Cour de cassation, 25 septembre 2019, pourvoi n° M 17-24.090
Cour de cassation, 25 septembre 2019, pourvoi n° M 17-24.090

Type de juridiction : Cour de cassation

Juridiction : Cour de cassation

Résumé

Mme O… a été engagée par la société Areas dommages en 2009. Après un congé de maternité, elle a été informée en 2013 du transfert de son agence, sans modification de son contrat. En janvier 2014, son activité a été transférée à une autre agence, et son contrat cédé à un agent indépendant. Licenciée pour motif économique en février 2014, elle a contesté son licenciement, arguant que le transfert de son contrat n’était pas valide. La cour d’appel a reconnu la société Areas dommages comme employeur et a jugé le licenciement sans cause réelle, confirmant des conditions frauduleuses dans le transfert.

SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 septembre 2019

Rejet

M. CHAUVET, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 1287 F-D

Pourvoi n° M 17-24.090

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Areas dommages, société d’assurance mutuelle à cotisations fixes, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 28 juin 2017 par la cour d’appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. D… C…, domicilié […] ,

2°/ à Mme Y… O…, domiciliée […] ,

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 9 juillet 2019, où étaient présents : M. Chauvet, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Richard, conseiller, Mme Pontonnier, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Areas dommages, de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de M. C…, de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme O…, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Poitiers, 28 juin 2017), que Mme O… a été engagée par la société Areas assurances à compter du 26 octobre 2009 en qualité de collaboratrice d’agence généraliste, et a été affectée tant à l’agence de La Chaize Le Vicomte qu’à celle de Saint Fulgent ; qu’après un congé de maternité du 1er avril au 30 septembre 2013, la salariée a bénéficié d’un congé parental d’éducation à temps partiel pour la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2014 ; que par lettre du 25 novembre 2013, la société Areas dommages l’a informée que l’activité de l’agence de La Chaize-Le-Vicomte serait transférée à l’agence de Luçon à compter du 1er janvier 2014, précisant que ce changement de lieu de travail, situé dans le même secteur géographique que l’agence de La Chaize-Le- Vicomte, ne constituait pas une modification de son contrat de travail ; qu’en réponse à une lettre de la salariée sollicitant un congé individuel de formation à prendre entre le 22 avril 2014 et le 7 novembre 2014, l’employeur l’a informée le 16 décembre 2013 de ce que le portefeuille de l’agence de Luçon était cédé à un agent indépendant, M. C…, qui deviendrait son nouvel employeur à compter du 1er janvier 2014, de sorte qu’il appartenait à ce dernier de se prononcer sur l’autorisation de congé individuel de formation ; qu’après la signature le 19 décembre 2013 du traité d’agent général avec M. C… et le transfert à celui-ci du contrat de travail de la salariée à compter du 1er janvier 2014, cette dernière a été convoquée par M. C… le 15 janvier 2014 à un entretien préalable à un éventuel licenciement ; que le 18 février suivant, Mme O… a été licenciée pour motif économique ; que contestant son licenciement et le caractère réel et sérieux de celui-ci, elle a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes salariales et indemnitaires, dirigées en dernier lieu contre la société Areas dommages, soutenant qu’elle était restée son employeur en l’absence de transfert du contrat de travail et à titre subsidiaire, contre cette société et M. C… en leur qualité de co-employeurs ;

Attendu que la société Areas dommages fait grief à l’arrêt de
de retenir sa qualité d’employeur, de la condamner à payer à la salariée diverses sommes au titre d’un rappel de salaires, d’une prime de treizième mois, d’une prime de vacances, de dire la convention collective des compagnies d’assurances applicable, de la condamner à payer des dommages-intérêts pour défaut d’application de cette convention collective, de retenir la mauvaise foi contractuelle de la société Areas dommages et de la condamner à payer à la salariée des dommages-intérêts à ce titre, de juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société Areas dommages à payer à la salariée diverses indemnités liées à la rupture du contrat de travail et de la condamner à garantir intégralement la salariée du chef des condamnations en restitutions prononcées à son encontre au bénéfice de de M. C… et rejeter toutes les demandes dirigées contre ce dernier alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise ; que si les modifications que le cessionnaire apporte après le changement d’employeur aux contrats de travail des salariés passés à son service ne peuvent constituer un manquement du cédant à ses obligations, il n’en va différemment que lorsque ces modifications résultent d’une collusion frauduleuse entre les employeurs successifs ou d’une faute de la société cédante ; qu’aucun texte n’oblige l’employeur à informer le salarié de la cession de l’entreprise ou de la branche d’activité dans laquelle il était employé ; que la cour d’appel a déduit du silence gardé sur l’opération de transfert par la société Areas Dommages, qui n’en avait pas informé sa salariée, l’existence d’une collusion frauduleuse entre la société Areas dommages et M. C…, la nullité du transfert, le fait que M. C… aurait été un mandataire de fait de la société Areas dommages pour licencier Mme O… et le caractère infondé du licenciement ; qu’en statuant ainsi, tandis qu’aucune obligation d’informer Mme O… du transfert ne pesait sur la société Areas dommages, la cour d’appel a statué par des motifs impropres à caractériser l’existence d’une collusion frauduleuse, violant l’article L. 1224-1 du code du travail et l’ancien article 1147 du code civil, aujourd’hui 1231-1 du code civil ;

2°/ que la simple proximité temporelle entre la notification à un salarié de son changement de lieu de travail, l’information de l’existence d’un transfert d’activité, le transfert effectif de l’activité et le licenciement du salarié pour motif économique, ne peut suffire à caractériser l’existence d’une collusion frauduleuse entre le cédant et le cessionnaire ; que pour caractériser l’existence d’une collusion frauduleuse, les juges doivent constater l’existence d’un accord entre le cédant et le cessionnaire pour éluder les règles d’ordre public prévues par l’article L. 1224-1 du code du travail, la collusion ne pouvant être déduite d’une concomitance temporelle entre différents événements ; qu’en déduisant néanmoins l’existence d’une collusion frauduleuse de « la proximité des dates de la notification par Areas assurances à Mme O… du transfert d’activité de l’agence de La Chaize de Vicomte sur celle de Luçon (25 novembre), de l’acceptation de la salariée du 2 décembre du transfert de son lieu de travail, du refus d’autorisation d’absence pour un congé individuel de formation (16 décembre) emportant l’information de la salariée sur son changement d’employeur et de la conclusion des mandats de M. C… le 19 décembre à effet du 1er janvier suivant », la cour d’appel a statué par des motifs impropres à caractériser que la rupture du contrat de travail de Mme O… procédait d’une collusion frauduleuse entre la société Areas dommages et M. C…, violant l’article L. 1224-1 du code du travail ;

3°/ que le changement du lieu de travail du salarié, qui se situe dans le même secteur géographique, ne constitue pas une modification de son contrat de travail et ne nécessite pas l’accord du salarié ; qu’au cas présent, la cour d’appel a constaté que le 25 novembre 2013, la société Areas assurances avait informé Mme O… du transfert de l’activité de l’agence de La Chaize Le Vicomte à l’agence de Luçon à compter du 1er janvier 2014, et donc d’un changement de son lieu de travail qui ne constituait pas une modification de son contrat dans la mesure où cette agence se situait à l’intérieur de la même zone géographique que celle dans laquelle elle travaillait jusque-là ; que Mme O… n’avait donc pas à donner son accord au changement de son lieu de travail ; qu’en déduisant pourtant l’existence d’une collusion frauduleuse entre la société Areas assurances et M. C… du fait que « Mme O… n’était pas en mesure de connaître la portée de son acceptation le 2 décembre 2013 du changement de son lieu de travail de La Chaize Le Vicomte à Luçon et ne [pouvait] donc être considérée avoir accepté ou à tout le moins entériné un changement d’employeur », la cour d’appel a statué par des motifs impropres à caractériser l’existence d’une collusion frauduleuse, violant l’article L. 1224-1 du code du travail ;

4°/ que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise ; qu’en cas de transfert d’une entité économique autonome, dont l’activité est reprise, le transfert des contrats de travail des salariés est automatique et ne nécessite pas l’accord de ces derniers ; qu’en l’espèce, pour juger que « la fraude avérée partagée entre Areas dommages et M. C…, au préjudice des droits de Mme O…, qui fait obstacle à l’application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, il y a lieu de déclarer nulle à son égard l’opération de cession de son contrat de travail et de dire qu’elle est demeurée la salariée de la société Areas dommages en qualité de sa collaboratrice d’agence généraliste, avec tous effets de droit » la cour d’appel a énoncé que « Mme O… n’était pas en mesure de connaître la portée de son acceptation le 2 décembre 2013 du changement de son lieu de travail de La Chaize Le Vicomte à Luçon et ne peut donc être considérée avoir accepté ou à tout le moins entériné un changement d’employeur », tandis qu’il n’était pas question d’un transfert nécessitant l’accord de la salariée, mais d’un transfert automatique du contrat de travail, par application de l’article L. 1224-1 du code du travail ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a statué par des motifs impropres à caractériser l’existence d’une collusion frauduleuse et à écarter l’existence du transfert de l’entité économique autonome dont l’activité avait été reprise par M. C…, violant l’article L. 1224-1 du code du travail ;

5°/ que le fait que M. C… ait écrit à Mme O… avoir étudié toutes les solutions envisageables notamment avec la compagnie pour éviter la suppression de son poste, démontrait seulement que M. C… avait tenté de mettre en oeuvre son obligation de reclassement, mais ne pouvait caractériser l’existence d’une collusion frauduleuse entre la société Areas Dommages et M. C…, une telle collusion ne pouvant être caractérisée que par un accord entre le cédant et le cessionnaire d’éluder les dispositions impératives de l’article L. 1224-1 du code du travail ; qu’en statuant ainsi, pour retenir l’existence d’une collusion frauduleuse entre M. C… et la société Areas dommages, la cour d’appel s’est prononcée par des motifs inopérants, violant l’article L. 1224-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d’appel ayant retenu, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que la société Aeras dommages, qui savait que la salariée, qu’elle avait informée le 13 décembre 2013 de sa prochaine affectation à l’agence de Luçon, située dans le même secteur géographique, ne pouvait ensuite que faire l’objet d’un licenciement pour motif économique par M. C… compte tenu de sa connaissance de la situation économique de cette agence et de la faiblesse du portefeuille en gestion et qui, lors des discussions préparatoires à la signature du mandat d’agent général avec M. C…, avait présenté à celui-ci une simulation comptable prévisionnelle qui excluait l’emploi d’un salarié par l’agence cédée, au regard de la valeur du portefeuille, a estimé que cette société avait ainsi organisé, en collusion avec M. C…, le transfert du contrat de travail de la salariée dans des conditions frauduleuses faisant obstacle à l’application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail de sorte que Mme O… était demeurée sa salariée ; qu’elle a ainsi, par ces seuls motifs, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par le moyen, légalement justifié sa décision ;

 


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