Cour d’appel de Reims, 25 mars 2025, RG n° 24/00474
Cour d’appel de Reims, 25 mars 2025, RG n° 24/00474

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Reims

Thématique : Cautionnement : Évaluation de la Disproportion et Devoir de Mise en Garde

Résumé

Dans cette affaire, la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe (le créancier) a accordé plusieurs prêts à la SARL GP Construction (le débiteur), garantis par des cautionnements souscrits par le gérant de la société (la caution). Les prêts, d’un montant total de 229 205 euros, ont été consentis entre mars 2019 et septembre 2022, avec des taux d’intérêt variant de 0,75 % à 4,05 %. En cas de défaillance du débiteur, la caution s’est engagée à garantir ces prêts dans des limites spécifiques.

Le 15 novembre 2022, le tribunal de commerce de Reims a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL GP Construction. En conséquence, le créancier a assigné la caution le 22 février 2023 pour obtenir le paiement des sommes dues. Le jugement du 12 mars 2024 a partiellement accueilli les demandes du créancier, déclarant certains cautionnements manifestement disproportionnés et prononçant la déchéance du droit de la caution pour ces montants. La caution a été condamnée à payer des sommes spécifiques pour deux des prêts.

Le créancier a interjeté appel le 22 mars 2024, demandant la confirmation de la condamnation de la caution pour les prêts antérieurs et la réformation du jugement pour obtenir des montants plus élevés pour les autres prêts. La caution a contesté l’appel, soutenant que les cautionnements étaient disproportionnés et que le créancier avait manqué à son devoir de mise en garde.

Le tribunal a finalement confirmé le jugement initial, sauf en ce qui concerne la disproportion des cautionnements contestés. Il a condamné la caution à payer des montants spécifiques pour chaque prêt, en ordonnant la capitalisation des intérêts. La caution a également été tenue aux dépens d’appel, et le créancier a reçu une indemnité pour ses frais irrépétibles.

ARRET N°

du 25 mars 2025

N° RG 24/00474

N° Portalis DBVQ-V-B7I-FO5P

SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE

c/

[M] [X]

Formule exécutoire le :

à :

la SCP SAMMUT – CROON – JOURNE – LEAU

la SELARL CABINET D’AVOCATS DE MAITRE EMMANUEL BROCARD

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 25 MARS 2025

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 12 mars 2024 par le tribunal de commerce de REIMS

la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE, banque coopérative régie par les articles L.512-85 et suivants du code monétaire et financier, société anonyme à directoire et conseil d’orientation et de surveillance au capital de 681 876 700,00 € , immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de STRASBOURG sous le numéro 775.618.622 et à l’ORIAS sous le numéro 07 004 738, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit au siège :

[Adresse 1]

[Localité 5],

Représentée par Me Raphaël CROON, avocat au barreau de REIMS (SCP SAMMUT-CROON-JOURNE-LEAU),

INTIME :

Monsieur [X] [M], né le [Date naissance 3] 1982, à [Localité 6] (MARNE), de nationalité française, demeurant :

[Adresse 2]

[Localité 4],

Comparant en personne, assisté de Me Emmanuel BROCARD, avocat au barreau de REIMS (SELARL CABINET D’AVOCATS DE MAITRE [R] [V]),

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Madame PILON, conseillère, et Madame POZZO DI BORGO, conseillère, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre,

Madame Sandrine PILON, conseillère,

Madame Anne POZZO DI BORGO, conseillère,

GREFFIER :

Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier lors des débats,

et Madame Jocelyne DRAPIER, greffier lors de la mise à disposition,

DEBATS :

A l’audience publique du 11 février 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 25 mars 2025,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 25 mars 2025 et signé par Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre, et Madame Jocelyne DRAPIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSE DU LITIGE :

La Caisse d’Epargne et de prévoyance Grand Est Europe (la Caisse d’Epargne) a consenti les prêts suivants à la SARL GP Construction :

– selon offre acceptée le 30 mars 2019, d’un montant en capital de 30 500 euros, au taux d’intérêts de 1.28% l’an (prêt n° 5715653), en garantie duquel M. [X] [M], gérant de la société, s’est porté caution solidaire par acte du même jour, dans la limite de 39 650 euros,

– selon offre acceptée le 9 juillet 2019, d’un montant en capital de 60 000 euros, au taux de 4,050% l’an (prêt n° 5767163), garanti par le cautionnement solidaire de M. [M] consenti le 20 juillet 2019 dans la limite de 78 000 euros,

– selon offre acceptée le 22 octobre 2019, d’un montant en capital de 40 000 euros, au taux de 1,05% l’an (prêt n° 5821762), garanti par le cautionnement solidaire de M. [M] consenti le même jour, dans la limite de 52 000 euros,

– selon offre acceptée le 21 septembre 2021, d’un montant en capital de 38 705 euros, au taux de 0.75% l’an (prêt n° 177513G), garanti par le cautionnement solidaire de M. [M] consenti le même jour dans la limite de 50 316,50 euros,

– selon offre acceptée le 20 septembre 2022, d’un montant en capital de 60 000 euros, au taux de 1,52% l’an (prêt n° 361158G), garanti par le cautionnement solidaire de M. [M] consenti le 27 septembre 2022 dans la limite de 78 000 euros.

Par jugement du 15 novembre 2022, le tribunal de commerce de Reims a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL GP Construction.

Par acte du 22 février 2023, la Caisse d’Epargne a fait assigner M. [M] devant le tribunal de commerce de Reims afin de l’entendre condamner à lui payer diverses sommes en exécution de ses engagements de caution.

Par jugement du 12 mars 2024, le tribunal de commerce de Reims a :

– reçu la Caisse d’Epargne en ses demandes et l’a déclarée partiellement bien fondée,

– jugé que le cautionnement du 21 octobre 2019 est manifestement disproportionné et prononcé la déchéance du droit de la caution à hauteur de 52 000 euros,

– jugé que le cautionnement du 6 septembre 2021 est manifestement disproportionné et prononcé la déchéance du droit de la caution à hauteur de 50 316,50 euros,

– jugé que le cautionnement du 20 septembre 2022 est manifestement disproportionné et prononcé la déchéance du droit de la caution à hauteur de 78 000 euros,

– condamné M. [M] à payer à la Caisse d’Epargne la somme de 13 223,41 euros au titre du prêt du 28 mars 2019 et prononcé la capitalisation par années entières des intérêts courants,

– condamné M. [M] à payer à la Caisse d’Epargne la somme de 7 198,63 euros au titre du prêt du 8 août 2019 et prononcé la capitalisation par années entières des intérêts courants,

– condamné M. [M] à verser à la Caisse d’Epargne la somme de 1 000 euros en application des dispositions des articles 700 du code de procédure civile,

– rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions des parties,

– condamné M. [M] aux entiers dépens dont frais de greffe liquidés à la somme de 78,96 euros TTC.

La Caisse d’Epargne a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 22 mars 2024.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 juin 2024, elle demande à la cour de :

– débouter M. [M] de ses entières prétentions,

En conséquence,

– confirmer le jugement en ce qu’il condamne celui-ci au titre des cautionnements souscrits les 20 mars 2019 et 20 juillet 2019,

– réformer le jugement et condamner M. [M] à lui verser :

– au titre du prêt de 40 000 euros : 15 492,53 euros,

– au titre du prêt de 38 705 euros : 31 644,54 euros,

– au titre du prêt de 60 000 euros : 65 523,14 euros,

– ordonner la capitalisation par années entières des intérêts courant sur l’ensemble des condamnations qui seront prononcées, par application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

– condamner M. [M] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle conteste toute disproportion des cautionnements au regard des revenus et du patrimoine de M. [M] et soutient que le patrimoine de ce dernier lui permet de faire face à ses engagements à la date de son assignation.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 septembre 2024, M. [M] demande à la cour de :

– juger l’appel recevable mais mal fondé,

– confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré les cautionnements des 21 octobre 2019, 6 septembre 2021 et 20 septembre 2022 disproportionnés et débouté la Caisse d’Epargne de toutes demandes en vertu de ces cautionnements,

– infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions, l’a condamné à verser à la Caisse d’Epargne une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance,

Statuant à nouveau,

– le décharger au titre des cautionnements des 30 mars 2019 et 21 septembre 2021,

– débouter la Caisse d’Epargne pour le paiement des sommes de 13 223,41 euros outre intérêts et 31 644,54 euros outre intérêts,

– condamner la Caisse d’Epargne à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d’instance.

M. [M] affirme que les trois derniers cautionnements sont disproportionnés, le ratio d’endettement admissible de 33% étant dépassé dès le deuxième engagement de caution, étant rappelé qu’il convient de prendre en compte sa part indivise, nette de charge, dans le patrimoine immobilier et mobilier de son couple.

S’agissant plus précisément du dernier cautionnement, soumis aux dispositions nouvelles de l’article 2300 du code civil, il estime que, compte tenu de son taux d’endettement de 102%, il ne pouvait plus s’engager, mais aussi que la banque a manqué à son devoir de mise en garde, de sorte que la cour doit ramener cet engagement à zéro.

Il conteste qu’au jour où il a été appelé, son patrimoine lui permettait d’exécuter ses obligations.

Il entend être déchargé de son engagement au titre du premier cautionnement et, subsidiairement, au titre du quatrième cautionnement, sur le fondement de l’article 2314 du code civil, au titre de l’exception de subrogation, en faisant reproche à la Caisse d’Epargne de ne pas avoir inscrit de sûretés sur les deux véhicules acquis au moyen des prêts garantis par les deux cautionnements en cause.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 janvier 2025 et l’affaire a été renvoyée pour être plaidée à l’audience du 11 février 2025.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il déclare les cautionnements des 21 octobre 2019, 6 septembre 2021 et 20 septembre 2022 manifestement disproportionnés et prononce la déchéance du droit du créancier,

Statuant à nouveau des chefs ainsi infirmés,

Condamne M. [X] [M] à payer à la Caisse d’Epargne et de prévoyance Grand Est Europe les sommes suivantes :

– au titre du prêt n° 5821762 : 15 492.53 euros, outre intérêts au taux majoré de 4.05 % l’an à compter du 3 janvier 2023,

– au titre du prêt n° 177513G : 31 644.54 euros, outre intérêts au taux majoré de 3.75 % l’an à compter du 3 janvier 2023,

– au titre du prêt n° 361158G : 63 523.14 euros, outre intérêts au taux majoré de 4.52 % l’an à compter du 3 janvier 2022,

Dit que les intérêts produits par ces sommes pourront être capitalisés à compter de la date à laquelle ils sont dus pour la première fois pour une année entière,

Condamne M. [X] [M] aux dépens d’appel,

Condamne M. [X] [M] à payer à la Caisse d’Epargne et de prévoyance Grand Est Europe la somme de 1000 euros pour ses frais irrépétibles d’appel,

Déboute M. [X] [M] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente de chambre,

 


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