Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Versailles
Thématique : PV de réception de site internet : quelle valeur juridique ?
→ RésuméContexte de l’affaireLa société fabricant de bijoux, ci-après dénommée « la victime », a engagé la société spécialisée en programmation, ci-après dénommée « le prestataire », pour la refonte de son site internet de vente en ligne. Contrat et réceptionUn contrat a été signé le 3 octobre 2016, modifié par des avenants en 2017, et un procès-verbal de réception a été signé le 5 décembre 2017 par la victime. Dysfonctionnements signalésEn avril et mai 2018, la victime a signalé des dysfonctionnements au prestataire, qui a proposé des prestations d’assistance technique, arguant que la période de garantie avait expiré. Contestation de la victimePar courrier recommandé, la victime a contesté cette analyse, affirmant que le procès-verbal ne validait pas la conformité et que des anomalies avaient été signalées avant la fin de la garantie. Assignation en justiceLa victime a assigné le prestataire devant le tribunal de commerce pour obtenir l’accès au code source, qui a été remis lors de l’audience. Demande de remboursementLa victime a demandé le remboursement de 68.983 euros, puis a assigné le prestataire pour la résolution du contrat et le remboursement de 83.499,60 euros. Conciliation infructueuseUne procédure de conciliation ordonnée par le tribunal n’a pas abouti à un accord amiable. Demande de garantieLe prestataire a assigné son assureur, ci-après dénommé « l’assureur », en garantie. Jugement du tribunalLe tribunal a prononcé la résolution du contrat aux torts exclusifs du prestataire, condamnant ce dernier à rembourser 77.322 euros à la victime et à payer des frais de justice. Appel du prestataireLe prestataire a interjeté appel, demandant à être débouté de toutes les demandes de la victime et à limiter sa responsabilité. Réponse de la victime en appelLa victime a demandé la confirmation du jugement, sauf pour le remboursement des sommes versées en pure perte. Demande de l’assureurL’assureur a demandé la confirmation du jugement le déboutant de toutes les demandes. Décision de la cour d’appelLa cour a confirmé le jugement, sauf en ce qui concerne le montant à restituer, condamnant le prestataire à rembourser 71.280 euros et à payer 6.780 euros de dommages et intérêts à la victime. |
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 56F
Chambre commerciale 3-1
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 MARS 2025
N° RG 22/06503 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VPQP
AFFAIRE :
S.A.R.L. SAPIENS GROUP
C/
S.A.S. ATELIER DE FAMILLE
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Octobre 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 1
N° RG : 2019F01836
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Asma MZE
Me Dan ZERHAT
Me Anne-Laure DUMEAU
TAE NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ MARS DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.R.L. SAPIENS GROUP
RCS Paris n° 450 804 364
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Alexandre GOFFINET & Me Jonathan BELLAICHE de la SELARL GOLDWIN Société d’Avocats, Plaidant, avocats au barreau de Paris
APPELANTE
****************
S.A.S. ATELIER DE FAMILLE
RCS Paris n° 492 534 599
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Dan ZERHAT de l’AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d’Avocats, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731 et Me Igall MARCIANO, Plaidant, avocat au barreau de Paris
TOKIO MARINE EUROPE SA venant aux droits de la société TOKIO MARINE KILN INSURANCE LIMITED ‘TMKI’
RCS Paris n° 843 295 221
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Anne-Laure DUMEAU de la SELAS ANNE-LAURE DUMEAU & CLAIRE RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 et Me Camille THIBAULT & Me Anne-Isabelle TORTI de la société d’avocats FIDAL, Plaidant, avocats au barreau des Hauts de Seine
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 23 Janvier 2025 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère,
Madame Bérangère MEURANT, Conseillère,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
Exposé du litige
La société Atelier de famille a pour activité la fabrication et la vente de bijoux.
La société Sapiens group, ci-après dénommée la société Sapiens, est spécialisée dans la programmation.
Par contrat du 3 octobre 2016, modifié par avenants des 4 avril et 3 mai 2017, la société Atelier de famille a confié à la société Sapiens la refonte de son site internet de vente en ligne de bijoux personnalisables.
Un procès-verbal de réception a été signé par la société Atelier de famille le 5 décembre 2017.
Durant les mois d’avril et mai 2018, la société Atelier de famille a fait part à la société Sapiens de dysfonctionnements du site internet.
Afin de les corriger, la société Sapiens a présenté le 25 mai 2018, une proposition commerciale au titre de prestations d’assistance technique, considérant que la période de garantie contractuelle de 3 mois due en exécution du contrat du 3 octobre 2016 avait pris fin le 5 mars 2018.
Par courrier recommandé du 31 mai 2018, la société Atelier de famille a contesté cette analyse, expliquant que le procès-verbal du 5 décembre 2017 n’avait constaté que la remise des livrables et n’avait donc pas ouvert la période de garantie, que de nombreuses anomalies avaient été signalées avant l’expiration de la garantie invoquée et qu’un prestataire est astreint à une obligation de délivrance conforme.
La société Sapiens n’a pas donné suite à ce courrier.
Par acte d’huissier du 26 juin 2018, la société Atelier de famille a fait assigner la société Sapiens devant le juge des référés du tribunal de commerce Nanterre, afin d’obtenir l’accès au code source de la solution, qui a été remis lors de l’audience.
Invoquant un rapport d’audit de la société Sensiolabs ayant relevé plusieurs manquements de la société Sapiens, la société Atelier de famille a vainement demandé à cette dernière, par courrier du 8 janvier 2019, le remboursement de la somme de 68.983 euros TTC versée en exécution du contrat.
Par acte du 17 janvier 2019, la société Atelier de famille a fait assigner la société Sapiens devant le tribunal de commerce de Nanterre en résolution du contrat et remboursement de la somme de 83.499,60 euros.
La procédure de conciliation ordonnée par le tribunal le 7 janvier 2020 n’a pas permis de parvenir à une solution amiable.
Par acte du 10 septembre 2020, la société Sapiens a fait assigner en garantie son assureur la société Tokio Marine kiln insurance limited, ci-après dénommée la société Tokio marine.
Par jugement du 5 octobre 2022, le tribunal a
– prononcé la résolution du contrat du 3 octobre 2016 ainsi que des deux avenants du 4 avril et du 3 mai 2017 aux torts exclusifs de la société Sapiens et l’a condamnée au remboursement la somme de 77.322 euros TTC au titre des sommes versées par la société Atelier de famille ;
– débouté la société Atelier de famille de sa demande de remboursement des sommes versées à perte aux fins de finalisation du projet informatique ;
– débouté la société Sapiens de sa demande de garantie dirigée contre la société Tokio marine, ainsi que de sa demande de dommages et intérêts dirigée contre la société Atelier de famille pour procédure abusive ;
– condamné la société Sapiens à payer la somme de 5.000 euros à la société Atelier de famille et à la société Tokio marine celle de 1.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Le tribunal a considéré que le procès-verbal du 5 décembre 2017 n’attestait pas de la délivrance conforme et que les dysfonctionnements de la solution étaient suffisamment graves pour empêcher sa mise en production et justifier la résolution du contrat aux torts exclusifs de la société Sapiens, ainsi que le remboursement de l’intégralité du prix payé par la société Atelier de famille. Il a en revanche estimé que les frais engagés par la société Atelier de famille pour tenter d’adapter et achever la solution relevaient de son seul choix et devaient par conséquent demeurer à sa charge. Enfin, le tribunal a jugé que le dommage était exclu de la garantie à laquelle la société Sapiens avait souscrit auprès de la société Tokio marine.
Par déclaration du 27 octobre 2022, la société Sapiens a interjeté appel de l’ensemble des chefs du jugement, hormis celui ayant débouté la société Atelier de famille de sa demande de remboursement des sommes versées à perte aux fins de finalisation du projet informatique, et par dernières conclusions n°3 remises au greffe et notifiées par RPVA le 31 octobre 2024, elle demande à cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
– à titre principal, de débouter la société Atelier de famille de l’ensemble de ses demandes ;
– à titre subsidiaire, de limiter le montant des sommes mises à sa charge à la somme de 71.280 euros TTC en application de la clause limitative de responsabilité stipulée au contrat et de condamner la société Atelier de famille à lui payer la somme de 77.322 euros au titre de la valeur des prestations de service accomplies dont elle doit restitution ;
– en tout état de cause, de débouter les sociétés Atelier de famille et Tokio marine de l’ensemble de leurs demandes et de condamner la société Tokio marine à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
– sur l’appel incident de l’intimée, de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Atelier de famille de ses demandes de remboursement des frais d’hébergement, des sommes versées en pure perte aux fins de finalisation du projet informatique et la débouter de l’ensemble de ses demandes ;
– en toute état de cause, de condamner la société Atelier de famille au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Par dernières conclusions n°2 remises au greffe et notifiées par RPVA le 10 décembre 2024, la société Atelier de famille demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de remboursement des sommes versées en pure perte aux fins de finalisation du projet informatique et des factures d’hébergement et, statuant à nouveau et y ajoutant, de condamner la société Sapiens au remboursement des sommes engagées, en pure perte, aux fins de finalisation du projet informatique soit la somme de 6.780 euros TTC, ainsi que des factures d’hébergement payées soit la somme totale de 1.944,00 euros, de débouter la société Sapiens de l’ensemble de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 14 avril 2023, la société Tokio marine demande à la cour de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a rejeté les demandes formulées à son encontre, subsidiairement de l’infirmer en ce qu’elle a retenu la responsabilité de la société Sapiens et de juger mal fondées les demandes formulées à son encontre, plus subsidiairement de juger qu’elle interviendra dans les limites contractuelles du contrat d’assurance, à savoir dans la limite de son plafond et après déduction de la franchise, de condamner la société Sapiens à la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 19 décembre 2024.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l’article 455 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné la société Sapiens group à payer à la société Atelier de famille la somme de 77.322 euros au titre de la résolution du contrat et de ses avenants et débouté la société Atelier de famille de sa demande indemnitaire au titre des sommes versées afin de finaliser le projet ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés ;
Condamne la société Sapiens group à restituer à la société Atelier de famille la somme de 71.280 euros au titre de la résolution du contrat ;
Condamne la société Sapiens group à payer à la société Atelier de famille la somme de 6.780 euros de dommages et intérêts au titre des sommes engagées à perte pour finaliser le projet ;
Déboute la société Sapiens group de sa demande de restitution en valeur des prestations de service accomplies ;
Y ajoutant
Déboute la société Atelier de famille de sa demande au titre des frais d’hébergement ;
Condamne la société Sapiens group aux dépens d’appel ;
Condamne la société Sapiens group à payer à la société Atelier de famille la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
Condamne la société Sapiens group à payer à la société Tokio marine Europe la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
Déboute la société Sapiens group de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier La Présidente
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