Type de juridiction : Cour de cassation
Juridiction : Cour de cassation
Thématique : Saisie pénale de biens immobiliers : enjeux de compétence territoriale et de lien d’indivisibilité.
→ RésuméUne société a formé un pourvoi contre un arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, qui avait confirmé une ordonnance de saisie pénale de biens immobiliers en Belgique. Cette procédure a été engagée dans le cadre d’une enquête pour des faits de blanchiment aggravé et d’association de malfaiteurs, suite à une dénonciation des autorités judiciaires belges en août 2021. Les faits reprochés impliquent un investissement immobilier réalisé par des sociétés belges, détenues par une holding luxembourgeoise, dont l’actionnaire majoritaire est une personne physique.
Le juge d’instruction a ordonné la saisie de biens immobiliers appartenant à la société en question, ce qui a conduit cette dernière à faire appel de la décision. Dans le cadre de l’examen des moyens, la société a contesté la compétence des juridictions françaises pour traiter cette affaire, arguant que les infractions alléguées avaient été entièrement commises à l’étranger, notamment au Liban, et que la prétendue victime était l’État du Liban. Elle a soutenu que les faits de blanchiment, ainsi que les infractions d’origine, n’avaient aucun lien avec le territoire français. La chambre de l’instruction n’a pas établi de lien d’indivisibilité entre les faits de blanchiment et une infraction commise sur le territoire français, ce qui aurait pu justifier la compétence des juridictions françaises. En conséquence, la société a fait valoir que la chambre de l’instruction aurait dû se déclarer incompétente pour ordonner la saisie de ses biens immobiliers en Belgique. Toutefois, les griefs soulevés par la société n’ont pas été jugés suffisants pour permettre l’admission du pourvoi, et la chambre criminelle de la Cour de cassation a confirmé l’arrêt de la cour d’appel. |
Cour de cassation, 2 avril 2025, N° Pourvoi 23-85.080
Chambre criminelle
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Formation restreinte hors RNSM/NA
N° D 23-85.080 F-D
N° 00361
GM
2 AVRIL 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 2 AVRIL 2025
La société [7] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, 2e section, en date du 4 juillet 2023, qui, dans l’information suivie contre personne non dénommée des chefs, notamment, de blanchiment aggravé et association de malfaiteurs en vue de commettre un délit puni de dix ans d’emprisonnement, a confirmé l’ordonnance de saisie pénale rendue par le juge d’instruction.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Clement, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [7], les observations de la SCP Boutet, Hourdeaux, avocat de l’Etat du Liban, et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 12 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Clement, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Une information contre personne non dénommée a été ouverte des chefs susvisés.
3. Au mois d’août 2021, les autorités judiciaires belges ont émis une dénonciation au procureur de la République pour des faits de blanchiment qui consisteraient en un investissement immobilier au travers de sociétés belges [8] et [7], détenues par une holding luxembourgeoise [3], dont l’actionnaire majoritaire et bénéficiaire effectif est M. [U] [R].
4. Par ordonnance du 22 mars 2022, le juge d’instruction a ordonné la saisie pénale de biens immobiliers situés en Belgique dont la société [7] est propriétaire.
5. Cette société a relevé appel de la décision.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, le troisième moyen, pris en sa deuxième branche, et le quatrième moyen
6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a ordonné la saisie pénale de biens immobiliers situés en Belgique dont société [7] est propriétaire, alors « que les juridictions françaises ne sont compétentes pour connaître d’une infraction commise par une personne de nationalité étrangère à l’encontre d’une victime de nationalité étrangère que si, soit l’infraction ou l’un de ses faits constitutifs est commis sur le territoire français, soit, lorsque l’infraction est commise à l’étranger, il existe un lien d’indivisibilité entre cette infraction et une autre commise sur le territoire français ; qu’en l’espèce, il résulte des énonciations de l’arrêt que la société [7], exposante, est une société belge, que la prétendue victime des faits de blanchiment, de détournements de fonds publics et d’abus de confiance est l’Etat du Liban, que les faits de blanchiment, auxquels l’exposante aurait participé, ont été (prétendument) commis entièrement en dehors du territoire français puisqu’il s’agit (prétendument) de l’acquisition d’immeubles situés en Belgique, via des sociétés dont aucune n’est française et que les infractions d’origine (de détournements de fonds publics et d’abus de confiance) ont été (prétendument) commises entièrement en dehors du territoire français, en particulier au Liban ; que la chambre de l’instruction n’a pas caractérisé l’existence d’un lien d’indivisibilité entre les faits de blanchiment auxquels l’exposante aurait participé et une infraction commise sur le territoire français ; qu’en ne soulevant pas d’office son incompétence pour connaître des faits de blanchiment auxquels l’exposante aurait participé et, partant, pour ordonner pour ce motif une saisie de ses biens immobiliers situés en Belgique, la chambre de l’instruction a méconnu l’article 113-2 du code pénal et le principe précité. »
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