L’essentiel : Le 12 janvier 2021, la CNIL a rappelé à l’ordre le ministère de l’Intérieur pour l’utilisation illicite de drones équipés de caméras, notamment pour surveiller le respect des mesures de confinement. La CNIL a ordonné la cessation de tout vol de drone jusqu’à l’établissement d’un cadre normatif approprié. En outre, le ministère doit se conformer à la loi Informatique et Libertés, qui exige une analyse d’impact pour les traitements de données personnelles. Aucun texte ne permet actuellement l’utilisation de ces drones, et le public n’a pas été informé de leur déploiement, ce qui constitue une violation des droits des citoyens. |
Le 12 janvier 2021, la CNIL a « rappelé à l’ordre » le ministère de l’Intérieur pour avoir utilisé de manière illicite des drones équipés de caméras, notamment pour surveiller le respect des mesures de confinement (la CNIL ne peut pas prononcer d’amendes à l’encontre de l’État). La CNIL a enjoint au ministère de cesser tout vol de drone jusqu’à ce qu’un cadre normatif l’autorise. En complément de cette sanction, la CNIL a aussi enjoint au ministère de se mettre en conformité avec la loi Informatique et Libertés. Elle demande ainsi au ministère de cesser tout vol de drone jusqu’à ce qu’un cadre normatif autorise un tel traitement de données personnelles. Contrôle des mesures de confinementDès mars 2020, les forces de police et de gendarmerie ont utilisé des drones équipés de caméras afin de veiller au respect des mesures de confinement. Sur contrôle, le ministère a indiqué à la CNIL utiliser des drones équipés de caméras, notamment pour vérifier le respect des mesures de confinement, pour la surveillance de manifestations, pour des missions de police judiciaire (telles que la reconnaissance d’un lieu avant une interpellation ou la surveillance d’un trafic de stupéfiants), ou encore pour la surveillance de rodéos urbains. Dès lors que les personnes filmées par ce type de dispositif étaient susceptibles d’être identifiées, le droit des données personnelles était pleinement applicable. À l’issue de la procédure, la CNIL a considéré que le ministère avait manqué à plusieurs obligations de la loi Informatique et Libertés. Les manquements en causeLa loi Informatique et Libertés prévoit que les traitements mis en œuvre par l’État, notamment pour prévenir ou détecter les infractions pénales, mener des enquêtes ou se prémunir contre des atteintes à la sécurité publique, doivent être prévus par un texte (législatif ou réglementaire). En outre, une analyse d’impact doit être réalisée lorsque ces traitements présentent un risque élevé pour les droits et libertés des personnes. Or, à ce jour, aucun texte n’autorise le ministère de l’Intérieur à recourir à des drones équipés de caméras captant des images sur lesquelles les personnes sont identifiables. De même, alors qu’elle est obligatoire, aucune analyse d’impact n’a été communiquée à la CNIL concernant l’utilisation de ces drones. Le public n’était pas non plus informé de l’utilisation des drones comme il aurait dû l’être. Par ailleurs, si le ministère de l’Intérieur indique avoir développé un mécanisme floutant l’image des personnes, ce mécanisme n’est intervenu qu’au mois d’août, alors que de nombreux vols avaient été réalisés préalablement. De plus, ce mécanisme ne peut pas être exécuté directement par le drone. Des images contenant des données personnelles sont donc collectées, transmises et traitées par le ministère de l’Intérieur avant que ce système de floutage ne soit appliqué. Enfin, ce mécanisme n’empêche pas nécessairement l’identification des personnes dès lors que les services du ministère de l’Intérieur sont en mesure de désactiver le floutage. Interdictions du Conseil d’ÉtatLa sanction prononcée par la formation restreinte s’inscrit dans le prolongement de deux décisions rendues récemment, en référé, par le Conseil d’État sur le même sujet (18 mai 2020 et 22 décembre 2020). Elle a néanmoins un périmètre plus large. En effet, les décisions rendues par le Conseil d’État étaient des décisions particulières, rendues en procédure d’urgence et dans des délais légaux particulièrement courts, portant sur des décisions d’engager des moyens aériens dans des situations et des lieux précis : la première était relative à la surveillance des mesures de confinement à Paris, et la seconde concernait la surveillance des manifestations à Paris. La procédure initiée par la CNIL est, quant à elle, générale et vise toutes les utilisations de drones par les services du ministère de l’Intérieur (services de police et de gendarmerie, sur l’ensemble du territoire national) pour les traitements visant à prévenir ou détecter les infractions pénales, à mener des enquêtes et à poursuivre leurs auteurs, ou ayant pour but la protection contre les menaces pour la sécurité publique. |
Q/R juridiques soulevées : Quel événement a conduit la CNIL à rappeler à l’ordre le ministère de l’Intérieur ?Le 12 janvier 2021, la CNIL a rappelé à l’ordre le ministère de l’Intérieur pour l’utilisation illicite de drones équipés de caméras. Ces drones étaient employés pour surveiller le respect des mesures de confinement mises en place en raison de la pandémie de COVID-19. La CNIL, qui est l’autorité française de protection des données personnelles, a souligné que cette utilisation était contraire à la loi Informatique et Libertés. Bien qu’elle ne puisse pas infliger d’amendes à l’État, elle a enjoint le ministère de cesser tout vol de drone jusqu’à ce qu’un cadre normatif approprié soit établi.Quelles étaient les raisons de l’utilisation des drones par le ministère de l’Intérieur ?Dès mars 2020, les forces de police et de gendarmerie ont commencé à utiliser des drones équipés de caméras pour veiller au respect des mesures de confinement. Le ministère a indiqué que ces drones étaient également utilisés pour surveiller des manifestations, mener des missions de police judiciaire, et surveiller des activités illégales telles que le trafic de stupéfiants ou les rodéos urbains. Cependant, l’utilisation de ces dispositifs soulève des questions sur le respect des droits des personnes filmées. En effet, dès lors que les individus filmés peuvent être identifiés, le droit des données personnelles s’applique pleinement, ce qui impose des obligations strictes au ministère.Quels manquements la CNIL a-t-elle identifiés dans l’utilisation des drones ?La CNIL a identifié plusieurs manquements à la loi Informatique et Libertés. Cette loi stipule que tout traitement de données personnelles par l’État doit être encadré par un texte législatif ou réglementaire. De plus, une analyse d’impact est requise lorsque ces traitements présentent un risque élevé pour les droits et libertés des personnes. Or, à ce jour, aucun texte n’autorise le ministère de l’Intérieur à utiliser des drones pour capturer des images identifiables. De plus, aucune analyse d’impact n’a été fournie à la CNIL, et le public n’a pas été informé de l’utilisation de ces drones, ce qui constitue une violation des obligations légales.Quelles mesures le ministère de l’Intérieur a-t-il mises en place pour flouter les images ?Le ministère de l’Intérieur a indiqué avoir développé un mécanisme pour flouter les images des personnes filmées par les drones. Cependant, ce mécanisme n’a été mis en place qu’en août, après de nombreux vols ayant déjà eu lieu. De plus, ce système de floutage ne peut pas être exécuté directement par le drone. Les images contenant des données personnelles sont donc collectées et traitées avant que le floutage ne soit appliqué. Cela soulève des préoccupations quant à la possibilité d’identification des personnes, car les services du ministère peuvent désactiver le floutage.Comment la décision de la CNIL s’inscrit-elle dans le cadre des décisions du Conseil d’État ?La décision de la CNIL s’inscrit dans le prolongement de deux décisions récentes du Conseil d’État, rendues en référé, concernant l’utilisation de drones pour surveiller les mesures de confinement et les manifestations à Paris. Cependant, la sanction de la CNIL a un périmètre plus large, visant toutes les utilisations de drones par le ministère de l’Intérieur sur l’ensemble du territoire national. Contrairement aux décisions du Conseil d’État, qui étaient spécifiques à des situations précises, la procédure de la CNIL aborde de manière générale les traitements visant à prévenir ou détecter les infractions pénales et à protéger la sécurité publique. |
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