Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Pau
Thématique : Expertise judiciaire : enjeux de recevabilité et d’intérêt à agir dans le cadre d’un contrat de prestation de services.
→ RésuméMadame [E] [I] et Monsieur [X] [N] ont engagé l’EURL Pyrénées Jardin Concept pour l’aménagement extérieur de leur propriété, avec un devis de 91 502,15 euros TTC. Les travaux, commandés le 25 octobre 2021, ont rencontré des problèmes d’achèvement et de conformité. Après une assignation en justice le 4 octobre 2022 pour malfaçons, le juge des référés a rejeté leur demande. En juin 2023, l’EURL a contre-assigné pour résiliation du contrat. Le 21 mars 2024, le juge a ordonné une expertise, décision confirmée par la cour d’appel, qui a également condamné l’EURL à verser 1 500 euros aux consorts.
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AB/LC
Numéro 24/03589
COUR D’APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 26/11/2024
Dossier : N° RG 24/01009
N° Portalis DBVV-V-B7I-IZ4H
Nature affaire :
Autres demandes relatives à un contrat de prestation de services
Affaire :
E.U.R.L. PYRENEES JARDIN CONCEPT
C/
[E] [I],
[X] [N]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 26 Novembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 16 Octobre 2024, devant :
Madame BLANCHARD, magistrate chargée du rapport conformément à l’article 785 du code de procédure civile,
assistée de Madame HAUGUEL, greffière présente à l’appel des causes,
Madame BLANCHARD, en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame FAURE, Présidente
Madame de FRAMOND, Conseillère
Madame BLANCHARD, Conseillère
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
E.U.R.L. PYRENEES JARDIN CONCEPT, représentée par son gérant Monsieur [Y] [R]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée et assistée de Maître Marie-Emilie PHAN, avocat au barreau de PAU
INTIMES :
Madame [E] [I]
née le 13 Juillet 1976 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Monsieur [X] [N]
né le 07 Décembre 1975 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentés et assistés de Maître Julien MARCO de la SELARL SAGARDOYTHO-MARCO, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 21 MARS 2024
rendue par le JUGE DE LA MISE EN ETAT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PAU
RG numéro : 23/01132
EXPOSE DU LITIGE
Suivant devis du 25 octobre 2021, accepté le 28 octobre 2021, Madame [E] [I] et Monsieur [X] [N] ont confié à l’EURL Pyrénées Jardin Concept l’aménagement extérieur de leur bien immobilier situé à [Localité 4] (64), pour la somme de 91 502,15 euros TTC.
Par acte du 04 octobre 2022, les consorts [I]-[N] ont fait assigner l’EURL Pyrénées Jardin Concept devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Pau aux fins d’expertise, arguant de travaux non terminés, non conformes au devis, et de malfaçons.
Par ordonnance du 15 mars 2023, le juge des référés les a déboutés de leur demande.
Par actes du 12 juin 2023, l’EURL Pyrénées Jardin Concept a fait assigner Mme [I] et M. [N] devant le tribunal judiciaire de Pau aux fins de voir prononcer la résiliation du contrat de prestation de services du 25 octobre 2021, et de les voir condamner au paiement de diverses sommes sur le fondement contractuel, dont une facture d’un montant de 22 943,79 euros datée du 10 mai 2022.
Par conclusions d’incident du 03 novembre 2023, Mme [I] et M. [N] ont sollicité du juge de la mise en état qu’il ordonne une mesure d’expertise.
Suivant ordonnance contradictoire du 21 mars 2024 (RG n°23/01132), le juge de la mise en état a :
– rejeté la fin de non recevoir soulevée,
– ordonné l’organisation d’une mesure d’expertise et commis pour y procéder M. [K] [F], avec mission de :
– se rendre sur place, visiter les lieux, consulter tous sachants et spécialistes de son choix, et après s’être fait communiquer tout document utile à l’accomplissement de sa mission,
– décrire les lieux,
– examiner et comparer le devis signé des parties et la facture du 10 mai 2022,
– décrire les travaux réalisés et s’il y a lieu, les ouvrages non réalisés, les ouvrages non conformes aux règles de l’art parmi ceux visés par la facture du 10 mai 2022,
– recueillir les observations des parties sur la cause de la non réalisation de chacun des travaux litigieux,
– dire si les travaux effectués sont atteints de malfaçons,
– déterminer la nature, l’importance des désordres, leur origine et la date de leur apparition, et fournir tous les éléments de nature à permettre à la juridiction de déterminer à qui ils sont imputables,
– fournir les documents permettant de déterminer s’ils proviennent d’une erreur de conception, d’un vice de construction, d’un vice des matériaux, d’une malfaçon dans leur mise en oeuvre, d’une négligence dans l’entretien ou l’exploitation des ouvrages ou de toute autre cause,
– déterminer les modes et le coût de leur reprise,
– indiquer les préjudices éventuellement subis,
– fournir au tribunal tous éléments techniques et de fait de nature à permettre les mises en cause nécessaires éventuellement et de déterminer les responsabilités encourues et d’évaluer l’ensemble des préjudices éventuellement subis,
– indiquer si lesdits désordres sont de nature a nuire à la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination,
– faire les comptes entre les partie,
– et d’une manière plus générale, donner au tribunal tous éléments permettant l’élucidation du litige,
– fixé les modalités techniques de l’intervention de l’expert,
– dit qu’en cas de refus ou d’empêchement motivé de l’expert, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance sur requête,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– réservé les dépens de l’incident qui suivront les dépens de l’instance au fond,
– renvoyé l’affaire à la mise en état.
Pour motiver sa décision, le juge a retenu :
– que la demande d’expertise est recevable dès lors que l’ordonnance de référé rejetant l’expertise a un caractère provisoire et ne lie pas le juge du fond, d’autant que de nouveaux éléments sont apportés par les consorts [I]-[N] à l’appui de leur demande,
– que les consorts [I]-[N] démontrent un intérêt à solliciter une mesure d’expertise concernant uniquement les éléments de la facture de l’EURL Pyrénées Jardin Concept du 10 mai 2022, dès lors que les rapports d’expertise unilatéraux produits ne sont pas contradictoires et sont contestés, et qu’il reviendra au juge du fond, pour constater le bien fondé ou non de la demande en paiement de ladite facture, de s’interroger sur la réalité des travaux effectués, leur conformité au devis signé et la justification des sommes réclamées.
Par déclaration du 02 avril 2024 (RG n°24/01009), l’EURL Pyrénées Jardin Concept a relevé appel, critiquant l’ordonnance en ce qu’elle a :
– rejeté la fin de non recevoir soulevée,
– ordonné l’organisation d’une mesure d’expertise et commis pour y procéder M. [K] [F],
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– réservé les dépens de l’incident qui suivront les dépens de l’instance au fond,
– renvoyé l’affaire à la mise en état.
Suivant avis de fixation adressé par le greffe de la cour, l’affaire a été fixée selon les modalités prévues aux articles 905 et suivants du code de procédure civile.
Par ordonnance du 11 septembre 2024, la présidente de la chambre civile de la cour d’appel de Pau s’est déclarée incompétente pour statuer sur la demande d’irrecevabilité de l’appel soulevée par Mme [E] [I] et M. [X] [N] et les a renvoyés à mieux se pourvoir sur ce point.
Par conclusions notifiées le 23 septembre 2024, auxquelles il est expressément fait référence, l’EURL Pyrénées Jardin Concept, appelante, demande à la cour de:
– déclarer bien fondé son appel,
Y faisant droit,
– infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a :
– rejeté la fin de non recevoir soulevée par l’EURL Pyrénées Jardin Concept,
– ordonné l’organisation d’une mesure d’expertise et commis pour y procéder M. [K] [F],
– débouté l’EURL Pyrénées Jardin Concept de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– réservé les dépens,
– la déclarer recevable et bien fondée dans ses demandes, fins et conclusions,
– débouter les consorts [I]-[N] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
Statuant à nouveau,
– juger et déclarer irrecevable la demande d’expertise judiciaire des consorts [I]-[N], en raison de l’ordonnance de référé irrévocable du 15 mars 2023 du tribunal judiciaire de Pau,
A titre subsidiaire,
– juger et déclarer irrecevable la demande d’expertise judiciaire des consorts [I]-[N], pour défaut d’intérêt à agir,
A titre très subsidiaire,
– juger et déclarer mal fondée la demande d’expertise judiciaire des consorts [I]-[N] en raison de l’absence de motif légitime,
En conséquence,
– les débouter de leur demande d’expertise judiciaire,
En tout état de cause,
– condamner les consorts [I]-[N] à la somme de 3 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les consorts [I]-[N] aux entiers dépens d’appel et d’incident.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir, au visa des articles 4, 5, 460, 480, 488, 490, 122, 125, 145, 31, 32, 12, 954 et 795 du code de procédure civile :
– que la nouvelle demande d’expertise judiciaire des consorts [I]-[N] est irrecevable en raison de l’ordonnance de référé du 15 mars 2023 rejetant la demande d’expertise, qui a désormais force de chose jugée et est irrévocable dès lors qu’elle n’a pas été frappée d’appel,
– que le juge de la mise en état ne pouvait modifier l’ordonnance de référé en raison de circonstances nouvelles, ce pouvoir n’appartenant qu’à la juridiction qui a prononcé la décision, et qu’en l’espèce aucun élément nouveau ne permet de comparer l’état des lieux avant, pendant et après son intervention, aucun procès-verbal de constat d’huissier n’étant produit, de sorte qu’aucun élément ne démontre l’imputabilité de désordres à son intervention,
– que la demande d’expertise judiciaire est irrecevable en raison du défaut d’intérêt légitime des consorts [I]-[N] à solliciter une mesure d’instruction in futurum, dès lors que leur action au fond serait vouée à l’échec, d’une part sur le fondement de la responsabilité civile contractuelle, au titre de l’obligation de résultat, qui ne peut être engagée du fait que les travaux n’ont pas pu être terminés du fait des consorts [I]-[N], et d’autre part sur le fondement de la responsabilité légale du constructeur, à défaut de réception, les travaux n’étant pas terminés, sans qu’aucun constat de l’imputabilité des désordres allégués n’ait été réalisé,
– que les consorts [I]-[N] n’ont pas de motif légitime à solliciter une mesure d’expertise judiciaire, dès lors que cette mesure serait dépourvue de toute utilité et pertinence, les consorts [I]-[N] ayant pu intervenir sur les travaux qu’elle a réalisés et les modifier, et qu’ils n’ont en outre jamais fait état de désordres jusqu’à la présentation de la dernière facture, et l’ont évincée du chantier sans justification,
– que son appel est recevable, en ce qu’il vise à contester l’ordonnance du juge de la mise en état qui a rejeté les fins de non recevoir qu’elle avait soulevées, de sorte qu’elle n’avait pas à solliciter l’autorisation du premier président de la cour d’appel,
– que les rapports d’expertise unilatéraux et les témoignages produits par les consorts [I]-[N] n’apportent aucun élément nouveau et ne rapportent pas la preuve de l’imputabilité des désordres ; que le premier rapport du 27 mai 2022 a été établi avant l’achèvement des travaux qui lui étaient confiés et quinze jours après son éviction du chantier, sans qu’elle soit conviée à y participer, et est dénué de toute pertinence s’agissant des désordres listés ; que le rapport du 22 septembre 2023 ne décrit qu’un seul nouveau désordre, concernant un mur de clôture préexistant à son intervention et sur lequel elle n’a réalisé aucun travaux, ni à proximité, est unilatéral et réalisé plus d’un an après son intervention sur les lieux, sans la mentionner ni lui imputer les désordres relevés ; que le mur litigieux a en outre été démoli et remplacé par un mur de roches,
– qu’elle a produit son attestation de garantie décennale à la première demande des consorts [I]-[N] le 1er juillet 2022,
– qu’il n’est pas légitime de solliciter la désignation d’un expert judiciaire aux fins de constater l’absence de réalisation complète de prestations, alors qu’il est acquis que le chantier n’a pas été achevé, encore moins réceptionné, du seul fait des consorts [I]-[N], qui se sont opposés à sa poursuite.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 septembre 2024, auxquelles il est expressément fait référence, M. [X] [N] et Mme [E] [I], intimés, demandent à la cour de :
– juger irrecevable l’appel de l’EURL Pyrénées Jardin Concept,
En tout état de cause,
– rejeter les fins de non-recevoir soulevées par l’EURL Pyrénées Jardin Concept,
– confirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions,
– condamner l’EURL Pyrénées Jardin Concept à leur verser la somme de 1 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux entiers dépens de l’instance.
Au soutien de leurs demandes, ils font valoir :
– que l’appel de l’EURL Pyrénées Jardin Concept est irrecevable, dès lors qu’elle n’a pas sollicité l’autorisation du premier président de la cour d’appel à cette fin,
– que l’ordonnance de référé est une décision provisoire qui n’a pas autorité de chose jugée, de sorte que le juge de la mise en état pouvait statuer différemment sur une nouvelle demande d’expertise, d’autant qu’elle produit un élément nouveau, à savoir un rapport de visite réalisé par un expert judiciaire qui conforte les précédentes constatations, et que de nouveaux désordres imputables à l’EURL Pyrénées Jardin Concept sont apparus ; que l’expertise judiciaire a justement pour objet de rendre opposables ces éléments à l’EURL Pyrénées Jardin Concept,
– que le juge de la mise en état étant seul compétent jusqu’à son dessaisissement pour connaître d’une demande d’expertise, ils n’avait aucune autre alternative procédurale, ayant été assignés au fond par l’EURL Pyrénées Jardin Concept, pour solliciter une mesure d’investigation,
– qu’ils ont intérêt à demander une expertise judiciaire dès lors que la responsabilité contractuelle de l’EURL Pyrénées Jardin Concept est engagée compte tenu des malfaçons, désordres, inachèvements et apparition de nouveaux désordres mis en évidence par les deux rapports d’expertise et les témoignages des salariés de l’EURL Pyrénées Jardin Concept produits, et alors que celle-ci entend obtenir le paiement de travaux inachevés et non conformes, de sorte qu’il ne peut être statué en l’état sans qu’un expert judiciaire ne se prononce.
L’affaire a été fixée à l’audience du 16 octobre 2024 pour y être plaidée.
MOTIFS :
Sur la recevabilité de l’appel :
Conformément aux dispositions de l’article 795 du code de procédure civile les ordonnances du Juge de la mise en état ne peuvent être frappées d’appel ou de pourvoi en cassation qu’avec le jugement statuant sur le fond. Toutefois elles sont susceptibles d’appel dans les cas et conditions prévues en matière d’expertise ou de sursis à statuer.
Elles le sont également, dans les quinze jours à compter de leur signification, lorsque :
1° Elles statuent sur un incident mettant fin à l’instance, elles ont pour effet de mettre fin à celle-ci ou elles en constatent l’extinction ;
2° Elles statuent sur une exception de procédure ou une fin de non-recevoir. Lorsque la fin de non-recevoir a nécessité que soit tranchée au préalable une question de fond, l’appel peut porter sur cette question de fond ;
3° Elles ont trait aux mesures provisoires ordonnées en matière de divorce ou de séparation de corps ;
4° Dans le cas où le montant de la demande est supérieur au taux de compétence en dernier ressort, elles ont trait aux provisions qui peuvent être accordées au créancier au cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable »
L’article 272 du même code précise que :
‘La décision ordonnant l’expertise peut être frappée d’appel indépendamment du jugement sur le fond sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime.
La partie qui veut faire appel saisit le premier président qui statue selon la procédure accélérée au fond. L’assignation doit être délivrée dans le mois de la décision.
S’il fait droit à la demande, le premier président fixe le jour ou l’affaire sera examinée par la cour, laquelle est saisie et statue comme en matière de procédure a jour fixe ou comme il est dit à l’article 948 selon le cas.
Si le jugement ordonnant l’expertise s’est également prononcé sur la compétence, l’appel est formé, instruit et jugé selon les modalités prévues aux articles 83 à 89.’
En l’espèce, l’EURL PYRENEES Jardin Concept a relevé appel d’une ordonnance de mise en état ordonnant une mesure d’expertise, certes sans autorisation du Premier Président de la Cour d’appel, mais cette autorisation n’était pas nécessaire dans la mesure où l’ordonnance entreprise a également statué sur des fins de non-recevoir soulevées par l’EURL Pyrénées Jardin Concept.
L’appel interjeté par l’EURL Pyrénées Jardin Concept est donc recevable.
Sur la recevabilité de la demande d’expertise :
Il résulte des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile que :
‘S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.’
Ce texte vise les situations dans lesquelles aucune instance au fond n’a été engagée par la partie demanderesse à l’expertise, cette expertise étant destinée précisément à apporter des éléments à la partie demanderesse avant que celle-ci décide, au vu du rapport d’expertise, d’engager ou non une instance au fond.
C’est dans ce cadre que les Consorts [I]-[N] ont saisi le juge des référés d’une demande d’expertise, rejetée par ordonnance du 15 mars 2023, n’ayant pas fait l’objet d’un recours.
Dans le cadre de l’instance introduite au fond, les Consorts [I]-[N] ont ensuite saisi le juge de la mise en état d’une demande d’expertise, cette fois-ci sur le fondement des dispositions de l’article 146 du code de procédure civile selon lequel :
‘Une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l’allègue ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver.
En aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve’.
Le juge de la mise en état a fait droit à cette demande par l’ordonnance entreprise, que critique l’EURL Pyrénées Jardin Concept, estimant que l’ordonnance de référé s’y opposait et rendait la demande d’expertise irrecevable au regard de sa force de chose jugée.
Or, ainsi que l’a rappelé le juge de la mise en état, il résulte des dispositions de l’article 488 du code de procédure civile que ‘l’ordonnance de référé n’a pas, au principal, l’autorité de la chose jugée.
Elle ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu’en cas de circonstances nouvelles’.
L’ordonnance de référé est une décision provisoire, et le juge des référés doit se placer au jour où il se prononce pour apprécier les mérites de la demande, décider d’octroyer une mesure et en déterminer la nature.
Le rejet d’une demande d’expertise en référé, par une ordonnance n’ayant pas fait l’objet d’un recours, n’interdit nullement aux parties ayant ultérieurement saisi le juge du fond d’obtenir que cette mesure soit ordonnée dans le cadre des pouvoirs conférés au juge de la mise en état, cette fois-ci sur le fondement de l’article 146 du code de procédure civile et non plus l’article 145.
Par conséquent, les Consorts [I]-[N] sont recevables à solliciter du juge de la mise en état l’organisation d’une mesure d’expertise, nonobstant l’ordonnance de référé du 15 mars 2023 ; l’ordonnance entreprise sera confirmée sur ce point.
L’EURL Pyrénées Jardin Concept conteste également l’intérêt à agir des Consorts [I]-[N] en demande d’expertise, estimant que toute action au fond est vouée à l’échec ; or ainsi que l’a retenu le juge de la mise en état, le tribunal est saisi d’une demande de résiliation judiciaire du contrat liant les parties mais aussi d’une demande en paiement de facture, dont le bien fondé est contesté des Consorts [I]-[N] au regard de l’inachèvement des travaux ou de leur non conformité au devis, ce qui implique de s’interroger sur la réalité, la nature et la qualité des travaux par le biais de l’expertise.
La demande des Consorts [I]-[N] est donc également recevable au regard de leur intérêt à agir.
Sur la légitimité de la demande d’expertise :
L’EURL Pyrénées Jardin Concept estime que la mesure d’expertise sollicitée serait dépourvue de toute pertinence au motif que les Consorts [I]-[N] auraient pu intervenir sur les travaux qu’elle a réalisés et les modifier, et qu’ils n’avaient jamais fait état de désordres avant que leur soit présentée la dernière facture.
Or, l’EURL Pyrénées Jardin Concept n’apporte aux débats aucun élément permettant d’établir une intervention des Consorts [I]-[N] sur les prestations effectuées par l’EURL Pyrénées Jardin Concept à ce stade de la procédure, et il appartiendra à l’expert de déterminer la nature et l’origine des désordres ; par ailleurs les Consorts [I]-[N] produisent aux débats, outre un rapport amiable du 27 mai 2022 qui avait été produit en référé, un nouveau constat amiable du 22 septembre 2023 montrant de nouveaux désordres, et ces éléments unilatéraux rendent légitime l’organisation d’une mesure d’expertise au contradictoire de l’EURL Pyrénées Jardin Concept.
L’ordonnance du juge de la mise en état sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions.
L’EURL Pyrénées Jardin Concept, succombante en son recours, sera condamnée à en supporter les dépens et à payer aux Consorts [I]-[N] la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en appel.
La demande de l’EURL Pyrénées Jardin Concept au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
DECLARE recevable l’appel interjeté par l’EURL Pyrénées Jardin Concept,
CONFIRME l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
DEBOUTE l’EURL Pyrénées Jardin Concept de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE l’EURL Pyrénées Jardin Concept à payer à Mme [E] [I] et M. [X] [N] la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE l’EURL Pyrénées Jardin Concept aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Sylvie HAUGUEL Caroline FAURE
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