Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Toulouse
Thématique : Responsabilité partagée des professionnels dans un projet de réhabilitation immobilière
→ RésuméL’affaire concerne un projet de réhabilitation d’un bâtiment en 30 logements, confié par une association à une société de construction. Cette dernière a sous-traité le lot ascenseur à une autre société, qui a émis plusieurs factures pour un montant total de 29.200 euros hors taxes. Après avoir mis en demeure la société de construction de régler ses factures, la société sous-traitante a informé l’association de son intention d’agir directement contre elle si le paiement n’était pas effectué.
La société de construction a été placée en redressement judiciaire, et la société sous-traitante a déclaré sa créance auprès du mandataire. En 2015, la société sous-traitante a assigné l’association devant le tribunal pour obtenir le paiement direct de sa créance. En parallèle, l’association a assigné le maître d’œuvre et son assureur pour garantir ses intérêts. Le tribunal a d’abord débouté la société sous-traitante de sa demande, mais celle-ci a fait appel. En mars 2020, la cour d’appel a partiellement infirmé le jugement initial, condamnant l’association à payer la société sous-traitante, en raison d’une faute de l’association qui n’avait pas mis en demeure la société de construction d’agréer le sous-traitant. En septembre 2022, le tribunal a condamné le maître d’œuvre et l’assistant à la maîtrise d’ouvrage à indemniser l’association pour un montant total de 36.418,29 euros. Les deux sociétés ont été jugées responsables in solidum, mais le tribunal a précisé que la charge de la dette serait répartie à hauteur de 30 % pour le maître d’œuvre et 70 % pour l’assistant à la maîtrise d’ouvrage. Les parties ont interjeté appel, demandant la réformation du jugement. La cour a confirmé la condamnation, mais a modifié la répartition de la responsabilité, décidant que chaque partie supporterait la moitié de la dette. Les dépens ont également été répartis équitablement entre les deux sociétés. |
26/03/2025
ARRÊT N° 120/25
N° RG 22/03936
N° Portalis DBVI-V-B7G-PCV2
CR – SC
Décision déférée du 30 Septembre 2022
TJ de TOULOUSE – 17/00780
S. GAUMET
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le 26/03/2025
à
Me Emmanuelle DESSART
Me Sarah WICHERT
Me Sylvie ATTAL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
*
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
*
ARRÊT DU VINGT SIX MARS DEUX MILLE VINGT CINQ
*
APPELANTE
S.A.R.L. COURTAGE ET PATRIMOINE
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Emmanuelle DESSART de la SCP SCP DESSART, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)
Représentée par Me Vianney LE COQ DE KERLAND de l’AARPI RIVIERE – DE KERLAND, avocat au barreau de BORDEAUX (plaidant
INTIMEES
A.S.L. [Adresse 8]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me Sarah WICHERT, avocat au barreau de TOULOUSE
S.A. CANDARCHITECTES
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Sylvie ATTAL de la SELAS D’AVOCATS ATCM, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 mai 2024 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. ROUGER, Présidente, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
C. ROUGER, présidente
A.M. ROBERT, conseillère
S. LECLERCQ, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière : lors des débats N.DIABY
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. ROUGER, présidente et par M. POZZOBON, greffière
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
L’Asl [Adresse 8] a confié selon devis du 3/01/2011 à la Société Construction Aménagement Modulaire Cam, la réhabilitation en 30 logements d’un bâtiment dit [Adresse 8], sis [Adresse 6] [Localité 9] (31) pour un montant Ht de 1.956.966,64 € Ht.
Par contrat de sous-traitance du 2 février 2011, la société Cam a confié à la Société Sopa, aux droits de laquelle se trouve la Sas Orona Sud-ouest, le lot ascenseur, pour un montant ferme de 29.200 euros hors taxes.
Concernant l’exécution de ce lot, quatre factures ont été émises entre le 25 janvier et le 21 mai 2012 par la société Sopa à l’attention de la société Cam. Par courriers dont il a été accusé réception le 11 octobre 2012, la société Sopa a, d’une part, mis la société Cam en demeure de lui régler l’intégralité de son marché pour une somme totale de 29.200 euros hors taxes, soit 34.923,20 euros toutes taxes comprises et, d’autre part, adressé copie de cette mise en demeure à l’Asl [Adresse 8], en manifestant son intention de mettre en oeuvre l’action directe du sous-traitant envers le maître de l’ouvrage dans l’hypothèse où la société Cam ne s’acquitterait pas du montant de ses factures.
La société Cam a fait l’objet d’un placement en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux le 6 mai 2013.
Par courrier dont il a été accusé réception le 19 juin 2013, la société Sopa a déclaré auprès du mandataire de la société Cam une créance d’un montant de 29.200 euros hors taxes, soit 34.923,20 euros toutes taxes comprises.
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Par acte d’huissier du 15 avril 2015, la Sas Orona Sud-Ouest venant aux droits de la société Sopa, a fait assigner l’Asl [Adresse 8] devant le tribunal judiciaire de Toulouse, aux fins d’obtenir le paiement direct de sa créance, instance enrôlée sous le n° RG 15/2000.
Suivant acte d’huissier des 31 janvier et 14 février 2017, l’Asl a fait assigner la Sarl Candarchitectes, maître d’oeuvre titulaire d’une mission complète, et la compagnie Axa, son propre assureur, aux fins de jonction des instances et de condamnation des parties défenderesses à la relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre, instance enrôlée sous le n° RG 17/780.
Les instances n’ont pas été jointes, l’instance principale RG n°15/2000 ayant fait l’objet d’une ordonnance de clôture rendue le 2 février 2017 et étant fixée à plaider au 3 février 2017.
Par jugement rendu le 24 mars 2017 dans l’instance RG 15/2000, le tribunal judiciaire de Toulouse a débouté la Sas Orona Sud Ouest de sa demande en paiement direct à l’encontre de l’Asl [Adresse 8]. La Sas Orona Sud Ouest a relevé appel de ce jugement.
Suivant ordonnance du 8 novembre 2018, il a été sursis à statuer sur les recours exercés par l’Asl dans l’instance RG 17/780 .
Par arrêt rendu le 9 mars 2020, la cour d’appel de Toulouse, infirmant partiellement le jugement du 24 mars 2017, a condamné l’Asl à payer à la Sas Orona Sud Ouest la somme de 28.309,40 euros Ht outre Tva en vigueur à la date du paiement, au titre du solde de son marché au motif d’une faute du maître de l’ouvrage consistant à n’avoir pas mis l’entrepreneur principal en demeure d’exécuter ses obligations de faire accepter ce sous-traitant et agréer les conditions de paiement de son contrat par le maître de l’ouvrage.
Par acte d’huissier du 7 janvier 2021, la Sarl Candarchitectes a fait délivrer assignation d’appel en cause et en garantie à la Sarl Courtage et Patrimoine. Les instances pendantes sur les recours de l’Asl (17/780) et de la Sarl Candarchitectes ont été jointes dans le cadre de la mise en état.
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Par jugement du 30 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
-rejeté l’irrecevabilité tirée de la prescription de l’action de l’Asl soulevée par la Sarl Courtage et Patrimoine,
-condamné la Sarl Candarchitectes et la Sarl Courtage et Patrimoine in solidum à payer à l’Asl [Adresse 8] la somme de 36.418,29euros toutes taxes comprises,
-rejeté toute demande et tout recours formés à l’encontre de la Sa Axa France Iard,
-dit que dans les rapports entre co-obligés, la charge finale de la dette sera supportée à hauteur de 30% par la Sarl Candarchitectes et de 70% par la Sarl Courtage et Patrimoine, proportions dans lesquelles il est fait droit au recours de la Sarl Candarchitectes,
-condamné la Sarl Candarchitectes et la Sarl Courtage et Patrimoine in solidum aux dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Sarah Wichert,
-condamné la Sarl Candarchitectes et la Sarl Courtage et Patrimoine in solidum à payer à l’Asl [Adresse 8] la somme de 3.000euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-dit que dans les rapports entre co-obligés, la charge finale de la dette au titre des dépens et frais irrépétibles alloués à l’Asl sera supportée dans les proportions ci-dessus fixées dans lesquelles il est fait droit au recours de la Sarl Candarchitectes,
-condamné la Sarl Candarchitectes à payer à la Sa Axa France Iard la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-ordonné l’exécution provisoire du jugement.
Ecartant toute garantie de l’assureur de l’Asl, la société Axa, le premier juge a retenu qu’en qualité de maître d’oeuvre chargé d’une mission complète, la Sarl Candarchitectes n’ignorait ni la présence du sous-traitant sur le chantier de la société Cam, ni sa qualité de sous-traitant, ni l’absence d’agrément provoqué par l’entreprise principale et qu’elle devait aviser l’Asl, association non professionnelle de la construction ou de l’immobilier, tant de la présence du sous-traitant que de son obligation de mettre l’entreprise principale en demeure de le faire agréer ainsi que ses conditions de paiement tout comme des conséquences à ne pas procéder à la mise en demeure de l’entreprise principale de faire agréer son sous-traitant, susceptibles d’aboutir à un double paiement. Il a estimé que le préjudice découlant du manquement à ces obligations incluait l’ensemble des sommes que l’Asl [Adresse 8] avait dû débourser suite à ce défaut d’information.
A l’égard de la Sarl Courtage et Patrimoine, assistant à la maîtrise d’ouvrage et destinataire des comptes-rendus de chantier, il a retenu que, chargée d’une mission à caractère financier destinée à la protection des intérêts financiers du maître de l’ouvrage ayant pour objectif d’assurer le respect de l’enveloppe financière de l’opération et d’éviter tout surcoût ou dérapage du coût de l’opération, elle se devait, comme le maître d’oeuvre, d’alerter le maître de l’ouvrage de la présence d’un sous-traitant et de ses obligations quant à la mise en demeure de l’entreprise principale en vue de l’agrément du sous-traitant et des conditions de paiement de son marché et qu’il n’était pas justifié de l’accomplissement de cette obligation de conseil, estimant qu’elle devait être tenue in solidum avec le maître d’oeuvre des conséquences préjudiciables de ce manquement, mais que s’agissant de la contribution à la dette, la faute de la Sarl Courtage et Patrimoine avait eu une part prépondérante dans la survenance du dommage financier subi par l’Asl.
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Par déclaration du 10 novembre 2022, la Sarl Courtage et Patrimoine a relevé appel de toutes les dispositions de ce jugement, à l’exception de celle ayant rejeté la fin de non-recevoir qu’elle avait soulevée, intimant uniquement l’Asl [Adresse 8] et la Sarl Candarchitectes.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 juillet 2023, la Sarl Courtage et Patrimoine, appelante, demande à la cour, au visa des articles 1240 et 2224 du code civil, ainsi que de l’article 16 du code de procédure civile, de :
-réformer le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 30 septembre 2022,
Statuant à nouveau,
-débouter la société Candarchitectes de toutes ses demandes à l’égard de la société Courtage et Patrimoine,
-débouter l’Asl [Adresse 8] de sa demande de condamnation de la société Courtage et Patrimoine,
-rejeter l’appel incident et les demandes de la société Candarchitectes,
À titre subsidiaire,
-juger que la responsabilité de la société Courtage et Patrimoine ne saurait excéder 5 %,
En conséquence,
-condamner la société Candarchitecte à garantir et relever indemne la société Courtage et Patrimoine intégralement ou à hauteur a minima de 95 % ;
-condamner toute partie défaillante au paiement d’une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-les condamner aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 29 juillet 2023, la société Asl [Adresse 8], intimée, demande à la cour, au visa des articles 1194, 1231-3 et 1240 du code civil, de :
-confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 30 septembre 2022,
-condamner in solidum la Sarl Candarchitectes et Sarl Courtage et Patrimoine à régler à l’Asl [Adresse 8] la somme de 36.418,29 euros toutes taxes comprises,
-débouter la Sarl Courtage et Patrimoine de ses demandes,
-rejeter l’appel incident de la Sarl Candarchitecte,
-condamner tout succombant à payer la somme de 6.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l’instance dont distraction faite au profit de Maître Sarah Wichert.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 2 mai 2023, la Sarl Candarchitectes, intimée, appelante incidente, demande à la cour, au visa des articles 1240 et 1231-1 du code civil, de :
À titre principal,
-confirmer le jugement en ce qu’il a estimé que la société Courtage et Patrimoine avait commis une faute dans le cadre de l’exécution sa mission,
-réformer le jugement en ce qu’il a condamné la société Candarchitectes dans une proportion de 30% à indemniser l’Asl [Adresse 8] sur un quantum de 36.418,29 euros, 3.000 euros au titre de l’article 700 du cpc et des dépens,
Statuant à nouveau,
À titre principal,
-débouter l’Asl [Adresse 8] de toutes ses demandes de condamnation de la société Candarchitectes,
-débouter la société Courtage et Patrimoine de toutes ses demandes à l’encontre de la société Candarchitectes,
Par voie de conséquence,
-mettre la société Candarchitectes hors de cause,
À titre subsidiaire,
-condamner la société Courtage et Patrimoine en sa qualité d’assistant à maître d’ouvrage à relever et garantir la société Candarchitectes en totalité de toutes éventuelles condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre en principal, frais accessoires et dépens,
À titre très subsidiaire,
-confirmer le jugement dont appel en date du 30 septembre 2022,
-condamner tous succombants à régler à la concluante une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 30 avril 2024 et l’affaire a été examinée à l’audience du 21 mai 2024 à 14h.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement entrepris sauf quant au partage de responsabilité entre les coobligés,
Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,
Dit que dans leurs rapports entre coobligées, les condamnations prononcées in solidum à l’encontre de la Sarl Candarchitectes et de la Sarl Courtage et Patrimoine au profit de l’Asl [Adresse 8], y compris au titre des dépens et frais irrépétibles, seront supportées à concurrence de moitié chacune,
Condamne in solidum la Sarl Candarchitectes et la Sarl Courtage et Patrimoine aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à l’Asl [Adresse 8] une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,
Condamne la Sarl Courtage et Patrimoine à relever et garantir la Sarl Candarchitectes des condamnations in solidum prononcées à son encontre à hauteur de moitié,
Rejette les demandes d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile formulées par la Sarl Candarchitectes et la Sarl Courtage et Patrimoine.
La greffière La présidente
M. POZZOBON C. ROUGER
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