Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Rouen
Thématique : Responsabilité contractuelle et manquements dans la construction d’une maison : enjeux d’information et de conseil.
→ RésuméEn 2008, un couple a confié à une société de maîtrise d’œuvre la construction de leur maison sur un terrain spécifique. Le lot couverture a été attribué à un entrepreneur. La réception des travaux a eu lieu en septembre 2010 sans réserve. Cependant, dès 2016, le couple a constaté des désordres sur leur toiture en ardoises, ce qui les a conduits à demander une expertise judiciaire en 2020. L’expert a confirmé des problèmes liés à la qualité des ardoises, entraînant des dégradations.
En juin 2022, le couple a assigné les assureurs de la société de maîtrise d’œuvre et de l’entrepreneur, ainsi que ces derniers, devant le tribunal judiciaire pour obtenir réparation de leurs préjudices. En décembre 2023, le tribunal a rejeté certaines demandes de paiement tout en condamnant les parties à verser une somme pour préjudice immatériel et a fixé un partage de responsabilités : 70 % pour la société de maîtrise d’œuvre et 30 % pour l’entrepreneur. Le couple a interjeté appel, demandant la confirmation de certaines décisions et la révision d’autres, notamment en ce qui concerne le montant des réparations et la reconnaissance de la responsabilité des parties. Les assureurs ont contesté la mobilisation de leurs garanties, arguant que les dommages n’étaient pas couverts par leurs contrats. Le tribunal a finalement confirmé la responsabilité de la société de maîtrise d’œuvre et de l’entrepreneur, condamnant ces derniers à indemniser le couple pour les préjudices matériels et moraux subis. Les assureurs ont été tenus de garantir les condamnations à hauteur de leur part de responsabilité. Les parties ont été condamnées aux dépens, avec une répartition des frais selon les responsabilités établies. |
N° RG 23/04133 – N° Portalis DBV2-V-B7H-JQ4C
COUR D’APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 26 MARS 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
22/02708
Tribunal judiciaire de Rouen du 7 décembre 2023
APPELANTS :
Monsieur [D] [K]
né le 6 décembre 1955 à [Localité 11]
[Adresse 8]
[Localité 6]
comparant en personne, représenté et assisté de Me Florence DELAPORTE, avocat au barreau de Rouen
Madame [L] [T] épouse [K]
née le 11 janvier 1956 à [Localité 9]
[Adresse 8]
[Localité 6]
comparante en personne, représentée et assistée de Me Florence DELAPORTE, avocat au barreau de Rouen
INTIMES :
Monsieur [I] [V]
né le 19 septembre 1954 à [Localité 10]
[Adresse 3]
[Localité 7]
représenté et assisté par Me Virginie CAREL, avocat au barreau de Rouen
SAMCV MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
RCS du Mans 775 652 126
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée et assistée par Me Marc ABSIRE de la SELARL DAMC, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me Adrien LAHAYE
SA MMA IARD
RCS du Mans 440 048 882
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée et assistée par Me Marc ABSIRE de la SELARL DAMC, avocat au barreau de Rouen, plaidant par Me Adrien LAHAYE
SA GENERALI IARD
RCS de Paris 552 062 663
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Céline BART de la SELARL EMMANUELLE BOURDON- CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Jacques CHEVALIER, avocat au barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 13 janvier 2025 sans opposition des avocats devant Mme DEGUETTE, conseillère, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre
Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, présidente de chambre
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER
DEBATS :
A l’audience publique du 13 janvier 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 26 mars 2025
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 26 mars 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
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* *
EXPOS » DES FAITS ET DE LA PROC »DURE
En 2008, M. [D] [K] et Mme [L] [T], son épouse, ont confié une mission complète de maîtrise d »uvre à la société [I] [Z] pour la construction de leur maison d’habitation sur un terrain situé [Adresse 8]. Le lot couverture a été attribué à M. [I] [V].
La réception a été prononcée le 9 septembre 2010 sans réserve.
Par ordonnance du 17 novembre 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Rouen a fait droit à la demande d’expertise présentée par M. et Mme [K], se plaignant de désordres affectant leur toiture en ardoises depuis 2016, au contradictoire de M. [V] et de son assureur la Sa Generali Iard, ainsi que des sociétés Mma Iard Assurances Mutuelles et Mma Iard ès qualités d’assureur dommages-ouvrage et d’assureur de la société [I] [Z] ayant fait l’objet d’une procédure collective. M. [N] [A] a été désigné pour y procéder. Celui-ci a établi son rapport d’expertise le 13 octobre 2021.
Par actes d’huissier de justice des 22 et 29 juin 2022, M. et Mme [K] ont fait assigner les sociétés Mma ès qualités d’assureur de la société [I] [Z], ainsi que M. [V] et son assureur la Sa Generali Iard, devant le tribunal judiciaire de Rouen en indemnisation de leurs préjudices sur le fondement des articles 1147 ancien, 1231-1 du code civil, et L.124-3 et suivants du code des assurances.
Par jugement du 7 décembre 2023, le tribunal a :
– rejeté la demande en paiement de M. [D] [K] et Mme [L] [T] épouse [K] formulées à l’encontre des sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles, de la société Generali Iard et de M. [I] [V] au titre des travaux de reprise de la toiture,
– condamné in solidum les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles, la société Generali Iard et M. [I] [V] à payer à M. [D] [K] et Mme [L] [T] épouse [K] la somme de 1 000 euros au titre du préjudice immatériel,
– fixé le partage de responsabilités entre coobligés comme suit :
. 70 % pour la société [I] [Z], assurée auprès des sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles,
. 30 % pour M. [I] [V], assuré auprès de la société Generali Iard,
– condamné les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles, la société Generali Iard et M. [I] [V] à se garantir de toutes condamnations prononcées à leur encontre, à proportion du partage de responsabilité ainsi fixé, au titre du préjudice immatériel,
– condamné la société Generali Iard à garantir son assuré, M. [I] [V], de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre,
– dit que la somme précitée portera intérêt au taux légal à compter du jugement, avec la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,
– condamné in solidum les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles, la société Generali Iard et M. [I] [V] aux entiers dépens,
– admis les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
– condamné in solidum les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles, la société Generali Iard et M. [I] [V] à payer à M. [D] [K] et Mme [L] [T] épouse [K] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que la charge finale des dépens et celle de l’indemnité accordée au titre de l’article 700 du code de procédure civile, seront réparties au prorata des responsabilités retenues ci-dessus,
– condamné les parties déclarées responsables et leur assureur respectif à se garantir de toutes condamnations prononcées à leur encontre, à proportion du partage de responsabilité ainsi fixé, au titre des dépens et des frais irrépétibles,
– rejeté les autres demandes, les demandes contraires ou plus amples,
– rappelé que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.
Par déclaration du 15 décembre 2023, M. et Mme [K] ont formé appel contre ce jugement en toutes ses dispositions.
EXPOS » DES PR »TENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 13 décembre 2024, M. [D] [K] et Mme [L] [T], son épouse demandent de voir en application des articles 1147 ancien, 1231-1, et 1343-2 du code civil, et L.124-3 et suivants du code des assurances :
– confirmer le jugement rendu le 7 décembre 2023 par le tribunal judiciaire de Rouen en ce qu’il a :
. retenu l’application des garanties des sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles, assureur de la société [I] [Z], et de la société Generali Iard, assureur de M. [V],
. retenu la condamnation in solidum des sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles, assureur de la société [I] [Z], de M. [V], et de la société Generali Iard, son assureur, à leur régler la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
– réformer le jugement pour le surplus,
statuant à nouveau,
– condamner in solidum les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles ès qualités et la Sa Generali Iard ès qualités à garantir le sinistre qu’ils ont subi sur le fondement de l’article L.124-3 du code de procédure civile,
– condamner in solidum les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles ès qualités, M. [V] et son assureur la Sa Generali Iard, à leur régler les sommes suivantes :
. 33 330 euros TTC à titre principal, en réparation du préjudice matériel subi pour l’exécution des travaux de reprise, avec indexation sur l’indice BT01 à compter de la date du dépôt du rapport d’expertise de M. [A] et, subsidiairement, avec intérêts de droit à compter de cette même date,
. 10 000 euros au titre du préjudice moral et du préjudice de jouissance,
y ajoutant,
– condamner in solidum les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles ès qualités, M. [V] et son assureur la Sa Generali Iard, à leur régler la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouter les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles ès qualités, M. [V] et son assureur la Sa Generali Iard, de leur appel incident et de toutes leurs demandes,
– condamner in solidum les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles ès qualités, M. [V] et son assureur la Sa Generali Iard, aux dépens qui comprendront les dépens de première instance, les dépens du référé-expertise, les frais d’expertise judiciaire de M. [A], les frais de constat de Me [W], huissier de justice, dressé le 3 septembre 2020, et les dépens de première instance et d’appel, dont distraction est requise au bénéfice de Me Florence Delaporte Janna.
Ils mettent en cause la responsabilité contractuelle de M. [V] et de la société [I] [Z] au titre des désordres intermédiaires identifiés par l’expert judiciaire.
Ils font valoir que l’expert judiciaire s’est clairement prononcé sur l’imputabilité technique du sinistre à la société [I] [Z] qui a commis des fautes à l’occasion de sa mission complète de maîtrise d’oeuvre et des manquements à son obligation de conseil sur la qualité des prestations qu’elle leur proposait ; qu’elle a avalisé la mise en oeuvre d’une ardoise défectueuse qui s’est délitée et est affectée de pyrites de couleur orangée ; qu’elle a repris fautivement le devis très imprécis de M. [V] dans son contrat.
Ils précisent que M. [V] a établi un devis très imprécis sur le classement des ardoises alors qu’il était réputé spécialiste en sa qualité d’artisan couvreur ; qu’il a manqué à ses obligations de conseil à leur égard et d’exécution des travaux conformes et exempts de désordres ; que ses fautes sont établies notamment par le rapport d’expertise judiciaire.
Ils soutiennent que les garanties des assureurs du maître d’oeuvre et du couvreur sont engagées. Ils indiquent qu’au jour de la déclaration d’ouverture du chantier le 30 avril 2009, la société [I] [Z] était titulaire d’une police de responsabilité civile pour l’exécution de ses missions de maîtrise d’oeuvre indépendantes de la police d’assurance de garantie décennale ; que, pour dénier leur garantie qu’elles n’avaient pas contestée auparavant, les sociétés Mma produisent des conditions spéciales Covea Risks visées comme étant des annexes à un contrat n°228, lequel n’est pas produit, et des conditions générales non datées sans qu’il soit possible de les rattacher à un assuré ; que les conditions particulières des contrats et attestations d’assurance en vigueur à la date de l’ouverture du chantier ne sont pas communiquées ; que ce ne sont pas les garanties des sociétés Mma souscrites au titre de la garantie décennale qui sont recherchées ; qu’aucune clause n’exclut expressément la responsabilité civile du maître d’oeuvre au titre de sa responsabilité civile contractuelle autre que décennale pour les dommages matériels et immatériels subis.
Ils avancent que la Sa Generali Iard n’est pas fondée à opposer des exclusions de garantie en se basant sur les documents qu’elle produit qui ne sont pas applicables à la date de la déclaration d’ouverture du chantier le 21 avril 2009 ; qu’en cours d’expertise, elle n’a jamais contesté l’application de ses garanties en cours ; qu’en tout état de cause, les conditions générales produites qui visent la responsabilité civile garantissent, après livraison des travaux, tous dommages confondus causés à autrui, y compris à ses clients ; que subsidiairement, les garanties de la Sa Generali Iard sont mobilisables au titre des désordres intermédiaires.
Ils exposent que leur préjudice matériel a clairement été mis en exergue par l’expert judiciaire qui a conclu à la nécessité de refaire les ouvrages de couverture ; qu’ils sont bien fondés à solliciter la réparation intégrale de ce préjudice qui n’est pas une perte de chance comme retenue par le tribunal, mais qui recouvre l’ensemble des travaux nécessaires à la suppression des désordres ; que le débat sur la classification et le prix des ardoises est vain.
Ils indiquent subir depuis de nombreuses années le sinistre sans qu’aucun des intervenants à l’acte de construire ne se soit préoccupé de la situation ; que l’aspect de la couverture dénature totalement l’aspect esthétique de la maison ; qu’en outre, ce sinistre leur a occasionné de nombreuses tracasseries ; que la somme de 1 000 euros allouée par les premiers juges au titre des préjudices immatériels a été insuffisamment estimée.
Par dernières conclusions notifiées le 9 juillet 2024, les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles prises en leur qualité d’assureurs de la société [I] [Z] sollicitent de voir :
à titre principal,
– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Rouen du 7 décembre 2023 en ce qu’il a :
. retenu la mobilisation des garanties des Mma,
. condamné in solidum les sociétés Mma, la société Generali Iard et M. [V] à payer à M. et Mme [K] : la somme de 1 000 euros au titre du préjudice immatériel, la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, les entiers dépens,
statuant à nouveau,
à titre principal,
– débouter tout demandeur de ses demandes dirigées contre elles,
– condamner toute partie succombante au paiement d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance, et 6 000 euros au titre de l’article 700 pour la procédure d’appel, outre les entiers dépens d’appel,
à titre subsidiaire,
– confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté toute reprise matérielle et tout préjudice de jouissance,
– infirmer le jugement en ce qu’il a reconnu l’existence d’une perte de chance tenant à la teinture orangée de la toiture et une part de responsabilité à hauteur de 30 %,
– débouter en conséquence M. et Mme [K] de toutes leurs demandes dirigées contre elles,
– condamner toute partie succombante au paiement d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code précité, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance, et 6 000 euros au titre de l’article 700 pour la procédure d’appel, outre les entiers dépens d’appel,
à titre infiniment subsidiaire,
– infirmer le jugement en ce qu’il a reconnu une part de responsabilité de la société [I] [Z] à hauteur de 30 % et ordonner que celle-ci, et partant la mobilisation de leurs garanties, soit strictement limitée à 15 %.
Elles font valoir à titre principal que leur garantie n’est pas mobilisable en matière de responsabilité civile contractuelle ; que le contrat de responsabilité civile souscrit auprès d’elles par la société [I] [Z] en 2018, date de la réclamation, n’est pas applicable pour une reprise d’ouvrage ; qu’au regard des stipulations contractuelles, notamment l’article 1 de la convention spéciale n°777 intitulée ‘Contrat d’assurance du constructeur-Assurance responsabilité civile’, la décoloration des ardoises constatée par l’expert judiciaire ne constitue pas une ‘détérioration ou destruction d’une chose’, d’autant plus que le phénomène de pyrite résulte de la qualité des ardoises et des conditions météorologiques, ce dont leur assurée n’est pas responsable ; qu’à défaut de dommage matériel, un dommage immatériel consécutif ne peut être garanti ; que seule leur garantie responsabilité civile décennale serait susceptible d’être engagée.
Elles ajoutent qu’il ne peut leur être reproché de ne pas avoir dénié leur garantie pendant les opérations d’expertise judiciaire dès lors que le désordre n’était pas décennal. En réponse aux moyens des appelants, elles indiquent venir aux droits de la société Covea Risks en exécution de la décision n°2015-C-83 du 22 octobre 2015, publiée au Journal officiel de la république française le 16 décembre 2015 et portant approbation de transferts partiels et de transfert par voie de fusion absorption de contrats de sociétés d’assurances gérés par le groupe Covea.
Elles exposent à titre subsidiaire, en cas de confirmation de la mobilisation de leurs garanties, qu’elles ne peuvent être tenues à la reprise de l’ensemble de la couverture avec des ardoises de qualité supérieure dès lors que leur assurée aurait manqué à son devoir de conseil et d’expertise envers M. et Mme [K] ; que le préjudice dans cette hypothèse ne constitue qu’une perte de chance de choisir et de faire poser des ardoises de meilleure qualité ; qu’en tout état de cause, le défaut de conseil de leur assurée n’a pas de lien de causalité avec le préjudice allégué par les appelants qu’est le phénonème de pyrite, car même si la classification des ardoises avait été mentionnée dans le devis, celles-ci auraient tout de même manifesté une oxydation.
Elles soutiennent qu’il n’est pas démontré que le fait d’avoir une toiture de teinte orangée constitue un préjudice ; que le préjudice de jouissance invoqué est inexistant en l’absence d’infiltrations qui empêcheraient M. et Mme [K] de jouir de leur bien ; que ces derniers ne démontrent pas leur préjudice moral.
Elles sollicitent à titre infiniment subsidiaire un partage de responsabilité limité à 15 % pour leur assurée qui n’a réalisé qu’une prestation de maîtrise d’oeuvre.
Par conclusions notifiées le 17 décembre 2024, M. [I] [V] demande de voir :
– réformer le jugement du tribunal judiciaire de Rouen du 7 décembre 2023 en ce qu’il a :
. condamné in solidum les sociétés Mma Iard, Mma Iard Assurances Mutuelles, Generali Iard et M. [I] [V] à payer à M. et Mme [K] la somme de 1 000 euros au titre du préjudice immatériel, ainsi que 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, aux entiers dépens et aux dispositions en conséquence,
statuant à nouveau,
– débouter M. et Mme [K] de l’intégralité de leurs demandes à son égard,
– condamner M. et Mme [K] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile correspondant à la procédure de première instance,
subsidiairement,
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
– débouter M. et Mme [K] de toutes demandes plus amples ou contraires,
y ajoutant,
– condamner M. et Mme [K] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d’appel, en plus des entiers dépens dont distraction est requise au bénéfice de Me Virginie Carel.
Il avance que le tribunal a procédé à un mélange des obligations incombant au maître d’oeuvre et au couvreur mais sans caractériser sa faute contractuelle ; qu’il a posé les ardoises qui figuraient sur son devis, à savoir des ardoises naturelles d’Espagne référence 35×22, norme C, de référence C18 ; que l’expert judiciaire a considéré qu’il avait commis une faute en omettant de préciser sur son devis le classement de l’ardoise par référence à la norme européenne de 2006, alors que ce texte ne mentionne pas une telle obligation ; qu’il n’a jamais rencontré M. et Mme [K] et a effectué son devis sur la base des plans et métrés remis par M. [Z], de sorte qu’il n’a pas manqué à son obligation de conseil à leur égard.
Par dernières conclusions notifiées le 16 juillet 2024, la Sa Generali Iard sollicite de voir :
– infirmer la décision entreprise en ce qu’elle l’a condamnée solidairement avec les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles et M. [V] à verser à M. et Mme [K] la somme de 1 000 euros au titre de leur préjudice immatériel, outre la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens,
statuant à nouveau,
– débouter M. et Mme [K] de l’intégralité de leurs demandes dirigées contre elle,
– subsidiairement, condamner les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles à la garantir à hauteur de 70 % des condamnations prononcées contre elle,
– juger que toutes condamnations à son encontre devront être affectées de la franchise prévue dans les conditions particulières de sa police,
– condamner M. et Mme [K] au paiement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en plus de tous les dépens dont distraction au profit de Me Bart.
Elle fait valoir que M. [V] n’a commis aucune faute ; que la preuve contraire n’est pas rapportée par les appelants ; que l’expert judiciaire indique que rien n’interdisait l’emploi d’ardoises classées T3 en l’absence de toute préconisation de la part du maître d’oeuvre, qu’il ne se réfère à aucun texte légal ou règlementaire précisant que l’entreprise doit mentionner expressément le classement de l’ardoise ; qu’il appartenait à l’architecte de définir la qualité et le classement des ardoises à mettre en oeuvre.
Elle expose subsidiairement que sa garantie n’est pas mobilisable ; que la police de responsabilité civile souscrite par M. [V] à effet du 1er janvier 2010 ne garantit pas l’ouvrage réalisé par l’assuré et comporte une exclusion de garantie à ce titre ; qu’en outre, elle n’a été l’assureur de M. [V] qu’à compter du 1er janvier 2010 et non pas à la date de l’ouverture du chantier le 21 avril 2009.
Elle dénie l’existence du préjudice de jouissance invoqué par les appelants car le désordre est de nature purement esthétique et ne compromet en aucun cas l’habitabilité de la maison. Elle ajoute que le préjudice esthétique qui est mineur n’est pas indemnisable.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens, il est renvoyé aux écritures des parties ci-dessus.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 18 décembre 2024.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :
– rejeté la demande en paiement de M. [D] [K] et Mme [L] [T] épouse [K] formulées à l’encontre des sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles et de M. [I] [V] au titre des travaux de reprise de la toiture,
– condamné in solidum les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles, la société Generali Iard et M. [I] [V] à payer à M. [D] [K] et Mme [L] [T] épouse [K] la somme de 1 000 euros au titre du préjudice immatériel,
– condamné les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles à garantir la société Generali Iard de toutes condamnations prononcées à son encontre, à proportion du partage de responsabilité ainsi fixé, au titre du préjudice immatériel,
L’infirme de ces chefs,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne in solidum les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles ès qualités d’assureur de la société [I] [Z] et M. [I] [V] à payer à M. [D] [K] et à Mme [L] [T] son épouse, la somme de 29 997 euros TTC en réparation de leur préjudice matériel, avec indexation sur l’indice BT01 à compter de la date du dépôt du rapport d’expertise judiciaire,
Condamne in solidum les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles ès qualités d’assureur de la société [I] [Z], M. [I] [V] et son assureur la Sa Generali Iard, à payer à M. [D] [K] et à Mme [L] [T] son épouse, les sommes suivantes :
– 2 970 euros en réparation de leur préjudice moral,
– 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,
Condamne les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles ès qualités d’assureur de la société [I] [Z] à garantir à hauteur de 70 % la Sa Generali Iard des condamnations prononcées contre elle,
Dit que la Sa Generali Iard est fondée à opposer sa franchise contractuelle,
Déboute les parties du surplus des demandes,
Condamne in solidum les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles ès qualités d’assureur de la société [I] [Z], M. [I] [V] et son assureur la Sa Generali Iard, aux dépens d’appel, avec bénéfice de distraction au profit de Me Florence Delaporte Janna, avocate, en application de l’article
699 du code de procédure civile,
Dit que la charge finale des dépens et des frais de procédure sera répartie au prorata des quotes-parts des coobligés telles qu’arrêtées par le jugement confirmé sur ce point.
Le greffier, La présidente de chambre,
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