Droit de préemption : Validité de la vente et obligations du vendeur.

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Droit de préemption : Validité de la vente et obligations du vendeur.

Règle de droit applicable

L’article L. 214-1 du code de l’urbanisme établit que le droit de préemption de la commune peut être exercé dans un périmètre de sauvegarde défini par délibération du conseil municipal, concernant les aliénations de fonds de commerce à titre onéreux. Ce droit s’exerce selon les modalités prévues par ce texte et ceux auxquels il renvoie.

La déclaration d’intention d’aliéner (DIA), prévue par ce texte, est considérée comme une offre de vente, tandis que l’exercice du droit de préemption est interprété comme une acceptation, interdisant toute rétractation de l’auteur de la DIA. Ainsi, la vente est considérée comme parfaite à la date de notification de la décision de préemption au vendeur, conformément aux dispositions de l’article 1113 du code civil.

Les dispositions de l’article L. 213-14 du code de l’urbanisme, qui dérogent à l’article 1583 du code civil, stipulent que dans le cadre d’une acquisition par voie de préemption, le transfert de propriété intervient à la plus tardive des dates auxquelles se produisent le paiement et l’acte authentique. Cela a pour effet de différer le transfert de propriété du bien préempté, mais non la formation de la vente, qui se réalise dès la notification de l’exercice du droit de préemption, conformément à l’article 1121 du code civil.

Application des textes

Dans cette affaire, la société MEKA France a soumis sa déclaration d’intention d’aliéner le 21 juillet 2020, et le maire de la commune de [Localité 6] a décidé d’exercer le droit de préemption le 14 septembre 2020, décision notifiée à la société MEKA France le 21 septembre 2020, respectant ainsi le délai de deux mois prévu par l’article L. 214-1 du code de l’urbanisme.

Dès lors que l’offre a été acceptée, les courriers de rétractation ultérieurs de la société MEKA France sont considérés comme sans effet. Le contrat de vente est donc conclu le 21 septembre 2020, et non à une date ultérieure comme le 21 juillet 2021, comme indiqué à tort dans le jugement initial.

La commune de [Localité 6] a également valablement consigné le prix de vente dans le délai de quatre mois suivant la décision d’acquérir le bien, conformément aux exigences de l’article L. 213-14 du code de l’urbanisme. La société MEKA France ne peut pas se prévaloir du défaut de paiement du prix de vente dans ce délai, car elle a refusé de fournir les éléments nécessaires à la rédaction de l’acte de vente, ce qui a été dûment constaté par le tribunal.

Conséquences juridiques

Le jugement a donc correctement enjoint à la société MEKA France de remettre l’ensemble des éléments du fonds de commerce à la commune de [Localité 6], sous astreinte de 100 euros par jour de retard, avec un plafond de 3.000 euros. La cour a également rejeté les demandes de dommages et intérêts et d’amende civile formulées par la commune, considérant que la société MEKA France n’avait pas agi de manière dilatoire ou abusive.

En ce qui concerne les dépens, la société MEKA France a été condamnée à les supporter, sans qu’il y ait lieu d’appliquer l’article 700 du code de procédure civile, en raison de sa situation économique. Les autres demandes des parties ont été rejetées, confirmant ainsi la décision du tribunal de commerce d’Évry.

L’Essentiel : L’article L. 214-1 du code de l’urbanisme permet à la commune d’exercer son droit de préemption dans un périmètre de sauvegarde. La déclaration d’intention d’aliéner (DIA) est considérée comme une offre de vente, et l’exercice du droit de préemption comme une acceptation, rendant la vente parfaite à la notification de la décision. Dans cette affaire, la société MEKA France a vu son offre acceptée le 21 septembre 2020, rendant sans effet ses rétractations ultérieures.
Résumé de l’affaire : Résumé de l’affaire MEKA France et la Commune de [Localité 6]

Le 16 juin 2020, la société MEKA France, exploitant un fonds de commerce d’alimentation générale, a signé un compromis de vente pour céder son fonds à la société MEMAYA EXO pour un montant de 5.000 euros. La déclaration d’intention d’aliéner a été reçue par la Commune de [Localité 6] le 21 juillet 2020. Le 14 septembre 2020, la Commune a exercé son droit de préemption, notifiant sa décision aux parties le 21 septembre 2020.

Suite à cette décision, la société MEKA France a déposé un recours gracieux auprès du maire le 13 octobre 2020, puis a saisi le tribunal administratif de Versailles le 8 novembre 2020 pour annuler la décision de préemption. Le 20 novembre 2020, la Commune a consigné le prix de vente de 5.000 euros. Cependant, le 17 décembre 2020, la société MEKA France a informé la Commune de sa décision de ne plus céder son fonds, considérant la volonté d’acquérir caduque. Le 23 décembre 2020, elle s’est désistée de son action devant le tribunal administratif.

Le 1er juillet 2021, la Commune a saisi le tribunal de commerce d’Évry pour faire déclarer la vente parfaite et ordonner la délivrance du bien. Le jugement du 22 décembre 2022 a reconnu le droit de la Commune à prendre possession du fonds, en raison de la consignation du prix, et a enjoint à la société MEKA France de remettre les éléments du fonds sous astreinte. La Commune a été déboutée de ses demandes d’amende civile et de dommages et intérêts.

La société MEKA France a interjeté appel partiel le 2 janvier 2023. La Commune a également formulé des demandes d’appel incident. La cour d’appel a confirmé le jugement du tribunal de commerce, précisant que la vente avait été conclue le 21 septembre 2020, et a enjoint à la société MEKA France de remettre le fonds à la Commune, tout en modifiant certaines dispositions relatives à l’astreinte.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le cadre juridique du droit de préemption de la commune selon l’article L. 214-1 du code de l’urbanisme ?

L’article L. 214-1 du code de l’urbanisme stipule que le droit de préemption de la commune peut s’exercer dans un périmètre de sauvegarde délimité par délibération du conseil municipal, concernant les aliénations de fonds de commerce à titre onéreux.

Ce droit est exercé selon les modalités prévues par ce texte et ceux auxquels il renvoie. La déclaration d’intention d’aliéner (DIA) est considérée comme une offre de vente, et l’exercice du droit de préemption est une acceptation qui interdit toute rétractation de l’auteur de la DIA.

Ainsi, la vente est considérée comme parfaite à la date à laquelle la décision de préemption a été notifiée au vendeur, conformément aux dispositions de l’article 1113 du code civil.

Quel est l’impact de l’article L. 213-14 du code de l’urbanisme sur le transfert de propriété ?

L’article L. 213-14 du code de l’urbanisme déroge à l’article 1583 du code civil en précisant que, dans le cas d’une acquisition par voie de préemption, le transfert de propriété intervient à la plus tardive des dates auxquelles seront intervenus le paiement et l’acte authentique.

Cela signifie que, bien que le transfert de propriété soit différé, la formation de la vente est réalisée dès la notification de l’exercice du droit de préemption, conformément à l’article 1121 du code civil.

Dans cette affaire, la société MEKA France a adressé sa déclaration d’intention d’aliéner le 21 juillet 2020, et la décision de préemption a été notifiée le 21 septembre 2020, rendant ainsi la vente parfaite à cette date.

Quel est le rôle de la consignation du prix de vente dans le cadre de la préemption ?

La consignation du prix de vente est un élément essentiel dans le cadre de la préemption. L’article L. 213-14 du code de l’urbanisme exige que la commune consigne le prix de vente dans un délai de quatre mois suivant la décision d’acquérir le bien.

En l’espèce, la commune de [Localité 6] a valablement consigné le prix de vente dans ce délai, ce qui a été établi par le bordereau de mandat de la Trésorerie et le courrier du notaire.

Ainsi, la société MEKA France ne peut se prévaloir d’un défaut de paiement du prix de vente, car la consignation a été effectuée conformément aux exigences légales.

Quel est l’effet des courriers de rétractation envoyés par la société MEKA France ?

Les courriers de rétractation adressés par la société MEKA France après la notification de la décision de préemption sont sans effet. En effet, une fois que l’offre a été acceptée par la commune, la vente est considérée comme parfaite, et le vendeur ne peut plus se rétracter.

Le jugement a donc à juste titre constaté que le contrat de vente a été conclu le 21 septembre 2020, date de la notification de la décision de préemption, et non à une date ultérieure comme le prétendait la société MEKA France.

Quel est le fondement des demandes de dommages et intérêts et d’amende civile par la commune ?

La commune de [Localité 6] a demandé des dommages et intérêts ainsi qu’une amende civile en raison de l’attitude dilatoire de la société MEKA France. Cependant, le jugement a rejeté ces demandes, considérant que la preuve du préjudice allégué n’était pas démontrée.

De plus, la commune n’était pas recevable à solliciter une amende civile faute d’intérêt pour agir. Ainsi, le jugement a confirmé que la société MEKA France ne pouvait pas être condamnée à ces paiements.

Quel est le rôle de l’article 700 du code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du code de procédure civile permet à une partie de demander le remboursement des frais irrépétibles exposés en justice. Dans cette affaire, le tribunal a débouté les parties de leurs demandes fondées sur cet article, en considérant la situation économique de la société MEKA France.

Ainsi, aucune des parties n’a été condamnée à verser des sommes au titre de l’article 700, ce qui a été confirmé par la cour d’appel.

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRET DU 20 MARS 2025

(n° 42 /2025, 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 23/00805 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CG5FR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 décembre 2022 -Tribunal de commerce d’Evry (4ème chambre) RG n° 2021F00589

APPELANTE

S.A.S. MEKA FRANCE

Immatriculée au R.C.S. de Melun sous le n° 792 947 210

Agissant poursuites et diligences de son président domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée et assistée par Me Kamal TABI de la SELEURL K.T, avocat au barreau de Paris, toque : C0070

INTIMEE

Commune [Localité 6]

Enregistrée sous le numéro SIREN 219 103 264

Prise en la personne de son maire en exercice, habilité à agir en justice suivant délibération n° 54 du conseil municipal du 4 juillet 2020

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée et assistée par Me Florian MOKHTAR de la SELARL D4 Avocats Associés, avocat au barreau de Paris, toque : D1337, substitué à l’audience par Me Matthias MICHEL

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 01 juillet 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie Girousse, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre

Mme Sandra Leroy, conseillère

Mme Marie Girousse, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Marie Girousse, conseillère, en replacement de la présidente de chambre empêchée, et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 16 juin 2020, la société MEKA France, exploitant un fonds de commerce d’alimentation générale sous l’enseigne Meka France dans un local commercial situé [Adresse 1] à [Localité 6], a signé un compromis de vente portant sur la cession de son fonds de commerce au profit de la société MEMAYA EXO en cours d’immatriculation, pour un prix de 5.000 euros.

La déclaration d’intention d’aliéner a été reçue par la Commune de [Localité 6] le 21 juillet 2020.

Par décision du 14 septembre 2020, la Commune de [Localité 6] a exercé son droit de préemption aux conditions de la déclaration d’intention d’aliéner, la décision ayant été notifiée aux parties par lettre recommandée et remise en main propre au gérant de la société MEKA France, le 21 septembre 2020.

Par courrier recommandé du 13 octobre 2020, la société MEKA France a saisi le maire de la commune d’un recours gracieux contre la décision de préemption.

Le 8 novembre 2020, la société MEKA France a saisi le tribunal administratif de Versailles d’une requête en annulation de la décision de préemption rendue par le maire de Juvisy-sur-Orge le 14 septembre 2020.

Par lettre du 20 novembre 2020, Maître [B] [L], notaire a informé la société MEKA France de la consignation par la commune de [Localité 6] de la somme de 5.000 euros correspondant au prix de vente du fonds.

Par courrier du 17 décembre 2020, la société MEKA France a informé la commune de [Localité 6] de sa décision de ne plus céder son fonds de commerce considérant que la volonté d’acquérir de la commune devenait ainsi caduque.

Le 23 décembre 2020, la société MEKA France s’est désistée de son action devant le tribunal administratif de Versailles, ce désistement ayant été constaté par ordonnance du 5 janvier 2021.

Par acte d’huissier du 1er juillet 2021, la commune de Juvisy-sur-Orge a saisi le tribunal de commerce d’Évry, aux fins notamment de voir déclarer parfaite la vente du fonds de commerce et ordonner la délivrance du bien vendu.

Par jugement du 22 décembre 2022, le tribunal de commerce d’Évry a :

– dit qu’ayant consigné le prix demandé par la société MEKA France la Commune de [Localité 6] est en droit de prendre possession du fonds de commerce sis [Adresse 1] à [Localité 6] ;

– dit que la non-rédaction de l’acte authentique de vente est imputable à la société MEKA France qui refuse d’exécuter le contrat de vente et de transmettre les éléments nécessaires à sa rédaction ;

– enjoint à la société MEKA France de remettre à la Commune de Juvisy-sur-Orge l’ensemble des éléments du fonds de commerce cédé sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la date de signification de la décision à intervenir et dans la limite d’un montant de 3.000 euros, le tribunal se réservant la liquidation de ladite astreinte ;

– débouté la Commune de [Localité 6] de sa demande de condamnation de la société MEKA France à une amende civile ;

– débouté la Commune de [Localité 6] de sa demande de dommages et intérêts ;

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit et qu’il n’y a pas lieu de l’écarter ;

– dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires ;

– condamné la société MEKA France aux entiers dépens, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 60.22 euros TTC.

Par déclaration du 2 janvier 2023, la société MEKA France a interjeté appel partiel de ce jugement.

Par ordonnance du 20 juillet 2023, le Premier Président de la cour d’appel de Paris a déclaré la société MEKA France irrecevable en sa demande de suspension de l’exécution provisoire.

Par ordonnance du 7 décembre 2023, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de la Commune de Juvisy sur Orge aux fins de voir déclarer caduque la déclaration d’appel de la société MEKA France du 2 janvier 2023 à l’encontre du jugement rendu le 22 décembre 2022 par le tribunal de commerce d’Evry.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 29 mai 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par conclusions déposées le 4 septembre 2023, la société MEKA France, appelante à titre principal et intimée à titre incident, demande à la Cour de :

– déclarer la société MEKA France recevable et bien fondé en son appel ;

Y faisant droit,

– déclarer recevable les conclusions de la société MEKA France ;

– constater l’absence de conclusions du contrat au 21 juillet 2020 ;

– constater l’absence de conclusions d’un contrat de vente entre la société MEKA France et la Commune de [Localité 6] ;

– constater l’absence de transfert de propriété entre la société MEKA France et la commune de [Localité 6] ;

– infirmer et annuler le jugement rendu par Monsieur le Président du tribunal de commerce d’Evry le 22 décembre 2022 en ce qu’il a fait droit à l’ensemble des demandes de la Commune de Juvisy ;

– condamner la Commune de [Localité 6] au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

– condamner la Commune de [Localité 6] aux entiers dépens.

Elle expose notamment que depuis la loi ALUR, ce n’est plus l’article 1583 du code civil qui s’applique mais l’article L. 213-14 du code de l’urbanisme, l’article R. 213-2 du même code exigeant en outre l’existence d’un acte authentique pour constater le transfert de propriété ; que la vente n’est donc pas parfaite ; que le tribunal a commis une erreur de droit puisqu’au moment du dépôt de la déclaration d’intention d’aliéner, il ne peut y avoir conclusion du contrat ; que la procédure de préemption ne constitue pas un contrat et encore moins une offre de contracter ou une acceptation de l’offre de contracter puisque le vendeur agit sous la contrainte de la loi.

Par conclusions déposées le 27 juin 2023, la Commune de [Localité 6], intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la Cour de :

Sous réserve de la validité de l’appel interjeté par la société MEKA France ;

À titre principal,

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a constaté la vente du fonds de commerce de la société MEKA France à la date du 21 juillet 2020 ;

A titre subsidiaire,

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a constaté la vente du fonds de commerce de la société MEKA France ;

– réformer le jugement dont appel uniquement en ce qu’il a fixé la date de la cession au 21 juillet 2020 ;

– fixer la date de la cession du fonds de commerce au 14 septembre 2020 ;

En tout état de cause,

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :

– ordonné le transfert de propriété du fonds de commerce de la société MEKA France à la commune de [Localité 6] ;

– enjoint à la société MEKA France de remettre à la Commune de [Localité 6] l’ensemble des éléments du fonds de commerce cédé, le cas échéant sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

– condamné la société MEKA France aux entiers dépens.

Sur l’appel incident,

– réformer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté la Commune de [Localité 6] de ses demandes au titre de l’amende civile et des dommages et intérêts pour attitude dilatoire ;

En conséquence,

– condamner la société MEKA France au versement d’une amende civile de 1.500 € sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile ;

– condamner la société MEKA France à verser à la Commune de [Localité 6] une somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts compte tenu de son attitude dilatoire ;

– condamner la société MEKA France à verser à la Commune de [Localité 6] une somme de 6.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance.

En tout état de cause,

– condamner la société MEKA France à verser à la Commune de [Localité 6] une somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

– condamner la société MEKA France aux dépens d’appel.

Elle expose notamment que la déclaration d’intention d’aliéner notifiée a’ la commune le 21 juillet 2020 doit s’interpréter comme une offre de vente d’un fonds de commerce dont le prix a été’ fixe’ par le vendeur a’ 5.000 euros, la délibération du 14 septembre 2020 s’analysant comme une acceptation pure et simple de cette offre, de sorte que la vente est parfaite, nonobstant le report légal du transfert de propriété au jour du paiement ou de la signature de l’acte authentique en application de l’article L. 213-14 du code de l’urbanisme ; qu’aucune renonciation du vendeur n’est possible dans la mesure où la vente est définitive ; que l’analyse des faits et le déroulement de la procédure témoignent de la volonté’ manifeste de la société’ MEKA France de faire obstacle a’ la régularisation de la vente de son fonds de commerce en dépit de la réunion de l’ensemble des conditions nécessaires, attitude dilatoire et déloyale qu’il convient de sanctionner.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

MOTIFS DE L’ARRET

L’article L. 214-1 du code de l’urbanisme prévoit que le droit de préemption de la commune peut s’exercer dans un périmètre de sauvegarde délimité par délibération du conseil municipal aux aliénations de fonds de commerce à titre onéreux, selon les modalités prévues par ce texte et ceux auxquels il renvoie.

La déclaration d’intention d’aliéner (DIA) prévue par ce texte s’analyse en une offre de vente et l’exercice du droit de préemption urbain en une acceptation interdisant toute rétractation de l’auteur de la DIA, de sorte que la vente est parfaite à la date à laquelle la décision de préemption a été notifiée au vendeur en application des dispositions de l’article 1113 du code civil.

Les dispositions de l’article L.213-14 du code de l’urbanisme, dérogeant à l’article 1583 du code civil, selon lesquelles en cas d’acquisition d’un bien par voie de préemption, le transfert de propriété intervient à la plus tardive des dates auxquelles seront intervenus le paiement et l’acte authentique, ont pour effet de différer le transfert de propriété du bien préempté mais non la formation de la vente qui s’est réalisée dès la notification de l’exercice du droit de préemption conformément à l’article 1121 du code civil.

En l’espèce, la société MEKA France a adressé sa déclaration d’intention d’aliéner le 21 juillet 2020, le maire de la commune de [Localité 6] a décidé le 14 septembre 2020 d’exercer le droit de préemption de la commune, décision notifiée à la société MEKA France le 21 septembre 2020, soit dans le délai de deux mois prévu par l’article L. 214-1 du code de l’urbanisme. Dès lors que l’offre a été acceptée, les courriers de rétractation adressés ultérieurement par le conseil de la société MEKA France sont sans effet. Le contrat de vente a donc été conclu le 21 septembre 2020 et non le 21 juillet 2021 comme l’indique de façon erronée le jugement déféré dans sa motivation.

La commune de [Localité 6] demande la confirmation de ce jugement en ce qu’il a constaté la vente du fonds de commerce. Cette constatation figurant dans la motivation de cette décision mais étant omise dans son dispositif, il convient de l’ajouter au dispositif du présent arrêt.

A juste titre et par une motivation détaillée à laquelle il convient de renvoyer, le jugement déféré a constaté qu’en présence des obstacles à la vente opposés par la société MEKA France la commune de [Localité 6] a valablement consigné le 16 novembre 2020 le prix de vente dans le délai de quatre mois de la décision d’acquérir le bien conformément aux exigences de l’article L. 213-14 du code de l’urbanisme, comme l’établissent le bordereau de mandat de la Trésorerie de [Localité 7] et le courrier de Maître [B] [L] notaire à [Localité 5], de sorte que l’appelante n’est pas fondée à se prévaloir du défaut de paiement du prix de vente dans ce délai et qu’elle ne dispose plus de son bien. Le jugement a également relevé à juste titre que cette société ne pouvait se prévaloir du délai de trois mois prévu par l’article R. 214-9 du code de l’urbanisme pour dresser l’acte authentique de vente alors qu’il ressort des éléments du dossier, notamment d’une lettre du notaire chargé d’établir l’acte, qu’elle a refusé de communiquer les éléments nécessaires à la rédaction de l’acte de vente.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a enjoint à la société MEKA France de remettre l’ensemble des éléments du fonds de commerce en cause à la commune de [Localité 6]. Il convient de l’infirmer partiellement en ses dispositions relatives à l’astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard accompagnant cette injonction en différant son point de départ à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt et en la fixant dans la limite d’un montant de 3.000 euros et de dire qu’il n’y a pas lieu de réserver à la juridiction de céans la liquidation de l’astreinte.

La preuve n’est pas rapportée du caractère dilatoire ou abusif de l’opposition de la société MEKA France à la réalisation de la vente de son fonds de commerce, laquelle a pu se méprendre sur l’étendue de ses droits, étant rappelé que la défense à une demande en justice ou l’exercice d’un recours constituent l’exercice d’un droit qui ne dégénère en abus qu’en cas de malice, mauvaise foi ou faute lourde équipollente au dol, lesquelles ne sont pas établies en l’espèce.

En outre ainsi que l’a observé le jugement déféré, l’existence du préjudice allégué par la commune n’est pas démontrée.

Le jugement déféré a donc rejeté à juste titre la demande aux fins de voir condamner la société MEKA France au paiement de dommages et intérêts ainsi qu’au paiement d’une amende civile, amende que la commune de [Localité 6] n’est d’ailleurs pas recevable à solliciter faute d’intérêt pour agir. Il sera confirmé sur ce point.

Il convient également de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens, aux frais irrépétibles et à l’exécution provisoire.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir Ajuger@ ou « constater », lorsqu’elles ne constituent pas des prétentions visant à conférer un droit à la partie qui les requiert et ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

La société MEKA France qui succombe sera condamnée aux dépens de la procédure d’appel. En considération de sa situation économique, il n’y a pas lieu de la condamner en application de l’article 700 du code de procédure civile. Les parties seront déboutées de leurs demandes fondées sur ce texte.

Les autres demandes seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 22 décembre 2022 par le tribunal de commerce d’Evry (RG 2021F589) en toutes ces dispositions exceptées celles relatives à l’astreinte, lesquelles sont infirmées,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Constate que le fonds de commerce situé [Adresse 1] à [Localité 6] (91) a été cédé par la Société MEKA France à la commune de [Localité 6] le 21 septembre 2020,

Dit que l’injonction de remettre l’ensemble des éléments du fonds de commerce cédé est prononcée sous astreinte de 100 € par jour de retard à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la date de signification du présent arrêt et dans la limite d’un montant de 3.000 € et qu’il n’y a pas lieu de réserver à la Cour la liquidation de l’astreinte,

Déboute les parties de leurs demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes.

Condamne la société MEKA France aux dépens de la procédure d’appel.

La greffière, La conseillère,

pour la présidente empêchée,


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