Type de juridiction :
Juridiction : Cour d’appel de Rennes
Thématique : Prolongation de rétention administrative : conditions et régularité des procédures.
→ RésuméContexte de l’AffaireL’affaire concerne un appel formé par une organisation de défense des droits des étrangers, contestant une décision de rétention administrative d’un individu de nationalité tunisienne. Ce dernier, désigné comme un retenu, a été placé en rétention par le Préfet du Morbihan, qui a également ordonné son éloignement du territoire français. Décisions PrécédentesLe 28 février 2025, le Préfet a notifié au retenu un arrêté d’obligation de quitter le territoire français et a ordonné son placement en rétention. Le 2 mars 2025, le Préfet a demandé au magistrat du Tribunal Judiciaire de Rennes de prolonger cette rétention. Le retenu a contesté la régularité de cette décision, arguant que la requête de prolongation n’était pas accompagnée des pièces justificatives nécessaires. Examen de la RequêteLe magistrat a examiné la requête de prolongation le 3 mars 2025 et a jugé qu’elle était recevable, confirmant que la consultation du fichier des personnes recherchées avait été effectuée de manière régulière. Il a également estimé que le Préfet avait agi avec diligence pour que la rétention soit la plus courte possible, autorisant ainsi la prolongation de la rétention pour une durée maximale de vingt-six jours. Appel et Arguments des PartiesLe retenu a formé appel le 4 mars 2025, soutenant que la requête de prolongation était irrecevable en raison de l’absence de l’habilitation de l’agent ayant consulté le fichier des personnes recherchées. En réponse, le Préfet a affirmé que la consultation était régulière et que les autorités tunisiennes avaient été informées de la situation. Position du Procureur GénéralLe Procureur Général a exprimé des réserves sur la régularité de l’habilitation de l’agent, soulignant que l’absence de mention de cette habilitation dans les pièces de procédure pourrait poser problème. Il a recommandé de se référer aux décisions antérieures de la juridiction pour garantir le respect des obligations légales en matière d’habilitation. Conclusion et Décision FinaleLe tribunal a déclaré l’appel recevable et a confirmé l’ordonnance du magistrat, estimant que le Préfet avait agi conformément à la loi en matière de rétention. La décision a été notifiée au retenu, à son avocat et au Préfet, et est susceptible d’un pourvoi en cassation dans un délai de deux mois. Les dépens ont été laissés à la charge du Trésor Public. |
COUR D’APPEL DE RENNES
N° 89/2025
N° RG 25/00140 – N° Portalis DBVL-V-B7J-VW6O
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
O R D O N N A N C E
articles L 741-10 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
Nous, Jean-Denis BRUN, conseiller à la cour d’appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, assisté de Elodie CLOATRE, greffière,
Statuant sur l’appel formé le 04 Mars 2025 à 11 heures 57 par La Cimade pour :
M. [D] [Y]
né le 17 Juin 1992 à [Localité 1] (TUNISIE)
de nationalité Tunisienne
ayant pour avocat désigné Me Frédéric SALIN, avocat au barreau de RENNES
d’une ordonnance rendue le 03 Mars 2025 à 13 heures 22 par le magistrat en charge des rétentions administratives du Tribunal judiciaire de RENNES qui a rejeté les irrégularités de procédure soulevées, le recours formé à l’encontre de l’arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [D] [Y] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-six jours à compter du 03 mars 2025 à 24 heures 00;
En présence de M. [U] [P] muni d’un pouvoir aux fins de représenter la PREFECTURE DU MORBIHAN, dûment convoquée,
En l’absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur Laurent FICHOT, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 04 mars 2025 lequel a été mis à disposition des parties.
En présence de [D] [Y], assisté de Me Frédéric SALIN, avocat,
Après avoir entendu en audience publique le 05 Mars 2025 à 10 H 30 l’appelant et son avocat et le représentant du préfet en leurs observations,
Avons mis l’affaire en délibéré et ce jour, avons statué comme suit :
Par arrêté du 28 février 2025 notifié le même jour le Préfet du Morbihan a fait obligation à Monsieur [D] [Y] de quitter le territoire français.
Par arrêté du 28 février 2025 notifié le même jour le Préfet du Morbihan a placé Monsieur [D] [Y] en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.
Par requête du 02 mars 2025 le Préfet du Morbihan a saisi le magistrat du siège du Tribunal Judiciaire de Rennes chargé du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté d’une demande de prolongation de la rétention.
Par requête du même jour Monsieur [Y] a contesté la régularité de l’arrêté de placement en rétention.
Par ordonnance du 03 mars 2025 le magistrat du siège du Tribunal Judiciaire de Rennes chargé du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté a dit que la requête en prolongation de la rétention était recevable comme étant accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles, dit que la consultation du fichier des personnes recherchées était régulière, dit que le signataire de l’arrêté de placement en rétention avait reçu délégation de signature régulière, dit que le Préfet avait procédé à un examen approfondi de la situation de Monsieur [Y] et n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation, dit que le Préfet avait fait diligence pour que la rétention soit la plus courte possible et a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-six jours à compter du 03 mars 2025 à 24 heures.
Par déclaration du 04 mars 2025 Monsieur [Y] a formé appel de cette décision en soutenant que la requête en prolongation de la rétention était irrecevable comme n’étant pas accompagnée d’une pièce justificative utiles, en l’espèce l’habilitation individuelle et spéciale de l’agent ayant consulté le fichier des personnes recherchées, en soutenant que cette consultation était en tout état de cause irrégulière en ce que les pièces de la procédure ne démontraient pas que l’agent ayant procédé à cette consultation était individuellement et spécialement habilité et en faisant valoir que le Préfet n ‘avait pas fait diligence pour que la rétention soit la plus courte possible en informant pas les autorités tunisiennes du placement en rétention au moment de ce dernier et après.
A l’audience, Monsieur [Y], assisté de son avocat, fait soutenir oralement sa déclaration d’appel.
Le Préfet du Morbihan soutient que la requête en prolongation est recevable et que la consultation du fichier des personnes recherchées est régulière en ce qu’il ressort expressément du procès-verbal de consultation que l’agent de police judiciaire y ayant procédé était individuellement, spécialement et expressément habilité. S’agissant du défaut de diligence, il rappelle qu’avant-même le placement en rétention les autorités tunisiennes l’ont informé de leur accord pour la délivrance d’un laissez-passer et qu’il a réservé un vol, conformément aux accords franco-tunisiens et que dès l’obtention de la date et de l’heure du vol, il fera retour à ces autorités et in fine qu’elles délivrerons le laissez-passer adéquat.
Le Procureur Général a émis l’avis suivant :
« L’habilitation spéciale de l’agent ayant consulté le FPR n’est pas mentionnée en procédure au sens de l’arrêt cité par le juge des rétentions (crim 3/04/2024 N°28-85.513) s’agissant au cas particulier d’un visa anonyme sans possibilité de la rattacher à un enquêteur ou agent particulier dont les coordonnées personnelles figurent au procès-verbal ; il convient donc de retenir qu’au cas particulier, le juge n’est pas en mesure d’effectuer un contrôle direct, ni même un contrôle sur demande, compte tenu des délais très brefs prévus par le CESEDA pour statuer sur un appel en matière de rétention des étrangers. Le ministère public estime en conséquence qu’il convient de se référer aux décisions rendues par la juridiction du premier président de la Cour de céans dûment citées par l’appelant dans son mémoire et statuant dans ce sens, sans quoi les obligations légales en matière d’habilitation de consultation de fichiers -avec le contrôle minimal exigé par la cour de cassation- resteront au simple stade incantatoire. »
PAR CES MOTIFS,
Déclarons l’appel recevable,
Confirmons l’ordonnance du magistrat du siège du Tribunal Judiciaire de Rennes chargé du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté du 03 mars 2025,
Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.
Fait à Rennes, le 05 Mars 2025 à 13 heures 00
LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,
Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [D] [Y], à son avocat et au préfet
Le Greffier,
Cette ordonnance est susceptible d’un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.
Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.
Le Greffier
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