Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Reims
Thématique : Exécution provisoire : conditions de suspension et conséquences excessives en matière de droit du travail.
→ RésuméLe 6 décembre 2024, le conseil de prud’hommes de Reims a rendu un jugement condamnant la société VISTA AUTOMOBILES à verser diverses sommes à un ancien salarié, en raison de manquements liés à son contrat de travail. Les condamnations incluent des indemnités pour congés payés, des rappels de salaires pour heures supplémentaires et des dommages-intérêts pour non-respect des droits du salarié, totalisant plus de 88 000 euros. En outre, la société a été contrainte de fournir des documents rectifiés concernant la durée d’emploi de l’ancien salarié, sous peine d’astreinte.
Suite à ce jugement, la société VISTA AUTOMOBILES a interjeté appel le 17 décembre 2024, arguant qu’elle disposait de moyens sérieux pour contester la décision et que l’exécution provisoire pourrait entraîner des conséquences excessives. Elle a demandé la suspension de l’exécution provisoire, soutenant que l’ancien salarié n’était pas en mesure de rembourser les sommes versées en cas d’infirmation de la décision. En réponse, l’ancien salarié a contesté la demande de la société, affirmant qu’elle n’avait pas démontré l’existence de moyens sérieux d’annulation et que les sommes en question avaient un caractère alimentaire, ce qui ne permettait pas leur consignation. Il a également souligné que le jugement du conseil de prud’hommes était bien motivé et fondé sur des éléments probants. Le 26 mars 2025, la cour a déclaré recevable la demande de la société VISTA AUTOMOBILES d’arrêter l’exécution provisoire, mais a finalement rejeté cette demande ainsi que celle de consignation des sommes. La société a été condamnée à verser 1 500 euros à l’ancien salarié au titre des frais de justice, ainsi qu’aux dépens de l’instance. |
ORDONNANCE N°
DOSSIER N° : N° RG 25/00001 – N° Portalis DBVQ-V-B7J-FS2I-16
S.A.S. VISTA AUTOMOBILES
c/
[S] [N]
Expédition certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire
délivrée le
à
Me Vincent NICOLAS
Me Christophe VAUCOIS
L’AN DEUX MIL VINGT CINQ,
Et le 26 mars,
A l’audience des référés de la cour d’appel de REIMS, où était présent et siégeait M. Christophe REGNARD, Premier Président, assisté de Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier,
Vu l’assignation délivrée par Maître Chloé VOLFART comissaire de justice à [Localité 5] en date du 17 janvier 2025,
A la requête de :
S.A.S. VISTA AUTOMOBILES
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Vincent NICOLAS, avocat au barreau de REIMS
DEMANDEUR
à
Monsieur [S] [N]
né le 18 Octobre 1994 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Christophe VAUCOIS, avocat au barreau d’ARDENNES
DÉFENDEUR
d’avoir à comparaître le 12 février 2025, devant le premier président statuant en matière de référé, l’affaire ayant été renvoyée au 26 février 2025.
A ladite audience, le premier président a entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, assisté de Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, puis l’affaire a été mise en délibéré au 26 Mars 2025,
Et ce jour, 26 Mars 2025, a été rendue l’ordonnance suivante par mise à disposition au greffe du service des référés, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile :
EXPOSE DES FAITS, DES MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par jugement du 06 décembre 2024, le conseil de prud’hommes de Reims a :
condamné la SARL VISTA AUTOMOBILES à payer à M. [N] les sommes suivantes :
534,42 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
5 434,18 euros à titre de rappel de salaire par majoration de 100% du salaire au titre des dimanches travaillés impayés,
534,42 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
46 002,69 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires,
4 600,27 euros à titre d’indemnité de congés payés pour ce rappel,
9 255,77 euros à titre de dommages-intérêts pour contrepartie obligatoire en repos non octroyée,
19 604,90 euros à titre de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés,
46 068 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
condamné la SARL VISTA AUTOMOBILES aux intérêts au taux légal à compter de la réception de celle-ci de la convocation devant le Bureau de Conciliation le 11 janvier 2023, sur les sommes ci-dessus à l’exception des dommages-intérêts pour contrepartie obligatoire en repos non octroyée, de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et des dommages-intérêts en réparation du harcèlement moral subi,
condamné la SARL VISTA AUTOMOBILES à lui remettre sous astreinte de 10 euros par jour et de retard et par document à compter de la notification du présent jugement les documents suivants, l’astreinte étant due tant que lesdits documents, dans leur totalité, ne seront pas délivrés :
bulletins de salaire rectifiés,
certificat de travail rectifié portant comme mention de la durée d’emploi du 1er février 2017 au 18 janvier 2022,
attestation destinée à France Travail rectifiée portant comme mention de la durée d’emploi du 1er février 2017 au 18 janvier 2022,
Le Conseil se réservant la faculté de liquider l’astreinte,
condamné la SARL VISTA AUTOMOBILES à payer à M. [N] l’indemnité de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 500 euros,
dit qu’il n’y a pas lieu de prononcer l’exécution provisoire sur l’ensemble du jugement,
fixé la moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire, pour permettre l’application de l’article R.1454-28 du code du travail, à la somme de 7 678 euros,
condamné la SARL VISTA AUTOMOBILES aux entiers dépens de l’instance.
La société VISTA AUTOMOBILES a interjeté appel de cette décision le 17 décembre 2024.
Par acte de commissaire de justice en date du 17 janvier 2025, la société VISTA AUTOMOBILES sollicite, à titre principal, de juger qu’elle justifie de l’existence d’un moyen sérieux de réformation ou d’annulation de la décision attaquée ainsi que l’existence de conséquences manifestement excessives et demande, en conséquence, l’arrêt de l’exécution provisoire attaché au jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Reims en date du 06 décembre 2024. Elle sollicite, à titre subsidiaire, de juger que l’exécution provisoire entraînerait un risque de non-restitution à la société VISTA AUTOMOBILES des sommes versées en cas d’infirmation de la décision attaquée et demande à ordonner l’aménagement de l’exécution provisoire du jugement rendu par le conseil de prud’hommes le 06 décembre 2024 s’agissant de la somme de 69 102 euros par le versement à la charge de la société VISTA AUTOMOBILES sur un compte ouvert à la Caisse des Dépôts et Consignations de la somme de 69 102 euros ainsi que de réserver les dépens.
Par conclusions et à l’audience, la société VISTA AUTOMOBILES fait valoir qu’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision dans la mesure où dans deux autres espèces différentes similaires, le conseil de prud’hommes de Reims a majoritairement retenu que les éléments de preuve rapportés n’étaient pas assez précis ni probants. Elle soutient que, faute de rapporter la preuve de ce que les anciens salariés de la société VISTA AUTOMOBILES alléguaient, le conseil de prud’hommes ne pouvait pas faire droit à leurs demandes. La société VISTA AUTOMOBILES entend arguer en instance d’appel que le conseil de prud’hommes, dans sa décision du 06 décembre 2024, l’a insuffisamment justifiée en se fondant sur des éléments non probants.
Concernant les conséquences manifestement excessives, la société VISTA AUTOMOBILES expose que M. [N] est une personne physique qui n’a pas les ressources nécessaires pour restituer les sommes qui auraient été versées au titre de l’exécution provisoire par la société VISTA AUTOMOBILES si la décision attaquée venait à être réformée ou annulée.
Elle indique qu’elle ne dispose d’aucun moyen permettant de lui assurer que M. [N] aura la faculté de rembourser les sommes versées.
La société VISTA AUTOMOBILES sollicite également, à titre subsidiaire, que les sommes pour lesquelles elle a été condamnée soient consignées en estimant qu’elle a démontré qu’il existait un moyen sérieux de réformation ou d’annulation de la décision attaquée.
Elle fait valoir que si elle versait la somme réclamée au titre de l’exécution provisoire de droit et que la décision était infirmée, il existe un risque que les sommes versées ne lui soient jamais restituées.
Dès lors, elle soutient qu’il est plus juste et sécuritaire pour toutes les parties que la somme soit consignée dans l’attente de la décision sur le fond de la cour d’appel.
Par conclusions et à l’audience, M. [N] sollicite de juger que la SAS VISTA AUTOMOBILES ne démontre pas l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et, en conséquence, de la débouter de sa demande de suspension de l’exécution provisoire. Il demande, également, de juger que la SAS VISTA AUTOMOBILES n’a pas fait valoir d’observations sur l’exécution provisoire en première instance et, en conséquence, dire que la SAS VISTA AUTOMOBILES n’est pas recevable à obtenir la suspension de l’exécution provisoire dans la mesure où elle n’invoque aucune conséquence manifestement excessive qui se serait révélée postérieurement à la décision de première instance. Il sollicite également de juger que les sommes dont la consignation est demandée sont assorties de l’exécution provisoire de droit en application des dispositions de l’article R.1454-28 du code du travail en ce qu’elles revêtent un caractère alimentaire et qu’elles ne peuvent faire l’objet d’une consignation en application de l’article 521 du code de procédure civile. Il sollicite également déclarer irrecevable la SAS VISTA AUTOMOBILES en sa demande de consignation et de la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de l’instance.
M. [N] fait valoir que l’existence de décisions précédemment rendues frappées d’appel ne peut justifier l’existence de moyens sérieux d’annulation ou de réformation.
Il soutient que le jugement du conseil des prud’hommes de Reims dont appel dispose d’une motivation cohérente, argumentée et fondée en droit et en preuve. M. [N] indique que le conseil de prud’hommes de Reims a statué sur l’existence de travail du dimanche non payé, de l’existence d’heures supplémentaires travaillées alors que la SAS VISTA AUTOMOBILES n’avait pas établi les heures de travail réellement exécutées par M. [N] alors que la charge de la preuve lui incombait.
M. [N] fait également valoir que la SAS VISTA AUTOMOBILES n’est pas recevable à obtenir la suspension de l’exécution provisoire dans la mesure où elle n’a pas présenté d’observations sur l’exécution provisoire à hauteur de première instance et qu’elle n’a pas démontré que l’exécution provisoire risquerait d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
Il soutient que la SAS VISTA AUTOMOBILES s’est bornée à solliciter le rejet de l’exécution provisoire et qu’elle n’a aucunement exposé ni démontré, dans ses conclusions de première instance, les difficultés économiques qui naitraient de l’obligation de régler immédiatement ni les raisons pour lesquelles en cas de condamnation la partie condamnée s’exposerait à des conséquences manifestement excessives.
Concernant la demande de consignation de la SAS VISTA AUTOMIBILES, M. [N] expose que la consignation ne peut être accordée que pour les condamnations qui n’ont pas de caractère alimentaire. Il fait valoir, qu’en l’espèce, les condamnations pour le total de 88 113, 66 euros ont un caractère alimentaire s’agissant de salaire et qu’il ne peut donc juridiquement être fait droit à la demande de consignation.
Par conclusions en réponse et soutenues oralement, la SAS VISTA AUTOMOBILES fait valoir que le conseil de prud’hommes de Reims n’a pas écarté l’exécution provisoire de droit des sommes prévues par l’article R. 1454-28 du code du travail mais a seulement décidé qu’il n’y avait pas lieu de prononcer l’exécution provisoire sur le reste, sur lequel elle est facultative.
Elle expose que la somme de 69 102 euros est exigible car elle est revêtue de l’exécution provisoire de droit.
La SAS VISTA AUTOMOBILES indique également qu’elle a justifié d’un moyen sérieux de réformation ou d’annulation de la décision attaquée en démontrant que le conseil de prud’hommes aurait insuffisamment justifié sa décision en méconnaissant le droit de la preuve.
Elle soutient qu’elle a présenté des observations en première instance sur l’exécution provisoire et qu’elle a justifié qu’il existait des conséquences manifestement excessives en cas d’exécution provisoire.
L’affaire a été mise en délibéré au 26 mars 2025.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement et contradictoirement,
DECLARONS recevable la demande de la SAS VISTA AUTOMOBILES d’arrêt de l’exécution provisoire de la décision rendue le 06 décembre 2024 par le conseil de prud’hommes de Reims,
REJETONS la demande d’arrêt de l’exécution provisoire,
REJETONS la demande de consignation de la somme de 69 102 euros sur un compte ouvert à la Caisse des Dépôts et Consignations,
CONDAMNONS SAS VISTA AUTOMOBILES à verser à M. [N] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNONS SAS VISTA AUTOMOBILES aux entiers dépens de la présente instance.
Le greffier Le premier président
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