Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Toulouse
Thématique : Installation défectueuse d’un poêle à bois : enjeux de conformité et responsabilité décennale.
→ RésuméUn acheteur a conclu un contrat avec une société spécialisée dans la conception et l’installation de cheminées pour la fourniture et la pose d’un poêle à bois dans son immeuble. Le prix convenu s’élevait à 4.759,56 euros. Suite à l’installation, l’acheteur a constaté plusieurs anomalies et a demandé un audit, suivi d’une expertise unilatérale, qui a révélé des non-conformités dans l’installation du poêle.
Le juge des référés a ordonné une expertise contradictoire, incluant l’assureur de la société responsable des travaux. L’expert a déposé son rapport, confirmant les désordres. L’acheteur a ensuite assigné la société et son assureur devant le tribunal judiciaire pour obtenir réparation des préjudices subis. Le tribunal a condamné la société et l’assureur à verser des sommes spécifiques à l’acheteur, tout en rejetant certaines de ses demandes. L’acheteur a fait appel de cette décision, demandant une réévaluation des sommes allouées et la reconnaissance de nouveaux préjudices. Dans ses conclusions, il a insisté sur la nécessité de respecter les normes de sécurité pour l’installation du poêle, notamment en ce qui concerne les distances de sécurité par rapport aux matériaux combustibles. La société a, de son côté, demandé la confirmation de la décision initiale, tout en contestant les demandes supplémentaires de l’acheteur. L’assureur a également soutenu que certaines demandes relevaient d’une garantie facultative et non de la garantie décennale. Le tribunal a finalement infirmé partiellement le jugement initial, condamnant la société et l’assureur à verser des montants plus élevés à l’acheteur pour les travaux de reprise et le préjudice de jouissance, tout en rejetant certaines demandes de l’acheteur et en précisant les conditions de garantie de l’assureur. |
02/04/2025
ARRÊT N° 158/25
N° RG 22/00535
N° Portalis DBVI-V-B7G-OTDS
AMR – SC
Décision déférée du 10 Décembre 2021
TJ de TOULOUSE – 19/03256
C. TANGUY
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le 02/04/2025
à
Me Gilles SOREL
Me Raphaël GIRAUD
Me Corine CABALET
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
***
ARRÊT DU DEUX AVRIL DEUX MILLE VINGT CINQ
***
APPELANT
Monsieur [Z] [J]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)
Représenté par Me Nicolas RAMONDENC de la SELEURL NICOLAS RAMONDENC, avocat au barreau de TOULOUSE (plaidant)
INTIMEES
S.A.S. [Localité 6] DESIGN CHEMINEE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Raphaël GIRAUD de la SAS LGMA, avocat au barreau de TOULOUSE
CAISSE MUTUELLE AGRICOLE GROUPAMA D’OC
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Corine CABALET de la SELARL SELARL TERRACOL-CABALET AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 juin 2024 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant A.M. ROBERT, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. DEFIX, président
C. ROUGER, conseillère
A.M. ROBERT, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière : lors des débats N.DIABY
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par M. DEFIX, président et par M. POZZOBON, greffière
EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Par contrat du 21 novembre 2015, M. [Z] [J] a confié à la Sas [Localité 6] design cheminée (Tdc), assurée auprès de la Caisse Mutuelle Agricole Groupama d’Oc (Groupama), la fourniture et la pose d’un poêle à bois dans son immeuble à usage d’habitation situé à [Localité 5] (31), pour le prix de 4.759,56 ‘ toutes taxes comprises.
M. [J] a constaté plusieurs anomalies et fait diligenter un audit afin de contrôler les travaux réalisés, puis une expertise unilatérale dans le cadre de son assurance protection juridique. Les différents rapports ont conclu que l’installation du poêle présentait des non-conformités.
Par ordonnance du 14 décembre 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse, saisi par M. [J], a ordonné une expertise et désigné M. [B] pour y procéder.
Par décision du 18 septembre 2018, les opérations d’expertises ont été étendues au contradictoire de la société Cbl Insurance, assureur à compter du 1er janvier 2017 de la Sas Tdc.
L’expert judiciaire a déposé son rapport le 7 février 2019.
Par acte d’huissier du 11 octobre 2019, M. [Z] [J] a fait assigner la Sas Tdc et son ancien assureur Groupama d’Oc devant le tribunal judiciaire de Toulouse aux fins d’obtenir la réparation des préjudices subis.
Par jugement du 10 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
-condamné in solidum la société [Localité 6] design cheminée et la compagnie d’assurances Groupama d’Oc à payer à M. [J] les sommes suivantes :
‘ 3.614,60 euros,
‘ 742,50 euros,
‘ 313,02 euros,
-rejeté le surplus des demandes,
-condamné in solidum la société [Localité 6] design cheminée et la compagnie d’assurances Groupama d’Oc aux dépens, en ce compris les frais d’expertise,
-condamné in solidum la société [Localité 6] design cheminée et la compagnie d’assurances Groupama d’Oc à payer à M. [J] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamné la compagnie d’assurances Groupama d’Oc à relever et garantir la société [Localité 6] design cheminée de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre,
-ordonné l’exécution provisoire du présent jugement.
Le tribunal a considéré que les désordres constatés par l’expert judiciaire présentaient un risque pour la sécurité des personnes et pourraient conduire à la perte du bien en cas d’utilisation, et retenu l’application de la garantie décennale.
Il a estimé que la solution de reprise proposée par la Sas Tdc permettait une remise aux normes de l’installation alors que celle proposée par M. [J] n’était pas indispensable au vu des non-conformités.
Il a considéré que le préjudice de surconsommation électrique n’était pas démontré, ni la perte de jouissance de l’installation en l’absence d’éléments permettant l’évaluation de ce préjudice. Il a également estimé que M. [J] ne rapportait pas la preuve d’un préjudice spécifique de préparation du dossier.
Il a retenu que Groupama d’Oc devait sa garantie au titre des dommages aux existants et des préjudices immatériels dans le cadre du délai subséquent de garantie et au regard de la connaissance du sinistre par la Sas Tdc lors de la souscription du contrat d’assurance avec la compagnie d’assurance Cbl.
Par déclaration du 2 février 2022, M. [Z] [J] a relevé appel de ce jugement en ce qu’il a condamné in solidum la société [Localité 6] design cheminée et la compagnie d’assurances Groupama d’Oc à lui payer les sommes suivantes : 3.614,60euros, 742,50 et 313,02 et en ce qu’il a rejeté le surplus de ses demandes.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 17 mars 2023, M. [Z] [J], appelant, demande à la cour de :
Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et en tous les cas mal fondées,
-confirmer la décision en ce qu’elle a :
‘ retenu la nature décennale des désordres litigieux et condamné la société Tdc sous la garantie de son assureur de responsabilité, la compagnie Groupama,
‘ condamné la société Tdc et son assureur à lui verser la somme de 856,02euros toutes taxes comprises, sur la base initiale du montant du devis de 742,50 euros toutes taxes comprises réactualisé au titre des travaux de reprise électrique,
-infirmer pour le surplus la décision entreprise et statuant à nouveau :
‘ condamner, in solidum, la société Tdc et la compagnie Groupama à lui verser les sommes de :
‘ 12.604,54 euros toutes taxes comprises, à partir de la base initiale de 9.228,23 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de déplacement du poêle, réactualisés,
‘ 6.514,08 euros toutes taxes comprises à partir de la base initiale de 5.517,60 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de reprise des embellissements réactualisés,
‘ 18.607 euros toutes taxes comprises à partir de la base initiale de 9.665,86 euros au titre des préjudices subis réactualisés et des frais de rapport d’expertise incendie [K] 2022,
‘ ces montants devront être réactualisés au jour de l’arrêt,
-condamner in solidum les sociétés [Localité 6] design cheminée et Groupama à lui verser la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de la procédure en ce compris les frais d’expertise judiciaire.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 septembre 2023, la Sas [Localité 6] Design Cheminée, intimée et sur appel incident, demande à la cour de :
-confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :
‘ condamné in solidum la société Tdc et la société Groupama d’Oc à verser à M. [J] la somme de 3.614, 60 euros au titre des travaux de reprise et la somme de 742,50 euros au titre des travaux de reprise électrique,
‘ rejeté le surplus des demandes de M. [J],
‘ condamné la compagnie d’assurances Groupama d’Oc à la relever et garantir de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre,
Par conséquent,
-débouter M. [J] de sa demande de dommages et intérêts au titre du déplacement du poêle évaluée à 9.228,23 euros,
-débouter M. [J] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la reprise des embellissements évaluée à 5.517, 60 euros,
-débouter M. [J] de sa demande de dommages et intérêts au titre des préjudices immatériels suivants : 417, 36 euros au titre de la préparation du dossier communiqué à l’expert, 1.929,01 euros au titre de la surconsommation électrique, 521,10 euros au titre de la perte de jouissance de la chambre et du salon pendant les travaux de reprise, 4.800 euros au titre de la perte de jouissance de l’installation,
Si par extraordinaire la cour retenait l’existence d’un préjudice de jouissance subi par M. [J],
-ramener l’indemnisation de ce préjudice à de plus justes proportions,
-condamner la compagnie Groupama d’Oc à la relever et garantir de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre tant au titre des préjudices matériels que des préjudices immatériels invoqués par M. [J], ainsi qu’au titre des dépens de l’article 700 du code de procédure civile,
-débouter par conséquent la compagnie Groupama d’Oc de sa demande de mise hors de cause au titre des dommages aux existants et des préjudices immatériels,
-infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :
‘ condamné in solidum la société Tdc et la société Groupama d’Oc à verser à M. [J] la somme de 313,02 euros au titre de la pose de demi-journées de congés,
‘ condamné in solidum la société Tdc et la société Groupama d’Oc aux entiers dépens en ce compris les frais d’expertise et à payer à M. [J] la somme de 2.000 euros au titre de l’article du code de procédure civile,
Par conséquent,
-débouter M. [J] de sa demande de dommages et intérêts formulées au titre de la pose de demi-journées de congés,
-ramener les condamnations prononcées au titre des frais irrépétibles à de plus justes proportions,
-condamner M. [J] à prendre en charge tout ou partie des dépens notamment les frais d’expertise judiciaire,
En toute hypothèse,
-débouter M. [J] de ses demandes de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel pour un montant de 5.000 euros et de condamnation aux dépens en ce compris les frais d’expertise judiciaire,
-condamner M. [J] à lui verser la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 31 mai 2024, la Caisse Mutuelle Agricole Groupama d’Oc, intimée et sur appel incident, demande à la cour de :
À titre principal,
Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et en tout cas mal fondées,
-confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a déclaré satisfactoire son offre d’indemniser M. [J] au titre des travaux de remise en état en lui réglant la somme de 3.614,60 euros toutes taxes comprises tel que retenu par l’expert judiciaire,
-réformer la décision pour le surplus,
En conséquence,
-débouter M. [J] de sa demande au titre de la réparation des dommages aux existants (fils électriques),
-débouter M. [J] de sa demande au titre des préjudices immatériels (jours de congés),
-débouter la société Tdc de sa demande de relevé et garantie au titre des dommages aux existants et des préjudices immatériels,
-débouter l’ensemble des parties de leurs demandes, fins et conclusions en tant que dirigées à son encontre,
À titre subsidiaire, si par extraordinaire sa garantie était retenue au titre des dommages immatériels ou au titre des dommages causés aux existants,
-débouter M. [J] de sa demande d’indemnisation au titre des dommages immatériels,
-‘dire et juger’ qu’elle sera en droit d’opposer ses franchises contractuelles au titre des dommages immatériels à M. [J],
En tout état de cause,
-‘dire et juger’ qu’elle sera en droit d’opposer à son assurée sa franchise applicable au titre des garanties obligatoires,
-ramener les demandes présentées au titre des frais irrépétibles à de plus justes proportions et compte tenu des circonstances, les dépens et notamment les frais d’expertise judiciaire, devront, au moins en partie, être laissés à la charge de M. [J].
L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 juin 2024 et l’affaire a été examinée à l’audience du 18 juin 2024 à 14h.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement rendu le 10 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Toulouse sauf sa disposition ayant débouté M. [J] de sa demande au titre de la consommation électrique supplémentaire et ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
-Condamne in solidum la Sas [Localité 6] design cheminée et Groupama d’Oc à payer à M. [Z] [J] la somme de 7363 ‘ Ttc au titre des travaux de reprise du poêle et celle 5517,60 ‘ Ttc au titre de la remise en état du séjour et de la chambre à l’étage avec indexation sur l’indice BT01 du coût de la construction selon sa variation entre avril 2017 et le 26 mars 2025, date du présent arrêt, et avec intérêts au taux légal à compter de cette dernière date ;
-Condamne in solidum la Sas [Localité 6] design cheminée et Groupama d’Oc à payer à M. [J] la somme de 2000 ‘ outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter de la date du présent arrêt au titre du préjudice de jouissance ;
-Dit que Groupama d’Oc est en droit d’opposer à son assurée la franchise applicable au titre des garanties obligatoires ;
-Dit que Groupama d’Oc ne doit pas sa garantie pour les dommages aux existants et le préjudice moral ;
-Condamne la Sas [Localité 6] design cheminée à payer à M. [Z] [J] la somme de 742,50 ‘ Ttc au titre des travaux de reprise de l’installation électrique avec indexation sur l’indice BT01 du coût de la construction selon sa variation entre avril 2017 et le 26 mars 2025, date du présent arrêt, et avec intérêts au taux légal à compter de cette dernière date ;
-Condamne la Sas [Localité 6] design cheminée à payer à M. [Z] [J] la somme de 2000 ‘ au titre du préjudice de jouissance et moral outre intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2025 ;
-Dit que les frais de réalisation de l’expertise unilatérale par M. [K] entrent dans les frais non compris dans les dépens couverts par l’indemnité prévue par l’article 700 du code de procédure civile ;
-Condamne in solidum la Sas [Localité 6] design cheminée et Groupama d’Oc aux dépens d’appel;
-Condamne in solidum la Sas [Localité 6] design cheminée et Groupama d’Oc à payer à M. [Z] [J] la somme de 3000 ‘ au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel;
-Déboute de la Sas [Localité 6] design cheminée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière Le président
M. POZZOBON M. DEFIX
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