Cour d’appel de Paris, 3 avril 2025, RG n° 24/12607
Cour d’appel de Paris, 3 avril 2025, RG n° 24/12607

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Conflit de gestion au sein d’une société civile immobilière.

Résumé

Une associée minoritaire détient 0,01 % des parts sociales de la société civile immobilière Conseiller Collignon Land Company (CCLC). La société Cerner France a acquis, par vente forcée, les 99,99 % de parts sociales détenues par l’ancien gérant de la société. Suite à cette vente, un mandataire ad hoc a été désigné pour convoquer une assemblée générale, qui a eu lieu le 30 septembre 2022, et a abouti à la nomination d’un nouveau gérant. L’associée minoritaire a contesté cette décision par un recours.

Une nouvelle assemblée générale a été convoquée par le nouveau gérant pour décider de la vente d’un bien immobilier appartenant à la société. En mars 2023, l’ordonnance initiale a été rétractée, et la société Cerner France a demandé la désignation d’un mandataire ad hoc pour convoquer une nouvelle assemblée. Par jugement du 22 juin 2023, la demande a été acceptée, et une assemblée générale s’est tenue le 20 juillet 2023, entraînant la révocation de l’ancien gérant et la confirmation du nouveau.

L’associée minoritaire a interjeté appel de cette décision. Une assemblée générale extraordinaire a été convoquée pour autoriser la vente du bien immobilier. Invoquant un dommage imminent, l’associée a assigné la société CCLC en référé pour suspendre les effets des décisions prises lors de cette assemblée. Le juge des référés a rejeté sa demande, déclarant l’associée recevable mais n’ayant pas lieu à référé sur la mesure conservatoire.

L’associée a de nouveau fait appel, demandant l’infirmation de certaines décisions. La société CCLC a également demandé la rectification d’erreurs matérielles dans l’ordonnance. En appel, il a été jugé que la mesure conservatoire n’avait plus d’objet, et la décision de vente prise par l’assemblée générale était valide. L’associée a été condamnée à payer des dommages-intérêts pour action abusive, et les dépens ont été mis à sa charge.

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRÊT DU 03 AVRIL 2025

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/12607 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CJXXC

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 19 Juin 2024 -Président du TJ de PARIS – RG n° 23/57732

APPELANTE

Mme [L] [C] épouse [Z]

[Adresse 5],

[Localité 3] (EMIRATS ARABES UNIS)

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Ayant pour avocat plaidant Me Benoît CHABERT, avocat au barreau de PARIS, toque : A39

INTIMÉE

S.C.I. SOCIÉTÉ CONSEILLER COLLIGNON LAND COMPANY, RCS de Paris sous le n°445 343 528, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphane BONIFASSI, avocat au barreau de PARIS, toque : A619

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 20 Février 2025 en audience publique, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre chargée du rapport et Laurent NAJEM, Conseiller, conformément aux articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Mme [C] détient 0,01% des parts sociales de la société civile immobilière Conseiller Collignon Land Company (la société CCLC). La société Cerner France a acquis le 2 juin 2022 par vente forcée les 99,99 % de parts sociales qui étaient détenues par M. [H] [K], époux de Mme [C].

La société CCLC détient un bien immobilier situé [Adresse 1] à [Localité 4].

A la suite de la vente forcée des parts sociales de M. [H] [K], alors gérant de la société CCLC, à la société Cerner France, en l’absence d’accomplissement des formalités nécessaires, un mandataire ad hoc a été désigné par ordonnance sur requête du 18 août 2022 pour convoquer une assemblée générale des associés. L’assemblée générale s’est tenue le 30 septembre 2022, désignant un nouveau gérant, M. [X], modifiant les statuts et les actes ont été publiés.

Mme [C] a exercé un recours contre l’ordonnance sur requête du 18 août 2022.

Une nouvelle assemblée générale a été convoquée par M. [X] pour le 18 octobre 2022, date à laquelle il a été décidé de procéder à la vente du bien immobilier.

Le 9 mars 2023, l’ordonnance sur requête du 18 août 2022 a été rétractée.

La société Cerner France a alors saisi le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant selon la procédure accélérée au fond, aux fins de désignation d’un mandataire ad hoc ayant pour mission de convoquer une assemblée générale afin de nommer un nouveau gérant.

Par jugement du 22 juin 2023, i1 a été fait droit à la demande de désignation d’un mandataire ad hoc qui a convoqué une nouvelle assemblée générale qui s’est tenue le 20 juillet 2023.

M. [H] [K] a été révoqué et M. [X] a été désigné en qualité de gérant de la société CCLC.

Mme [C] a fait appel de cette décision.

Une nouvelle assemblée générale extraordinaire a été convoquée pour le 4 septembre 2023 autorisant à nouveau le gérant à procéder à la vente du bien immobilier dont la société CCLC est propriétaire.

Invoquant un dommage imminent, par acte du 9 octobre 2023 Mme [C] a fait assigner la société CCLC devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, aux fins de voir ordonner la suspension des effets des décisions prises par l’assemblée générale extraordinaire de la société CCLC le 4 septembre 2023 dans l’attente de la décision définitive à intervenir concernant la gérance de la société CCLC.

Par ordonnance du 19 juin 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

Rejeté la demande de sursis à statuer,

Déclaré Mme [C] recevable en ses demandes,

Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de mesure conservatoire,

Rejeté la demande de dommages-intérêts de la société Cerner France,

Déclaré la société Cerner France irrecevable en sa demande tendant à la condamnation de Mme [C] au paiement d’une amende civile,

Condamné Mme [C] à payer à la société Cerner France la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamné Mme [C] aux dépens de l’instance,

Rappelé que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de plein droit.

Par déclaration du 9 juillet 2024, Mme [C] a interjeté appel de cette décision en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de mesure conservatoire, condamné Mme [C] à payer à la société Cerner France la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, condamné Mme [C] aux dépens de l’instance.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 29 novembre 2024, Mme [C] demande à la cour, au visa des articles 6, 8, 13 de la Convention européenne des droits de l’Homme, 1er du premier protocole additionnel de cette même Convention, 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, 545 et 835 alinéa 1er du code de procédure civile, de :

D’une part,

Infirmer l’ordonnance de référé rendue le 19 juin 2024 en ce qu’elle a :

Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de mesure conservatoire ;

Condamné Mme [C] à payer à la société Cerner France la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné Mme [C] aux dépens de l’instance ;

Statuant à nouveau,

Ordonner la suspension des effets des décisions prises par l’assemblée générale extraordinaire de la société Conseiller Collignon Land Company le 4 septembre 2023 dans l’attente de la décision définitive à intervenir concernant la gérance de la société Conseiller Collignon Land Company ;

Condamner la société Conseiller Collignon Land Company à verser à Mme [C], épouse [Z], la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Conseiller Collignon Land Company aux entiers dépens ;

Débouter la société Conseiller Collignon Land Company de ses plus amples demandes, fins et prétentions contraires ;

D’autre part,

Confirmer l’ordonnance entreprise sur le surplus.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 22 janvier 2025, la société Conseiller Collignon Land Company demande à la cour, de :

In limine litis,

Rectifier des erreurs matérielles entachant l’ordonnance rendue le 19 juin 2024. Il y a lieu à rectification de ladite ordonnance en ces termes :

« Rejetons la demande de dommages-intérêts de la société civile immobilier Conseiller Collignon Land Company,

Déclarons la société civile immobilier Conseiller Collignon Land Company irrecevable en sa demande tendant à la condamnation de Mme [C] au paiement d’une amende civile,

Condamnons Mme [C] à payer à la société Conseiller Collignon Land Company la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ».

Ensuite, d’une part et en tenant compte de la rectification des erreurs matérielles précitée,

Confirmer l’ordonnance de référé rendue le 19 juin 2024 en ce qu’elle a :

Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de mesure conservatoire de Mme [C] ;

D’autre part,

Infirmer l’ordonnance de référé rendue le 19 juin 2024 en ce qu’elle a :

Déclaré Mme [C], recevable en ses demandes ;

Rejeté la demande de dommages-intérêts de la société Conseiller Collignon Land Company ;

Déclaré la société Conseiller Collignon Land Company irrecevable en sa demande tendant à la condamnation de Mme [C], au paiement d’une amende civile ;

Condamné Mme [C], à payer à la société Conseiller Collignon Land Company la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné Mme [C], à payer les entiers dépens de l’instance ;

Statuant à nouveau,

Juger que la présente instance n’a plus d’objet depuis l’arrêt du 3 décembre 2024 rendu par la cour d’appel de Paris ;

Juger que l’assemblée générale du 4 septembre 2024 (sic) n’entraîne aucun dommage imminent pour Mme [C] ;

Juger qu’il n’y a pas lieu à référé sur la demande de mesure conservatoire ;

Débouter Mme [C], de toutes ses demandes, fins, et prétentions ;

Condamner Mme [C], au paiement d’une amende civile pour procédure abusive dont la cour appréciera le montant ;

Condamner Mme [C], au paiement de la somme de 10.000 euros à la société Conseiller Collignon Land Company au titre de dommages et intérêts en raison de la procédure abusive diligentée contre la société Conseiller Collignon Land Company et lui causant préjudice ;

Condamner Mme [C], au paiement de la somme de 10.000 euros à la société Conseiller Collignon Land Company au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 4 février 2025.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Rectifie l’erreur matérielle contenue dans le dispositif de l’ordonnance entreprise et dit qu’à la place de la société Cerner France il faut lire la société Conseiller Collignon Land Company,

Confirme l’ordonnance entreprise, sauf en ce qu’elle a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Conseiller Collignon Land Company,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne Mme [C] à payer à la société Conseiller Collignon Land Company, à titre de provision, la somme de 5.000 euros pour action abusive,

Y ajoutant,

Condamne Mme [C] aux dépens de l’instance d’appel et à payer à la société Conseiller Collignon Land Company la somme de 8.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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