Type de juridiction : Cour de cassation
Juridiction : Cour de cassation
Thématique : Validité d’un protocole de renonciation aux pénalités de retard contestée.
→ RésuméLa société Les Terrasses d’Aliénor a entrepris la construction d’un groupe d’immeubles, qu’elle a ensuite vendu à la société ICF habitat en l’état futur d’achèvement. La réception des deux lots confiés à la société Entreprise construction bâtiment rénovation, représentée par la société MRS carrelage, a eu lieu avec des réserves. Le 19 décembre 2016, un protocole a été signé, stipulant que la société Les Terrasses d’Aliénor renonçait à facturer des pénalités de retard à la société MRS carrelage et reconnaissait une dette de 53 000 euros pour les deux lots, en plus de 11 197,48 euros pour des retenues de garantie. La société MRS carrelage a accepté un paiement échelonné de 30 000 euros, conditionné au paiement intégral par la société ICF habitat d’une somme de 160 889,69 euros.
Par la suite, la société MRS carrelage a assigné la société Les Terrasses d’Aliénor pour obtenir la nullité du protocole. Elle a soutenu que la société Les Terrasses d’Aliénor avait renoncé à des pénalités de retard sans tenir compte des retards et non-conformités qui ne lui étaient pas imputables. La cour d’appel a rejeté cette demande, considérant que la renonciation à la revendication des pénalités de retard n’était pas dérisoire. Cependant, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel, estimant que celle-ci n’avait pas répondu aux arguments de la société MRS carrelage concernant l’absence de responsabilité pour les retards. La cassation a entraîné l’annulation de la validation du protocole et des décisions relatives aux demandes de la société MRS carrelage, y compris le paiement de la somme de 34 197,48 euros. L’affaire a été renvoyée devant une autre formation de la cour d’appel de Bordeaux pour être réexaminée. |
Cour de cassation, 3 avril 2025, N° Pourvoi 23-20.983
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 3 avril 2025
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 185 F-D
Pourvoi n° G 23-20.983
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025
La société MRS carrelage, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° G 23-20.983 contre l’arrêt rendu le 1er juin 2023 par la cour d’appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société Les Terrasses d’Aliénor, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en liquidation judiciaire,
2°/ à la société Silvestri-Baujet, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Terrasses d’Aliénor,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Foucher-Gros, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société MRS carrelage, après débats en l’audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Foucher-Gros, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d’instance
1. Il est donné acte à la société MRS carrelage de sa reprise d’instance à l’encontre de la société civile professionnelle Silvestri-Baujet, prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Les Terrasses d’Aliénor.
Faits et procédure
2. Selon l’arrêt attaqué (Bordeaux,1er juin 2023), la société Les Terrasses d’Aliénor a fait procéder à la construction d’un groupe d’immeubles qu’elle a vendu à la société ICF habitat en l’état futur d’achèvement.
3. La réception des deux lots confiés à la société Entreprise construction bâtiment rénovation, aux droits de laquelle vient la société MRS carrelage est intervenue avec des réserves.
4. Le 19 décembre 2016, les parties ont conclu un protocole aux termes duquel :
– la société Les Terrasses d’Aliénor renonçait à facturer des pénalités de retard et diverses retenues à la société MRS carrelage et se reconnaissait débitrice envers celle-ci de la somme globale et forfaitaire de 53 000 euros pour les deux lots, outre 11 197,48 euros au titre des retenues de garantie,
– la société MRS carrelage acceptait un paiement échelonné de la somme de 30 000 euros et de voir conditionné le paiement du surplus au parfait paiement intégral et définitif par la société ICF habitat de la somme de 160 889,69 euros au maître de l’ouvrage, une procédure de référé, initiée par celui-ci pour obtenir le paiement de cette somme, étant en cours.
5. La société MRS carrelage a assigné la société Les Terrasses d’Aliénor aux fins de voir prononcer la nullité du protocole.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
6. La société MRS carrelage fait grief à l’arrêt de dire valide le protocole conclu par les sociétés Les Terrasses d’Aliénor et MRS carrelage et de rejeter sa demande de nullité de ce protocole, alors « qu’en considérant que la société Les Terrasses d’Aliénor a accepté de renoncer à sa revendication au titre des pénalités de retard, sans répondre au moyen présenté par la société MRS carrelage, preuves à l’appui, tiré de ce qu’aucun des retards et non-conformités constatés sur le chantier, qui affectaient les équipements sanitaires, les appareillages électriques, les murs, les baies de séjours, les coursives, le parking, le portail, les garages, les menuiseries intérieures et les plafonds, à l’exclusion des lots attribués à l’exposante, ne lui était personnellement imputable, de sorte qu’elle ne devait aucune pénalité de retard, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 455 du code de procédure civile :
7. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
8. Pour rejeter la demande de la société MRS carrelage, l’arrêt retient que la contrepartie du contrat n’est pas dérisoire puisque la société Les Terrasses d’Aliénor a accepté de renoncer à sa revendication au titre des pénalités de retard prévues par le cahier des charges administratives particulières.
9. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société MRS carrelage, qui faisait valoir que, les retards constatés sur le chantier ne lui étant pas imputables, la concession consistant en une renonciation du maître de l’ouvrage à lui imputer des pénalités de retard qui n’étaient pas dues, était illusoire ou dérisoire, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
10. En application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l’arrêt confirmant le jugement en ce qu’il dit valide le protocole conclu le 19 décembre 2016 par les sociétés Les Terrasses d’Aliénor et MRS carrelage et rejette la demande de la société MRS carrelage de sa demande de nullité de ce protocole entraîne la cassation des chefs de l’arrêt rejetant la demande de la société MRS carrelage tendant à voir juger que la condition suspensive est acquise et que le solde du montant stipulé dans la transaction est exigible et rejetant la demande de la société MRS carrelage en paiement de la somme de 34 197,48 euros ainsi que la cassation des chefs de l’arrêt condamnant la société MRS carrelage au titre des frais irrépétibles et des dépens de l’instance d’appel, qui s’y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il déclare recevables les conclusions notifiées par la société MRS carrelage le 25 janvier 2023, l’arrêt rendu le 1er juin 2023, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ;
Remet, sauf sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux, autrement composée ;
Condamne la société civile professionnelle Silvestri-Baujet, prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Les Terrasses d’Aliénor, aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille vingt-cinq.
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