Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Versailles
Thématique : Rétention administrative : limites de l’appréciation judiciaire et respect des droits en garde à vue.
→ RésuméContexte de l’AffaireDans cette affaire, le préfet des Hauts-de-Seine a interjeté appel d’une décision rendue par un juge de première instance. L’appel est motivé par deux points principaux : la compétence du juge judiciaire à apprécier la légalité d’une mesure administrative et la question de la compréhension de la langue française par la personne retenue, désignée ici comme un retenu. Arguments du Ministère PublicLors de l’audience, le représentant du Ministère Public a soutenu que la décision du juge de première instance devait être infirmée et que la rétention du retenu devait être prolongée. Il a fait valoir que le premier juge avait excédé ses pouvoirs en statuant sur la notification de l’arrêté et que le retenu avait été correctement informé de ses droits durant sa garde à vue, ce qui a été corroboré par les procès-verbaux signés par le retenu. Position du PréfetLe conseil du préfet a également demandé l’infirmation de l’ordonnance et la prolongation de la rétention, arguant que le premier juge avait commis une erreur en ce qui concerne la compréhension de la langue française par le retenu. Il a cité la jurisprudence pour soutenir que l’absence de notification de l’OQTF ne remettait pas en cause la régularité de la procédure. Défense du RetenuLe conseil du retenu a plaidé pour la confirmation de la décision initiale, affirmant que le retenu comprenait le français, bien qu’il ne sache pas le lire. Il a souligné que la notification de ses droits avait été faite correctement et que le juge avait outrepassé ses pouvoirs en remettant en question la légalité de la rétention. Recevabilité des AppelsLes appels interjetés par le procureur de la République et le préfet ont été jugés recevables, car ils ont été faits dans les délais légaux et étaient motivés conformément aux exigences du code de l’entrée et du séjour des étrangers. Analyse de la Décision JudiciaireLe tribunal a statué que le juge de première instance avait excédé ses pouvoirs en appréciant la régularité de la notification de la décision administrative. Il a également conclu que les droits du retenu avaient été respectés durant sa garde à vue, et qu’aucun grief n’avait été établi à cet égard. Conclusion et Décision FinaleEn conséquence, le tribunal a infirmé l’ordonnance initiale et a ordonné la prolongation de la rétention administrative du retenu pour une durée de vingt-six jours. Cette décision a été rendue publique et contradictoire, avec notification des voies de recours possibles. |
COUR D’APPEL
DE VERSAILLES
Chambre civile 1-7
Code nac : 14H
N°
N° RG 25/01399 – N° Portalis DBV3-V-B7J-XBVW
Du 11 MARS 2025
ORDONNANCE
LE ONZE MARS DEUX MILLE VINGT CINQ
A notre audience publique,
Nous, Nathalie BOURGEOIS-DE RYCK, Première présidente de chambre à la cour d’appel de Versailles, déléguée par ordonnance de monsieur le premier président afin de statuer dans les termes de l’article L 743-21 et suivants du code de l’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile, assistée de Maëva VEFOUR, Greffière, avons rendu l’ordonnance suivante :
ENTRE :
PREFECTURE DES HAUTS DE SEINE
Représentée par Me Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R079, non présent, et ayant également comme avocat présent, Me Aimilia IOANNIDOU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P0500
MINISTERE PUBLIC
comparant, représenté par Monsieur Michel SAVINAS, avocat général, présent
DEMANDEURS
ET :
Monsieur [X] [M]
né le 31 Décembre 1998 à [Localité 1]
Actuellement au LRA de [Localité 4]
Comparant,
assisté de Me Vanessa LANDAIS de la SELARL CABINET LANDAIS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 648, présente
DEFENDEUR
Vu les dispositions des articles L. 742-1 et suivants et R743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Vu l’extrait individualisé du registre prévu par l’article L.744-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Vu l’obligation de quitter le territoire français notifiée par le préfet des Hauts-de-Seine le 17 juin 2022 à M. [X] [M] ;
Vu l’arrêté du préfet des Hauts-de-Seine en date du 5 mars 2025 portant placement de l’intéressé en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de 4 jours, notifiée le même jour ;
Vu la requête de l’autorité administrative en date du 8 mars 2025 tendant à la prolongation de la rétention de M. [X] [M] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de 26 jours ;
Le 10 mars 2025 à 10h35, le procureur de la République du TJ de Nanterre a relevé appel, avec demande d’effet suspensif, de l’ordonnance prononcée par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nanterre le 9 mars 2025 à 11h29 et qui a :
– Fait droit à l’exception de nullité soulevée par le conseil de M. [X] [M]
– dit n’y avoir lieu à prolongation du maintien en rétention de M. [X] [M] dans un local ne relevant pas de l’administration pénitentiaire,
– ordonné la remise en liberté de M. [X] [M],
– rappelé à M. [X] [M] qu’il doit néanmoins quitter le territoire français.
Il sollicite, dans sa déclaration d’appel, l’infirmation de l’ordonnance et la prolongation de la rétention de M. [X] [M] pour une période de 26 jours. A cette fin, il soutient que le juge judiciaire saisi d’une demande de prolongation de la rétention administrative ne peut porter d’appréciation sur le caractère exécutoire de la mesure d’éloignement et qu’il n’est pas établi que M. [M] ne sait pas lire le français et que cela lui ait fait grief.
Suivant ordonnance du conseiller délégué par le Premier Président de la cour d’appel de VERSAILLES du 10 mars 2025, la suspension des effets de l’ordonnance entreprise a été ordonnée et il a été indiqué que l’appel serait examiné au fond à l’audience de cette cour du 11 mars 2025 à 14h00, salle X1.
Le préfet des Hauts-de-Seine a également fait appel de la décision du premier juge au motif d’une part que le juge judiciaire ne peut porter d’appréciation ni sur le bienfondé de la mesure administrative ni sur son caractère exécutoire et d’autre part qu’il n’est pas établi que le retenu ne parle pas français et que la preuve d’un grief n’est pas rapportée.
Les parties ont été convoquées en vue de l’audience.
A l’audience, l’avocat général a maintenu sa position tendant à l’infirmation de l’ordonnance et la prolongation de la rétention de M. [X] [M] en exposant que le Ministère Public a fait appel d’une ordonnance du TJ, aux motifs, qu’il n’est pas justifié que l’arrêté lui a été notifié et deuxièmement, il n’a pas eu d’assistance pour la lecture du proc-s-verbal en garde à vue. Sur le premier point, le premier juge a excédé son pouvoir, l’arrêt de la Cour de Cassation est clair, il n’appartient pas au juge judiciaire de statuer sur la régularité de la mesure administrative. Sur le second point, il y a deux gardes à vue, une première, au commissariat d'[Localité 2], et une deuxième, au commissariat de [Localité 3]. La Cour de Cassation a retenu que seule doit être pris en compte la régularité de la garde à vue qui précède directement la mesure de rétention. Il y a un PV de fin de garde à vue, dans les services de police d'[Localité 2] , puis un nouveau PV à [Localité 3]. Dans la décision du magistrat de première instance, à quel PV de notification des droits de GAV il se réfère. Il est mentionné qu’il est fait lecture de ses droits, à la fin du PV on fait lecture du PV, il n’y a pas de discussion sur le fait que monsieur comprenne le français, le ministère public observe que quoi qu’il en soit, monsieur n’a pas subi un quelconque grief. Il a bien compris ses droits, ça a été fait par les services de police, il a pu prévenir son employeur, appeler un avocat, sur le PV, il était assisté d’un avocat. On remarquera que dans l’ensemble des auditions, 11 pages, les réponses qu’il donne sont précises. Il comprend les questions qui lui sont posées, il a signé l’ensemble des PV qui lui ont été soumis, qui font foi jusqu’à preuve contraire. Il sollicite infirmation de l’ordonnance et la prolongation de la rétention.
Le conseil du préfet des Hauts-de-Seine a également demandé l’infirmation de l’ordonnance et la prolongation de la rétention de M. [X] [M] en faisant valoir que le premier juge s’est trompé sur deux points. Sur la question de la compréhension de la langue française et sur la légalité de l’OQTF. Elle cite la jurisprudence de la cour du 7/8/24, qui rappelle la circonstance sur l’OQTF non produite, n’entache pas la régularité. Ce premier motif de sanction du placement n’est aucunement fondé. Deuxièmement, il y a deux GAV et trois auditions. Il répond aux questions qui lui sont posées, il signe tous les PV, puis vient dire qu’il ne comprend pas le français. Toute la procédure est faite sans interprète, l’erreur du 1er juge relève de l’évidence. Elle demande d’infirmer l’ordonnance et d’ordonner la prolongation de la rétention.
Le conseil de M. [X] [M] a demandé la confirmation de la décision entreprise. Il a soulevé, à cette fin : il comprend parfaitement le français, il ne sait pas le lire. Dans la seconde GAV on lui lit, la difficulté est la lecture, un second policier plus diligent que le premier, il lui a fait lecture de ces droits en GAV. Sur la question de la notification de la rétention administrative, le juge a été à mon sens au-delà de ses pouvoirs. Sur la garde à vue, on ne peut pas dire qu’il n’y a pas de grief. Elle conclut à la confirmation de l’ordonnance rendue.
M. [X] [M] a indiqué ne pas avoir reçu le courrier de l’OQTF. Il a un patron et est en France depuis 2020.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Ordonne la jonction de l’instance enrôlée sous le n° 25/01402 à celle enrôlée sous le n° 25/01397,
Déclare les recours recevables en la forme,
Infirme l’ordonnance entreprise,
Ordonne la prolongation de la rétention administrative de M. [X] [M] pour une durée de vingt-six jours à compter du 8 mars 2025.
Fait à Versailles, le mardi 11 mars 2025 à heures
La Greffière, La Première présidente de chambre,
Maëva VEFOUR Nathalie BOURGEOIS-DE RYCK
Reçu copie de la présente décision et notification de ce qu’elle est susceptible de pourvoi en cassation dans un délai de 2 mois selon les modalités laissée ci-dessous.
l’intéressé, l’avocat
POUR INFORMATION : le délai de pourvoi en cassation est de DEUX MOIS à compter de la présente notification.
Article R 743-20 du CESEDA :
‘ L’ordonnance du premier président de la cour d’appel ou de son délégué n’est pas susceptible d’opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui l’a placé en rétention et au ministère public. ‘.
Articles 973 à 976 du code de procédure civile :
Le pourvoi en cassation est formé par déclaration au greffe de la Cour de Cassation, qui est signée par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation ;
La déclaration est remise au secrétariat-greffe en autant d’exemplaires qu’il y a de défendeurs, plus deux ;
Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?