Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Cession de parts sociales : enjeux de la transparence financière et des compléments de prix.
→ RésuméLe 25 avril 2017, M. [P] [Y] et Mme [D] [H] ont vendu leurs parts de la société French Wine Associate Limited (FWA) et de sa filiale Wine Excellence (WES) à la société Dyhring Frères pour 150.000 euros, avec un complément de prix potentiel de 180.000 euros basé sur le chiffre d’affaires des deux entités pour 2017 et 2018. Après avoir reçu 150.000 euros et 65.000 euros pour 2017, un litige a éclaté concernant le paiement des compléments de prix et des allégations de pratiques commerciales irrégulières. M. [Y] et Mme [H] ont assigné Dyhring Frères et M. [X] devant le tribunal de commerce de Paris, demandant des sommes pour les compléments de prix, la perte de chance, des dommages-intérêts, et un déséquilibre significatif. Dyhring Frères a contesté les demandes, invoquant un dol et demandant des indemnités pour préjudice. Le tribunal a condamné Dyhring Frères à verser 81.375 euros à M. [Y] et Mme [H], tout en rejetant d’autres demandes. Dyhring Frères a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement, tandis que M. [Y] et Mme [H] ont également contesté certaines décisions. En appel, le tribunal a infirmé partiellement le jugement initial, condamnant Dyhring Frères à verser 53.000 euros pour le complément de prix de 2018 et 5.000 euros pour les frais de justice, tout en déboutant Dyhring Frères de sa demande d’indemnité procédurale.
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 8
ARRÊT DU 6 SEPTEMBRE 2024
(n° / 2024, 13 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00289 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CE5LH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 décembre 2021 -Tribunal de commerce de PARIS – RG n° 2019041821
APPELANTE
S.A.S. DYHRING FRÈRES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 814 542 353,
Dont le siège social est situé [Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Me Marie-Hélène DUJARDIN, avocate au barreau de PARIS, toque : D2153,
Assistée de Me Eric CHARLERY, avocat au barreau de PARIS, toque : P53,
INTIMÉS
Monsieur [P] [Y]
Né le [Date naissance 2] 1985 à [Localité 6]
De nationalité française
Demeurant [Adresse 3]
[Adresse 3]
Madame [D] [H]
Née le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 5]
De nationalité colombienne
Demeurant [Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentés par Me Nicolas DUVAL de la SELEURL NOUAL DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0493,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 juin 2023, en audience publique, devant la cour, composée de :
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,
Madame Constance LACHEZE, conseillère.
Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT dans le respect des conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
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FAITS ET PROCÉDURE:
Le 25 avril 2017, M.[P] [Y] et Mme [D] [H] ont cédé à la société Harcourt et Compagnie, devenue la société Dyhring Frères, représentée par M.[V] [X], l’intégralité des parts de la société French Wine Associate Limited (FWA), immatriculée à [Localité 7], qu’ils détenaient, et de sa filiale opérationnelle Wine Excellence [Localité 8] (WES), toutes deux spécialisées dans le négoce de vins français en Chine, pour le prix de 150.000 euros, payable en trois fois. Il était en outre prévu un complément de prix de 180.000 euros maximum, indexé sur le chiffre d’affaires que représentent les ventes de vins aux importateurs, consolidé des deux entités des exercices 2017 et 2018.
L’acquéreur a réglé la somme de 150.000euros au titre du prix de cession forfaitaire et celle de 65.000euros représentant une partie du complément du prix n°1 (2017).
Un litige est né entre les parties sur le règlement des compléments de prix et sur la découverte de pratiques commerciales irrégulières alléguées par la société cessionnaire qui a affirmé en outre avoir été trompée par les cédants sur la situation financière de l’entreprise qui était, selon ses dires, très dégradée.
Par actes des 26 juin 2019 et 1er juillet 2019, M.[Y] et Mme [H] ont fait assigner M.[V] [X] et la SAS Dyhring Frères devant le tribunal de commerce de Paris afin de les voir pour l’essentiel condamnés solidairement à leur payer la somme de 105.000 euros au titre des compléments de prix avec intérêts au taux légal depuis le 12 novembre 2018, la somme de 50.000 euros au titre de la perte de chance, celle de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts compensatoires, 20.000 euros au titre du déséquilibre significatif et 336,07euros à titre de dommages-intérêts moratoires .
La société Dyhring Frères et M.[X] ont soulevé l’irrecevabilité des demandes formées contre M.[X], argué de l’existence d’un dol et conclu au débouté des demandes et à la condamnation des cédants à leur payer 70.000 euros à titre d’indemnité réparant le préjudice résultant des manoeuvres dolosives, 65.000 euros au titre de la restitution du complément de prix réglé pour l’exercice 2017 assortie de l’intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2020, ainsi que 10.000 euros pour procédure abusive.
Par jugement en date du 17 décembre 2021 assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a jugé bien fondée la fin de non recevoir soulevée par M.[X] et mis celui-ci hors de cause, a condamné la société Dyrhing Frères à verser à M.[Y] et Mme [H] les sommes de 81.375 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2018 sur la somme de 35.000 euros et à compter du 31 janvier 2019 sur la somme de 46.375euros jusqu’à la date de la décision, 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté toute autre demande et condamné la société Dyhring Frères aux dépens.
Pour statuer comme il l’a fait, le tribunal a :
– sur le complément de prix au titre de 2017, dit qu’il résultait du courrier des défendeurs du 12 novembre 2018, que le chiffre d’affaires au titre de l’exercice 2017 s’élevait à 1.603.686 euros, et était donc supérieur au montant prévu à l’acte de cession, que les défendeurs, qui invoquent le dol mais sollicitent uniquement des dommages-intérêts, en refusant de verser les 35.000euros restant dus au titre du complément de prix, tentaient de se faire justice à eux mêmes alors que les demandeurs détenaient au titre du complément de prix 2017 contractuellement prévu une créance certaine, liquide, exigible d’un montant de 35.000 euros
– sur le complément de prix au titre de 2018, que les vendeurs échouaient à démontrer le montant du chiffre d’affaires 2018 sur lequel ils fondent leurs prétentions, que les défendeurs reconnaissent dans leurs conclusions que le chiffre d’affaires 2018 s’élève à 795.000 euros, qu’ainsi selon la formule prévue au contrat de cession, le complément de prix dû est de 46.375 euros,
– sur le dol, que la situation nette négative d’un montant de 24.860euros non reflétée dans les comptes figurant dans le contrat de cession est principalement due à la prise en compte d’une dette de salaire de la société envers son président, M.[Y], pour un montant de 89.189 euros dont ce dernier a renoncé à réclamer le paiement et qu’ainsi les défendeurs ne démontrent pas le préjudice qu’ils subissent, que de même ils allèguent des pratiques irrégulières dans la gestion de l’entreprise cédée et le caractère illicite des conditions dans lesquelles l’activité est exercée mais ne démontrent pas le préjudice subi, de sorte que les acquéreurs échouaient à apporter la preuve qui leur incombe que les manoeuvres dolosives alléguées leur avaient causé un préjudice dont ils devraient être indemnisés, et qu’il n’était en conséquence nul besoin d’examiner si les éléments permettant de caractériser les manoeuvres dolosives alléguées étaient réunis,
– sur la perte de chance, que les demandeurs ne démontraient pas avoir eu la possibilité de céder leur société dans de meilleures conditions et donc d’obtenir le paiement des compléments de prix dans les délais prévus au contrat de cession, les intérêts moratoires au taux légal indemnisant le retard de paiement des compléments de prix,
– sur le déséquilibre significatif, que les cédants n’établissaient pas que le comportement des acquéreurs relatif au second complément de prix leur avait causé un préjudice autre que celui réparé par la condamnation des acquéreurs à le payer, outre intérêts moratoires,
– sur la demande de dommages-intérêts compensatoires et moratoires, que les vendeurs ne démontraient pas, pour la première, que l’inexécution par les acquéreurs de leurs obligations contractuelles leur avait causé un préjudice autre que celui qui aura été réparé par la condamnation des acquéreurs au versement des compléments de prix outre intérêts moratoires, que la seconde demande faisait double emploi avec les intérêts au taux légal dont il a assorti la condamnation au réglement des compléments de prix.
Par déclaration du 24 décembre 2021, la SAS Dyhring Frères a interjeté appel de ce jugement en intimant M.[Y] et Mme [H].
Par conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 18 février 2022, la SAS Dyhring Frères demande à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions la condamnant et rejetant les demandes en paiement qu’elle a formées à l’encontre des cédants, le confirmer pour le surplus, en ce qu’il a débouté M.[Y] et Mme [H] d’une partie de leurs demandes, statuant à nouveau, condamner M.[Y] et Mme [H], solidairement ou à tout le moins in solidum, à lui payer les sommes suivantes:
– 70.000 euros à titre de réduction du prix de cession des parts sociales représentant l’intégralité du capital de la société French Wine Associate Limited,
– 65.000 euros au titre de la restitution du complément de prix pour l’exercice 2017 assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2020,
-10.000 euros pour procédure abusive,
-15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement de tous dépens,
et débouter M.[F] et Mme [H] de toutes leurs demandes.
Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 7 juin 2022, M.[Y] et Mme [H] demandent à la cour:
– sur les compléments de prix pour 2017 et 2018, de confirmer le jugement ce qu’il a condamné les appelants (sic) à payer intégralement l’earn-out 2017 et les a condamnés au paiement de l’earn-out 2, mais l’infirmer sur le montant attribué au titre du complément de prix de 2018,
-sur l’application de l’article du 12 du contrat de cession, de confirmer le jugement en ce qu’il a retenu que M.[X] sera effectivement responsable du paiement des causes de la condamnation par application de l’article 12 du contrat signé,
– sur les demandes de condamnation au titre de la perte de chance et à titre de dommages et intérêts compensatoires, d’infirmer le jugement les ayant déboutés de leur demande de condamnation en paiement de la somme de 50.000 euros au titre de la perte de chance et de celle de 10.000 euros pour les dommages et intérêts compensatoires en conséquence et statuant à nouveau, juger que la garantie solidaire de M.[X] sera acquise dans les conditions de l’article 12 du contrat signé, condamner la société Dyrhing à leur payer la somme de 70.000 euros au titre du complément de prix de 2018, la condamner à leur payer 50.000 euros au titre de la perte de chance, 10.000 euros à titre de dommages et intérêts compensatoires, et celle de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en sus de celle déjà allouée en première instance et de la condamner aux entiers dépens.
Par ordonnance du 11 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a débouté M.[Y] et Mme [H] de leur demande de radiation de l’appel interjeté par la société Dyrhing Frères du rôle des affaires de la cour, débouté les parties de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et laissé les dépens de l’incident à la charge de M. [Y] et de Mme [H].
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Dyhring Frères à payer aux cédants la somme de 46.375euros au titre du complément de prix pour l’année 2018, le confirme pour le surplus,
Statuant du chef infirmé et y ajoutant,
Condamne la société Dyhring Frères à payer la somme de 53.000 euros à M.[P] [Y] et Mme [D] [H], au titre du complément de prix n°2 pour l’année 2018,
Condamne la société Dyhring Frères à payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à M.[Y] et Mme [H], pris ensemble,
Déboute la société Dyhring Frères de sa demande en paiement d’une indemnité procédurale,
Condamne la société Dyhring Frères aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La greffière,
Liselotte FENOUIL
La présidente,
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT
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