Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Résiliation de bail et nullité d’assignation pour vice de forme.
→ RésuméPar acte sous seing privé du 1er mars 2017, une société a consenti à un locataire un bail pour un appartement. Le 23 juin 2022, le tribunal de proximité a constaté la résiliation du bail en raison de l’inexécution des obligations locatives par le locataire, ordonnant la libération de l’appartement et condamnant le locataire à verser des arriérés de loyers à la société. Ce jugement a été signifié le 2 août 2022. Le locataire a formé appel, mais la cour d’appel a déclaré la déclaration d’appel caduque.
Le 5 août 2022, l’épouse du locataire a déposé une assignation en tierce-opposition pour contester la décision, demandant sa suspension, sauf pour l’injonction de remise des quittances. En octobre 2023, le couple a été expulsé. Le 10 novembre 2023, le locataire a assigné la société devant le juge de l’exécution pour la liquidation de l’astreinte fixée par le jugement de juin 2022. Cependant, le juge a annulé cette assignation pour vice de forme, déclarant irrecevables les demandes du locataire et le condamnant à verser des frais à la société. Le locataire a fait appel de cette décision le 22 mai 2024. Dans ses conclusions, il a demandé l’infirmation du jugement et la condamnation de la société à lui verser des sommes importantes, justifiant ses demandes par des retards dans la transmission des quittances et des procédures multiples engagées contre la société. En réponse, la société a demandé la confirmation du jugement, arguant que le locataire avait délibérément omis de communiquer son adresse réelle, ce qui avait entravé l’exécution des décisions de justice. La cour a confirmé le jugement initial, rejetant les demandes du locataire et le condamnant aux dépens, tout en allouant des frais à la société. |
RÉPUBLIQUE FRAN’AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN’AIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 10
ARRÊT DU 03 AVRIL 2025
(n° 195 , 2 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/09496 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CJPGM
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Avril 2024-Juge de l’exécution de Bobigny- RG n° 23/10903
APPELANT
Monsieur [X] [S]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me François LAMBERT, avocat au barreau de PARIS
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro c750562024014514 du 23/09/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMÉE
S.A.R.L. [8]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Eric VIGY, avocat au barreau de PARIS, toque : C0109
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Mars 2025, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Valérie Distinguin, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bénédicte Pruvost, président
Madame Catherine Lefort, conseiller
Madame Valérie Distinguin, conseiller
GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire Grospellier
ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte Pruvost, président et par Monsieur Grégoire Grospellier, greffier, présent lors de la mise à disposition.
Par acte sous seing privé du 1er mars 2017, la Sarl [8] a consenti à M. [X] [S] un bail portant sur un appartement situé [Adresse 1].
Par jugement du 23 juin 2022, signifié le 2 août suivant, le tribunal de proximité de Juvisy-sur-Orge a notamment :
– constaté que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire étaient réunies à la date du 16 décembre 2020 ;
– constaté en conséquence la résiliation de plein droit du bail précité et ordonné la libération de l’appartement ;
– condamné M. [S] à verser à la société [8] la somme de 10 451 euros, échéance du mois de mars 2022 incluse, décompte arrêté le 24 mars 2022, au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation, outre les intérêts légaux à compter du 15 octobre 2020, date du commandement de payer.
– fait injonction à la bailleresse de remettre à M. [S] les quittances de loyers acquittées, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter de l’expiration du délai d’un mois suivant la signification du jugement.
M. [S] a formé appel de cette décision devant la cour d’appel de Paris, qui a prononcé la caducité de la déclaration d’appel par ordonnance du 20 mars 2023.
Par assignation en tierce-opposition délivrée le 5 août 2022 à la société [8], Mme [U] [M], épouse [S], a sollicité du tribunal de proximité de Juvisy-sur-Orge la suspension et la réformation de la décision précitée en toutes ses dispositions, sauf s’agissant de l’injonction.
Les époux [S] ont été expulsés au mois d’octobre 2023.
Par acte du 10 novembre 2023, M. [S] a fait assigner la société [8] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de liquidation de l’astreinte fixée par le jugement du 23 juin 2022.
Par jugement du 24 avril 2024, le juge de l’exécution a :
– fait droit à l’exception de nullité soulevée par la société [8] et déclaré nulle l’assignation du 10 novembre 2023 ;
En conséquence,
– déclaré irrecevables les demandes de M. [S] ;
– condamné M. [S] à verser à la société [8] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté M. [S] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [S] aux entiers dépens.
Pour statuer ainsi, le juge a retenu que l’assignation délivrée par M. [S] ne contenait pas l’indication de son domicile, sans que cette omission ne soit régularisée ; que M. [S] était un débiteur de mauvaise foi, qui refusait d’exécuter la décision du tribunal de proximité du 23 juin 2022 ; que la dissimulation par le demandeur de son adresse réelle faisait obstacle à certaines mesures d’exécution forcée initiées par la bailleresse, de sorte que le grief allégué était réel, l’ignorance par le créancier du domicile effectif de son débiteur, qui conteste une mesure d’exécution forcée, limitant les possibilités d’exécuter les décisions de justice rendues à son profit.
Au surplus, il a relevé que M. [S] n’avait jamais fait signifier à la bailleresse la décision dont il sollicitait l’exécution, peu important qu’elle ait été destinataire par la suite, d’une assignation en tierce-opposition délivrée par l’épouse du demandeur.
Par déclaration du 22 mai 2024, M. [S] a formé appel de cette décision.
Par conclusions du 28 janvier 2025, M. [S] demande à la cour d’appel de :
– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
– condamner la société [8] à lui payer la somme de 970.750 euros au titre de la liquidation de l’astreinte fixée par le jugement du 23 juin 2022 pour la période du 03/09/2022 au 10/01/2024,
– condamner la société [8] à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
– condamner la société [8] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société [8] aux dépens.
Il explique tout d’abord que contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, l’assignation dont la nullité a été prononcée a été rédigée quelques jours après son expulsion, raison pour laquelle elle contenait l’adresse de son conseil ; qu’après son expulsion, il a été temporairement logé par la mairie d'[Localité 7] à une adresse communiquée par la suite dans deux jeux de conclusions transmis les 18 et 19 mars 2024, ce qui constitue une régularisation et démontre que l’intimée avait connaissance de sa nouvelle adresse ; que c’est en raison du silence gardé par l’intimée à la suite de l’assignation qu’il a attendu le dernier moment pour communiquer les éléments nouveaux dont son adresse. Il considère que l’intimée ne démontre pas que la méconnaissance de son adresse lui ait causé un grief, ni en quoi le fait qu’il soit domicilié chez son conseil lui ait causé un préjudice, puisqu’elle a été en mesure de se défendre et que l’exécution du jugement du 23 juin 2022, qui ne concerne pas la décision entreprise, n’a pas été empêchée, le bailleur n’ayant plus d’actes à lui transmettre.
Ensuite, il justifie le montant sollicité au titre de la liquidation de l’astreinte par la tardiveté avec laquelle l’intimée a commencé à lui transmettre les quittances objet de l’injonction du juge, dont il n’a reçu l’intégralité que le 10 janvier 2024.
Par ailleurs, il motive sa demande de dommages-intérêts par les multiples procédures qu’il a dû engager à l’encontre de l’intimée, en précisant que celle-ci a les moyens de régler la somme sollicitée.
Par conclusions du 17 février 2025, la société [8] demande à la cour d’appel de :
– confirmer en toutes ses dispositions la décision déférée ;
A titre subsidiaire,
– prononcer la nullité de la signification du jugement rendu le 23 juin 2022 par le tribunal de proximité de Juvisy-sur-Orge ;
– juger que cette signification lui est en tout état de cause, inopposable ;
A titre infiniment subsidiaire,
– débouter M. [S] de sa demande de fixation de l’astreinte à hauteur de la somme de 970 750 euros ;
– fixer le montant de l’astreinte en tenant compte des éléments de l’espèce ;
– débouter M. [S] de sa demande de dommages-intérêts et de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [S] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de la présente procédure qui pourront être recouvrés par Me Vigy, avocat à la cour.
A titre principal, elle soutient que M. [S] a délibérément refusé de satisfaire à son obligation en paiement des condamnations prononcées par le jugement du 23 juin 2022, souhaitant faire exécuter la seule disposition qui lui est favorable ; que l’assignation devant le premier juge contenait une adresse qui n’était pas celle de l’appelant puisqu’il s’agissait de celle de son conseil, alors que l’appelant avait quitté les lieux depuis près d’un mois ; que ce n’est que par le truchement de conclusions portées à sa connaissance l’avant-veille de l’audience devant le juge de l’exécution qu’elle a eu connaissance d’une adresse temporaire de M. [S]. Elle en conclut que l’information manifestement erronée de l’adresse prétendue de M. [S] constitue une violation de l’article 54 du code de procédure civile, entraînant la nullité de l’acte pour vice de forme, expliquant que son préjudice est constitué par le fait qu’elle s’est trouvée assignée devant une juridiction pour faire exécuter une injonction mise à sa charge, sans pouvoir, de son côté, faire exécuter les dispositions du jugement qui lui étaient favorables.
A titre subsidiaire, elle fait valoir que le jugement du 23 juin 2022 ne lui a jamais été signifié ; que la mention de cette signification dans l’assignation en tierce-opposition de Mme [S], qui n’était pas partie à cette instance, ne peut couvrir l’absence de signification à son égard ; qu’en tout état de cause, si cette signification était jugée valable, elle ne lui serait pas opposable puisque seul M. [S] pouvait y procéder.
A titre infiniment subsidiaire, elle explique que M. [S] a formulé sa demande pour la première fois devant le juge de l’exécution sans préciser les quittances dont il sollicitait la transmission ; que dans le cadre d’autre débats, les époux [S] ont eux-mêmes communiqué des quittances prétendument manquantes ; qu’elle a, au 12 janvier 2024, satisfait à l’injonction prononcée à son encontre et que le retard dans l’exécution de l’injonction est justifiée à la fois par un ensemble hétéroclite de règlements de la part des époux [S] et par le fait que les 44 quittances réclamées ne correspondent pas à la réalité, ceux-ci ne pouvant demander les quittances au-delà de la date à laquelle l’injonction a été fixée.
A titre encore plus subsidiaire, elle s’oppose fermement à la demande de dommages-intérêts formée par l’appelant en invoquant l’esprit de lucre de ce dernier qui n’exécute pas lui-même les obligations mises à sa charge.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne M. [X] [S] à payer à la Sarl [8] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. [X] [S] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [X] [S] aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés par Me Vigy, avocat à la cour, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,
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