 270,00 € et des frais de commandement de 123,33 € inclus dans les dépens, de sorte que cette somme n’est pas sérieusement contestable et sera accordée à titre de provision.

Il est équitable de fixer à 1 200 € l’indemnité pour frais d’instance non compris dans les dépens que la S.A.S. RETT SERVICES devra verser à la demanderesse en application de l’article 700 du code de procédure civile, étant souligné que rien ne justifie de laisser ces frais à la charge du bailleur étant donné que c’est la défaillance du preneur qui est à l’origine de cette procédure.

Le statut des baux commerciaux prévoit et encadre la faculté du juge d’accorder des délais et de suspendre les effets de la clause résolutoire dans les dispositions de l’article L 145-41 du code de commerce qui renvoient à celles de l’article 1343-5 du code civil. Ces dispositions imposent de tenir compte de la situation du débiteur et de prendre en considération les besoins du créancier.

La S.A.S. RETT SERVICES, présumée de bonne foi, explique qu’elle a été victime de difficultés de trésorerie et qu’elle a pris des mesures pour les surmonter. Certes aucun justificatif comptable n’est produit, mais les efforts sont manifestes pour rattraper le retard compte tenu de la taille modeste de l’entreprise.

Il est donc impératif que le paiement régulier du loyer courant soit repris et qu’un échéancier soit calculé au plus juste pour permettre à la locataire de finir de payer l’arriéré.

Eu égard à l’effort déjà consenti, l’étalement sur un délai de six mois, en plus du loyer courant, pour solder la dette est raisonnable et sera accordé.

DECISION

Par ces motifs, Nous, juge des référés, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,

Condamnons la S.A.S. RETT SERVICES à payer à la S.C.I. 4 RUE DE LA PAIX :
– une provision de 1 665,36 € TTC au titre des loyers et charges dus jusqu’au 31/10/24,
– une somme de 1 200,00 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Autorisons la S.A.S. RETT SERVICES à s’acquitter de l’ensemble des sommes dues au titre de la présente décision sous la forme de cinq versements mensuels de 500,00 €, le premier devant intervenir dans le mois de la présente décision, et un sixième versement du solde de la dette dans le mois suivant le cinquième versement,

Ordonnons la suspension des effets de la clause résolutoire et des voies d’exécution,

Disons qu’en cas de non paiement d’un seul des versements prévus ou du loyer courant à leur échéance, la clause résolutoire reprendra son effet et qu’en ce cas :
– l’expulsion de la S.A.S. RETT SERVICES et celle de tous occupants de son chef pourra intervenir sans nouvelle formalité au besoin avec l’aide de la force publique et le cas échéant d’un serrurier,
– le solde restant dû redeviendra immédiatement exigible et les voies d’exécution pourront être reprises,
– une indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des charges sera due jusqu’à la libération complète des lieux,

Rejetons toutes autres prétentions plus amples ou contraires,

Condamnons la S.A.S. RETT SERVICES aux dépens, y compris le coût du commandement du 25 juin 2024.

Le Greffier, Le Président,

Eléonore GUYON Pierre GRAMAIZE


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