Cour d’appel de Reims, 25 mars 2025, RG n° 24/01521
Cour d’appel de Reims, 25 mars 2025, RG n° 24/01521

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Reims

Thématique : Régularisation des déclarations d’appel : enjeux et conséquences procédurales

Résumé

L’affaire en question concerne un litige entre plusieurs sociétés, dont les sociétés Créalis et Sparflex, et la société La Coiffe. Le 18 septembre 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Reims a rendu une ordonnance qui a débouté un dirigeant d’entreprise de son exception de litispendance et a déclaré irrecevables les demandes de mesure d’instruction in futurum des sociétés Créalis et Sparflex à l’encontre de la société La Coiffe. En outre, les deux sociétés ont été condamnées à verser des sommes à la société La Coiffe et au dirigeant d’entreprise, ainsi qu’à supporter les dépens.

Le 8 octobre 2024, les sociétés Créalis et Sparflex ont interjeté appel de cette ordonnance, sans préciser l’objet de leur appel. Une déclaration rectificative a été faite le 14 novembre 2024, mentionnant que l’appel visait l’infirmation de l’ordonnance. La société La Coiffe a ensuite soulevé des incidents relatifs à la nullité de la déclaration d’appel, à l’irrecevabilité de l’appel de la société Sparflex, et à une exception d’incompétence.

Dans ses conclusions, la société La Coiffe a demandé la nullité de la déclaration d’appel du 8 octobre 2024, arguant qu’elle ne contenait pas la mention de l’objet de l’appel, et a contesté l’intérêt à agir de la société Créalis. En réponse, les sociétés Créalis et Sparflex ont soutenu que la déclaration d’appel avait été régularisée par la déclaration rectificative et que les fins de non-recevoir soulevées par la société La Coiffe n’étaient pas recevables.

Finalement, le tribunal a débouté la société La Coiffe de ses exceptions et a condamné cette dernière aux dépens, tout en lui ordonnant de verser une somme aux sociétés Créalis et Sparflex.

COUR D’APPEL

DE REIMS

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

N° RG 24/01521 – N° Portalis DBVQ-V-B7I-FRTN-11

La société S.P.A. CREALIS, société anonyme de droit italien, dont le siège social est situé [Adresse 2], et immatriculée au registre des entreprises (registro delle imprese) de Varèse (Italie) sous le numéro 13400560150, prise en la personne de son représentant légal,

La société SPARFLEX, société anonyme de droit français, dont le siège social est situé [Adresse 5], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Reims sous le numéro 517 528 105, prise en la personne de son représentant légal,

APPELANTES AU PRINCIPAL

DEFENDERESSES A L’INCIDENT

Représentant : Me Jean-Baptiste DENIS de l’AARPI DENIS VAUCHELIN ASSOCIES, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE, avocat postulant, et Maîtres Diane Lamarche et Félix Thillaye du cabinet White & Case LLP, avocats au barreau de PARIS , avocats plaidant

La société LA COIFFE, société anonyme au capital de 1.000.000,00€, dont le siège est [Adresse 1], inscrite au RCS de REIMS sous le numéro 907 893 101, représentée par son représentant légal en exercice,

Représentant : Me Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Marie-Agnès PERRUCHE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMEE AU PRINCIPAL

DEMANDERESSE A L’INCIDENT

Monsieur [E] [L], demeurant [Adresse 3] (Luxembourg), né le 6 juin 1981 à [Localité 4] et exerçant des fonctions de mandataire social,

Représentant : Me Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Antoine Camus du cabinet LERINS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIME AU PRINCIPAL

ORDONNANCE D’INCIDENT

DU : 25 mars 2025

Nous, Kevin LECLERE VUE, magistrat délégué par le premier président, assisté de Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière ;

Après débats à l’audience du 11 mars 2025, avons rendu ,l’ordonnance suivante :

EXPOSE DE LA PROCEDURE

Par ordonnance du 18 septembre 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Reims a :

– débouté M. [E] [L] de son exception de litispendance,

– déclaré irrecevables les sociétés Créalis et Sparflex en leur demande de mesure d’instruction in futurum à l’encontre de la société La Coiffe,

– débouté les sociétés Créalis et Sparflex de leurs prétentions,

– rétracté l’ordonnance du 28 juin 2024 en toutes ses dispositions,

– condamné les sociétés Créalis et Sparflex in solidum à verser à la société La Coiffe la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné les sociétés Créalis et Sparflex in solidum à verser à M. [E] [L] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté toutes autres prétentions,

– condamné les sociétés Créalis et Sparflex aux entiers dépens dont frais de greffe liquidés à la somme de 79,88 euros toutes taxes comprises.

Par déclaration du 8 octobre 2024, les sociétés Créalis et Sparflex ont interjeté appel de cette ordonnance sans mentionner l’objet de leur appel (enregistrée au RG sous le n°24/1684).

Les sociétés Créalis et Sparflex ont effectué une déclaration d’appel rectificative le 14 novembre 2024 mentionnant que l’objet de leur appel tend à l’infirmation de l’ordonnance précitée (enregistrée au RG sous le n°24/1521).

L’avis de fixation de l’affaire à bref délai a été notifié aux parties le 19 novembre 2024.

M. [L] et la société La Coiffe ont constitué avocat par acte notifié par RPVA le 6 décembre 2024.

Par ordonnance du 10 décembre 2024, le président de la chambre a ordonné la jonction des deux procédures susvisées sous le n° RG 24 /1521.

Par conclusions notifiées par RPVA le 7 février 2025, la société La Coiffe a saisi le magistrat délégué par le premier président d’incidents relatifs à la nullité de la déclaration d’appel, l’irrecevabilité de l’appel et une exception d’incompétence.

Dans ses dernières conclusions sur incident notifiées par RPVA le 10 mars 2025, la société La Coiffe demande au magistrat délégué par le premier président, au visa des articles 31, 42, 46, 145, 490 et 901 du code de procédure civile et 1355 du code civil, de :

– prononcer la nullité de la déclaration d’appel des sociétés Sparflex et Créalis du 8 octobre 2024,

– prononcer l’irrecevabilité de la société Sparflex en son appel du 14 novembre 2024 comme étant interjeté hors délais,

– prononcer l’irrecevabilité de la société Créalis en son appel du 14 novembre 2024 comme n’ayant pas d’intérêt à agir sur les griefs de concurrence déloyale,

– se déclarer territorialement incompétente concernant les demandes de la société Créalis relatives à la complicité de violation d’une clause de non-concurrence,

En conséquence,

– débouter les sociétés Sparflex et Créalis de leurs prétentions

En tout état de cause,

– condamner les sociétés Sparflex et Créalis in solidum à lui verser la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner les mêmes aux tiers dépens.

A l’appui de sa demande en nullité de la déclaration d’appel du 8 octobre 2024, elle soutient sur le fondement de l’article 901 6° que celle-ci ne contenait pas la mention de l’objet de l’appel prévue à peine de nullité.

Elle ajoute qu’il s’agit d’une nullité pour vice de fond et non pour vice de forme, de sorte que la nullité ne peut pas être régularisée par une déclaration d’appel postérieure.

A l’appui de l’irrecevabilité de l’appel de la société Sparflex, elle fait valoir que du fait de l’annulation de la première déclaration d’appel, la seconde déclaration d’appel rectificative du 14 novembre 2014 a été remise hors délais.

Elle précise sur ce point que la société Sparflex, qui a son siège social en France, ne peut pas se prévaloir des délais de distance dont bénéficie la société Créalis pour laquelle l’appel n’est pas irrecevable du fait que la nouvelle déclaration d’appel a été remise dans le délai.

A l’appui de l’irrecevabilité de la société Créalis, elle estime que celle-ci ne peut se prévaloir d’aucun intérêt à agir à son encontre dans la mesure où aucun acte de concurrence déloyale, ni de complicité à un tel acte ne peut lui être reproché.

A l’appui de son exception d’incompétence, elle expose que la Cour d’appel de Reims n’est pas compétente pour connaître de l’action de la société Créalis fondée sur les contrats dans la mesure où cette dernière a saisi le tribunal de commerce de Paris de son action en violation des clauses contractuelles.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 10 mars 2025, les sociétés Créalis et Sparflex demandent au magistrat délégué par le premier président, au visa des articles 74, 114, 145, 901 et 906-3 du code de procédure civile, de :

– déclarer irrecevable la société La Coiffe en ses prétentions tendant à voir :

*prononcer l’irrecevabilité de Créalis en son appel du 14 novembre 2024 comme n’ayant pas d’intérêt à agir sur les griefs de concurrence déloyale,

*se déclarer territorialement incompétente concernant les demandes de la société Créalis relatives à la complicité de violation d’une clause de non-concurrence,

– débouter la société La Coiffe de l’ensemble de ses prétentions,

– fixer l’affaire enregistrée sous le n° de RG 24/1521 pour plaidoirie,

– condamner la société La Coiffe à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société La Coiffe aux entiers dépens de l’instance.

En défense à l’exception de nullité de la déclaration d’appel du 8 octobre 2024, elles font valoir sur le fondement de l’article 901 du code de procédure civile que celle-ci, qui ne mentionnait pas l’objet de son appel, a été régularisée par une nouvelle déclaration d’appel rectificative du 14 novembre 2024 complétée de la mention qui faisait défaut.

Elles précisent que la nullité de la première déclaration d’appel est une nullité pour vice de forme, donc régularisable, et non pour vice de fond en ce que les irrégularités de fond sont limitativement énumérées à l’article 117 du code de procédure civile.

Elles ajoutent que le défaut de la mention ne cause aucun grief à l’intimée car elles ont mentionné les chefs du dispositif de l’ordonnance critiqués et qu’elles ont régularisé la déclaration d’appel avant la notification de leurs premières conclusions d’appelantes.

En défense à la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de la déclaration d’appel rectificative du 14 novembre 2024, elles objectent que celle-ci est recevable dès lors qu’il est admis qu’une déclaration d’appel peut être régularisée dans le délai des premières conclusions.

En défense à l’exception de procédure, elles soutiennent sur le fondement de l’article 74 du code de procédure civile qu’elle n’est pas recevable faute d’avoir été soulevée avant toute défense au fond et toute fin de non-recevoir.

Elles ajoutent qu’en application de l’article 906-3 du code de procédure civile, le président de la chambre ou le magistrat délégué par le premier président ne peut pas connaître d’une exception de procédure, celle-ci devant être soumise à la cour.

En défense à la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société Créalis, elles indiquent sur le fondement de l’article 906-3 du code de procédure civile que le président de la chambre ou le magistrat délégué par le premier président n’a pas le pouvoir de statuer sur l’irrecevabilité d’une prétention au fond d’une partie.

A l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 25 mars 2025.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par mise à disposition au greffe et par ordonnance contradictoire,

Déboutons la société La Coiffe de son exception de nullité de la déclaration d’appel du 8 octobre 2024,

Déboutons la société La Coiffe de sa fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel de la société Sparflex,

Déboutons la société La Coiffe de sa fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de la société Créalis pour défaut d’intérêt à agir,

Déclarons la société La Coiffe irrecevable en son exception d’incompétence,

Condamnons la société La Coiffe aux dépens de l’incident de procédure,

Condamnons la société La Coiffe à verser aux sociétés Créalis et Sparflex la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le magistrat délégué par le premier président

 


Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?

Merci pour votre retour ! Partagez votre point de vue, une info ou une ressource utile.

Chat Icon