Type de juridiction : Cour de cassation
Juridiction : Cour de cassation
→ RésuméM. Cédric D… a formé un pourvoi contre un arrêt de la cour d’appel de Riom, qui avait débouté ses demandes d’indemnisation suite à la cessation de son mandat d’agent commercial. La cour a constaté un comportement gravement fautif de M. D…, notamment une régression significative de son chiffre d’affaires. Contestant cette qualification, M. D… a soutenu que la société Systèmes solaires n’avait pas évoqué de faute dans sa lettre de rupture. Cependant, la Cour de cassation a rejeté son pourvoi, confirmant la décision de la cour d’appel et condamnant M. D… aux dépens.
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COMM.
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 juillet 2019
Rejet non spécialement motivé
Mme ORSINI, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10377 F
Pourvoi n° C 18-11.390
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Cédric D…, domicilié […] ,
contre l’arrêt rendu le 29 novembre 2017 par la cour d’appel de Riom (3e chambre civile et commerciale), dans le litige l’opposant à la société Systèmes solaires, société à responsabilité limitée, dont le siège est […], 63340 Moriat,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 2 juillet 2019, où étaient présents : Mme Orsini, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laporte, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller, M. Graveline, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de Me Le Prado, avocat de M. D… ;
Sur le rapport de Mme Laporte, conseiller, l’avis de M. P…, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. D… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. D…
LE MOYEN reproche à l’arrêt confirmatif attaqué,
D’AVOIR débouté M. Cédric D… de l’ensemble de ses demandes formées à l’encontre de la société Systèmes solaires,
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la demande d’indemnité de résiliation, selon l’article L. 134-12 du code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. L’article L. 134-13 du même code précise que la réparation due à l’article précédent n’est pas due dans les seuls cas suivants : 1) la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial ; 2) la cessation du contrat résulte de l’initiative de l’agent […] ; 3) l’agent commercial cède, suivant accord avec le mandant, les droits et obligations qu’il détient en vertu du contrat d’agence ; que le tribunal a rejeté la demande d’indemnisation présentée par M. D…, pour le préjudice résultant de la rupture, en fondant ce rejet, entre autres, sur le comportement gravement fautif du mandataire, tel qu’il ressortait de la très importante régression de son chiffre d’affaires pendant les années 2011 et 2012 : chiffre d’affaires quasi nul en 2011, et de 81 152,42 euros en 2012, alors qu’il s’était élevé à 418 754,84 euros pendant l’année 2010 ; que la SARL Systèmes solaires reprend ce grief, qu’elle estime de nature à établir la faute grave de M. D… ; celui-ci conteste la faute grave, au motif qu’une telle faute suppose une impossibilité immédiate de poursuivre le mandat commercial, et que la société adverse n’est pas fondée à se prévaloir d’une telle faute, dès lors qu’elle n’en a pas fait état dans sa lettre de rupture du 5 juin 2012, et qu’elle lui a consenti un délai de préavis comme stipulé dans les contrats ; que la faute grave, telle que prévue à l’article L. 134-13, doit s’entendre de celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun, et rend impossible le maintien du lien contractuel (Cass.Com, 15 octobre 2002, pourvoi n° 00-18122) ; qu’elle n’implique donc pas nécessairement, au contraire de la faute grave prévue en matière de licenciement, une impossibilité immédiate de poursuivre l’exécution du lien contractuel, et n’a pas à être obligatoirement indiquée dans la lettre de rupture ; que l’existence d’une faute grave, qui doit être prouvée par le mandant, s’apprécie au regard de toutes les circonstances de la cause intervenues au jour de la décision, et peut résulter d’une accumulation de fautes successives et répétées (Cass. Com. 15 septembre 2009, pourvoi n° 08-15613) ; que M. D… ne conteste pas que, comme le fait valoir la SARL Systèmes solaires, il a connu une baisse considérable de son activité entre les années 2010 et 2011, puis une reprise partielle au cours de l’année 2012, ainsi qu’il résulte du chiffre d’affaires généré pour la société mandante par son activité : 418 754,84 euros en 2010, 0 en 2011 (de sorte que M. D… n’a perçu aucune commission en 2012), puis 81 152,42 euros pendant les neuf premiers mois de l’année 2012 ; que M. D… ne donne aucune explication sur cette baisse très importante et persistante de ses résultats, qui suppose une absence totale d’activité pendant toute l’année 2011, alors pourtant que la SARL Systèmes solaires était, selon l’appelant, « sa carte principale » ; que ce manque d’implication dans l’exercice de son mandat fut rappelé à l’intéressé, avant la lettre de rupture du 5 septembre 2012 : la SARL Systèmes solaires, dans un message du 16 mars 2012, envoyé en réponse à un organisme syndical qui avait sollicité la société mandante au nom de M. D…, notamment pour le paiement de commissions, a énoncé que, contrairement à ce qu’avait affirmé M. D… audit organisme syndical, il détenait lui-même tous les éléments pour établir les factures, qu’il avait par ailleurs manqué à certaines de ses obligations, et qu’il devrait probablement remettre en question son efficacité et son implication dans la promotion des énergies renouvelables « afin de retrouver le bonheur et l’épanouissement dans sa vie professionnelle, qu’il semble avoir perdus » ; qu’après la rupture, la SARL Systèmes solaires, dans un courriel du 28 juin 2012 en réponse à M. D…, a reproché à celui-ci d’avoir accordé des prix « en déphasage total » avec ceux habituellement pratiqués (allusion au chantier X…, et à un chantier V…), ainsi que l’absence de tout contrat : « Vos dernières ventes remontent à plus de deux années ! », fait non réfuté par M. D… ; qu’il ressort de ces éléments que M. D…, en omettant, pendant une période de plus d’un an, de conclure de contrat, puis en concluant, à l’issue de cette période, en février 2012 avec M. et Mme X…, un contrat dont les termes n’étaient pas conformes à l’intérêt du mandant, de sorte que celui-ci a dû provoquer l’annulation de cette commande, a manifesté un manque total et persistant d’implication dans l’exercice de son mandat, en dépit du rappel à l’ordre qui lui avait été fait par le message du 16 mars 2012 ; que cette attitude fautive qui s’est prolongée au détriment des intérêts de la société mandante, présente un degré d’importance qui suffit à en faire une faute grave, au sens de l’article ci-avant rappelé ; que le jugement sera confirmé de ce second chef » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « par ailleurs que la demande supplémentaire de M. D… aux fins de paiement d’une indemnité de rupture à hauteur de 114 788 euros au visa de l’article L. 134-12 du code de commerce s’avère tout aussi infondée au visa par ailleurs de l’article L. 134-13 du code de commerce sur l’exclusion pour faute de ce régime d’indemnisation pour rupture, compte tenu : des motifs qui précèdent concernant l’absence d’exigibilité de commissions au titre des chantiers X…, SAS Energie, Le Marchedieu et Lefranc & Tanche, Marchon, Rego et Simons & Jamot, et donc de l’absence également de retards imputables concernant ces mêmes chantiers de l’année 2012, étant au demeurant constaté que la communication des documents de balances et de comptes clients des départements de la Creuse et de la Haute-Vienne pour les années 2009 à 2012, ordonnée par décision de justice précitée du 13 novembre 2013, n’a finalement pas permis à M. D… de mettre en débat des allégations d’irrégularités ou de retards concernant les autres exercices 2009 à 2011 ; de l’absence d’atteinte à l’exclusivité géographique de l’agent commercial concernant les chantiers R… et Z… du fait que ces clients n’ont en réalité pas fait de commandes pendant le temps d’agence de M. D… et se sont en réalité engagés postérieurement à ce temps d’agence (du 20 au 23 août 2013 concernant le chantier R…), au demeurant extérieurement au secteur géographique des départements de la Creuse et de la Haute-Vienne par l’intermédiaire de l’association Energie 3D leur ayant consenti des tarifs préférentiels et ayant son siège social dans le département du Puy-de-Dôme ; du constat suivant lequel M. D… a lui-même exercé son mandat d’agent commercial de manière indéniablement et gravement fautive justifiant en définitive cette rupture unilatérale à l’initiative du mandant, si l’on en juge par la régression pour le moins spectaculaire de son chiffre d’affaires sur les exercices 2011 et 2012 qui met en évidence une situation de quasi-inexistence de prospection commerciale au cours de l’année 2011 et une situation encore très importante de chute de chiffre d’affaires au cours de l’année 2012, étant rappelé que l’exercice 2010 bénéficiait d’un chiffre d’affaires de 418 754,84 euros alors que le chiffre d’affaires de l’exercice 2011 était nul et que celui de l’exercice 2012 n’était que de 81 152,42 euros ; sur la forme, du fait, d’une part que la demande d’accomplissement du préavis ne procède pas nécessairement d’une atténuation de la gravité de la faute au regard d’une certaine reprise du chiffre d’affaires en cours d’année 2012 après un exercice nul pour l’année 2011 et de la nécessité d’organiser la continuation de la délégation de ce secteur géographique et de clientèles dans les meilleures conditions possibles pour l’entreprise, et d’autre part que la société Systèmes solaires justifie avoir adressé des griefs écrits à M. D… antérieurement à la lettre de résiliation du 5 juin 2012 par courriel du 16 mars 2012 à la Fédération nationale des agents commerciaux qui avaient été saisie par M. D… de ces questions litigieuses avec la société Systèmes solaires (mettant en cause son efficacité et son implication) ; qu’il importe dans ces conditions de débouter M. D… de ce second chef de demande principale à hauteur de 114 788 euros en réclamation d’indemnité de rupture » ;
1°/ALORS, d’une part, QUE seule la faute grave de l’agent commercial ayant provoqué la cessation du contrat le prive de son indemnité compensatrice ; qu’il ressort des propres constatations de l’arrêt que, par courrier du 5 juin 2012, la société Systèmes solaires a notifié à M. D… sa décision de mettre fin à tous ses mandats, avec un préavis de trois mois et qu’un litige a opposé les parties relativement à la communication, par le mandant des informations nécessaires pour calculer la rémunération de M. D…, la société Systèmes solaires ayant été condamnée, par arrêt du 13 novembre 2013, sous astreinte, à lui communiquer la balance et les comptes clients des départements de la Creuse et de la Haute-Vienne pour les années 2009 à 2012 ; qu’en privant M. D… de son indemnité compensatrice, cependant qu’il résultait de ses propres constatations que la rupture était imputable au mandant, dès lors que le préavis de trois mois laissé à l’agent commercial et le manquement du mandant à ses obligations d’information étaient exclusifs d’une faute grave commise M. D… à l’origine de la rupture, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 134-12 et l. 134-13 du code de commerce ;
2°/ALORS, d’autre part, QUE seule la faute grave, laquelle porte atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, exclut le bénéfice d’une indemnité compensatrice ; qu’il ressort des propres constatations de l’arrêt que, par courrier du 5 juin 2012, la société Systèmes solaires a notifié à M. D… sa décision de mettre fin à tous ses mandats, avec un préavis de trois mois ; que, pour imputer à l’agent commercial une faute grave, la cour d’appel, énonçant que la faute grave n’implique pas nécessairement une impossibilité immédiate de poursuivre l’exécution du lien contractuel, s’est fondée sur la baisse très importante et persistante de son activité pendant les années 2011 et 2012 ; qu’en statuant ainsi, cependant que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du lien contractuel et est donc exclusive d’un délai de préavis laissé à l’agent commercial, après la décision de rupture prise par le mandant, la cour d’appel a violé l’article L. 134-13 du code de commerce ;
3°/ALORS, encore, QUE seule la faute grave, laquelle porte atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, exclut le bénéfice d’une indemnité compensatrice ; que, pour imputer à l’agent commercial une faute grave, la cour d’appel, énonçant que la faute grave n’implique pas nécessairement une impossibilité immédiate de poursuivre l’exécution du lien contractuel, s’est fondée sur la très importante régression de son chiffre d’affaires pendant les années 2011 et 2012, sur un message du 16 mars 2012, envoyé par le mandant en réponse à un organisme syndical et, après la rupture, sur un courriel du 28 juin 2012 reprochant à M. D… d’avoir accordé des prix « en déphasage total » avec ceux habituellement pratiqués ainsi que l’absence de tout contrat ; qu’en statuant ainsi, tout en relevant que l’activité de M. D… avait généré un chiffre d’affaires de 81 152,42 euros pendant les neuf premiers mois de l’année 2012, et que le mandant lui avait donné un préavis de trois mois, la cour d’appel, qui s’est déterminée par des motifs d’où il ne résulte pas que les faits reprochés à M. D… portaient atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun et rendait impossible le maintien du lien contractuel, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 134-13 du code de commerce ;
4°/ALORS, enfin, QUE la Cour de justice (CJCE, 28 oct. 2010, aff. C-203/09, Volvo Car Germany GmbH c. Autohof Weidensdorf GmbH, pt. 45) a dit pour droit que l’article 18, sous a), de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants s’oppose à ce qu’un agent commercial indépendant soit privé de son indemnité de clientèle lorsque le commettant établit l’existence d’un manquement de l’agent commercial, ayant eu lieu après la notification de la résiliation du contrat moyennant préavis et avant l’échéance de celui-ci, qui était de nature à justifier une résiliation sans délai du contrat en cause ; qu’en se fondant cependant, pour imputer à M. D…, une faute grave sur un manquement postérieur à la notification de la résiliation du contrat, la cour d’appel a violé l’article L. 134-13 du code de commerce.
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