Type de juridiction : Cour de cassation
Juridiction : Cour de cassation
Thématique : Inaptitude et obligations contractuelles : un rappel sur la bonne foi employeur.
→ RésuméDans cette affaire, une salariée, engagée en tant qu’assistante aux services généraux par un employeur, a été en arrêt de travail pour maladie depuis le 2 janvier 2015. Un avis d’inaptitude a été émis par le médecin du travail le 26 juillet 2016, et la salariée n’a pas repris son poste. Suite à cela, elle a formulé des demandes de rappel de salaires, de primes, de congés payés, ainsi qu’une demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, arguant que l’employeur avait manqué à ses obligations en ne procédant pas à son reclassement ou à son licenciement.
La cour d’appel a débouté la salariée de ses demandes, considérant qu’elle avait présenté sa demande de dommages-intérêts à titre subsidiaire sans développer de moyens suffisants dans ses conclusions. La salariée a alors formé un pourvoi en cassation, soutenant que la cour d’appel avait dénaturé ses conclusions en ne tenant pas compte de ses arguments concernant la mauvaise foi de l’employeur dans l’exécution du contrat de travail. La Cour de cassation a partiellement cassé l’arrêt de la cour d’appel, en ce qui concerne la demande de dommages-intérêts. Elle a estimé que la cour d’appel avait effectivement dénaturé les termes des conclusions de la salariée, qui avaient clairement indiqué que l’employeur avait laissé la salariée sans ressources, malgré son inaptitude, et qu’il n’avait pas respecté ses obligations contractuelles. En conséquence, l’affaire a été renvoyée devant une autre cour d’appel pour réexamen de cette demande, tandis que la décision de débouter la salariée de ses autres demandes a été maintenue. L’employeur a été condamné aux dépens, et la demande de la salariée au titre de l’article 700 du code de procédure civile a été rejetée. |
Cour de cassation, 2 avril 2025, N° Pourvoi 23-19.561
Chambre sociale
–
Formation restreinte hors RNSM/NA
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 2 avril 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 356 F-D
Pourvoi n° N 23-19.561
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [U] [C].
Admission du bureau d’aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 25 mai 2023.
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [V] [H].
Admission du bureau d’aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 12 mars 2024.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 AVRIL 2025
Mme [U] [C], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 23-19.561 contre l’arrêt rendu le 10 janvier 2023 par la cour d’appel de Nîmes (5e chambre sociale PH), dans le litige l’opposant à M. [V] [H], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ménard, conseiller, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de Mme [C], de la SARL Corlay, avocat de M. [H], après débats en l’audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ménard, conseiller rapporteur, Mme Degouys, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 10 janvier 2023), Mme [C] a été engagée en qualité d’assistante aux services généraux le 7 janvier 2002 par M. [H], expert-comptable.
2. Elle a été en arrêt de travail pour maladie à compter du 2 janvier 2015 et n’a pas repris le travail.
3. Un avis d’inaptitude a été rendu par le médecin du travail le 26 juillet 2016.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de ses demandes de rappel de salaires, primes et congés payés afférents et de sa demande de paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, alors « que le juge a obligation de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ; que dans ses conclusions d’appel, Mme [C] développait moyen tiré de la mauvaise foi de M. [H] dans l’exécution du contrat de travail ; qu’elle soutenait notamment, dans le corps de ses conclusions, que « le fait de suspendre le paiement du salaire, sans rien mettre en uvre pour reclasser la salariée, ou à défaut la licencier, constitue en soi un manquement de l’employeur à ses obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail, permettant à la salariée de demander le paiement de ses salaire et même des dommages et intérêts » ; qu’elle ajoutait, toujours dans le corps de ses conclusions, qu’ « à titre infiniment subsidiaire, ces sommes sont dues à titre de dommages et intérêts pour non respect par l’employeur de ses obligations contractuelles ayant privé la salariée de revenus et de salaires » ; qu’elle demandait enfin dans le dispositif de ses conclusions la condamnation à titre subsidiaire, de M. [H] à lui payer une somme à titre de dommages et intérêts « pour manquement de l’employeur à son obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail » ; qu’en retenant que « l’intimé présente cette demande à titre subsidiaire dans le dispositif de ses écritures, sans aucun moyen développé dans les motifs, de sorte qu’elle ne peut qu’en être déboutée, justifiant la confirmation du jugement critiqué », la cour d’appel a dénaturé les conclusions de Mme [C] et violé l’article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis :
5. Pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, l’arrêt retient que l’intéressée présente cette demande à titre subsidiaire dans le dispositif de ses écritures, sans aucun moyen développé dans les motifs.
6. En statuant ainsi, alors que la salariée indiquait dans ses conclusions qu’à supposer l’article L. 1226-4 du code du travail non applicable, l’employeur n’en serait pas moins fautif d’avoir laissé la salariée, qui avait été déclarée inapte, sans aucune ressource alors qu’elle lui était toujours contractuellement liée, et sans avoir organisé de procédure de reclassement ou de licenciement, et qu’elle demandait à titre subsidiaire des dommages-intérêts pour non-respect par l’employeur de ses obligations contractuelles, la cour d’appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ces conclusions, a violé le principe susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
7. Le moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l’arrêt fondant la décision de débouter la salariée de ses demandes en paiement de salaires, de congés payés afférents, et de remise de bulletins de paie et de documents de fin de contrat, la cassation ne peut s’étendre à ces dispositions de l’arrêt qui ne sont pas dans un lien de dépendance avec les
dispositions de l’arrêt critiquées par ce moyen.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute Mme [C] de sa demande de dommages-intérêts et de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 10 janvier 2023, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ;
Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier ;
Condamne M. [H] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [C] ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille vingt-cinq.
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