Type de juridiction : Cour de cassation
Juridiction : Cour de cassation
Thématique : Renonciation à la prescription : conditions de preuve et interprétation.
→ RésuméDans cette affaire, un emprunteur a contracté un crédit immobilier auprès d’une banque, la Caisse d’épargne et de prévoyance Rhône-Alpes, par acte authentique en décembre 2010. En juin 2016, la banque a prononcé la déchéance du terme du prêt, entraînant des difficultés pour l’emprunteur. En août 2019, la banque a délivré un commandement de payer en vue d’une saisie immobilière, puis a assigné l’emprunteur devant le juge de l’exécution en décembre 2019.
L’emprunteur a contesté la recevabilité de l’action de la banque, arguant que la prescription de la créance était acquise. Il a soutenu que la renonciation à la prescription devait être clairement établie par des circonstances prouvant la volonté de renoncer à celle-ci en connaissance de cause. La cour d’appel a cependant jugé que l’emprunteur avait effectué un paiement en mai 2019, ce qui aurait interrompu la prescription. L’emprunteur a alors formé un pourvoi en cassation, contestant cette décision. La Cour de cassation a examiné le moyen invoqué par l’emprunteur, qui soutenait que la cour d’appel n’avait pas établi de manière suffisante la volonté de renoncer à la prescription. En effet, la cour d’appel s’était limitée à affirmer que l’emprunteur n’avait pas prouvé que le paiement de mai 2019 était intervenu à la suite d’une voie d’exécution, sans démontrer que ce paiement était effectué en connaissance de cause. La Cour de cassation a donc cassé l’arrêt de la cour d’appel, considérant que les motifs avancés n’étaient pas suffisants pour établir la renonciation à la prescription. L’affaire a été renvoyée devant la cour d’appel de Chambéry, et la banque a été condamnée aux dépens, ainsi qu’à verser une somme à l’avocat de l’emprunteur. |
Cour de cassation, 2 avril 2025, N° Pourvoi 23-16.215
Première chambre civile
–
Formation restreinte hors RNSM/NA
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 2 avril 2025
Cassation
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 222 F-D
Pourvoi n° A 23-16.215
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [D] [E].
Admission du bureau d’aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 12 avril 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 AVRIL 2025
M. [D] [E], domicilié [Adresse 3], [Localité 6], a formé le pourvoi n° A 23-16.215 contre l’arrêt rendu le 5 janvier 2023 par la cour d’appel de Lyon (6e chambre), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société Caisse d’épargne et de prévoyance Rhône-Alpes, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 5],
2°/ à la société BNP Paribas Personal finance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 7],
3°/ au Trésor public – centre des impôts de [Localité 6], dont le siège est [Adresse 4], [Localité 6],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de M. [E], de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la société Caisse d’épargne et de prévoyance Rhône-Alpes, après débats en l’audience publique du 11 février 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Lyon, 5 janvier 2023), par acte authentique du 16 décembre 2010, la Caisse d’épargne et de prévoyance Rhône-Alpes (la banque) a consenti à M. [E] (l’emprunteur) un crédit immobilier.
2. Après avoir, le 23 juin 2016, prononcé la déchéance du terme du prêt, la banque a, le 6 août 2019, délivré un commandement de payer aux fins de saisie immobilière puis elle a, le 3 décembre 2019, assigné l’emprunteur devant le juge de l’exécution.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. L’emprunteur fait grief à l’arrêt de déclarer recevable l’action de la banque et, en conséquence, de rejeter ses demandes, de fixer la créance de la banque à une certaine somme et d’autoriser, sous certaines conditions, la vente amiable d’un bien immobilier lui appartenant, alors « que la renonciation tacite à la prescription doit résulter de circonstances établissant sans équivoque la volonté de renoncer à celle-ci en connaissance de cause ; que pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription invoquée par l’emprunteur et affirmer le caractère volontaire du versement intervenu le 24 mai 2019, la cour d’appel se borne à énoncer que l’emprunteur n’apporte aux débats aucun élément de nature à établir que ce versement est intervenu en suite d’une voie d’exécution, de sorte que le cours de la prescription a recommencé à courir à compter de cette date et a été à nouveau interrompu par la délivrance du commandement de saisie immobilière le 6 août 2019 ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel s’est prononcée par des motifs impropres à établir la volonté sans équivoque de l’emprunteur de renoncer en connaissance de cause à la prescription et a privé sa décision de base légale au regard de l’article 2251 du code civil. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
4. La banque conteste la recevabilité du moyen. Elle fait valoir qu’il est mélangé de fait et qu’il est nouveau, l’emprunteur n’ayant pas soutenu, devant la cour d’appel, que le paiement du 24 mai 2019 ne serait pas intervenu en connaissance de cause.
5. Cependant, le moyen, qui est né de la décision attaquée, est recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l’article 2251 du code civil :
6. Selon ce texte, la renonciation à la prescription est expresse ou tacite. La renonciation tacite résulte de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription.
7. Pour dire que l’emprunteur a renoncé à se prévaloir de la prescription acquise depuis le 23 juin 2018 et déclarer l’action en recouvrement recevable, l’arrêt se borne à énoncer, par motifs propres et adoptés, que l’emprunteur a effectué un paiement volontaire en 2019 et qu’il ne prouve pas que ce paiement est intervenu à la suite d’un acte d’exécution forcée.
8. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la renonciation non équivoque de l’emprunteur à se prévaloir de la prescription, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 5 janvier 2023, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ;
Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Chambéry ;
Condamne la Caisse d’épargne et de prévoyance Rhône-Alpes aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Caisse d’épargne et de prévoyance Rhône-Alpes et la condamne à payer à la SCP Poupet & Kacenelenbogen la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille vingt-cinq.
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