Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Reims
Thématique : Contexte de résiliation et motifs de licenciement en entreprise
→ RésuméDans cette affaire, une salariée, occupant le poste de secrétaire comptable, a été embauchée par la société GP Fermetures sous un contrat à durée déterminée, renouvelé par la suite en contrat à durée indéterminée. La société a été placée en redressement judiciaire le 19 janvier 2023, suivi d’une liquidation judiciaire le 2 février 2023. Le 1er février 2023, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Elle a été licenciée pour motif économique le 16 février 2023.
Le conseil de prud’hommes a rendu un jugement le 28 mai 2024, déclarant la salariée partiellement fondée dans ses demandes. Il a reconnu que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et a jugé que la salariée avait été victime de harcèlement moral. Le jugement a fixé plusieurs indemnités à la charge de la société, incluant des sommes pour licenciement, préavis, congés payés et dommages-intérêts. Cependant, le mandataire judiciaire de la société a contesté ce jugement, demandant son infirmation sur plusieurs points, notamment la date d’effet de la résiliation judiciaire et la qualification du licenciement. Il a soutenu que la salariée n’avait pas prouvé le harcèlement moral et que le licenciement était justifié par des motifs économiques. La cour a confirmé certains aspects du jugement initial, notamment la jonction des instances et la recevabilité des demandes de la salariée. Toutefois, elle a infirmé d’autres points, notamment la qualification du licenciement et la reconnaissance du harcèlement moral, en considérant que les éléments fournis ne suffisaient pas à établir une faute de l’employeur à l’origine de la cessation d’activité. La cour a également limité les indemnités dues au passif de la liquidation judiciaire, tout en précisant que l’Unedic ne serait tenu à garantie que dans les limites prévues par la loi. |
Arrêt n° 174
du 27/03/2025
N° RG 24/01010 – N° Portalis DBVQ-V-B7I-FQJR
FM / ACH
Formule exécutoire le :
27/03/2025
à :
– HARANT
– RAFFIN
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 27 mars 2025
APPELANT :
d’une décision rendue le 28 mai 2024 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHALONS EN CHAMPAGNE, section INDUSTRIE (n° 23/00009)
Maître [K] [W]
agissant en sa qualité de Mandataire Judiciaire à la liquidation judiciaire de la société GP FERMETURES, fonctions auxquelles elle a été nommée selon jugement rendu par le Tribunal de Commerce de CHALONS EN CHAMPAGNE le 2/02/2023
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Sandy HARANT, avocat au barreau de REIMS
INTIMÉES :
Madame [I] [T]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Louis-stanislas RAFFIN de la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS
Association CENTRE DE GESTION ET D’ETUDE AGS (CGEA) D'[Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Mikaël MATHIEU de la SCP X.COLOMES S.COLOMES-MATHIEU-ZANCHI-THIBAULT, avocat au barreau de l’AUBE
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 mars 2025, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. François MELIN, Président, et Monsieur Olivier JULIEN, Conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 15 mai 2025 avancée au 27 mars 2025.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
M. François MELIN, président
Madame Isabelle FALEUR, conseillère
Monsieur Olivier JULIEN, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Madame Allison CORNU-HARROIS,
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par M. François MELIN, président, et Madame Allison CORNU-HARROIS, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Mme [I] [T] a été embauchée par la société GP Fermetures dans le cadre d’un contrat à durée déterminée du 18 novembre 2019. Après un renouvellement du contrat le 20 décembre 2019, la relation de travail s’est poursuivie à durée indéterminée.
Mme [I] [T] occupait en dernier lieu le poste de secrétaire comptable.
La société GP Fermetures a été placée en redressement judiciaire par un jugement du 19 janvier 2023, la procédure ayant été convertie en liquidation judiciaire le 2 février 2023.
Mme [I] [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Châlons-en-Champagne le 1er février 2023, notamment d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.
Elle a été licenciée pour motif économique par une lettre du 16 février 2023.
Par un jugement du 28 mai 2024, le conseil a :
– prononcé la jonction des instances enrôlées sous les n° 23/00009 et 23/0011,
– déclaré Mme [I] [T] recevable en ses demandes et partiellement fondée en ses demandes,
– déclaré le jugement à intervenir commun et opposable à I’UNEDIC DELEGATION AGS-CGEA D'[Localité 6],
– déclaré que I’UNEDIC DELEGATION AGS-CGEA D'[Localité 6] devra garantir l’intégralité des sommes allouées à Mme [I] [T],
– fixé la date d’effet de la résiliation judiciaire au 16 février 2023, date d’envoi de la notification du licenciement,
– jugé que le comportement fautif du dirigeant de la SAS GP FERMETURES, constitutif d’une légèreté blâmable, est à l’origine de la liquidation judiciaire de la société GP Fermetures,
– jugé que le licenciement pour motif économique dont Mme [I] [T] a fait l’objet en date du 16 février 2023, est sans cause réelle et sérieuse,
– jugé que Mme [I] [T] a été victime de harcèlement moral,
– fixé au passif de la SAS GP FERMETURES les sommes suivantes.
· 2 105,64 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement,
· 4 492,08 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
· 449,20 euros bruts au titre des congés payés afférents,
· 2 246, 04 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
· 8 984, 16 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
· 2 246,04 euros bruts à titre de rappel de salaires du 18janvier 2023 au 16 février 2023,
· 224,60 euros bruts au titre des congés payés y afférents.
– débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement au titre des dispositions de l’article 515 du code de procédure civile et au titre de l’article R 1454-28 du code du travail,
– débouté Mme [I] [T] de sa demande d’astreinte liée à la demande de documents de fin de contrat dans la mesure où cette demande a été satisfaite,
– laissé à chaque partie la charge de ses dépens et frais de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Par des conclusions remises au greffe le 29 octobre 2024, Maître [W], en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société GP Fermetures, demande à la cour de :
– INFIRMER le jugement en ce qu’il a fixé la date d’effet de la résiliation judiciaire au 16/02/2023, en ce qu’il a jugé que le comportement fautif du dirigeant était à l’origine de la liquidation judiciaire, en ce qu’il a déclaré le licenciement économique sans cause réelle et sérieuse, en ce qu’il a déclaré que la salariée avait été victime de harcèlement moral, et en ce qu’il a fixé au passif de la liquidation judiciaire les sommes suivantes :
indemnité compensatrice de préavis : 4.492,08 ‘ ;
congés payés sur préavis : 449,20 ‘ ;
dommages-intérêts pour licenciement abusif : 2.246,04 ‘ ;
dommages-intérêts pour harcèlement moral : 8.984,16 ‘;
Vu les articles 6 et 9 du Code de Procédure Civile,
Vu l’article L 1152-1 et vu l’article L 1154-1 du Code du Travail,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les pièces produites,
– DEBOUTER Mme [I] [T] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral dans la mesure où elle échoue à rapporter la preuve de faits répétitifs commis par son employeur qui auraient dégradé sa santé, mais également de la preuve d’un préjudice aussi important que ce qui est sollicité et d’un lien de causalité entre les deux;
– CONFIRMER le jugement rendu en ce qu’il a débouté Mme [I] [T] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité dans la mesure où aucun préjudice n’est prouvé;
Vu l’article 5 du Code de Procédure Civile,
– INFIRMER le jugement en ce qu’il a statué sur la demande de résiliation judiciaire et en a fixé la date d’effet à la lettre d’envoi du licenciement, alors que la salariée avait abandonné cette demande;
Vu les articles 6 et 9 du Code de Procédure Civile,
Vu la jurisprudence,
DEBOUTER Mme [I] [T] de sa demande visant à voir reconnaître son licenciement économique sans cause réelle et sérieuse et de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif, faute pour elle de rapporter la preuve du fait que la cessation d’activité de la société GP Fermetures aurait pour seule cause l’attitude du dirigeant;
– LIMITER l’indemnité de préavis à la somme de 4.118,24 ‘;
– LIMITER l’indemnité de congés payés sur préavis à la somme de 411,82 ‘;
– CONFIRMER le jugement en ce qu’il a limité la demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif à la somme de 2.246,04 ‘;
– DEBOUTER Mme [I] [T] de toute demande plus ample ou contraire;
– DONNER ACTE à la concluante qu’elle s’en rapporte à la sagesse de l’appréciation de la Cour sur la demande d’indemnité de congés payés et de prime de vacances;
Vu l’article 696 du Code de Procédure Civile :
– CONDAMNER Mme [I] [T] aux dépens d’appel.
Par des conclusions remises au greffe le 29 janvier 2025, Mme [I] [T] demande à la cour de :
– CONFIRMER le jugement en ce qu’il a :
* prononcé la jonction des instances enrôlées sous les n° 23/00009 et 23/0011,
* déclaré Mme [I] [T] recevable en ses demandes.
* déclaré le jugement à intervenir commun et opposable à I’UNEDIC DELEGATION AGS-CGEA D'[Localité 6],
* déclaré que I’UNEDIC DELEGATION AGS-CGEA D'[Localité 6] devra garantir l’intégralité des sommes allouées à Mme [I] [T],
* jugé que le comportement fautif du dirigeant de la SAS GP FERMETURES, constitutif d’une légèreté blâmable, est à l’origine de la liquidation judiciaire de la société GP Fermetures,
* jugé que le licenciement pour motif économique dont Mme [I] [T] a fait l’objet en date du 16 février 2023, est sans cause réelle et sérieuse,
* jugé que Mme [I] [T] a été victime de harcèlement moral,
* fixé au passif de la SAS GP FERMETURES les sommes suivantes.
2 105,64 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement,
4 492,08 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
449,20 euros bruts au titre des congés payés afférents,
8 984, 16 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
2 246,04 euros bruts à titre de rappel de salaires du 18janvier 2023 au 16 février 2023,
224,60 euros bruts au titre des congés payés y afférents.
– INFIRMER le jugement en ce qu’il a:
* déclaré Mme [I] [T] partiellement fondée en ses demandes.
* débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
* laissé à chaque partie la charge de ses dépens et frais de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
* fixé la date d’effet de la résiliation judiciaire au 16 février 2023, date d’envoi de la notification du licenciement,
* fixé au passif de la SAS GP FERMETURES les sommes suivantes : 2 246,04 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
Statuant à nouveau
A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour estimerait que le harcèlement moral n’est pas caractérisé :
– FIXER AU PASSIF de la SAS GP FERMETURES la somme de 8.984,16 ‘ nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
En tout état de cause,
– JUGER Mme [I] [T] recevable et bien fondée en son appel incident, ainsi qu’en toutes ses demandes,
– JUGER Maître [K] [W] ès qualité et I’UNEDIC DELEGATION AGS-CGEA mal fondées en leurs appels incidents,
– DEBOUTER Maître [K] [W] ès qualité et I’UNEDIC DELEGATION AGS-CGEA d'[Localité 6] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraires aux présentes,
– FIXER AU PASSIF de la SAS GP FERMETURES la somme de 13.476,24 ‘ nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– FIXER AU PASSIF de la SAS GP FERMETURES la somme de 6.738,12 ‘ nets à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité,
– FIXER AU PASSIF de la SAS GP FERMETURES les sommes suivantes :
764,72 ‘ bruts au titre de ses congés payés ;
183,54’ bruts au titre de sa prime de vacances ;
– JUGER l’arrêt à intervenir commun et opposable à I’UNEDIC DELEGATION AGS-CGEA d'[Localité 6],
– JUGER que I’UNEDIC DELEGATION AGS-CGEA d'[Localité 6] devra garantir le paiement des dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– JUGER que I’UNEDIC DELEGATION AGS-CGEA d'[Localité 6] devra garantir l’intégralité des sommes allouées à Mme [I] [T] [I] [T], dans les limites et conditions de sa garantie,
– FIXER AU PASSIF de la SAS GP FERMETURES la somme de 3.000 ‘ au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
– FIXER AU PASSIF de la SAS GP FERMETURES, les entiers dépens.
Par des conclusions remises au greffe le 7 février 2025, l’Unedic demande à la cour de :
A titre principal, infirmer le jugement en ce qu’il a :
‘ Fixé la date de résiliation judiciaire des contrats de travail à la date du licenciement diligenté par le mandataire soit le 16 février 2023,
‘ Jugé que le comportement fautif de l’employeur constitutif d’une légèreté blâmable était à l’origine de la liquidation judiciaire,
‘ Requalifié le licenciement pour motif économique en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
‘ Fixé au profit du salarié des sommes afférentes aux indemnités de rupture, aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, un rappel de salaire, des dommages et intérêts pour manquement à la sécurité.
‘ Déclaré que l’UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 6] devra garantir l’intégralité des sommes allouées au salarié.
Y substituant, débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire, dire que le CGEA ne sera tenu à garantie des sommes auxquelles l’employeur pourrait être condamné que dans les limites, conditions et modalités prévues par les articles L.3253-6 et suivants du Code du travail,
– Dire notamment que la garantie du CGEA ne pourra s’appliquer sur les dommages et intérêts alloués au titre du harcèlement moral subi, l’article 700 du code de procédure civile, les dépens, l’astreinte.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement en ce qu’il a :
– prononcé la jonction des instances enrôlées sous les n° 23/00009 et 23/0011,
– fixé au passif les sommes suivantes au passif de la liquidation judiciaire de la société GP Fermetures :
2 246,04 euros bruts à titre de rappel de salaires du 18janvier 2023 au 16 février 2023 ;
224,60 euros bruts au titre des congés payés afférents,
2 105,64 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement,
4 492,08 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de 449,20 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– déclaré le jugement à intervenir commun et opposable à l’Unedic AGS CGEA d'[Localité 6] ;
– laissé à chaque partie la charge de ses dépens et de ses frais irrépétibles ;
Infirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société GP Fermetures, au bénéfice de Mme [I] [T], la somme de 2 000 euros de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité ;
Juge que l’Unedic AGS CGEA d'[Localité 6] ne sera tenu à garantie que dans les limites, conditions et modalités prévues par les articles L.3253-6 et suivants du code du travail ;
Y ajoutant,
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société GP Fermetures, au bénéfice de Mme [I] [T], les sommes suivantes :
764,72 ‘ bruts au titre de ses congés payés ;
183,54’ bruts au titre de sa prime de vacances ;
1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Dit que les dépens d’appel seront utilisés en tant que frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire ;
Rejette le surplus des demandes formées par les parties.
La Greffière Le Président
Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?