Type de juridiction : Cour de cassation
Juridiction : Cour de cassation
Thématique : Saisie pénale et proportionnalité : enjeux de la propriété face aux infractions économiques.
→ RésuméUne procédure judiciaire a été engagée à l’encontre d’une propriétaire d’appartements et d’une gestionnaire de biens immobiliers, toutes deux mises en examen pour proxénétisme aggravé et escroquerie. L’enquête a révélé que plusieurs personnes se prostituaient dans des appartements dont la propriétaire était responsable. La gestionnaire assistait la propriétaire dans la gestion de ces biens.
Le juge d’instruction a ordonné la saisie de deux immeubles appartenant à la propriétaire, une décision qui a été contestée par cette dernière par le biais d’un appel. La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance de saisie, ce qui a conduit la propriétaire à former un pourvoi devant la Cour de cassation. Dans son pourvoi, la propriétaire a soutenu que la saisie des biens ne respectait pas le principe de proportionnalité, arguant que la confiscation ne devait concerner que la part des biens correspondant aux infractions dont elle était directement responsable. Elle a fait valoir qu’il n’existait pas de présomptions suffisantes pour établir qu’elle avait bénéficié de la totalité des produits des infractions, notamment en raison de l’implication de la gestionnaire dans l’activité de prostitution. La Cour de cassation a examiné les arguments présentés, mais a conclu que le grief soulevé par la propriétaire n’était pas de nature à justifier l’admission du pourvoi. En conséquence, la décision de la chambre de l’instruction a été maintenue, et la saisie des biens immobiliers a été confirmée. Cette affaire illustre les enjeux juridiques liés à la saisie pénale dans le cadre d’infractions de proxénétisme et d’escroquerie, ainsi que les droits de propriété des personnes mises en cause. |
Cour de cassation, 2 avril 2025, N° Pourvoi 24-83.874
Chambre criminelle
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Formation restreinte hors RNSM/NA
N° P 24-83.874 F-D
N° 00437
SL2
2 AVRIL 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 2 AVRIL 2025
Mme [Y] [T] a formé un pourvoi contre l’arrêt n° 10 de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, 6e section, en date du 23 mai 2024, qui, dans l’information suivie contre elle des chefs, notamment, de proxénétisme aggravé et escroquerie, a confirmé l’ordonnance de saisie pénale rendue par le juge d’instruction.
Par ordonnance du 18 octobre 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l’examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Bloch, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de Mme [Y] [T], et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l’audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Bloch, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Une information a mis à jour que plusieurs personnes se prostitueraient dans des appartements dont Mme [Y] [T] est propriétaire ou locataire à [Localité 2].
3. Il est apparu que Mme [T] serait assistée dans la gestion de ses biens immobiliers par Mme [O] [U].
4. Mmes [T] et [U] ont été mises en examen pour la première des chefs de proxénétisme aggravé et escroquerie et pour la seconde du chef de proxénétisme aggravé.
5. Par ordonnance du 20 juin 2022, le juge d’instruction a ordonné la saisie de deux immeubles situés [Adresse 1] à [Localité 3] dont Mme [T] est propriétaire.
6. Cette dernière a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
7. Le grief n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a ordonné la saisie pénale des biens immeubles situé sur la commune de Paris 76008 au [Adresse 1] dont est propriétaire Mme [T], alors :
« 1°/ que lorsque plusieurs auteurs ou complices ont participé à un ensemble de faits, soit à la totalité soit à une partie de ceux-ci, chacun d’eux encourt la confiscation du produit de la seule ou des seules infractions qui lui sont reprochées, avec ou non la circonstance de bande organisée, à la condition que la valeur totale des biens confisqués n’excède pas celle du produit total de cette ou de ces infractions ; que si le moyen pris de la violation du principe de proportionnalité au regard du droit de propriété est inopérant lorsque la saisie a porté sur la valeur du produit direct ou indirect de l’infraction, le juge qui ordonne la saisie en valeur d’un bien appartenant ou étant à la libre disposition d’une personne, alors qu’il ne résulte pas des pièces de la procédure de présomptions qu’elle a bénéficié de la totalité du produit de l’infraction, doit cependant apprécier, lorsque cette garantie est invoquée, le caractère proportionné de l’atteinte portée au droit de propriété de l’intéressée s’agissant de la partie du produit de l’infraction dont elle n’aurait pas tiré profit ; qu’en disant n’y avoir lieu à apprécier la proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété de Mme [T] par la saisie du bien immobilier de la [Adresse 4], parce qu’il est le produit des infractions de proxénétisme et d’escroquerie pour lesquelles elle est mise en examen et que sa valeur ne dépasse pas celle des gains prétendument générés par ces infractions, après avoir constaté que Mme [U] avait elle aussi été mise en examen du chef de proxénétisme aggravé, qu’elle occupait un appartement appartenant à Mme [T] sans payer de loyer, en contrepartie de son activité de gestion de la location d’appartements dans lesquels une activité de prostitution avait été constatée, activité pour laquelle elle était par ailleurs rémunérée en espèces, la chambre de l’instruction, qui n’a relevé l’existence d’aucune présomption que Mme [T] aurait bénéficié de la totalité du produit des infractions, a méconnu l’article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble l’article 591 du code de procédure pénale. »
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