Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Reims
Thématique : Garantie des vices cachés : charge de la preuve et limites de l’expertise amiable
→ RésuméLe litige concerne une vente de véhicule entre un acheteur et un vendeur. Le 14 janvier 2022, l’acheteur a acquis un véhicule de marque BMW, type X5, pour un montant de 13 500 euros. Peu après l’achat, l’acheteur a constaté des dysfonctionnements et a sollicité la résolution de la vente, invoquant des vices cachés, notamment une modification du kilométrage, des pièces non adaptées, et des défaillances techniques.
Le 27 janvier 2022, le service client de la société BMW Group France a informé l’acheteur d’incohérences concernant le kilométrage du véhicule. En conséquence, l’acheteur a déposé une plainte pour escroquerie le 28 janvier 2022. Une expertise amiable a été réalisée le 17 mars 2022, concluant que le véhicule n’était pas en mesure de circuler en toute sécurité. Malgré plusieurs mises en demeure, le vendeur n’a pas remboursé l’acheteur, ce qui a conduit ce dernier à l’assigner en justice le 7 juillet 2022. Le tribunal judiciaire de Troyes a rendu un jugement le 22 mars 2024, déboutant l’acheteur de toutes ses demandes et le condamnant à verser 3 000 euros au vendeur pour les frais de justice. L’acheteur a alors interjeté appel, demandant la résolution de la vente et le remboursement du prix d’achat, ainsi que des dommages-intérêts pour préjudice. Dans ses conclusions, le vendeur a contesté les allégations de l’acheteur, arguant qu’aucun manquement ne pouvait lui être reproché et que les vices cachés n’étaient pas prouvés. La cour d’appel a confirmé le jugement de première instance, considérant que l’acheteur n’avait pas apporté la preuve des vices cachés et a condamné ce dernier aux dépens d’appel, tout en allouant 1 500 euros au vendeur pour ses frais de procédure. |
ARRET N°
du 25 mars 2025
N° RG 24/00632
N° Portalis DBVQ-V-B7I-FPKU
[W] [D], épouse [U]
c/
[T] [Y]
(bénéficiaire de l’AJ Totale du 24/06/2024 – BAJ de REIMS)
Formule exécutoire le :
à :
la SCP PLOTTON –
VANGHEESDAELE- FARINE –
YERNAUX
la SCP SCRIBE – BAILLEUL – SOTTAS
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 25 MARS 2025
APPELANTE :
d’un jugement rendu le 22 mars 2024 par le tribunal judiciaire de TROYES,
Madame [D] [W] épouse [U], née le 5 janvier1975, à [Localité 5] (AUBE), de nationalité française, demeurant :
[Adresse 4]
[Localité 1],
Représentée par Me Olivier PLOTTON, avocat au barreau de l’AUBE (SCP PLOTTON-VANGHEESDAELE-FARINE-YERNAUX),
INTIME :
Monsieur [Y] [T], né le 17 mars 1978, à [Localité 6] (YOUGOSLAVIE), demeurant :
[Adresse 3]
[Localité 2],
(bénéficiaire d’une aide juridictionnelle totale numéro C51454-2024-002242 du 24/06/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de REIMS),
Représenté par Me Angelique BAILLEUL, avocat au barreau de l’AUBE (SCP SCRIBE-BAILLEUL-SOTTAS),
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Madame PILON, conseillère, et Madame POZZO DI BORGO, conseillère, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre,
Madame Sandrine PILON, conseillère,
Madame Anne POZZO DI BORGO, conseillère,
GREFFIER :
Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier lors des débats,
et Madame Jocelyne DRAPIER, greffier lors de la mise à disposition,
DEBATS :
A l’audience publique du 11 février 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 25 mars 2025,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 25 mars 2025 et signé par Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre, et Madame Jocelyne DRAPIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSE DU LITIGE :
Le 14 janvier 2022, Mme [D] [W] épouse [U] a acquis auprès de M. [Y] [T] un véhicule de marque BMW, type X 5, numéro de série WBAFF410L054664, ayant fait l’objet d’une première immatriculation le 30 août 2007 et affichant un kilométrage de 166 942 km, moyennant le prix de 13 500 euros.
Après constat de difficultés de fonctionnement du véhicule et examen de celui-ci dans un garage, par courrier recommandé du 20 janvier 2022 Mme [W] a sollicité de M. [T] la résolution de la vente se prévalant de vices cachés affectant le véhicule cédé listés comme suit’:
– modification du kilométrage,
– roues non adaptées au véhicule,
– klaxon, GPS et comodo volant ne fonctionnant pas,
– contrôle technique non fait par le vendeur,
– voyant moteur allumé.
Par courriel du 27 janvier 2022, le service client de la société BMW group France a avisé Mme [W], qu’après examen de son dossier, des incohérences concernant le kilométrage du véhicule avaient été relevées.
Le 28 janvier 2022, elle a déposé plainte auprès des services de gendarmerie pour escroquerie.
Le 17 mars 2022, une expertise amiable a été réalisée sur le véhicule, en présence du vendeur, par un expert mandaté par la société Groupama protection, assureur de Mme [W] lequel a conclu dans les termes suivants : «’véhicule non en mesure de circuler dans les conditions normales de sécurité’».
Par courriers recommandés des 5, 22 avril et 3 mai 2022, elle a de nouveau mis en demeure, en vain, M. [T] de lui restituer le prix de vente contre remise du véhicule.
Par exploit du 7 juillet 2022, Mme [W] a fait assigner M. [T] devant le tribunal judiciaire de Troyes aux fins de résolution de la vente du fait des vices cachés affectant le véhicule.
Par jugement du 22 mars 2024, ce tribunal a’:
– débouté Mme [W] de l’ensemble de ses demandes,
– condamné Mme [W] à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions transmises par la voie électronique le 23 décembre 2024, elle demande à la cour de’:
– la juger recevable et bien fondée en son appel,
– infirmer le jugement dans sa totalité,
en conséquence et statuant à nouveau,
à titre principal,
– prononcer la résolution judiciaire du contrat de vente,
– condamner M. [T] à lui restituer la somme de 13 500 euros en remboursement du prix d’acquisition du véhicule outre les intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2022 jusqu’à parfait paiement,
– les condamner solidairement à lui verser une somme de 11 000 euros au titre des honoraires dus outre les pénalités de retard de 0,12 % par jour à compter de la mise en demeure du 27 juillet 2021,
– juger que M. [T] devra reprendre possession du véhicule par ses propres moyens,
– juger qu’il devra s’acquitter des éventuels frais afférents au gardiennage du véhicule litigieux avant la reprise de celui-ci,
– le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des défectuosités du véhicule, de l’impossibilité d’en faire usage,
– le condamner à lui payer la somme de 1 792,66 euros correspondant aux primes d’assurances annuelles, somme à parfaire au titre de la prime 2025 en cours de prélèvement au jour du prononcé de la décision,
à titre subsidiaire,
– ordonner une mesure d’expertise qui sera confiée à tel expert inscrit sur la liste de la cour d’appel de Reims que la cour voudra bien désigner avec la mission suivante’:
entendre les parties et le conseil dûment présents ou appelés,
se faire remettre tous documents utiles,
établir un historique succinct des éléments en rapport avec le litige et utiles à la solution de celui-ci,
décrire et analyser le véhicule litigieux,
faire, de manière générale, toutes constatations utiles sur le véhicule litigieux notamment sur le kilométrage du véhicule,
examiner et détailler les défauts et problématiques techniques sur le véhicule et notamment’:
* leur date d’apparition relativement à la date de vente,
* leur caractère caché au moment de la vente,
* leur conséquence quant à la possibilité d’utiliser normalement le véhicule,
rechercher la cause de ces préjudices permettant d’établir les différentes responsabilités,
indiquer et chiffrer les travaux nécessaires afin de mettre fin aux troubles et préjudices qu’elle subit,
fournir tout élément technique de fait, de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie de déterminer les responsabilités encourues et d’évaluer les préjudices subis, notamment pour troubles de jouissance,
faire toutes constatations, observations et analyses utiles à l’information de la juridiction éventuellement saisie quant au présent litige,
donner connaissance de ses premières conclusions aux parties et répondre à toutes observations écrites de leur part, dans le délai qui leur aura été imparti, avant d’établir son rapport définitif,
en tout état de cause,
– condamner M. [T] à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens comprenant ceux de première instance sous le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Elle soutient que le véhicule présente des vices graves antérieurs à la vente, le rendant impropre à un usage dans des conditions normales de sécurité et qu’elle ne l’aurait pas acquis, et encore moins au prix offert, si elle en avait eu connaissance.
Elle affirme que l’application de la garantie des vices cachés ne suppose nullement la démonstration d’une faute du vendeur ou même sa connaissance du vice de sorte que celui-ci ne peut se prévaloir de ce que les vices ne lui sont pas imputables.
Elle fait valoir également qu’elle n’a pas davantage à démontrer le caractère inutilisable du véhicule.
Subsidiairement, elle se dit bien fondée à solliciter l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire.
Aux termes de ses conclusions transmises par la voie électronique le 27 septembre 2024, M. [T] demande à la cour de’:
– le déclarer bien fondé en ses demandes,
– déclarer mal fondé l’appel de Mme [W],
– déclarer irrecevable la demande nouvelle en appel formée par Mme [W] s’agissant d’une demande d’expertise judiciaire,
par conséquent,
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
– débouter Mme [W] de toutes ses demandes, y ajoutant,
– la condamner à verser à Maître Angélique Bailleul, avocat associé de la SCP Scribe, Bailleul, Sottas, une somme de 3 000 euros au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à hauteur d’appel et aux entiers dépens.
Il soutient qu’aucun manquement à son obligation de délivrance conforme du véhicule ne peut lui être reproché relevant que’:
– le rapport d’expertise amiable, partial et non contradictoire, sur lequel se fonde l’appelante, n’est corroboré par aucun autre élément,
– il n’est pas démontré que l’abaissement du kilométrage serait imputable à une quelconque action de sa part.
Il affirme par ailleurs que les conditions pour la mobilisation de la garantie des vices cachés ne sont pas remplies observant que’:
– l’appelante connaissait l’état et l’âge du véhicule,
– un kilométrage élevé ne rend pas le véhicule impropre à sa destination,
– il n’est pas démontré que l’abaissement du kilométrage lui est imputable,
– les autres désordres allégués ne sont pas démontrés.
Il fait valoir en outre que l’appelante échoue à démontrer qu’elle subirait un préjudice du fait des défectuosités dont elle se plaint et que son seul préjudice indemnisable, s’il devait être retenu, résulte uniquement de la perte de chance pour défaut de livraison conforme à la chose.
Il relève également que la demande d’expertise est irrecevable s’agissant d’une demande formée pour la première fois en cause d’appel.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 21 janvier 2025 et l’affaire a été renvoyée pour être plaidée à l’audience du 11 février 2025.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris’;
Y ajoutant,
Condamne Mme [D] [W] épouse [U] aux dépens d’appel ;
Condamne Mme [D] [W] épouse [U] à payer à M. [Y] [T] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991′;
La déboute de sa demande formée sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente de chambre,
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